Discours du Président du Sénat, M. Gérard Larcher,
pour l’inauguration du Salon francophone du Livre
Beyrouth, le 23 octobre 2015
Monsieur le Ministre de la Culture,
Monseigneur le Nonce,
Mesdames et Messieurs les Ambassadeurs,
Chers amis,
C'est avec plaisir et reconnaissance pour l'honneur qui m’est conféré, que je prends la parole devant vous, à l’occasion de l’inauguration du Salon francophone du Livre de Beyrouth.
Avec plaisir, oui, parce que ce Salon est une belle idée, devenue succès : en témoigne le nombre de visiteurs qui croît chaque année. Le Salon francophone du Livre manifeste la vitalité du monde de l'édition libanais ; la vitalité des libraires envers et contre tout, qu'il faut, dans un monde toujours plus numérisé, soutenir davantage ; la vitalité de tous les acteurs qui favorisent les échanges entre les littératures francophones, et je tiens à saluer particulièrement à cet égard le Président du syndicat des importateurs de livres.
Votre Salon manifeste aussi la créativité des auteurs, sans lesquels rien de ce qui nous entoure ne serait possible. Il est tout à la fois un lieu de débats et d’expressions, de rencontres et d'émulation intellectuelle. C'est votre abbaye de Thélème, passée de l'utopie à la réalité.
Oui, je suis heureux, avec mes collègues Sénateurs, d’être parmi vous, parce que ce Salon est celui de la création francophone. Non que la francophonie soit un pré carré ou un lieu d'exclusion. Au contraire : la francophonie est par essence un monde ouvert, qui reçoit, qui partage, qui accueille.
J'ai relevé avec intérêt, dans le programme, que vous aurez avec les éditeurs arabophones libanais des échanges sur la traduction, de l’arabe vers le français et du français vers l’arabe. Réfléchir dans la langue de l’un et de l’autre, c'est la promesse de mieux se comprendre. Faire dialoguer les langues, c’est aussi partager la culture de l’autre : ce n’est pas aux Libanais que je rappellerai combien le partage des cultures est le gage du vivre-ensemble et de la paix.
Cette édition du Salon 2015 est consacrée aux « Libres livres ». Dans l’allitération « Libres livres », on entend « Vivre libre ». Et ce n'est sans doute pas un hasard. Le livre est un espace de liberté pour son auteur, pour le lecteur qui le reçoit et l'interprète, pour la société tout entière qui le façonne et le fait vivre. Le livre s'adresse à tous, quelle que soit son origine sociale, son histoire, sa communauté ou sa confession : pensez à ce que doivent la Renaissance européenne, la naissance de l’esprit critique moderne, à l'invention de l’imprimerie et à la Bible de Gutenberg, le premier livre imprimé. C'est parce que le Liban est un pays libre, un espace de liberté qui n’existe nulle part ailleurs dans cette région, qu'il a su faire vivre un Salon comme celui du livre francophone.
Avez-vous remarqué que les terroristes, comme les tenants des totalitarismes, n’écrivent pas de livres ? Ils brûlent les livres des autres, comme ils détruisent le patrimoine et broient les hommes. Ils ont peur des livres. Ce Salon est un manifeste de la liberté. C'est aussi une réponse citoyenne au terrorisme qui embrase la région. Le livre est indissociable de la démocratie et de la liberté.
Vous me permettrez de m’arrêter un instant sur un ouvrage qui est présenté dans le cadre du Salon : Le Chêne et le Cèdre, De Gaulle et le Liban, Les libanais et de Gaulle, ouvrage collectif publié sous la direction de Clotilde de Fouchécour et de Karim Emile Bitar. Ce livre, c'est l’histoire de l'amour d’un homme pour votre pays, d’un homme épris du Liban comme il s'était pris de passion pour la France. Je serai, le 9 novembre, à Colombey-les-Deux-Églises pour la cérémonie commémorant la mort du Général de Gaulle. Les grands cèdres du Liban dans le cimetière de Colombey démontrent que cet amour ne s’est pas achevé avec la disparition du Général.
Le Général de Gaulle était aussi un homme de livres. Il y en avait en lui la conviction, d'ailleurs ancrée dans la tradition littéraire française depuis le XVIIe siècle – tournons-nous vers Corneille, que le verbe était action.
C'est exact : la parole peut transformer le monde, et le livre peut changer le cours des choses. Contrairement à ce que l’on pense généralement, les hommes d’action sont souvent aussi des écrivains ou de grands lecteurs.
Comment expliquer, sans ses lectures accumulées depuis l’enfance, la force de conviction que le Général de Gaulle a su maintenir, alors que tout en France s'effondrait ? Sa culture fut pour lui un refuge, une force, une vision pour l’avenir. C’est à partir de ses lectures et des réflexions qu’elles ont engendrées qu'il a forgé sa conception d’institutions solides, d’un État arbitre de l’intérêt général, à l'indépendance revendiquée. C'est en cela que son legs dépasse sa personne et la France même, et trouve hors de nos frontières une résonance singulière.
Mesdames et Messieurs, chers amis de France et du Liban,
Je forme des vœux de succès pour cette 22ème édition du Salon francophone du Livre de Beyrouth. Je lui souhaite longue vie encore, pour nous donner la force d’aller de l’avant, libres, sans crainte pour affronter les périls.
Léopold Sédar Senghor écrivait : « Divers de traits, de costumes, de coutumes, de langues ; mais au fond des yeux, la même mélopée de souffrances à l’ombre de longs cils fiévreux. » Ici à Beyrouth, Beyrouth, ville éprise de culture, Beyrouth, symbole de diversité et de renaissance, Beyrouth qui doit rester cette capitale de la liberté, transformons la triste mélopée en chant d’espérance et de confiance pour l’avenir.
Vive le Salon du livre francophone de Beyrouth ! Vive la Francophonie !