COM (2018) 895 final
du 19/12/2018
Contrôle de subsidiarité (article 88-6 de la Constitution)
Le texte COM 895 vise la situation du transport routier dans l'hypothèse d'un retrait du Royaume-Uni sans accord. Au sein de l'Union européenne, le transport de marchandises par route est principalement couvert par un règlement de 2009 qui définit les règles communes concernant respectivement l'accès à la profession de transporteur routier et l'accès au marché du transport international de marchandises par route. Faute d'accord de retrait, les dispositions de ce règlement les services de transport routier de marchandises entre le Royaume-Uni et les États membres cesseront de s'appliquer le 30 mars prochain. Par conséquent, les licences communautaires délivrées par le Royaume-Uni aux transporteurs routiers de marchandises jusqu'à ne seront plus valides et les titulaires desdites licences n'auront plus accès au marché du transport routier de l'UE. Dans le même temps, sur la base des licences communautaires existantes, les transporteurs de marchandises par route de l'Union n'auront plus accès au marché du transport routier de marchandises du Royaume-Uni.
Faute de base juridique, le contingent multilatéral d'autorisations de la Conférence européenne des ministres des transports (CEMT) constituerait alors le seul cadre pour permettre la continuité de ces services, sous réserve d'une autorisation de la CEMT. Un véhicule muni d'une autorisation CEMT peut réaliser le transport de marchandises entre les 43 pays participant au système du contingent multilatéral, à savoir 26 des États membres de l'UE-27 (à l'exception de Chypre), le Royaume-Uni et 16 autres pays. Après un transport international de marchandises entre le pays d'immatriculation du véhicule et un autre pays membre de la CEMT, ledit véhicule peut effectuer jusqu'à trois voyages en dehors du pays d'immatriculation avant de devoir y retourner.
Chaque État membre se voit octroyer un nombre limité d'autorisations CEMT que ses autorités compétentes sont chargées de délivrer à l'échelle nationale. Reste que les autorisations pour l'année 2019 ont déjà été délivrées et leur nombre ne peut pas augmenter dans l'immédiat. Les contingents CEMT sont établis annuellement et toute modification du nombre d'autorisations attribuées à un pays membre de la CEMT doit être approuvée à l'unanimité par tous les pays participant à la CEMT. Les autorisations déjà accordées au Royaume-Uni ne couvrent par ailleurs qu'une faible partie du volume d'échanges.
Dans ces conditions, la Commission européenne propose des mesures temporaires visant à encadrer le transport de marchandises par la route entre l'Union et le Royaume-Uni. Ces mesures sont destinées à maintenir la connectivité de base pour une durée strictement limitée et éviter toute rupture brutale des échanges.
La proposition de règlement prévoit ainsi dans un premier temps l'octroi unilatéral de droits de transport bilatéral aux transporteurs routiers du Royaume-Uni, afin que ceux-ci puissent continuer à réaliser le transport de marchandises entre les territoires respectifs. Les droits conférés aux transporteurs routiers du Royaume-Uni sont soumis à une obligation de conformité avec la législation de l'Union applicable au transport routier de marchandises et à l'octroi de droits équivalents par le Royaume-Uni aux transporteurs routiers de l'Union.
La proposition de règlement instaure un mécanisme visant à garantir aux transporteurs routiers de l'Union des conditions de concurrence loyales et équitables par rapport aux transporteurs britanniques. Une disposition explicite est introduite pour rappeler que les États membres ne doivent ni négocier ni conclure d'accords bilatéraux relatifs au transport de marchandises par la route avec le Royaume-Uni sur les questions relevant du champ d'application du règlement européen et que, par ailleurs, ils ne doivent pas accorder aux transporteurs britanniques d'autres droits en matière de transport routier de marchandises.
Ce texte a suscité des réserves au Conseil où certains Etats membres - dont la France - jugent que la base légale retenue ne peut permettre d'encadrer les conditions d'accès d'un État tiers au marché intérieur (article 91 du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne). Un avis a été demandé au service juridique du Conseil afin de déterminer si la notion de compétence exclusive s'impose en la matière. L'article 91 du TFUE prévoit que en effet l'Union européenne adopte des règles communes applicables aux transports internationaux exécutés au départ ou à destination du territoire d'un État membre, ou traversant le territoire d'un ou de plusieurs États membres. Ces règles peuvent également viser les conditions d'admission de transporteurs non-résidents aux transports nationaux dans un État membre, les mesures permettant d'améliorer la sécurité des transports et toutes autres dispositions utiles.
Certains Etats membres regrettent également le recours aux actes délégués pour la mise en oeuvre effective de la proposition de règlement. Ces objections ne sont pas anodines en matière de subsidiarité.
Reste que cette proposition vient amender des éléments de la législation de l'Union européenne, dans laquelle celle-ci dispose d'une compétence exclusive. Cette proposition vise à assurer, de façon égale, le trafic à destination et en provenance de tout point situé dans l'Union pour éviter toute perturbation au sein du marché intérieur. Le résultat souhaité ne semble pouvoir être atteint par une action au niveau des seuls États membres, même si l'article 91 ne couvre pas les relations avec les pays tiers. Le service juridique du Conseil a, de son côté, estimé que la proposition de règlement ne constitue en rien un accord bilatéral entre l'Union européenne et le Royaume-Uni.
Dans ces conditions, il est décidé de lever les réserves sur ce texte, au titre de l'article 88-6 de la Constitution.