COM(2022) 480 final  du 27/10/2022

Contrôle de subsidiarité (article 88-6 de la Constitution)


Proposition de règlement relatif aux mesures concernant l'importation, l'exportation et le transit des armes à feu, de leurs parties essentielles et munitions, portant application de l'article 10 du protocole des Nations-Unies contre la fabrication et le trafic illicites d'armes à feu, de leurs pièces, éléments et munitions, additionnel à la convention des Nations-Unies contre la criminalité transnationale organisée (protocole relatif aux armes à feu) (refonte) - COM(2022) 480

A) La proposition de règlement

1) Le droit existant

Le trafic illicite d'armes à feu constitue à la fois l'une des activités importantes des réseaux criminels transnationaux et l'un des facteurs de facilitation des activités criminelles et du terrorisme. Pour évaluer l'ampleur du phénomène, la Commission européenne estime qu'en 2017, 35 millions d'armes à feu étaient détenues illicitement par des particuliers dans l'Union européenne. De plus, dans douze États membres de l'Union européenne, dont la France, le nombre d'armes à feu illicites est supérieur à celui des armes à feu détenues légalement. La France est particulièrement concernée par les trafics d'armes en provenance des pays des Balkans, de Moldavie et d'Ukraine.

En 2001 pourtant, l'ONU adoptait un protocole « armes à feu », additionnel à la convention des Nations unies contre la criminalité transnationale, afin de promouvoir la coopération entre États afin de prévenir et de combattre la fabrication et le trafic illicites d'armes à feu.

Au sein de l'Union européenne, le règlement (UE) n°258/2012 du 14 mars 2012 vise à garantir l'application de ce protocole à l'égard des particuliers et des entreprises opérant sur le marché légal. Pour cela, il prévoit des autorisations d'exportation d'armes civiles, de leurs pièces, parties essentielles et munitions, ainsi que leur transit et leur importation. Il fixe également des formalités douanières et instaure une procédure simplifiée pour l'exportation temporaire ou la réexportation d'armes à feu.

Or, l'analyse des menaces pesant sur la sécurité de l'Union européenne en 20211(*) a confirmé plusieurs tendances :

-l'érosion du marché intérieur des armes à feu illicites et la prégnance des canaux externes pour l'approvisionnement de la criminalité organisée en armes à feu ;

-la poursuite du trafic transfrontière d'armes à feu dans l'Union européenne depuis des pays en conflit -tendance accentuée depuis le début de la guerre en Ukraine ;

-la disponibilité accrue d'armes fabriquées artisanalement à partir d'éléments non enregistrés (« armes fantômes ») ou issues de la transformation de pistolets d'alarme ou de signalisation ;

-un accès facilité aux armes à feu sur les marchés en ligne.

2) Les principaux éléments de la proposition de règlement

En premier lieu, la proposition de règlement pose les définitions nécessaires à sa mise en oeuvre (« importation », « entrée », « sortie », « transit intra-UE »...) et opère plusieurs clarifications en :

-excluant explicitement de son champ d'application les transactions d'armes et les transferts d'armes à feu entre États (article 3) ;

-précisant que son cadre juridique est applicable aux armes à feu ou parties essentielles d'armes à feu « semi-finies » (non utilisables en l'état), ainsi qu'aux pistolets d'alarme et de signalisation (article 2).

En deuxième lieu, la réforme envisagée :

-précise le régime douanier applicable aux armes à feu en limitant au maximum les possibilités de procédures simplifiées (articles 4 et 22 à 25) ;

-institue un système électronique de délivrance des autorisations d'importation et d'exportation (article 28) ;

-énonce les personnes susceptibles de demander des autorisations d'importation ou d'exportation d'armes à feu, définit plus strictement le contenu des autorisations, la procédure de demande et les situations limitées permettant la mise en oeuvre d'une procédure simplifiée, et soumet les importateurs et les exportateurs à l'obligation de produire leur autorisation lors des formalités douanières (articles 9, 10, 14 à 19)

-impose un marquage des armes à feu avant leur importation dans l'Union européenne (article 6) ;

-renforce l'harmonisation des procédures applicables à la circulation d'armes à feu au sein de l'Union européenne, facilite le suivi de ces armes par les autorités compétentes et prévoit les modalités de transit externe (articles 12 et 13) ;

-introduit l'exigence d'un certificat d'utilisateur final, délivré par le pays de destination de l'arme, pour prévenir tout détournement d'armes au moment de leur exportation, et impose aux exportateurs de fournir la preuve de la réception de l'arme dans un délai de deux mois (articles 11 et 20) ;

-fixe les conditions de refus des autorisations d'importation et d'exportation (casier judiciaire du détenteur mentionnant une infraction punissable par une peine maximale d'au moins quatre ans d'emprisonnement ; arme signalée comme perdue, volée ou recherchée sur les bases de données pertinentes) (articles 9 et 19);

-précise la répartition des responsabilités en matière de contrôle entre les autorités douanières et les autres autorités (police...) et les modalités d'échanges entre elles : en particulier, le projet impose aux autorités douanières d'informer les autorités compétentes sur leurs saisies d'armes par le réseau d'échange sécurisé d'informations d'Europol (SIENA) (article 25).

B) La proposition de directive est-elle conforme au principe de subsidiarité ?

La proposition de règlement répond-t-elle à une nécessité ? Incontestablement, oui, au regard de l'ampleur du trafic illicite d'armes à feu à destination de l'Union européenne et en son sein. En harmonisant les procédures de contrôles pour rendre ces derniers plus rigoureux, le texte présente une réelle valeur ajoutée européenne, visant à lutter plus efficacement contre une forme de criminalité transfrontalière par nature.

En outre, elle est fondée sur une base juridique pertinente. Le projet de texte est fondé à la fois sur l'article 207 du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne (TFUE), relatif à la politique commerciale de l'Union européenne, qui est une compétence exclusive de cette dernière, et sur l'article 33 du même traité, relatif à la coopération douanière.

On pourrait même, en première analyse, en conclure qu'aucun contrôle de subsidiarité ne devrait être mené sur ce dossier, mais ce dernier est pleinement justifié dès lors que la raison d'être du projet est d'étendre les dispositifs actuels de lutte contre la criminalité transfrontalière en faisant le lien entre les autorités douanières et policières (en particulier, à l'article 25, relatif aux suites des contrôles douaniers ayant permis de saisir des armes).

Enfin, les principales dispositions du projet de règlement, qui prévoient des contrôles douaniers rigoureux sur le commerce des armes à feu, des exigences accrues imposées aux importateurs et aux exportateurs d'armes à feu civiles tout en les identifiant plus précisément, et un échange d'informations plus fluide entre autorités douanières, policières..., semblent proportionnées à l'objectif d'intérêt général poursuivi : mieux lutter contre les trafics d'armes à feu, qui nourrissent la criminalité au sein de l'Union européenne.

Compte tenu de ces observations, le groupe de travail sur la subsidiarité a décidé de ne pas intervenir plus avant sur ce texte au titre de l'article 88-6 de la Constitution.


* 1 Rapport SOCTA 2021 de l'agence de coopération policière Europol et étude de l'Office des Nations unies contre la drogue et le crime (ONUDC), « Trafic illicite d'armes à feu, de leurs pièces, éléments et munitions à destination et en provenance de l'Union européenne, ainsi qu'à travers son territoire. » (2020).


Examen dans le cadre de l'article 88-4 de la Constitution

Texte déposé au Sénat le 08/11/2022


Justice et affaires intérieure

Proposition de règlement du Parlement européen et du Conseil relatif aux mesures concernant l'importation, l'exportation et le transit des armes à feu, de leurs parties essentielles et munitions, portant application de l'article 10 du protocole des Nations unies contre la fabrication et le trafic illicites d'armes à feu, de leurs pièces, éléments et munitions, additionnel à la convention des Nations unies contre la criminalité transnationale organisée (protocole relatif aux armes à feu)
COM(2021) 706 final - Texte E17221

(Procédure écrite du 10 avril 2023)

La commission a décidé de ne pas intervenir plus avant sur ce texte au titre de l'article 88-4 de la Constitution.