COM(2024) 461 final  du 18/03/2024

Contrôle de subsidiarité (article 88-6 de la Constitution)


Proposition de décision du Parlement européen et du Conseil accordant une assistance macrofinancière à la République arabe d'Égypte - COM(2024) 461 final

Le contexte : la crise économique et financière égyptienne

La situation économique et financière de l'Égypte est préoccupante : la croissance est en baisse, après un fort rebond post-pandémie, avoisinant 7 % en 2021-2022, ayant chuté à environ 2 % en septembre 2023, avant la guerre à Gaza, qui a provoqué une diminution des commandes et de la production ; l'inflation, déjà élevée, de l'ordre de 30 % en 2023, en raison des difficultés économiques internes et des conséquences de la guerre en Ukraine, est en nette hausse, et a atteint près de 50 % en glissement annuel, au début de l'année 2024, pour les denrées alimentaires (qui représentent un tiers du panier des consommateurs égyptiens) ; les recettes du tourisme et celles du canal de Suez sont en chute libre, en raison du conflit israélo-palestinien et des attaques houthistes en mer Rouge ; les flux entrants de capitaux et d'investissements tendent à s'assécher, malgré l'aide du fonds souverain des Émirats arabes unis ; le taux de change officiel, de 31 livres égyptiennes pour un dollar américain jusqu'au début du mois dernier, est redevenu flottant, en vertu d'une décision du 23 février 2024, et s'établit à environ 50 livres pour un dollar le 6 mars dernier ; il fluctue fortement - jusqu'à environ 70 livres pour un dollar - sur le marché parallèle, qui explose, alors que les devises viennent à manquer. Le relèvement de 600 points de base des taux d'intérêt par la Banque centrale ne suffit pas à juguler l'inflation.

Les besoins de financement extérieurs globaux ont été estimés à 17,7 milliards de dollars américains pour la période 2024-2027 par le Fonds monétaire international (FMI), qui développe des programmes dans le pays depuis 2016 et a conclu un accord technique avec l'Égypte le 6 mars 2024, pour un mécanisme élargi de crédit de 8 milliards de dollars.

Confrontées à un important besoin de financement, les autorités égyptiennes ont présenté le 12 mars une demande de soutien sous la forme d'une assistance macro-financière à l'Union européenne.

En effet, l'UE et l'Égypte ont tissé des relations économiques et politiques denses au fil du temps, formalisées par la conclusion d'un accord d'association pleinement entré en vigueur en 2004. Un nouvel élan a récemment été donné à ces relations par l'adoption, en février 2021, du partenariat renouvelé avec le voisinage méridional, baptisé «Un nouveau programme pour la Méditerranée», puis par l'adoption, en juin 2022, lors de la 9e session du Conseil d'association, des priorités du partenariat UE-Égypte pour la période 2021-2027, dans trois grands domaines: 1°) la modernisation durable de l'économie égyptienne ; 2°) le renforcement de la coopération en matière de politique étrangère ; 3°) la coopération en matière de sécurité et de lutte contre le terrorisme, de migration et de promotion des droits de l'homme.

L'UE est le premier partenaire commercial de l'Égypte, tant pour les importations que pour les exportations, et l'un des plus grands investisseurs dans ce pays.

Cette coopération est appelée à s'approfondir encore dans le cadre du partenariat stratégique et global de prospérité, de stabilité et de sécurité partagées, confirmé lors de la 10e session du Conseil d'association qui s'est tenue le 23 janvier 2024.

1. Le contenu de la proposition législative de la Commission

Alors que l'Égypte joue un rôle géopolitiquement déterminant pour la stabilité régionale, accentué par le développement des conflits au Proche Orient et au Soudan, la présente proposition vise à lui octroyer une nouvelle AMF d'un montant maximal de 4 milliards d'euros, dans le cadre d'un paquet d'AMF d'une enveloppe totale de 5 milliards d'euros pour la période 2024-2027, dont un milliard en urgence (cette année), puis un milliard par an, en fonction du respect des critères précisés ci-dessous.

Le montant total de l'aide de l'UE à l'Égypte, avec ce nouveau paquet d'AMF, s'élèverait ainsi à 7,4 milliards d'euros sur la période, en incluant l'instrument de voisinage, de coopération au développement et de coopération internationale (IVCDCI -- Europe dans le monde), d'autres programmes de coopération, des garanties et des prêts. L'IVCDCI remplace l'instrument européen de voisinage (IEV), au titre duquel l'UE a fourni à l'Égypte, entre 2014 et 2020, une aide bilatérale de 756 millions d'euros, complétée par d'autres mesures d'urgence de soutien budgétaire et d'appui à la résilience, en réaction à la pandémie.

L'assistance macro-financière de l'UE est un instrument d'aide d'urgence exceptionnelle, visant à répondre à de graves difficultés de balance des paiements de pays tiers.

L'Égypte, relevant de la politique européenne de voisinage, peut prétendre à cette AMF, afin de compléter les subventions accordées au titre de l'IVCDCI et d'autres programmes de l'UE.

L'octroi d'une AMF étant subordonné au respect de mécanismes démocratiques effectifs, notamment du pluralisme parlementaire et de l'État de droit, ainsi qu'au respect des droits de l'homme, l'Égypte devra continuer à prendre des mesures concrètes et crédibles dans ces domaines pour respecter ces critères.

Le versement de l'assistance se ferait en trois tranches, chaque tranche, dont la première, n'étant débloquée qu'à la stricte condition que des progrès satisfaisants aient été accomplis dans la mise en oeuvre à la fois du programme du FMI et de mesures de réformes supplémentaires, convenues entre la Commission et les autorités égyptiennes, énumérées dans un protocole d'accord.

Ces réformes viseraient à promouvoir le rôle du secteur privé dans l'économie, à moderniser la politique monétaire et la politique de change, à améliorer la gestion des finances publiques et à renforcer les dispositifs d'aide sociale.

La Commission considère, en se fondant également sur l'évaluation de la situation politique par le Service européen pour l'action extérieure (SEAE), que les conditions économiques préalables pour l'opération d'AMF proposée sont remplies, et que la condition politique préalable relative à la démocratie et aux droits de l'homme fera l'objet d'un suivi continu pour s'assurer qu'elle évolue de manière satisfaisante, dans le cadre de sa « stratégie nationale en faveur des droits de l'homme ». Le protocole d'accord qui sera établi par la Commission avec les autorités égyptiennes comprendra le calendrier de versement de l'assistance, ainsi que celui de réalisation des réformes.

C'est la Commission européenne qui gère le décaissement de l'aide. Celle-ci sera versée à la Banque centrale égyptienne. La fiabilité des dispositifs financiers, y compris des procédures administratives et de contrôle applicables à cette AMF sera régulièrement évaluée. Si les besoins de financement de l'Égypte diminuent de manière importante, la Commission pourra réduire, suspendre voire supprimer le montant de l'assistance fournie au titre du présent texte.

2. Cette proposition législative est-elle conforme aux principes de subsidiarité et de proportionnalité ?

La base juridique de la présente proposition est l'article 212 du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne (TFUE).

Le principe de subsidiarité est respecté dans la mesure où l'objectif de rétablir la stabilité macro-financière de l'Égypte à court et moyen terme ne peut être réalisé de manière satisfaisante par les seuls États membres, qu'ils coopèrent entre eux à cette fin ou via leurs relations bilatérales avec ce pays voisin de la Méditerranée. Un tel soutien peut certainement être mieux coordonné au niveau de l'Union européenne. Cette coordination doit être la plus étroite possible pour maximiser l'ampleur et l'efficacité de l'aide à l'égard de ce pays partenaire de l'UE.

La proposition respecte également le principe de proportionnalité dans la mesure où elle se limite au minimum requis pour atteindre l'objectif de stabilisation macroéconomique à court et moyen terme. Le montant total de l'AMF proposée correspondrait à 56,7 % du déficit de financement estimé par le FMI pour la période 2024-2027, afin de faciliter le rééquilibrage de la balance des paiements et de la situation budgétaire, tout en créant des conditions économiques propices à des réformes importantes pour le pays dans le cadre du partenariat avec l'UE.

Le groupe de travail sur la subsidiarité a décidé de ne pas intervenir plus avant sur ce texte au titre du principe de subsidiarité.


Examen dans le cadre de l'article 88-4 de la Constitution

Texte déposé au Sénat le 28/03/2024