COM (2015) 177 final  du 22/04/2015

Contrôle de subsidiarité (article 88-6 de la Constitution)


Le texte COM 177 consiste en une proposition de règlement conférant aux États membres la possibilité de restreindre ou d'interdire sur leur territoire l'utilisation de denrées alimentaires et d'aliments pour animaux génétiquement modifiés

Le texte en examen est à la fois la suite d'un engagement politique et une mise en cohérence juridique.

Lors de la présentation de ses orientations politiques au Parlement européen, en juillet 2014, la Commission s'était engagée à réexaminer la législation sur le processus décisionnel relatif aux OGM. Ce processus, fixé par le règlement 1829/2003 du 22 septembre 2003 ne s'est pas avéré satisfaisant. L'autorité européenne de sécurité des aliments (EFSA), chargée de l'examen scientifique des demandes d'autorisation de mise en culture ou de mise sur le marché a régulièrement été contestée dès lors qu'elle concluait à l'absence de risque. Toutes les étapes de la procédure ont, par ailleurs, révélé à la fois les divisions des États membres, mais aussi leur incapacité à se positionner clairement, c'est-à-dire à la majorité qualifiée, en faveur ou en opposition aux OGM. De fait, face à l'absence de décision des États membres, c'est à la Commission qu'il échoit d'adopter la décision finale, sans le soutien des États membres et même en dépit de l'opposition du Parlement européen. Outre l'avis de l'EFSA, le règlement de 2003 permettait à la Commission de prendre en considération « d'autres facteurs légitimes », mais l'interprétation de la Cour de Justice imposait des « raisons impérieuses d'intérêt général », autant dire des conditions extrêmement difficiles à réunir. Les États peuvent, de leur côté, suspendre l'application d'une décision d'autorisation de la Commission, en évoquant les «clauses de sauvegarde » et l'« urgence », deux notions liées à une appréciation des risques pour la santé humaine ou animale, ou sur l'environnement, fondée soit sur des données inédites au moment de l'évaluation initiale (clause de sauvegarde) soit sur des risques graves (urgence). Cette décision demeure sous le contrôle du juge administratif. Ainsi, par deux fois, le Conseil d'État a annulé deux arrêtés ministériels suspendant l'interdiction du maïs « MONsanto 810 ».

Cet écheveau de contraintes juridiques masque de fait une profonde controverse sur les OGM. Le débat tend à dépasser la seule analyse scientifique, les cultures OGM sont devenues un symbole d'une lutte politique, en phase avec une opinion publique, majoritairement hostile aux denrées alimentaires génétiquement modifiées.

C'est dans ces conditions que la nouvelle Commission s'est engagée à modifier le cadre réglementaire et à accélérer la réforme en cours. Celle-ci a, en effet, été initiée en 2009. L'idée était de prendre en compte « des facteurs d'appréciation socio-économiques ».

Un premier texte relatif aux mises en culture a été présenté par la Commission en 2010. En complément du mécanisme de sauvegarde qui demeure de la compétence européenne, la réforme introduisait une clause de « non participation volontaire », de compétence nationale, fondée sur « des motifs autres que ceux qui ont trait à l'évaluation des incidences négatives sur la santé et l'environnement ».

Le texte a été examiné par la commission des affaires européennes, le 11 octobre 2010, au titre de l'article 88-4. Le contexte était tendu par l'affaire des faucheurs volontaires. Deux rapporteurs ont procédé à l'évaluation du texte : MM. Richard Yung et Gérard César. La commission s'était montrée prudente, voire réservée et l'intervention de Robert Badinter fut la plus vigoureuse, comparant les faucheurs « aux puritains qui, jadis, brûlaient les sorciers ».

Une prudence partagée par d'autres États puisqu'il a fallu pas moins de cinq ans pour que cette proposition de la Commission soit adoptée et devienne la directive UE 2015/412 du 11 mars 2015.

La directive concerne la culture d'OGM et ouvre la possibilité pour les États de restreindre ou d'interdire la culture d'OGM sur leur territoire.

La présente proposition vise à compléter la directive de mars 2015 et concerne cette fois l'utilisation des OGM - « l'utilisation de denrées alimentaires et d'aliments pour animaux génétiquement modifiés ». Le texte conduit à renforcer le rôle des États membres.

La proposition de règlement vise en pratique à renationaliser des choix politiques qui relèvent, jusqu'à présent de l'Union européenne. La généralisation d'une clause balai qui consisterait à dire que dans tout domaine, un État peut s'affranchir d'une disposition européenne « pour des raisons impérieuses » peut apparaître comme un très mauvais signal pour la construction européenne et la concurrence entre États membres.

Il est donc possible d'avoir des interrogations comparables à celles exprimées en 2010. Toutefois, force est de constater que la solution préconisée par la Commission européenne est dans la continuité de celle retenue dans la directive adoptée en mars dernier. Dans ces conditions, il n'a pas paru opportun au groupe de travail d'examiner ce texte plus avant au titre de l'article 88-6 de la Constitution.


Examen dans le cadre de l'article 88-4 de la Constitution

Texte déposé au Sénat le 04/05/2015