COM (2012) 380 final
du 13/07/2012
Contrôle de subsidiarité (article 88-6 de la Constitution)
Examen : 04/10/2012 (commission des affaires européennes)Réponse de la Commission européenne
Ce texte a fait l'objet de la proposition de résolution : n°17 (2012-2013) : voir le dossier legislatif
Transports
Contrôle technique automobile
Communication de M.
Jean-François Humbert
et proposition de résolution portant
avis motivé
(Réunion du 4 octobre 2012)
M. Jean-François Humbert. - La proposition de règlement relative au contrôle technique périodique des véhicules à moteur et de leurs remorques, transmise par la Commission en juillet, vise à contribuer à la réduction de moitié du nombre de victimes de la route d'ici à 2020, fixé en 20 juillet 2010 par les autorités européennes. Elle tend également à réduire les émissions associées au mauvais entretien des véhicules.
La proposition de règlement étend en conséquence le contrôle technique obligatoire aux véhicules à deux et trois roues et aux remorques légères, et prévoit une augmentation de la fréquence des contrôles techniques pour tous les véhicules.
Aux yeux de la Commission, il existe une nette corrélation entre le nombre des défaillances techniques et le niveau de sécurité routière. Au terme d'une évaluation purement statistique - en considérant que les défaillances techniques contribuent aux décès proportionnellement à leur implication dans les accidents - elle estime à 2 000 le nombre de décès, sur un total de 35 000 en Europe en 2009, qui ont pour origine un défaut technique. Un sur deux aurait pu, selon elle, être évité par le contrôle technique.
Le texte vise particulièrement les deux et trois roues. Avec 5 100 motocyclistes tués sur les routes en 2008, cette catégorie serait surexposée, alors qu'elle ne représente que 2 % des usagers de la route. En moyenne 8 % des accidents seraient liés à une défaillance technique. La Commission propose donc d'étendre les contrôles techniques à ces véhicules. Seize États membres ont déjà mis en place un contrôle sur les deux roues, les scooters en étant parfois exempts.
Démonstration mathématique implacable ? Je me suis tout de même interrogé sur la pertinence de ces chiffres, en m'appuyant sur le rapport Maids, une étude approfondie sur les accidents des motocycles, publiée sous l'égide de l'Association des constructeurs européens de motocycles (Acem) avec le soutien de la Commission européenne. Sur 921 accidents étudiés dans cinq régions tests, moins de 0,5 % sont directement liés à une défaillance technique. Deux des cinq pays étudiés, la France et les Pays-Bas, n'ont pas de contrôle technique motocycliste. Est-il vraiment nécessaire de l'imposer ? L'Acem ne peut être suspectée de vouloir minorer l'impact des défaillances techniques, puisqu'elle est par ailleurs favorable à l'introduction des contrôles techniques, naturellement souhaitée par les concessionnaires. La principale cause de défaillance technique tient à l'usure des pneus.
De façon générale, aucun lien ne peut-être établi entre la réduction du nombre d'accidents et l'introduction du contrôle technique sur les motocycles. L'Espagne, l'Italie, la Suède ou la Slovénie, qui en ont fait l'expérience, ont même connu une augmentation du nombre de motards tués ces dernières années, avec en Italie, une situation encore plus troublante puisque le nombre de motocycles en circulation a diminué.
Une étude menée par deux chercheurs norvégiens en 2007 renverse la problématique. Selon Peter Christensen et Rune Elvik, les défaillances techniques jouent un rôle mineur dans les accidents. En outre, le taux d'accident des véhicules contrôlés a plutôt tendance à augmenter. Le lien entre défaillances techniques et accidents est donc remis en cause. Les accidents attribués à un défaut technique reflètent davantage une tendance des usagers à risquer leurs vies : MM. Christensen et Elvik soulignent que « ceux qui ne font pas attention à la sécurité ne font pas plus attention à l'entretien de leur véhicule ». La mise en place du contrôle technique n'y changera rien. En conséquence de quoi l'Observatoire national de la sécurité routière française (Onsir) estime inopportun d'étendre le contrôle technique aux motocycles.
Autre réserve : la Commission fonde son intervention sur trois rapports fournis par Dekra, l'un des leaders européens du contrôle technique. Il préconisait en 2010 une extension du contrôle technique aux deux et trois roues, un marché évalué à 1,5 milliard d'euros.
Enfin, la circulation transfrontalière de ces véhicules est trop limitée pour justifier une harmonisation européenne.
Pour la Commission, une part importante du total des émissions dues au transport routier provient d'une minorité de véhicules, mal entretenus ou fonctionnant mal : 25 % de la quantité totale des polluants seraient émis par 5 % du parc automobile. L'augmentation de la fréquence des contrôles techniques conduirait à une élimination plus rapide de ces véhicules et diminuerait le nombre d'accidents mortels.
Les contrôles techniques ont généralement lieu quatre ans après la première immatriculation, puis tous les deux ans, bien que seize États membres aient mis en place des dispositifs plus contraignants. La Commission préconise un contrôle annuel après les deux premiers contrôles, effectués quatre et six ans après la première immatriculation - mais dès la cinquième année pour les voitures et les véhicules utilitaires légers ayant parcouru plus de 160 000 kilomètres à la date du premier contrôle technique. En outre, ces contrôles devraient être plus poussés, incluant les systèmes électroniques modernes.
Le parc automobile n'est pas uniforme en Europe. Il reflète la situation économique et sociale de chaque pays : les véhicules anciens correspondent souvent à des revenus modestes. Dans la conjoncture économique difficile, l'intensification des contrôles ne risque-t-elle pas de fragiliser encore un peu plus ceux qui n'ont pas les moyens de changer de voiture au moins tous les six ans ?
Les centres de contrôle technique tels Dekra escomptent une hausse d'activité de 60 %. Pour les usagers, il en résultera des contraintes supplémentaires - l'immobilisation du véhicule - et un coût d'environ 60 à 80 euros en France.
Grâce à l'évolution technologique, les voitures vieillissent de mieux en mieux, ce qui ne plaide pas en faveur d'une intensification des contrôles. En France, le contrôle technique bisannuel ne recale plus que 20 % des véhicules. Dans 85 % des cas, il s'agit de défauts mineurs dus à l'absence d'entretien du véhicule, sans rapport avec la sécurité. En outre, le rapport Lebrun sur le contrôle technique des motos concluait en 2007 à la difficulté « d'établir une corrélation entre l'état des voitures et la survenance des accidents », en raison d'un trop faible nombre d'accidents liés à des défaillances techniques. Dans ces conditions, il paraît opportun de laisser à chaque État membre apprécier...
M. Simon Sutour, président. - Ce texte important peut avoir des conséquences très concrètes sur la vie de nos concitoyens.
M. Jean-François Humbert. - Il a suscité une réaction assez forte des motards.
M. Alain Richard. - Ce n'est pas forcément un bon argument !
M. Simon Sutour, président. - Un autre vous plaira davantage : nos homologues du Parlement suédois a jugé cette proposition contraire au principe de subsidiarité, alors qu'il existe déjà en Suède un contrôle technique.
Mme Fabienne Keller. - Le sujet qui me préoccupe relève-t-il de la réglementation française ou européenne ? À Noël dernier, dans tel supermarché de Strasbourg, des mobylettes chinoises, non conformes aux normes françaises sur la circulation, se vendaient à très bas prix, environ 90 euros. Or, le droit français distingue entre réglementation de la vente et réglementation de la circulation. On peut trafiquer un moteur de mobylette, non circuler avec un moteur trafiqué. C'est un système pervers. L'outil européen est-il le bon pour régler cette question ?
M. Simon Sutour, président. - Il y a plutôt matière à une proposition de loi, me semble-t-il.
Mme Fabienne Keller. - Doit-on autoriser l'importation de ces produits à très bas prix ?
M. Simon Sutour, président. - Quel que soit leur prix, les produits doivent être conformes à la réglementation.
Mme Fabienne Keller. - La réglementation concernant la vente, oui, mais pas la circulation. Cette schizophrénie mérite d'être étudiée. La question ne se pose pas seulement en France : l'Europe, l'Asie et les pays émergents sont concernés.
M. Michel Delebarre. - La démarche communautaire s'appuie sur une étude financée par un prestataire de contrôle technique : c'est un peu gênant ! Cela me rappelle ce qui s'est passé pour les ascenseurs.
Un détail enfin : vous affirmez que le trafic transfrontalier des motocycles est de faible ampleur : ce n'est pas le cas chez moi, où il n'y a ni montagnes ni fleuves. On file tout droit en Belgique et retour, les gamins pétaradent et s'en donnent à coeur joie.
M. Jean-François Humbert, rapporteur. - Comme franc-comtois, je n'y avais pas pensé. Le terrain est différent chez moi. Quand vous descendez la côte de Fournet-Blancheroche pour remonter ensuite à la Chaux-de-Fonds, il faut un sacré moteur...
M. Yann Gaillard. - Le projet d'avis motivé me paraît trop sévère. Ce n'est pas un avis motivé, mais démotivant !
M. Simon Sutour, président. - J'insiste sur la conclusion : « Le Sénat estime donc que la proposition de règlement ne respecte pas, en l'état, le principe de subsidiarité ».
M. Yann Gaillard. - Pour ma part, je m'abstiendrai.
*
La commission adopte à l'unanimité moins une abstention la proposition de résolution portant avis motivé dans le texte suivant :
Proposition de résolution
européenne
portant avis motivé
La proposition de règlement (COM (2012) 380) poursuit un double objectif :
- contribuer à réduire de moitié le nombre de victimes de la route d'ici à 2020 ;
- réduire les émissions de carbone associées au mauvais entretien des véhicules.
Vu l'article 88-6 de la Constitution,
Le Sénat fait les observations suivantes :
- la proposition tend à promouvoir une harmonisation très poussée des règles en matière de contrôle technique sans que des justifications convaincantes soient apportées. Cette démarche ne paraît pas fondée tant l'impact des défaillances techniques des automobiles comme des motocycles sur les accidents de la route apparait résiduel ;
- l'influence des contrôles techniques sur la diminution des accidents de motocycles n'est pas non plus démontrée par les études scientifiques menées sur le sujet dans les pays appliquant déjà cette mesure ; les données utilisées par la Commission européenne paraissent provenir de sources ayant un intérêt dans l'adoption du texte ;
- le trafic transfrontalier des motocycles, étant globalement de faible ampleur, ne justifie pas non plus d'imposer un contrôle technique obligatoire à ce type de véhicule à l'échelle européenne ;
- l'augmentation de la fréquence des contrôles techniques pour les automobiles apparaît contradictoire avec leur évolution technologique qui les rend plus fiables plus longtemps ;
- les véhicules les plus anciens appartenant généralement à des conducteurs aux revenus modestes, l'intensification des contrôles qui est proposée constituerait une lourde charge pour leurs propriétaires, dont il devrait revenir à chaque État membre d'apprécier l'opportunité ;
Le Sénat estime donc que la proposition de règlement ne respecte pas, en l'état, le principe de subsidiarité.
Examen dans le cadre de l'article 88-4 de la Constitution
Texte déposé au Sénat le 02/08/2012Examen : 15/10/2012 (commission des affaires européennes)
Transports
Textes E 7549, E 7550 et
E 7551
Contrôle technique des véhicules
COM
(2012) 340 final, COM (2012) 381 final
et COM (2012)
382 final
(Procédure écrite du 15 octobre 2012)
La Commission européenne a présenté fin juillet plusieurs propositions législatives concernant le contrôle technique des véhicules.
1) Le texte E 7549 durcit le contrôle technique obligatoire périodique des véhicules à moteur et étend ses règles aux véhicules à deux et trois roues - cyclomoteurs, vélomoteurs, motos, « trikes » et scooters à trois roues - et aux remorques légères.
Ce texte est censé contribuer à atteindre l'objectif d'une réduction de moitié du nombre de victimes de la route d'ici à 2020, fixé par la communication de la Commission du 20 juillet 2010 : « Vers un espace européen de la sécurité routière : les orientations politiques pour la sécurité routière de 2011 à 2020 ». Il vise également à réduire les émissions associées au mauvais entretien des véhicules.
Le texte E 7549 augmente la fréquence des contrôles techniques pour tous les véhicules. A l'heure actuelle, ces contrôles ont lieu quatre ans après la première immatriculation, puis tous les deux ans. Désormais, à l'issue du deuxième contrôle, le contrôle aurait lieu chaque année. De plus, le contrôle aurait lieu chaque année à partir du premier contrôle, dès lors que le véhicule aurait atteint 160 000 km lors de ce contrôle.
Pour justifier le contrôle obligatoire des véhicules à deux et trois roues dans tous les États membres, la Commission rappelle que, aujourd'hui, 16 États membres appliquent déjà un contrôle technique sur ces véhicules, (tandis que 11 -dont la France- ne l'appliquent pas). Toutefois, le choix de la Commission apparaît contestable car elle ne parvient pas à établir qu'il y a une corrélation entre l'introduction du contrôle technique et l'évolution du nombre d'accidents. Ainsi, certains pays où le contrôle technique ne s'applique pas ont un taux d'accident faible.
De plus, la Commission se fonde sur trois rapports de Dekra, un des leaders européens du contrôle technique, pour justifier son intervention. Le rapport 2010 de cette société consacré à la sécurité des motocyclistes insistait en effet sur la nécessaire extension du contrôle technique aux deux et trois roues. Il convient de rappeler que le marché du contrôle des deux roues est estimé à environ 1,5 milliard d'euros.
Eu égard à ces réserves, la commission des affaires européennes a adopté le 4 octobre une proposition de résolution portant avis motivé sur la non-conformité de cette proposition législative de la Commission européenne au principe de subsidiarité (n°17, 2012-2013). La commission du développement durable devrait s'en saisir prochainement.
1) Le texte E 7555 concerne les documents d'immatriculation des véhicules.
Il prévoit principalement trois mesures :
- l'immatriculation des véhicules présentant un danger immédiat pour la sécurité routière (sans pour autant être mis d'office au rebut) sera suspendue ;
- lorsqu'un véhicule sera ré-immatriculé dans un autre État membre, son immatriculation d'origine sera automatiquement annulée ;
- les États membres devront se doter de fichiers informatiques contenant toutes les informations relatives à l'immatriculation des véhicules (une partie seulement de ces informations figure sur la carte grise). Ces informations seront mises à jour lors des contrôles techniques, de la ré-immatriculation et de la destruction des véhicules.
L'existence de fichiers d'immatriculation dont le contenu est harmonisé dans tous les États membres garantira l'établissement, entre les États membres, d'un flux d'informations continu sur les immatriculations des véhicules.
3) Le texte E 7551 concerne les contrôles techniques routiers pour les véhicules utilitaires.
Les véhicules visés sont les camions de marchandises (poids en charge supérieur à 3,5 tonnes) et les bus (plus de huit passagers) ; les contrôles concernés ne sont pas les contrôles techniques à intervalles fixes, mais les contrôles inopinés pouvant intervenir à tout moment et en tout lieu pour ces véhicules. Le texte contient essentiellement quatre mesures :
- les contrôles inopinés sont étendus aux véhicules utilitaires « légers » (poids en charge inférieur à 3,5 tonnes) ;
- les véhicules devront être sélectionnés en fonction du profil de risque des entreprises. Les « mauvais élèves » seront davantage contrôlés. Ce profil de risque devra être établi sur la base des précédents contrôles techniques et routiers ;
- les contrôles inopinés pourront déboucher sur des contrôles plus poussés devront être réalisés soit par des unités mobiles, soit des centres situés à proximité ;
- enfin, les échanges d'informations entre les États membres et avec la Commission se développeront par l'intermédiaire de « points de contact » désignés dans chaque État membre.
La commission a décidé de ne pas intervenir plus avant sur ces textes.