COM(2023) 193 FINAL  du 26/04/2023

Contrôle de subsidiarité (article 88-6 de la Constitution)


Paquet pharmaceutique1(*) : COM (2023) 192 et COM(2023) 193

La Commission européenne a présenté une proposition de directive et une proposition de règlement visant à réformer la législation pharmaceutique. Ces deux textes tendent à mettre en oeuvre la stratégie pharmaceutique présentée par la Commission en 20202(*). La proposition de directive reprend et complète la directive 2001/83/CE3(*) alors que la proposition de règlement reprend et complète le règlement (CE) n° 726/20044(*). Les dispositions des règlements (CE) n° 141/20005(*) et (CE) n° 1901/20066(*) respectivement relatives aux médicaments orphelins et aux médicaments pédiatriques sont également insérées et modifiées dans les deux textes présentés.

1. Le contenu de la proposition législative de la Commission

Cette réforme de la législation pharmaceutique a pour objectif de favoriser l'accès et la disponibilité des médicaments dans tous les États membres. Les principales dispositions nouvelles répondent aux objectifs suivants :

Ø Lutter contre la résistance aux antimicrobiens

Les antimicrobiens seront désormais autorisés selon la procédure centralisée. Un antimicrobien présentant un intérêt clinique important pourra être qualifié de prioritaire par l'Agence européenne du médicament selon des critères scientifiques définis dans la proposition de règlement. Dans ce cas, la Commission pourra, par le biais d'un acte d'exécution, accorder au promoteur de cet antimicrobien un titre d'exclusivité des données transférable qui donne droit à 12 mois supplémentaires de protection des données pour un médicament autorisé. Ce titre pourra être vendu.

En parallèle, les quantités d'antimicrobiens délivrées aux patients devront correspondre aux quantités prévues dans leur prescription médicale et une attention particulière sera accordée à l'élimination des antimicrobiens dans l'environnement.

Ø Simplifier des procédures de mise sur le marché

Concernant les médicaments génériques et les médicaments biosimilaires, le promoteur ne devrait plus avoir à soumettre un plan de gestion des risques lors de la demande d'autorisation de mise sur le marché, étant donné que le médicament de référence fait déjà l'objet d'un tel plan.

Il est également proposé de supprimer le renouvellement obligatoire d'une autorisation de mise sur le marché au bout de la cinquième année : l'autorisation délivrée serait donc pour une durée illimitée.

Les demandes d'autorisation de mise sur le marché se feraient désormais par voie électronique uniquement. La durée d'examen d'une demande d'autorisation de mise sur le marché par l'Agence européenne des médicaments (EMA) serait réduite à 180 jours au lieu de 210 actuellement. En outre, le délai entre le moment où l'EMA donne un avis favorable à la mise sur le marché d'un médicament et celui où la Commission l'autorise serait désormais fixé à 46 jours. Une procédure d'autorisation temporaire de mise sur le marché en cas d'urgence de santé publique serait également instituée.

La Commission propose enfin, lors de la demande initiale d'autorisation de mise sur le marché d'un médicament contenant une substance active nouvelle, d'encourager la soumission d'essais cliniques permettant une comparaison avec un traitement existant. Il s'agit de favoriser la production de données cliniques comparatives pertinentes susceptibles d'étayer les évaluations ultérieures relatives notamment à la détermination du prix et du niveau de remboursement du médicament. Dans ce cas, le demandeur pourrait bénéficier d'une prorogation de la durée de la protection des données fournies à l'EMA de 6 mois.

Ø Soutenir l'innovation

Concernant les médicaments innovants, la Commission entend développer le programme PRIME de l'EMA qui propose un soutien précoce et renforcé aux médicaments les plus prometteurs.

Un « bac à sable réglementaire » pourrait être institué. Il s'agit d'un cadre dans lequel il est possible de développer, de valider et de tester dans un environnement contrôlé et pour une durée limitée des solutions réglementaires adaptées qui facilitent le développement de médicaments innovants.

Ø Lutter contre les pénuries de médicaments

La proposition de règlement prévoit des règles relatives à la surveillance et à la notification des pénuries réelles ou potentielles de médicaments. Une liste de pénuries critiques de médicaments devrait être établie par l'EMA. Le titulaire d'une autorisation de mise sur le marché devrait établir et tenir à jour un plan de prévention des pénuries pour tout médicament mis sur le marché. La Commission prévoit également de pouvoir adopter des actes d'exécution afin de veiller à ce que des mesures appropriées, y compris la constitution ou le maintien de stocks d'urgence, puissent être prises par les titulaires d'autorisation de mise sur le marché, les grossistes ou d'autres entités concernées.

La Commission souhaite également renforcer les obligations des titulaires d'autorisation de mise sur le marché lorsque ceux-ci décident de retirer définitivement ou temporairement un médicament du marché. Pour les médicaments orphelins et les médicaments pédiatriques, des mesures spécifiques sont prévues pour permettre le transfert de l'autorisation de mise sur le marché à un tiers.

Les États membres pourront autoriser le recours aux notices électroniques, éventuellement à la place des notices papier.

Ø Développer l'accès aux médicaments dans l'ensemble des États membres

La durée de protection des données cliniques serait diminuée de 8 à 6 ans. Toutefois, une prorogation de deux ans pourra être accordée si le médicament est fourni conformément aux besoins des États membres concernés dans un délai de deux ans suivant l'autorisation de mise sur le marché. Il s'agit d'inciter ainsi les entreprises à commercialiser les médicaments dans tous les États membres de l'Union. Cette période peut également être prorogée d'un an lorsque le titulaire de l'autorisation de mise sur le marché obtient, au cours de la période de protection des données, une autorisation pour une indication thérapeutique supplémentaire pour laquelle il a démontré un bénéfice clinique notable par rapport aux thérapies existantes.

Un État membre pourrait participer à une procédure décentralisée ou à une procédure de reconnaissance mutuelle visant à mettre sur le marché un médicament lorsqu'il estime que sa population a intérêt à avoir accès à ce médicament. En effet, par le biais de ces procédures, les entreprises pharmaceutiques peuvent demander une autorisation de mise sur le marché pour quelques États membres seulement. Cette mesure permettrait aux États membres qui le souhaitent de s'inclure dans ces procédures.

Lorsque des médicaments sont autorisés en vue d'un usage pédiatrique après la réalisation d'un plan d'investigation pédiatrique approuvé et que ces médicaments ont déjà été mis sur le marché avec d'autres indications thérapeutiques, le titulaire de l'autorisation de mise sur le marché met le médicament sur le marché dans les deux années suivant la date d'autorisation de l'indication pédiatrique en tenant compte de l'indication pédiatrique, dans tous les États membres où le médicament a déjà été mis sur le marché.

Ø Répondre aux besoins médicaux non satisfaits

La proposition de directive définit la notion de besoins médicaux non satisfaits. L'EMA devra fournir des lignes directrices permettant de qualifier un médicament répondant à des besoins médicaux non satisfaits. Une prorogation de la durée de la protection des données de six mois est accordée pour les médicaments répondant à un besoin médical non satisfait. Les médicaments orphelins seront considérés comme répondant à un besoin médical non satisfait. Une exclusivité commerciale serait accordée au titulaire d'une autorisation de mise sur le marché d'un médicament orphelin, comme actuellement, mais la durée de celle-ci serait modulée pour tenir compte de l'intérêt thérapeutique du médicament.

Ø Limiter l'impact des médicaments sur l'environnement

Une évaluation des risques pour l'environnement devra être réalisée pour tous les médicaments. Cette évaluation devra notamment être présentée lors d'une demande d'autorisation de mise sur le marché. Si le demandeur ne présente pas une évaluation complète ou suffisamment étayée des risques pour l'environnement ou s'il ne propose pas de mesures satisfaisantes d'atténuation de ces risques, l'autorisation de mise sur le marché pourra être refusée.

Ø Revoir l'organisation de l'EMA et ses missions

La proposition de règlement prévoit de modifier l'organisation de l'EMA. Elle limite le nombre de comités qui pourront être assistés par des groupes de travail. Ainsi, le comité des médicaments orphelins et le comité pédiatrique sont transformés en groupe de travail au sein du comité pour les médicaments à usage humain.

Les États membres devront accepter que l'EMA mène, conjointement avec les autorités compétentes des autres États membres, des audits de l'autorité compétente chargée de la mise en oeuvre des bonnes pratiques de fabrication et de distribution, et des activités connexes de surveillance et de contrôle applicables aux médicaments et aux substances actives. Toutefois, les recommandations de cet audit ne sont pas contraignantes.

L'ensemble de ces dispositions pourraient utilement faire l'objet d'un examen attentif par la commission des affaires européennes dans le cadre de l'article 88-4 de la Constitution.

2. Cette proposition législative est-elle conforme aux principes de subsidiarité et de proportionnalité ?

Ces deux textes ont pour base juridique les articles 114 et 168, paragraphe 4, point c du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne (TFUE), tout comme la directive 2001/83/CE et le règlement (CE) n° 726/2004.

L'article 114 du TFUE permet au Parlement européen et au Conseil d'arrêter des mesures relatives au rapprochement des dispositions législatives, réglementaires et administratives des États membres qui ont pour objet l'établissement et le fonctionnement du marché intérieur. Il s'agit dans ce cas de favoriser la libre circulation des médicaments. En effet, les États membres doivent respecter des normes communes qui garantissent la qualité, la sécurité et l'efficacité des médicaments sur le territoire de l'Union européenne.

Par ailleurs, l'article 168, paragraphe 4, point c du TFUE prévoit que le Parlement européen et le Conseil peuvent adopter des mesures fixant des normes élevées de qualité et de sécurité des médicaments. À ce sujet, l'article 114 précise que le législateur européen prend pour base un niveau de protection élevé en tenant compte notamment de toute nouvelle évolution basée sur des faits scientifiques.

L'objectif de ces deux textes est de garantir un accès rapide et équitable de l'ensemble des États membres à des médicaments efficaces et sûrs. Pour cela, une harmonisation des procédures d'autorisation de mise sur le marché est nécessaire. Elle permet de garantir une qualité équivalente des médicaments mis sur le marché de l'Union. En outre, une approche harmonisée doit permettre de lutter contre les entraves à la concurrence en réglementant pour l'ensemble des États membres les conditions de mise sur le marché des médicaments génériques. Enfin, une politique d'incitation ciblée à l'innovation, notamment en ce qui concerne les besoins médicaux non satisfaits, aura un impact plus fort si elle est menée à l'échelle de l'Union.

L'action de l'Union est menée dans le respect des compétences des États membres notamment en ce qui concerne la détermination du prix et des conditions de remboursement des médicaments. Elle ne va pas au-delà de ce qui est nécessaire pour permettre la réalisation des objectifs affichés pour ces deux textes.

Compte tenu de ces éléments, le groupe de travail sur la subsidiarité a décidé de ne pas intervenir plus avant sur ces textes au titre de l'article 88-6 de la Constitution.


* 1 Proposition de directive du Parlement européen et du Conseil instituant un code de l'Union relatif aux médicaments à usage humain et abrogeant la directive 2001/83/CE et la directive 2009/35/CE - Proposition de règlement du Parlement européen et du Conseil établissant des procédures de l'Union pour l'autorisation et la surveillance des médicaments à usage humain et établissant des règles régissant l'Agence européenne des médicaments, modifiant le règlement (CE) n 1394/2007 et le règlement (UE) n 536/2014 et abrogeant le règlement (CE) n 726/2004, le règlement (CE) n141/2000 et le règlement (CE) n 1901/2006

* 2 COM(2020) 761 final

* 3 Directive 2011/83/CE du Parlement européen et du Conseil du 6 novembre 2001 instituant un code communautaire relatif aux médicaments à usage humain

* 4 Règlement (CE) n° 726/2004 du Parlement européen et du Conseil du 31 mars 2004 établissant des procédures de l'Union pour l'autorisation et la surveillance des médicaments à usage humain et instituant une Agence européenne des médicaments

* 5 Règlement (CE) n° 141/2000 du Parlement européen et du Conseil du 16 décembre 1999 concernant les médicaments orphelins

* 6 Règlement (CE) n° 1901/2006 du Parlement européen et du Conseil du 12 décembre 2006 relatif aux médicaments à usage pédiatrique, modifiant le règlement (CEE) n° 1768/92, les directives 2001/20/CE et 2001/83/CE ainsi que le règlement (CE) n° 726/2004


Examen dans le cadre de l'article 88-4 de la Constitution

Texte déposé au Sénat le 14/09/2023

Ce texte a fait l'objet de la proposition de résolution : Proposition de résolution européenne sur la révision de la législation pharmaceutique proposée par la Commission européenne (2024-2025) : voir le dossier legislatif