COM(2024) 159 final
du 08/04/2024
Contrôle de subsidiarité (article 88-6 de la Constitution)
PROPOSITION DE DÉCISION DU PARLEMENT EUROPÉEN ET DU CONSEIL PORTANT ATTRIBUTION D'UNE ASSISTANCE MACROFINANCIÈRE AU ROYAUME HACHÉMITE DE JORDANIE - COM(2024) 159 FINAL
Le contexte : la situation économique et financière jordanienne
La situation économique et financière de la Jordanie est préoccupante : la croissance économique, qui est restée stable ces dernières années, quoique relativement faible (par rapport à celle des homologues régionaux), ne devrait se redresser que lentement. Après s'être contracté pendant la pandémie de COVID-19, le PIB a renoué avec une croissance de 2,2 % en 2021 et de 2,5 % en 2022 ; les prévisions de croissance pour 2023 ont été légèrement revues à la baisse à 2,6 % après le déclenchement de la guerre Israël-Gaza au quatrième trimestre. Les secteurs qui ont le plus contribué à la croissance économique en 2023 ont été l'agriculture, l'industrie manufacturière, le tourisme et l'exploitation minière, ce qui témoigne du rôle important que ces secteurs conservent dans l'économie, mais aussi d'un rebond du tourisme.
La croissance économique n'a pas été suffisamment forte pour faire baisser le niveau considérable du chômage. Réduire le taux de chômage traditionnellement élevé et accroître la participation au marché du travail constituent des défis structurels importants en Jordanie.
En 2023, le taux de chômage a légèrement diminué pour s'établir à 22,3 % au troisième trimestre (22,9 % en 2022). Il reste élevé, en particulier chez les femmes, les jeunes et les diplômés universitaires, le taux de participation des femmes au marché du travail (environ 14 % en 2023) étant l'un des plus faibles du monde.
La situation budgétaire reste difficile, le déficit étant structurellement élevé du fait d'une assiette fiscale étroite (mobilisation de recettes fiscales nationales à 16 % du PIB, contre 23,3 % du PIB pour la Tunisie et 21,4 % du PIB pour le Maroc), ce qui alimente la dette, dont le niveau est déjà élevé.
Le déficit budgétaire a atteint 5,1 % sur les huit premiers mois de 2023 (4,6 % du PIB en 2022), ce qui correspond plus ou moins au déficit budgétaire moyen des cinq dernières années. Les recettes du secteur public des huit premiers mois ont augmenté de 5,4 % par rapport à la même période de l'année précédente, sous l'effet d'une amélioration de la collecte des impôts sur les revenus et des impôts sur les bénéfices.
Les dépenses totales ont augmenté de 2,9 %, tirées vers le haut par l'augmentation des paiements d'intérêts, des dépenses militaires et des rémunérations des salariés du secteur civil. En avril 2023, la Jordanie a placé avec succès une émission de 1,25 milliard de dollars US d'euro-obligations, malgré le durcissement des conditions de financement mondiales. Cette émission d'obligations à 6 ans assorties d'un taux de 7,5 % a été sursouscrite six fois, ce qui a permis au gouvernement de lever un montant plus élevé qu'initialement prévu.
La guerre Israël-Gaza qui a éclaté en octobre 2023 fait peser un risque baissier très important sur les perspectives économiques, en raison notamment des incertitudes accrues qu'elle entraîne dans la région et de ses répercussions possibles sur l'important secteur du tourisme et sur la confiance des consommateurs. Les attaques houthistes contre des navires de marchandises et de transport d'énergie en mer Rouge perturbent le trafic maritime vers l'Asie, ce qui a une incidence sur les exportations jordaniennes, en particulier de minerais et de produits chimiques, ainsi que sur les importations du pays.
En janvier 2024, les autorités jordaniennes et le FMI se sont entendus sur un nouveau programme d'ajustement économique soutenu par un mécanisme élargi de crédit (MEDC) sur quatre ans d'un montant de 1,2 milliard de dollars américains.
1. Le contenu de la proposition législative de la Commission
Les relations entre l'Union européenne et le Royaume hachémite de Jordanie s'inscrivent dans le cadre de la politique européenne de voisinage (PEV). L'UE et la Jordanie ont signé un accord d'association le 24 novembre 1997, qui est entré en vigueur le 1er mai 2002. En vertu de cet accord, l'UE et la Jordanie ont établi progressivement une zone de libre-échange pendant une période transitoire de 12 ans. En outre, un accord sur la poursuite de la libéralisation des échanges de produits agricoles est entré en vigueur en 2007. En 2010, l'Union a accordé à la Jordanie le statut de « partenaire avancé », qui élargit encore le périmètre de coopération entre les deux parties. Un protocole relatif aux mécanismes de règlement des différends commerciaux entre l'Union et la Jordanie, paraphé en décembre 2009, est entré en vigueur le 1er juillet 2011. Le dialogue politique bilatéral et la coopération économique ont encore été intensifiés dans le cadre de l'accord d'association et des priorités du partenariat UE-Jordanie adoptées pour 2022-2027.
Pour la période 2021-2024, les subventions de l'UE en faveur de la Jordanie au titre de l'instrument de voisinage, de coopération au développement et de coopération internationale -- (IVCDCI) Europe dans le monde -- s'élèvent à 364 millions d'euros et sont complétées par une aide de l'UE destinée à faire face aux conséquences de la crise syrienne (214 millions d'euros de 2021 à 2023) ainsi que par d'autres programmes régionaux et thématiques. Sur la période 2014-2020, le soutien fourni par l'UE à la Jordanie, principalement par l'intermédiaire de l'instrument européen de voisinage, s'est élevé à 765 millions d'euros. Sur cette même période, la Jordanie a également bénéficié de 126 millions d'euros supplémentaires par l'intermédiaire de la plateforme d'investissement pour le voisinage (PIN), ce qui s'est traduit par quelque 580 millions d'euros d'investissements. En octobre 2023, étant donné sa situation et ses perspectives économiques difficiles, la Jordanie a sollicité une nouvelle assistance macrofinancière de l'UE, tandis que le conseil d'administration du FMI approuvait un nouveau mécanisme élargi de crédit d'une durée de quatre ans en janvier 2024.
Alors que la Jordanie joue un rôle géopolitiquement déterminant pour la stabilité régionale, accentué par le développement des conflits au Proche Orient, la présente proposition vise à lui octroyer une nouvelle AMF d'un montant maximal de 500 millions d'euros. L'AMF proposée aiderait la Jordanie à couvrir une partie de ses besoins de financement extérieur résiduels, dans le contexte du nouveau programme du FMI, et permettrait également, en créant la marge de manoeuvre budgétaire nécessaire, de préserver la dynamique de réforme engagée.
L'AMF sera versée en trois tranches, décaissées entre 2024 et 2027. Le prêt sera accordé au titre de la garantie pour l'action extérieure, avec un provisionnement au taux de 9 %, qui sera programmé au titre de l'IVCDCI-Europe dans le monde, pour un montant total de 45 millions d'euros. L'assistance sera accordée sous la forme de prêts amortissables, avec une période de grâce puis des remboursements de capital en tranches égales étalés sur une longue période. Cette structure de prêt sera avantageuse à la fois pour le bénéficiaire, dont elle facilite les remboursements, et pour le budget, puisqu'elle répartit les passifs éventuels sur une longue période.
Les trois tranches d'assistance ne seront débloquées qu'à la stricte condition que des progrès aient été accomplis dans la mise en oeuvre aussi bien du programme du FMI que d'un certain nombre de mesures supplémentaires qui doivent être décidées d'un commun accord entre la Commission et les autorités et énumérées dans un protocole d'accord.
Ce protocole d'accord pourrait, en principe, comprendre des réformes structurelles qui devront soutenir le programme de réforme des autorités et compléter les programmes convenus avec le FMI, la Banque mondiale et d'autres bailleurs de fonds, ainsi que les programmes liés aux opérations d'appui budgétaire de l'UE. Elles devront être cohérentes avec les principales priorités en matière de réformes économiques convenues entre l'UE et la Jordanie dans le cadre de l'accord d'association, des priorités du partenariat et du pacte y annexé, ainsi qu'avec la vision de modernisation de la Jordanie et d'autres documents stratégiques : elles pourraient porter sur la gouvernance économique, notamment la gestion des finances publiques et l'administration fiscale, la politique sociale et du marché du travail, ainsi que la gouvernance et la lutte contre la fraude, la corruption et le blanchiment d'argent. La mise en oeuvre de l'opération proposée devrait aller de pair avec le soutien accordé au titre de l'appui budgétaire, financé par l'instrument de voisinage, de coopération au développement et de coopération internationale (IVCDCI -- Europe dans le monde).
2. Cette proposition législative est-elle conforme aux principes de subsidiarité et de proportionnalité ?
La base juridique de la présente proposition est l'article 212 du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne (TFUE).
Le principe de subsidiarité est respecté dans la mesure où l'objectif d'assurer la stabilité macro-économique de la Jordanie à court terme ne peut être réalisé de manière satisfaisante par les seuls États membres, qu'ils coopèrent entre eux à cette fin ou via leurs relations bilatérales avec ce pays voisin de la Méditerranée. Un tel soutien peut certainement être mieux coordonné au niveau de l'Union européenne. Cette coordination doit être la plus étroite possible pour maximiser l'ampleur et l'efficacité de l'aide à l'égard de ce pays partenaire de l'Union européenne.
La proposition respecte également le principe de proportionnalité dans la mesure où elle se limite au minimum requis pour atteindre l'objectif de stabilisation macroéconomique à court terme.
Le montant de la nouvelle assistance macrofinancière proposée correspond en effet à 7,1 % du déficit de financement de la Jordanie, estimé pour la période 2025-2027. Ce chiffre est conforme aux pratiques courantes en matière de partage de la charge pour les opérations d'assistance macrofinancière.
Si l'on considère l'ensemble du soutien accordé par l'Union européenne à la Jordanie à travers divers instruments (y compris l'AMF proposée, l'appui budgétaire de l'UE et les prêts de la BEI, à l'exclusion du soutien bilatéral des États membres), le soutien total de l'UE couvrirait 16 % du déficit de financement résiduel estimé.
Compte tenu de ces observations, le groupe de travail sur la subsidiarité a décidé de ne pas intervenir plus avant au titre de l'article 88-6 de la Constitution.
Examen dans le cadre de l'article 88-4 de la Constitution
Texte déposé au Sénat le 18/04/2024Politique de coopération
Proposition de décision du Parlement européen et du Conseil portant attribution d'une assistance macrofinancière au Royaume hachémite de Jordanie
COM(2024) 159 final - Texte E18718
(Procédure écrite du 23 mai 2024)
Compte tenu de sa nature purement technique, la commission a décidé de ne pas intervenir sur ce texte.