COM(2024) 139 FINAL
du 15/03/2024
Contrôle de subsidiarité (article 88-6 de la Constitution)
Proposition de règlement modifiant les règlements (UE) 2021/2115 et (UE) 2021/2116 en ce qui concerne les normes relatives aux bonnes conditions agricoles et environnementales, les programmes pour le climat, l'environnement et le bien-être animal, la modification des plan stratégiques relevant de la PAC, le réexamen des plans stratégiques relevant de la PAC et les exemptions des contrôles et des sanctions (COM(2024) 139)
Le règlement (UE) 2021/2115 du 2 décembre 20211(*), issu de la dernière réforme de la politique agricole commune, expose notamment les règles relatives aux plans stratégiques que doivent élaborer les États membres dans le cadre des deux piliers de la PAC. Initialement destinés à simplifier la PAC, en retenant une approche par les résultats plutôt que par les moyens, ces plans stratégiques accordent une place accrue à la performance, notamment sur le plan environnemental ; le règlement (UE) 2021/2115 a ainsi introduit des conditions de base plus strictes, en matière d'environnement, pour le soutien aux exploitations agricoles.
Le règlement (UE) 2021/2116 du 2 décembre 20212(*), dit règlement « horizontal », tire les conséquences des nouvelles orientations proposées par la Commission pour la nouvelle PAC et détermine les règles de gouvernance, de coordination, de certification et de contrôle des paiements, ainsi que la remise à plat du mécanisme de la réserve de crise agricole.
Dès la présentation de la nouvelle approche retenue pour la PAC, le Sénat s'est alarmé d'un potentiel « transfert de bureaucratie » de l'Union européenne vers les États membres, craignant, d'une part, une multiplication des formalités administratives au détriment des agriculteurs et, d'autre part, l'émergence de distorsions de concurrence intra-européennes, avec la course au « moins-disant règlementaire ». La résolution européenne n° 116 (2017-2018) jugeait ainsi que le schéma de simplification proposé par la Commission risquait de se limiter à une « pétition de principe », tandis que la résolution européenne n° 96 (2018-2019) dénonçait la « complexité à bien des égards byzantine des règles » du second pilier de la PAC.
Le Sénat a par la suite, dans la résolution européenne n° 126 (2021-2022), demandé de réorienter la stratégie agricole européenne, au regard notamment du changement de paradigme induit par la guerre en Ukraine, entraînant une volatilité accrue des cours des matières premières agricoles affectant les coûts de production, mais également une augmentation conséquente des prix de l'énergie et des intrants.
Force est de constater que, dès la première année de mise en oeuvre des plans stratégiques de la PAC, ces différentes craintes se sont révélées parfaitement fondées. Dans le contexte du mouvement de protestation agricole qui traverse l'Union européenne depuis plusieurs semaines, le Conseil européen du 1er février 2024 a invité la Commission à réduire la charge administrative pesant sur les agriculteurs et à porter des mesures de simplification. Le Conseil « Agriculture et pêche » du 26 février 2024 a par ailleurs confirmé la volonté des États de répondre aux préoccupations des agriculteurs, en revoyant notamment les actes de base de la politique agricole commune.
Le présent texte prévoit, dans ce contexte, des ajustements au règlement relatif aux plans stratégiques relevant de la PAC et au règlement horizontal, afin de remédier à certaines difficultés touchant leur mise en oeuvre.
1. Le contenu de la proposition législative de la Commission
En premier lieu, la présente proposition de législative comprend des ajustements relatifs à la conditionnalité en matière environnementale, avec :
(i) une simplification générale de la conditionnalité de la PAC, avec l'introduction de flexibilités pour les États membres dans la mise en oeuvre des Bonnes conditions agroenvironnementales (BCAE), en particulier les BCAE 5 (« gestion du labour réduisant les risques de dégradation des sols »), 6 (« interdiction de sols nus durant les périodes sensibles »), 7 (« rotation des cultures ») et 9 (« interdiction de convertir ou de labourer les prairies permanentes dans les sites Natura 2000 »). Les États membres pourront ainsi accorder des dérogations temporaires et ciblées à ces exigences ;
(ii) une simplification ciblée de la conditionnalité, avec la modification des exigences relevant des BCAE 6 (« interdiction de sols nus durant les périodes sensibles »), 7 (« rotation des cultures ») et 8 (« maintien des éléments du paysage »), avec en particulier la suppression de l'exigence d'une part minimale d'éléments non productifs favorables à la biodiversité sur les terres arables (dont les jachères) ;
Ces dispositions ont vocation, d'une part, à accorder aux États membres une plus grande souplesse dans l'établissement des normes BCAE au niveau national. Elles sont destinées, d'autre part, à simplifier la charge administrative qui pèse sur les agriculteurs, en prévoyant davantage d'options pour se conformer aux exigences et en étendant les exemptions et dérogations possibles.
La proposition de législation prévoit, par ailleurs, une exemption de contrôles et de sanctions au titre de la conditionnalité pour les exploitations dont la surface agricole utile est inférieure ou égale à 10 hectares (soit 65 % des agriculteurs). Cette exemption ne s'appliquera pas pour les contrôles sectoriels (hors PAC), ni pour la conditionnalité sociale ; elle ne concernera par ailleurs que le contrôle et les sanctions, et non l'obligation de respecter la conditionnalité. Cette disposition a vocation à alléger la charge administrative pesant sur les petits agriculteurs, mais également les États membres (puisque les autorités nationales ne seront plus tenues de calculer les sanctions susceptibles de relever du champ d'application du seuil de minimis).
Le présent texte introduit également la possibilité de modifier les plans stratégiques relevant de la PAC deux fois par an au lieu d'une, afin que les États membres puissent adapter ces plans stratégiques en fonction des l'évolution des conditions pour les agriculteurs.
Enfin, l'article 120 du règlement sur les plans stratégiques obligeait les États membres à réexaminer leurs plans stratégiques à la suite de l'adoption de nouveaux textes européens ou de la révision des textes listés en annexe XIII, à savoir le corpus règlementaire de l'Union sur l'environnement et le climat, susceptible d'évoluer avec le déploiement du Pacte vert. La proposition législative propose de limiter cette obligation aux modifications apportées aux actes législatifs qui entrent en vigueur le 31 décembre 2025 au plus tard, afin d'accroître la prévisibilité de la PAC pour les agriculteurs.
Certaines de ces dispositions - les modifications ciblées apportées aux normes BCAE 6, 7 et 8, ainsi que les exemptions de sanctions pour les petits agriculteurs - ont vocation à s'appliquer de manière rétroactive à compter du 1er janvier 2024.
2. Cette proposition législative est-elle conforme aux principes de subsidiarité et de proportionnalité ?
La présente proposition est fondée sur l'article 43, paragraphe 2, du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne, relatif à la mise en oeuvre des dispositions nécessaires à la poursuite des objectifs de la politique agricole commune, tout comme les deux règlements qu'elle entend modifier.
La présente proposition paraît donc conforme au principe de subsidiarité - la PAC étant, en tout état de cause, l'une des politiques les plus intégrées de l'Union européenne.
Compte tenu de ces observations, le groupe de travail sur la subsidiarité a décidé de ne pas intervenir plus avant au titre de l'article 88-6 de la Constitution.
* 1 Règlement (UE) 2021/2115 du Parlement européen et du Conseil du 2 décembre 2021 établissant des règles régissant l'aide aux plans stratégiques devant être établis par les États membres dans le cadre de la politique agricole commune (plans stratégiques relevant de la PAC) et financés par le Fonds européen agricole de garantie (FEAGA) et par le Fonds européen agricole pour le développement rural (Feader), et abrogeant les règlements (UE) n° 1305/2013 et (UE) n° 1307/2013.
* 2 Le règlement (UE) 2021/2116 du Parlement européen et du Conseil du 2 décembre 2021 relatif au financement, à la gestion et au suivi de la politique agricole commune et abrogeant le règlement (UE) n° 1306/2013.
Examen dans le cadre de l'article 88-4 de la Constitution
Texte déposé au Sénat le 20/03/2024Examen : 11/04/2024 (commission des affaires européennes)
Ce texte a fait l'objet de la proposition de résolution : Proposition de résolution européenne sur la proposition de règlement modifiant les règlements (UE 2021/2115 et (UE) 2021/2116 (2023-2024) : voir le dossier legislatif