COM(2021) 565 final
du 22/12/2021
Contrôle de subsidiarité (article 88-6 de la Constitution)
1) Contexte et objectifs de la proposition
Cette proposition de directive du 22 décembre 2021 découle de la communication de la Commission européenne du 18 mai 2021 (COM(2021) 251 final), sur « la fiscalité des entreprises pour le XXIe siècle » visant à promouvoir « un système fiscal solide, efficace et équitable » pour les entreprises dans l'Union européenne.
La lutte contre l'utilisation abusive de sociétés écrans était l'une des initiatives de court terme citées dans cette communication pour lutter contre l'évasion fiscale.
Ce texte complète, à cette fin, la directive sur la lutte contre l'évasion fiscale (dite ATAD, directive (UE) 2016/1164 du Conseil du 12 juillet 2016 établissant des règles pour lutter contre les pratiques d'évasion fiscale qui ont une incidence directe sur le fonctionnement du marché intérieur) et la directive relative à la coopération administrative (dite DAC, directive 2011/16/UE du Conseil du 15 février 2011 relative à la coopération administrative dans le domaine fiscal et abrogeant la directive 77/799/CEE).
Entre autres révélations, les Pandora papers ont montré que les entités juridiques qui n'ont pas de substance ni d'activité économique minimales, même si elles peuvent avoir des raisons d'être tout à fait légitimes et utiles, continuent de présenter un risque d'être utilisées à des fins de fraude et d'évasion fiscales.
La présente proposition de directive établit donc des règles communes ciblant les entités écrans, qui n'exercent aucune activité économique effective, même si elles prétendent le faire, et qui peuvent être utilisées de manière abusive à des fins d'évasion ou de fraude fiscales. Ces pratiques perturbent à l'évidence le bon fonctionnement du marché unique, tout en érodant les bases d'imposition des États membres.
Ce texte s'inscrit dans la volonté de bâtir une économie de sortie de crise Covid plus efficiente, résiliente et durable et plus conforme aux intérêts des politiques économiques et fiscales de l'Union européenne et des États membres.
Il est relié au texte suivant appliquant un taux d'imposition minimal aux entreprises de plus de 750 millions d'euros en évitant que des sociétés écrans soient créées aux seules fins d'échapper à cette imposition pour passer en-dessous de ce seuil. Il vise donc à préserver la base fiscale qui fait l'objet de l'accord OCDE. Mais c'est une proposition de législation propre à l'Union européenne, distincte de cet accord, lequel n'aborde pas ce problème et se concentre sur la détermination du taux effectif d'imposition minimal.
2) Base juridique
La législation en matière de fiscalité directe est fondée sur l'article 115 du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne (TFUE). Les mesures législatives de rapprochement au titre du marché intérieur prises en application de cet article doivent revêtir la forme d'une directive.
3) Économie générale du dispositif
La proposition de directive identifie les entités qui risquent d'être des entités écrans utilisées à des fins abusives pour obtenir des avantages fiscaux en se référant à un ensemble de caractéristiques courantes parmi ces entités.
Certaines entités écrans sont toutefois écartées parce qu'elles sont couramment utilisées pour des raisons commerciales valables. Pour établir ces critères distinctifs, la Commission (Direction générale de la fiscalité et de l'union douanière, DG TAXUD) s'est appuyée sur les résultats d'une consultation publique qu'elle a organisée du 4 juin au 27 août 2021.
Les PME ne sont pas exclues de la proposition, parce qu'elles peuvent présenter des « risques pertinents ».
La proposition comprend néanmoins un mécanisme permettant aux contribuables de contester le résultat du test qu'elle contient, en apportant la preuve des motivations effectivement commerciales et non fiscales qui justifient la structure écran. De même, les structures qui ne sont pas établies dans le but principal d'obtenir un avantage fiscal peuvent bénéficier d'un mécanisme de demande d'exonération.
La directive est structurée de manière à refléter la séquence logique de chaque étape du test proposé, pour déterminer si une entité est considérée comme visée par son objet.
Il y a 7 étapes successives : il faut satisfaire, pas à pas, aux conditions de la première pour passer à la suivante.
1. La première consiste à faire le tri entre les entreprises soumises à déclaration (parce qu'elles sont considérées «à risque») et les autres.
2. La déclaration fournit des informations spécifiques, qui découlent normalement déjà de la déclaration fiscale de l'entreprise, ce qui facilite l'évaluation de l'activité exercée par l'entreprise.
L'accent est mis sur les circonstances spécifiques qui entourent normalement une entreprise exerçant une activité économique substantielle. Trois éléments sont considérés comme importants: premièrement, les locaux disponibles à l'usage exclusif de l'entreprise; deuxièmement, la présence d'au moins un compte bancaire propre et actif dans l'Union; et troisièmement, au moins un administrateur résidant à proximité de l'entreprise qui se consacre à ses activités ou, à défaut, un nombre suffisant de salariés de l'entreprise qui participent aux activités créant ses recettes principales domiciliés à proximité de celle-ci.
3. La troisième étape ouvre la possibilité d'obtenir une exemption de déclaration en raison de l'absence de motivations de nature fiscale.
4. La quatrième établit une présomption d'absence de substance minimale.
5. La cinquième offre une possibilité de renversement de la présomption.
6. La sixième porte sur les conséquences fiscales.
7. La septième concerne l'échange automatique d'informations entre les États membres par la mise à disposition de données dans un répertoire central ainsi qu'une éventuelle demande de réalisation d'un contrôle fiscal.
4) Analyse d'impact
Le 22 octobre 2021, le comité d'examen de la réglementation (CER) a émis un avis favorable assorti de réserves sur l'analyse d'impact présentée pour la présente proposition.
Celle-ci a mis en évidence des coûts de conformité pour les entreprises et les administrations fiscales liés à l'option retenue. Malgré le manque de données, elle a estimé que ces coûts devraient être limités, car le nombre d'entreprises entrant dans le champ d'application de la présente initiative devrait être faible : moins de 0,3 % de l'ensemble des entreprises de l'UE. Les données supplémentaires à communiquer par ces dernières devraient être faciles à extraire et relativement simples à fournir.
Les avantages l'emporteraient largement sur ces coûts. L'étude d'impact a donc conclu à une incidence économique positive des mesures proposées. Le principal avantage direct devrait être une augmentation de la perception des recettes fiscales grâce à l'atténuation de l'utilisation abusive des entités écrans dans l'UE. Même une légère réduction des pertes de recettes fiscales actuelles, estimées à environ 20 milliards d'euros dans l'UE, représentera d'importantes ressources publiques supplémentaires.
5) Calendrier
La présente proposition, une fois adoptée sous la forme d'une directive, devrait être transposée dans le droit national des États membres au plus tard le 30 juin 2023 et entrer en vigueur le 1er janvier 2024, en cohérence avec le calendrier de transposition de la directive sur le taux minimum d'imposition. Les États membres doivent fournir à la Commission, une fois par an, les informations pertinentes par exercice fiscal, y compris une liste de données statistiques.
6) Conformité au principe de subsidiarité
La nature même de l'objet de la directive requiert une initiative commune à l'ensemble du marché intérieur : il n'est point de lutte concevable contre des pratiques d'évasion et de fraude qui ne connaissent pas de frontières sans un cadre juridique commun, qui doit être transposé dans le droit national des États membres d'une manière coordonnée.
Chaque État membre agissant seul ne pourrait obtenir de meilleur résultat sans un tel cadre.
Il est avéré que les dispositifs écrans impliquent les systèmes fiscaux de plus d'un État membre à la fois. Plusieurs États membres peuvent être concernés par un dispositif incluant le recours à une société écran située dans un autre État membre.
Certains États membres ont mis au point des règles ciblées, mais une lutte fragmentée ne peut être efficace. Une approche au « cas par cas », encore couramment pratiquée par d'autres États membres, non plus : les risques de distorsions de concurrence au sein du marché intérieur sont trop grands.
Une initiative coordonnée de l'Union européenne apporte une indéniable valeur ajoutée par rapport à une multitude d'actions prises au niveau national, qui risquent de faire le jeu des concepteurs et utilisateurs de sociétés écrans à des fins fiscales, un jeu perdant pour les États membres.
L'élaboration d'une législation européenne garantit la sécurité juridique du marché intérieur, tout en réduisant les coûts de conformité pour les entreprises opérant en son sein.
La directive ne prévoit pas une harmonisation complète mais uniquement une protection minimale pour les systèmes d'imposition des États membres. Elle établit un test commun, destiné à aider les États membres à détecter les cas manifestes d'entités écrans utilisées de manière abusive à des fins fiscales de manière coordonnée dans l'ensemble de l'UE.
Les règles nationales, y compris les règles transposant le droit de l'Union, continuent de s'appliquer pour identifier les entités écrans qui ne relèvent pas de la présente directive. L'application de ces règles nationales devrait également être facilitée par les mesures de la présente directive, car les États membres auront accès à de nouvelles informations concernant les entités écrans établies dans d'autres États membres.
Le texte respecte en outre les accords et conventions en vigueur entre les États membres et les pays tiers en vue de l'élimination de la double imposition des revenus et, le cas échéant, des capitaux. Il ne va pas au-delà de ce qui est nécessaire à la réalisation de ses objectifs. Il est donc conforme au principe de subsidiarité.
Le groupe de travail sur la subsidiarité a donc décidé de ne pas intervenir sur ce texte au titre de l'article 88-6 de la Constitution.
Examen dans le cadre de l'article 88-4 de la Constitution
Texte déposé au Sénat le 11/02/2022MARCHÉ INTÉRIEUR, ÉCONOMIE, FINANCES ET FISCALITÉ
Texte E16456
Proposition de directive du
Conseil établissant des règles pour empêcher l'utilisation
abusive d'entités écrans à des fins fiscales et modifiant
la directive 2011/16/UE
COM (2021) 565 final
(Procédure écrite du 13 décembre 2022)
La commission a décidé de ne pas intervenir plus avant sur ce texte au titre de l'article 88-4 de la Constitution.