COM (2013) 260 final  du 06/05/2013

Contrôle de subsidiarité (article 88-6 de la Constitution)

Examen : 29/05/2013 (commission des affaires européennes)


Les quatre textes COM (2013) 260, COM (2013) 262, COM (2013) 265 et COM (2013) 267 font partie d'un paquet législatif visant à assurer un meilleur respect des normes de santé et de sécurité sanitaire au sein de la filière agro-alimentaire. Ce faisant, la Commission entend réduire le corpus législatif communautaire en la matière de 70 à 5 textes.

Quatre propositions de règlement ont ainsi été transmises au titre de l'article 88-6 de la Constitution.

La première COM (2013) 260 concerne la santé animale. L'ambition affichée par la Commission consiste à renforcer les normes existantes et à promouvoir un système commun destiné à améliorer la détection et la lutte contre les maladies, mais aussi à coordonner le traitement des risques relatif à la santé et à la sécurité sanitaire des denrées alimentaires et des aliments pour animaux. Le texte insiste également sur la mise en oeuvre de règles plus performantes en matière d'identification et d'enregistrement des animaux, afin de renforcer leur traçabilité. La proposition de règlement instaure, en outre, une classification et un ordre de priorité pour les maladies nécessitant une intervention au niveau de l'Union européenne. Le texte prévoit enfin la compartimentation des animaux en cas d'épizootie. Cette disposition n'était jusque-là utilisée que dans le cadre de la grippe aviaire ou dans le domaine de l'aquaculture.

La deuxième proposition de règlement COM (2013) 262 concerne le matériel de reproduction des végétaux. Le dispositif envisagé par la Commission assouplit et simplifie les règles de commercialisation pour les semences et les autres matériels de reproduction des végétaux. Les semences traditionnelles sont dispensées d'essais et voient leurs coûts d'enregistrement réduits. L'évaluation de la qualité des semences devra, quant à elle, intégrer les notions de durabilité, de biodiversité et d'adaptation au réchauffement climatique. La gestion des catalogues des semences et la certification de celles-ci sont, dans le même temps, déléguées aux professionnels. Les demandes d'enregistrement pourront, de leur côté, être directement adressées à l'Office européen des variétés végétales (CPVO), évitant ainsi une procédure au sein de tous les États membres.

Le troisième texte COM (2013) 265 concerne les contrôles officiels. La proposition de règlement souligne la nécessité de renforcer les instruments dont disposent les États membres. Le système de redevances qui permet de financer ces contrôles est, dans cette optique, étendu aux parties de la filière agroalimentaire qui n'y sont actuellement pas soumis. La fixation de ces redevances demeure de la compétence des États membres. Les entreprises de moins de 10 salariés et dont le chiffre d'affaires n'excède pas 2 millions d'euros annuels sont exonérés de cette redevance.

La dernière proposition de règlement COM (2013) 267 vise les mesures de protection contre les organismes nuisibles aux végétaux. La Commission propose de moderniser le régime phytosanitaire actuel. Une plus grande attention devrait ainsi être portée aux échanges commerciaux à haut risque en provenance des pays tiers et au renforcement de la traçabilité des plants. Le texte prévoit dans le même temps des mesures destinées à renforcer la surveillance et permettre une éradication plus rapide des foyers de nouveaux organismes nuisibles. Il prévoit également une compensation financière pour les cultivateurs touchés par ces phénomènes.

Dans un contexte de doute sur la qualité des denrées issues de filière agro-alimentaire, ce paquet législatif va dans le bon sens en renforçant les contrôles face à des phénomènes de nature souvent transfrontalière. Le scandale de la viande de cheval l'a encore montré récemment. Il n'y a donc pas lieu de soulever de réserve au titre de la subsidiarité.


Examen dans le cadre de l'article 88-4 de la Constitution

Texte déposé au Sénat le 22/05/2013
Examen : 30/10/2013 (commission des affaires européennes)

Ce texte a fait l'objet de la proposition de résolution : n° 109 (2013-2014) : voir le dossier legislatif


Agriculture et pêche

Texte E 8298

Sécurité sanitaire et santé animale

COM (2013) 260 final

Proposition de résolution européenne de Mme Bernadette Bourzai

(Réunion du 30 octobre 2013)

M. Simon Sutour, président. - Le second point de notre ordre du jour appelle une communication de notre collègue Bernadette Bourzai sur le volet « santé animale » du « paquet » législatif présenté par la Commission européenne. Je rappelle que le volet concernant les semences et la santé des végétaux nous sera présenté par nos collègues Jean Bizet et Richard Yung.

Les crises sanitaires animales que l'Europe doit affronter périodiquement soulignent toute l'importance des dispositifs sur la santé animale. Le Sénat y est très attentif. Bernadette Bourzai suit ces questions avec une grande vigilance. Je rappelle qu'elle a présidé tout récemment la mission commune d'information sur la filière viande en France et en Europe. Sur son initiative, nous avions également adopté un avis politique sur le virus de Schmallenberg. Nous avons ainsi noué un dialogue direct avec la Commission européenne sur cette question.

À l'issue de sa communication, nous examinerons la proposition de résolution qu'elle a préparée et qui vous a été adressée.

Mme Bernadette Bourzai. - En mai 2013, la Commission européenne a présenté un ensemble de propositions de règlements - un « paquet législatif » - relatifs à la santé végétale, à la santé animale, aux semences. La présentation qui suit concerne le seul volet « santé animale ».

Cette proposition de règlement, plus connue sous l'appellation « loi santé animale », se présente comme une opération de toilettage et de simplification d'un ensemble de textes anciens et disparates. Cet objectif, évidemment louable, n'exclut pas certaines interrogations, notamment sur le processus de décision dans l'Union européenne, qui appellent notre vigilance.

Je vous propose de présenter cette proposition de règlement avant d'analyser les questions en débat et de proposer une résolution européenne.

L'Europe doit régulièrement faire face à des crises sanitaires animales. Les maladies restent présentes dans les pays d'élevage. L'Union européenne doit se préparer à affronter ces risques accrus sous l'effet de la multiplication des échanges, du changement climatique, et des mutations des agents infectieux.

L'aptitude à traiter une crise est un critère légitime d'appréciation des citoyens sur le fonctionnement des institutions. Lors de l'épisode de la vache folle, les tergiversations de la Commission sur les restrictions aux échanges avaient beaucoup affecté la crédibilité des institutions européennes dans leur ensemble. C'est à cette époque que la santé animale est entrée dans le champ du débat politique.

En 2007, la Commission européenne publie une communication intitulée « une nouvelle stratégie de santé animale pour l'Union européenne ». Elle a présenté ses propositions réglementaires en mai 2013 au sein d'« un paquet sanitaire ». La formule est désormais courante. En 2004, le « paquet hygiène » visait la sécurité sanitaire des aliments, s'intéressait au produit fini, en laissant de côté les producteurs primaires - éleveurs et agriculteurs. Le « paquet santé » vient en quelque sorte en complément, en amont, du précédent « paquet hygiène ».

L'objectif du texte est de garantir un niveau élevé de santé publique et de sécurité sanitaire. Cet objectif passe par la simplification des textes actuels. Le cadre législatif européen actuel en matière de santé animale comporte près de 50 directives et règlements de base ainsi que quelque 400 textes de droit dérivé remontant pour certains à 1964. Une telle accumulation pouvait conduire à des incohérences, des redondances.

Cette proposition de règlement de 260 articles codifie l'ensemble de l'acquis législatif européen en santé animale. Elle prévoit quelques clarifications. La catégorisation répond en quelque sorte au classement : quelles actions pour quelles maladies ? La proposition précise quelques dispositions sanitaires qui portent sur les niveaux de surveillance, la dématérialisation des documents, la limitation des mouvements d'animaux à un seul centre de rassemblement dans le pays de départ, la reconnaissance de l'intérêt du recours à la vaccination d'urgence. Enfin, la proposition reprend des principes, aujourd'hui acquis, sur l'analyse des risques.

Le texte est aujourd'hui examiné selon la procédure législative ordinaire, par les deux branches du législateur européen.

Concernant le Parlement européen, le texte a été renvoyé au fond à la commission de l'agriculture. Deux autres commissions sont saisies pour avis : la commission de l'environnement, de la santé publique et de la sécurité alimentaire, ainsi que la commission pêche. Quatre femmes ont été nommées rapporteurs. Un vote en commission est prévu en janvier 2014 et un vote en plénière en février ou mars 2014.

Concernant le Conseil, le texte est actuellement soumis à l'examen des groupes d'experts.

Un accord en première lecture entre le Parlement européen et le Conseil est peu probable. Compte tenu de l'agenda politique européen, une adoption de ce texte ne peut être envisagée avant fin 2014/début 2015. La Commission a annoncé un délai de 36 mois pour adopter des décisions complémentaires, de telle sorte qu'une application du texte ne peut être attendue avant début 2017.

La France accueille très favorablement cette initiative européenne. Elle est considérée par ses partenaires comme un État plutôt interventionniste, mais efficace. Les principes d'action, initiés par la France, ont été repris par la Commission. Malgré ce satisfecit général, quelques interrogations se font jour. Elles sont à trois niveaux.

Le premier niveau est technique. Experts et éleveurs ont pu s'inquiéter de certaines dispositions techniques du texte. C'est le cas, par exemple, des dispositions sur les mouvements d'animaux. La proposition prévoit que les animaux envoyés dans un autre pays de l'Union européenne ne soient pas soumis à plus d'un rassemblement par pays. Cette disposition est destinée à limiter à la fois les risques sanitaires liés aux mouvements, aux mélanges d'animaux à statut sanitaire différent et au stress des animaux. Une règle qui peut s'avérer problématique dans le cas d'éleveurs dispersés.

La France, qui reste un pays d'élevage et d'élevages de taille moyenne, pourrait pâtir d'une règle comme celle-là. La moyenne serait en France entre deux et trois allotements par expédition. Selon le ministère, au moins 10 % des expéditions seraient condamnées par ce dispositif de centre de rassemblement unique.

Dans le souci de bien faire, la Commission n'irait-elle pas trop loin ? Il faut privilégier l'obligation de résultat à l'obligation de moyens.

De même, le dispositif de police sanitaire avant les exportations d'animaux serait modifié par la proposition. En vertu d'une ancienne disposition, remontant à 1964, les actes de police sanitaire sont allégés lorsque l'État dispose de réseaux de surveillance. Ces notions de réseau d'épidémiosurveillance et de contrôle allégé ne sont pas reprises dans le texte, ce qui pourrait représenter une charge supplémentaire pour les éleveurs.

Ces questions techniques seront vraisemblablement traitées au sein des groupes d'experts dans les formations du Conseil.

En revanche, sur un plan plus général -c'est le deuxième niveau d'interrogation le texte comporte quelques insuffisances.

Tout d'abord, on pourra s'interroger sur les dispositions financières. L'Union européenne doit se préparer à affronter des risques sanitaires. Les professionnels de l'élevage suivent et s'inquiètent de la progression de maladies dans et aux frontières de l'Europe.

Comment ces risques seront-ils gérés sur le plan financier ? Il y a une forte ambiguïté financière depuis que la santé animale est sortie du cadre budgétaire de la politique agricole commune (PAC) pour figurer maintenant dans la rubrique 3 du cadre financier pluriannuel - sécurité et citoyenneté.

Le nouveau règlement OCM unique prévoit bien une clause de soutien de marché financée sur la réserve de crise en cas d'épizootie. Mais cette réserve ne peut être utilisée pour traiter les cas évoqués ci-dessus puisque la santé animale est sortie de la PAC ! Comment ces mesures vont-elles être financées ? Sur l'instrument de flexibilité ? Ce point mérite d'être précisé.

Ensuite, le volet recherche est très peu évoqué dans cette proposition. Comment annoncer une loi de santé animale, censée être décisive pour l'Union européenne, sans un volet recherche puissant ? Il n'y a pratiquement aucune disposition sur ce thème.

L'Autorité européenne de sécurité des aliments (EFSA) a, bien entendu, son rôle à jouer dans cette évaluation. Tel fut le sens de l'avis politique présenté à la Commission européenne à la suite de notre rapport sur le virus de Schmallenberg, en décembre 2012. Notre commission avait demandé à la Commission européenne de saisir l'EFSA afin qu'elle conduise une analyse des risques d'introduction des maladies nouvelles dans une zone d'importation suspecte.

Dans un courrier du 7 mai 2013, adressé au Président du Sénat, M. Maro efcoviè, vice-président de la Commission européenne, s'est engagé à donner une suite à cette initiative.

C'est un succès pour le Sénat et pour sa commission des affaires européennes en particulier. Il doit nous encourager à renouveler ces initiatives qui contribuent à faire vivre le dialogue politique entre les parlements nationaux et la Commission.

Le troisième niveau concerne l'interrogation institutionnelle sur le pouvoir réglementaire délégué à la Commission. Le texte se veut un texte de codification regroupant des dispositions dispersées, mais de nombreux articles fixent renvoyés à des textes d'application.

La santé animale est un exemple de transfert massif du pouvoir législatif à la Commission européenne. Il y a une forte inquiétude à ce sujet.

Le traité de Lisbonne apporte des modifications majeures dans le processus décisionnel de l'Union européenne. Cela est bien connu s'agissant de l'adoption des textes de base. Mais une évolution tout aussi importante touche le pouvoir réglementaire dérivé.

Jusqu'au traité, le pouvoir d'application de la Commission était encadré par ce que l'on a appelé, « la comitologie ». Le pouvoir dérivé de la Commission restait sous contrôle des États par l'intermédiaire des avis des comités d'experts. Selon les cas, ces comités avaient un pouvoir consultatif, un pouvoir d'opposition ou un pouvoir d'approbation.

Le traité de Lisbonne a modifié ces règles en distinguant deux nouvelles procédures : la procédure des actes délégués, instituée par l'article 290 du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne (TFUE), et la procédure des actes d'exécution instituée par l'article 291.

Avec les actes délégués, la Commission se voit confier le pouvoir de compléter ou modifier les éléments non essentiels de l'acte de base. La Commission est assistée d'un groupe d'experts. Mais la consultation n'est pas obligatoire et il ne s'agit pas des représentants des États membres. Le législateur présente son projet d'acte délégué aux deux législateurs qui peuvent s'opposer à la mesure.

Avec les actes d'exécution, on retrouve le système classique de comitologie, composé des représentants des États membres. Dans la procédure d'examen la plus courante, le comité doit adopter un avis, positif ou négatif, à la majorité qualifiée. En cas d'opposition, la décision remonte à une formation du Conseil.

Ces procédures ont été souvent utilisées et les positionnements se sont affinés. Le Parlement européen serait plutôt favorable aux actes délégués car il dispose d'un vrai pouvoir d'opposition. Mais il n'y a pratiquement pas de contrôle des États membres. Le Conseil serait plutôt partisan des actes d'exécution car la procédure est voisine de l'ancienne comitologie. Selon un observateur, « la Commission s'arrange toujours pour éviter une situation de blocage et parvient presque toujours à faire passer ses projets ».

La présente proposition de règlement se caractérise par un nombre considérable d'actes dérivés : les 260 articles de base renvoient à quelques 106 actes délégués et 57 actes d'exécution. Le texte est parfois ressenti comme étant « une coquille vide » qui sera remplie plus tard. Remplie par la Commission, au nom de son pouvoir délégué et de son pouvoir d'exécution.

Cette situation a déjà été dénoncée par deux parlements, autrichien et tchèque. Sous prétexte de faciliter le travail législatif, de le rendre plus rapide, la procédure de législation dérivée ne doit pas être détournée de ses objectifs. Le pouvoir délégué de la Commission ne doit pas se substituer au pouvoir normatif du législateur.

Cette situation est souvent évoquée dans l'examen des propositions d'actes législatif, dans la plupart des domaines, mais elle atteint sans doute, dans le cas présent, un niveau excessif.

Pour l'ensemble de ces raisons, je vous suggère d'adopter la proposition de résolution qui vous a été communiquée.

M. Simon Sutour, président. - Je vous propose une discussion générale commune sur le rapport de Mme Bourzai et sur le contenu de la proposition de résolution, celle-ci découlant de la communication de notre collègue...

M. Jean Bizet. - Je suis globalement en phase avec ce qui a été dit dans le rapport ; en préambule, je me réjouis de la suite qui a été donnée par le vice-président efcoviè à la saisine de l'EFSA concernant la maladie de Schmallenberg.

En second lieu, j'attire l'attention sur les centres d'allotement ; c'est dans ces lieux que s'expriment avec plus de vigueur les contaminations virales : les animaux sont stressés, ne bénéficient pas de leurs conditions d'alimentation habituelles, et les taux de croissance s'en trouvent durement impactés.

En matière de santé publique, j'ai découvert, en 2001, lorsque j'étais rapporteur de la commission d'enquête sur les conditions d'utilisation des farines animales et sur l'encéphalopathie spongiforme bovine (ESB), la carence du système anglais dans ce domaine : les Anglais ayant, dans un excès de libéralisme, totalement détruit leur réseau d'épidémiosurveillance, n'ont pu faire face à la contamination !

Le docteur Wallach et le président de l'Office international des épizooties considèrent que le réseau d'épidémiosurveillance français est l'un des plus performants au monde.

C'est une question de santé publique, humaine et animale, mais aussi d'impact sur l'élevage. J'établis là un lien avec ce qui se dessine dans le cadre de la loi d'avenir agricole, dans laquelle on cherche à empêcher les vétérinaires de délivrer certains antibiotiques, alors même que l'antibiosupplémentation animale est interdite depuis 2006 sur l'ensemble du territoire européen.

Ne fragilisons pas notre réseau d'épidémiosurveillance, confortons la formation des vétérinaires français et l'engagement qui est le leur de pouvoir délivrer des médicaments ! J'avais imaginé un amendement après l'alinéa 6 : « Rappelle que l'excellence du réseau d'épidémiosurveillance français est lié notamment à la qualité de la formation des vétérinaires, et à leur pleine responsabilité en matière de délivrance de médicaments ».Aucun de nous ne souhaite fragiliser l'élevage français ! Recréer un réseau d'épidémiosurveillance sera difficile...

M. Yannick Botrel. - Mes propos vont dans le même sens que ceux de notre collègue Jean Bizet. La santé animale est un sujet important, en rapport avec la sécurité alimentaire. On sait ce que les dysfonctionnements peuvent coûter aux filières en général. On l'a vu, en France, avec l'ESB. En Angleterre, l'absence de contrôles et les méthodes de traitement des viandes ont favorisé la prolifération du prion. Notre système fonctionnant bien en abattoir, on a trouvé des bêtes sur les chaînes, et les medias ont mal communiqué sur le sujet, créant la psychose. Les filières sont considérablement affaiblies quand de tels événements se produisent.

J'étais en Angleterre à la fin des années 1980. On avait alors trouvé des salmonelles dans les oeufs. La filière s'est effondrée en quelques jours, dans un pays qui en consomme traditionnellement beaucoup, ainsi que les cours sur d'autres marchés !

Le haut niveau de protection, en France, est réel. Il est fondé sur nos anciennes directions des services vétérinaires (DSV) et sur les groupements de défense sanitaire.

M. Jean Bizet. - Ils sont excellents !

M. Yannick Botrel. - En effet. J'ai siégé durant quelques années, en tant que représentant du Conseil général, au sein d'un groupe de défense sanitaire (GDS) départemental. On sent les participants motivés ; ce sont des gens de grande qualité. Les frontières départementales ne veulent plus dire grand-chose. Il vaut parfois mieux raisonner par bassin d'élevage.

Nous avons donc un système performant, à la fois du côté des éleveurs, mais aussi parmi les services de l'État -même s'ils sont parfois, lorsqu'il s'agit d'exportations agroalimentaires, un peu rigides...

Qu'en est-il ailleurs ? Sait-on ce qui se passe dans les autres pays européens ? Personne n'a intérêt à tirer les choses vers par le bas, compte tenu des enjeux pour notre agriculture et pour nos éleveurs.

M. Michel Billout. - J'apporte un total soutien à cette résolution, et je n'ai aucune objection à la proposition d'amendement.

Je trouve l'échelon européen particulièrement pertinent pour traiter de cette question, à la fois pour préserver les filières d'élevage, mais aussi la santé publique, lorsqu'on sait la façon dont voyagent aujourd'hui les animaux au sein de l'Union européenne !

Je soutiens également la proposition de résolution en ce qui concerne les points 12, 13 et 14 sur le recours abusif aux actes délégués. C'est un phénomène que j'ai moi-même constaté à travers un certain nombre de textes européens dont nous étions saisis, dans le cadre de l'examen au titre de la subsidiarité.

Il existe une réelle tendance, par souci pratique, à recourir aux actes délégués, mais ceux-ci ne semblent pas toujours fidèles aux textes de base, et l'on en exagère souvent l'usage, ce qui, du point de vue du contrôle démocratique, pose de réels problèmes. C'est donc une très bonne chose que de rappeler la Commission à davantage de sagesse en la matière !

M. Gérard César. - J'irai dans le même sens que Michel Billout, et je voudrais féliciter Mme Bourzai pour la qualité de son manifeste.

S'agissant de l'alinéa 14, celui-ci demande au Gouvernement de ramener le nombre d'actes délégués à un niveau « sensiblement inférieur ». Que signifient ces deux derniers termes ? Il conviendrait d'être plus précis.

M. Jean Bizet. - Il est vrai que, lorsqu'on a siégé au sein des GDS, on mesure pleinement l'engagement des éleveurs, des agents techniques et des vétérinaires. En la matière, on est dans une notion de responsabilité collective. Face à la carence du réseau d'épidémiosurveillance anglais, c'est l'ensemble de l'Union européenne qui a payé les pots cassés.

Pas question d'avoir une harmonisation qui tire le niveau vers le bas ! Il faut être excessivement rigoureux sur ce point !

Mme Bernadette Bourzai. - Merci de votre contribution à ce débat important, mes chers collègues.

Les observations de M. Bizet sur l'importance de la santé animale - dont découle la santé humaine - sont fort sensées, et nous les partageons tous. Ceci me permettra de répondre à M. Botrel : le niveau des réseaux d'épidémiosurveillance - lorsqu'ils existent, ce qui n'est pas toujours le cas - est très disparate dans l'ensemble de l'Union européenne.

C'est là tout le risque du paquet « santé animale » - ce que M. Barroso appelle « better régulation » : en simplifiant, on fait souvent disparaître des conditions qui peuvent être importantes ! En outre, 170 actes d'application sont absents du texte immédiat. Il s'agit donc d'un blanc-seing que l'on donne à la Commission. Il faut rappeler que nous n'avons pas à le faire !

Il existe des règles, qui s'appliquent à l'ensemble du territoire de l'Union européenne. Elles sont plus ou moins bien exécutées et contrôlées, mais je partage votre avis sur le fait qu'il faut rehausser, et non abaisser, le niveau de la surveillance et de qualité que l'on accorde à la santé animale !

Globalement, c'est un projet intéressant. Il est épais, comme tous les textes de la Commission. Il contient un certain nombre de choses mais, en fait, n'est pas très précis, puisqu'on nous demande de faire confiance à la Commission, d'où l'idée qu'il faut réduire le nombre d'actes délégués ou d'actes d'exécution.

Pour ce qui concerne la proposition d'amendement de M. Bizet, j'ai rencontré par hasard notre collègue Virginie Klès, qui m'en a parlé. J'y souscris totalement, car j'ai été saisie de cette question par un jeune vétérinaire de mon département, venu s'installer en Corrèze, sur le plateau de Millevaches, très inquiet d'une déclaration de M. Le Foll remontant à l'automne dernier, qui évoquait la séparation des fonctions de prescription et de commercialisation des produits vétérinaires, notamment s'agissant des antibiotiques. Depuis, la loi d'avenir a bien édulcoré les choses. Je crois que le ministre a pris conscience qu'à l'heure actuelle, dans les écoles vétérinaires, on compte 80 % de jeunes filles pour 20 % de garçons, ce qui pourrait poser des problèmes dans les zones rurales - même si je n'exclus pas que des vétérinaires femmes aillent « au cul des vaches », si je puis me permettre cette expression bien corrézienne...

Ce sujet soulève le problème de la désertification vétérinaire en milieu rural. Dans nos régions, spécialisées dans l'élevage bovin, ce serait une catastrophe ! D'ici dix à quinze ans, la situation des vétérinaires pourrait être la même que celle des médecins. La Corrèze constituant déjà un véritable désert médical, je ne peux qu'être sensible à ce discours.

La proposition d'amendement que vous faites est tout à fait recevable, dans la mesure où elle souligne l'excellence du réseau d'épidémiosurveillance français. C'est ce qui ressort de toutes les auditions que nous avons menées. C'est un modèle. Il serait exemplaire de l'appliquer au plan européen. On pourrait même conseiller de prendre exemple sur lui -mais l'Europe n'aime guère que la France se place en pole position.

S'agissant de la qualité de la formation des vétérinaires, le projet de loi d'avenir prévoit un regroupement des écoles d'enseignement supérieur et le respect de la pleine responsabilité des vétérinaires en matière de délivrance des médicaments, en particulier d'antibiotiques. Selon la revue « Alim'agri », la consommation d'antibiotiques destinés aux animaux est en diminution. Les résultats commencent donc à se faire sentir. C'est encourageant, et on ne peut qu'aller en ce sens.

M. Simon Sutour, président. - Je désirerais ajouter un mot sur les actes délégués et les actes d'exécution... Nous avons connu le même problème à propos de la protection des données personnelles. C'est une sorte d'acte réglementaire européen. Le problème vient des projets de texte trop vagues, qui sont précisés par les actes délégués ou les actes d'exécution. Le Parlement européen peut s'y opposer à la majorité de ses membres, ou le Conseil à la majorité qualifiée, mais cela semble un peu théorique....

Nous pourrions travailler sur ce sujet, afin de proposer une résolution et avoir un avis politique vis-à-vis de la Commission...

M. Jean Bizet. - Une dérive dans le recours aux actes délégués ou aux actes d'exécution ne peut qu'entraîner une limitation du contrôle parlementaire. Il faut y mettre un certain holà. Même si l'on est soucieux d'éviter le blocage des institutions, il y a un équilibre à respecter, une ligne rouge à ne pas franchir.

M. Simon Sutour, président. - Il ne faut pas donner de chèque en blanc !

Chacun est-il d'accord pour adopter la proposition de résolution modifiée en fonction du débat ? Je ne vois pas d'opposition... Elle est adoptée.

Proposition de résolution européenne

1 - Le Sénat,

2 - Vu l'article 88-4 de la Constitution,

3 - Vu les articles 290 et 291 du Traité sur le fonctionnement de l'union européenne (TFUE),

4 - Vu la communication de la Commission intitulée une nouvelle stratégie de santé animale (COM (2007) 539),

5 - Vu la proposition de règlement du Parlement européen et du Conseil relatif à la santé animale (COM (2013) 260 - texte E 8298),

6 - Considère que la proposition de règlement visant à simplifier et codifier la législation existante est un texte utile dont l'économie générale est positive ;

7 - Approuve la reprise par la Commission des principes d'actions exigeants initiés par la France en matière des contrôles et de gestion des crises sanitaires ;

8 - Rappelle que l'excellence du réseau d'épidémio-surveillance français est liée notamment à la qualité de la formation des vétérinaires et à leur pleine responsabilité en matière de délivrance des médicaments ;

9 - Estime cependant que ce texte présente de nombreuses ambiguïtés ;

10 - Craint que le projet de centre de rassemblement unique à l'occasion des mouvements d'animaux ne soit pénalisant pour les exportateurs français sans apporter de garanties sanitaires supplémentaires ;

11 - Souhaite que, lors des exportations d`animaux, les formalités allégées de police sanitaire, telles qu'elles se pratiquent en France en raison de la qualité de son réseau d'épidémiosurveillance, puissent être maintenues ;

12 - Demande que les conditions de financement des mesures sanitaires en cas de crise soient mieux précisées dans la mesure où les dépenses vétérinaires ne figurent plus parmi les dépenses agricoles ;

13 - Regrette que le volet recherche soit si peu présent dans cette proposition ;

14 - Déplore le recours manifestement excessif aux actes délégués et aux actes d'exécution - 163 au total - qui confère un pouvoir exorbitant à la Commission européenne ;

15 - Considère que la procédure de législation déléguée confiée à la Commission, en vertu des articles 290 et 291 du TFUE, ne doit pas être détournée de son objectif ;

16 - Demande au Gouvernement de faire en sorte que le nombre d'actes délégués soit réduit et que tous les éléments pertinents soient fixés dans le texte de base ;

17 - Rappelle l'avis politique émis par la Commission des affaires européennes, le 6 décembre 2012, sur la lutte contre le virus de Schmallenberg ;

18 - Demande au Gouvernement de veiller à ce que l'engagement pris par M. Maros Sefcovic, vice-président de la Commission européenne à la suite de cet avis politique, de mandater l'Autorité européenne de sécurité des aliments (AESA) pour mener une étude sur l'évaluation des risques liés à l'apparition de maladies animales émergentes transmises par des insectes vecteurs, soit suivi d'effet.