COM (2011) 320 final
du 01/06/2011
Examen dans le cadre de l'article 88-4 de la Constitution
Texte déposé au Sénat le 29/06/2011Examen : 12/11/2012 (commission des affaires européennes)
Justice et affaires intérieures
Textes E 6362 et E 6363
Normes et
procédures communes
applicables aux demandes d'asile
COM (2011) 319 final et COM (2011) 320 final
(Procédure écrite du 12 novembre 2012)
Ces deux textes constituent des versions modifiées de deux propositions de directive appartenant à un paquet législatif destiné à mettre en place un régime d'asile européen commun (RAEC). Notre commission s'était prononcée sur la version initiale de ce paquet au cours de sa réunion du 13 octobre 2010. L'enjeu concerne particulièrement la France, qui est la première destination des demandeurs d'asile en Europe depuis plusieurs années, avec 51 000 demandes en 2010.
Ce paquet législatif a été adopté à la suite du pacte européen sur l'immigration et l'asile de 2008, qui prévoyait, entre autres, l'objectif de fin 2012 pour l'application des nouvelles normes communes en matière de procédure d'asile. Cet objectif a été de nouveau affirmé en 2009 par le programme de Stockholm qui prévoit que les demandeurs d'asiles bénéficient d'un traitement de niveau équivalent partout dans l'Union, conformément à l'article 67 du TFUE qui stipule que l'Union développe une politique commune en matière d'asile.
Dès lors, la Commission avait présenté en 2008 et 2009 de nouvelles directives visant à remplacer les textes existants sur la question. En conséquence des nombreuses réserves exprimées par les États membres, la Commission a proposé une version amendée de deux des directives concernées le 1er juin 2011 : il s'agit des textes E 6362 et E 6363, appelés à remplacer respectivement les directives Procédures (2005/85/CE) et Accueil (2003/9/CE).
1) Le texte E 6362 est une refonte de la directive de 2009 et est appelé à abroger et remplacer la directive Procédures de 2005. Il vise à harmoniser les procédures de demande d'asile en assurant un haut niveau de garanties aux demandeurs quel que soit l'État destinataire. Le but est d'assurer la cohérence des différents systèmes d'asile et d'en améliorer l'équité et l'efficacité. L'application uniforme des normes proposées est nécessaire pour lutter contre le phénomène d'« asylum shopping » : les demandes se concentrent de manière très forte dans certains pays réputés plus accueillants, les demandeurs faisant leur « marché » entre les différents États membres.
Pour atteindre ces objectifs, la Commission propose :
- l'octroi de garanties procédurales supplémentaires et particulières pour les demandeurs particulièrement vulnérables ou ayant des besoins spécifiques (par exemple dans le cas de femmes ou d'enfants victimes de graves violences). Une de ces garanties supplémentaires serait la présence sur demande du requérant d'un traducteur et d'un agent du même sexe que le demandeur ;
- l'instauration de nouvelles garanties pendant l'instruction de la demande : entretien généralisé avec avocat et enregistrement obligatoires et augmentation de l'utilisation de rapports médicaux ;
- la généralisation de la possibilité d'un recours juridictionnel suspensif ;
- un encadrement important visant à réduire l'utilisation de la procédure accélérée de décision lors de la demande d'asile ;
- l'interdiction d'appliquer aux mineurs isolés la procédure d'asile à la frontière ;
- la suppression du principe de la liste commune des « pays d'origine sûrs » (pays estimés suffisamment stables pour qu'un refus presque automatique soit opposé à leurs ressortissants qui demanderaient l'asile au sein de l'Union européenne).
Les effets de cette proposition de directive apparaissent bénéfiques pour les conditions procédurales des demandeurs mais entraînent aussi des conséquences importantes pour les États membres, qui ont à nouveau exprimé de nombreuses réserves :
- sur le plan budgétaire, les États membres prévoient une augmentation conséquente des coûts et des délais liée au renforcement des garanties procédurales et à la limitation des possibilités d'utilisation de la procédure accélérée ;
- de manière générale, certaines dispositions prévues par le texte (délai de six mois, encadrement strict de la procédure pour les mineurs, etc) vont entraîner une augmentation des délais de traitement et des formalités nécessaires pour les États, au risque de ralentir un système prévu initialement pour accueillir de manière urgente des personnes vulnérables et exilées.
La France exprime ainsi des réserves sérieuses sur l'obligation de présence d'un avocat et, sur demande, d'un agent et traducteur du même sexe. De même, l'obligation de donner un caractère suspensif au recours est contestée car elle permet à certains demandeurs de poursuivre des procédures abusives ou dilatoires.
La France soutient cependant cette initiative et a donc accepté une position de compromis, certaines des dispositions prévues étant déjà appliquées dans le droit français. Le trilogue entre le Parlement, le Conseil et la Commission a conduit à l'assouplissement des conditions d'utilisation de la procédure accélérée et de certaines garanties procédurales mais n'a pour l'instant pas permis d'aboutir à un consensus autorisant l'examen et l'adoption en commission du Parlement européen. La présidence chypriote doit toutefois mener à bien ce projet avant la fin de l'année 2012.
2) Le texte E 6363 est une refonte de la proposition de directive de 2008 et devra abroger et remplacer la directive Accueil de 2004. Il vise à harmoniser davantage les règles applicables dans les États membres en matière d'accueil des demandeurs d'asile, notamment de leurs conditions matérielles d'accueil. Deux objectifs principaux sont poursuivis :
- garantir un niveau de vie digne aux demandeurs, en particulier ceux souffrant de vulnérabilités spécifiques ;
- harmoniser davantage les dispositions nationales pour disposer d'un système cohérent et homogène sur l'ensemble du territoire de l'Union.
Dans cette optique, les principales innovations du texte sont les suivantes :
- l'élargissement de la notion de « membre de la famille » au-delà du noyau nucléaire ;
- l'amélioration de l'accès des demandeurs d'asile au marché du travail : la Commission propose d'instaurer un délai maximum de 6 mois après le dépôt de la demande (actuellement 12) avant l'accès « effectif » du demandeur au marché de l'emploi, sans que la conjoncture actuelle soit opposable ;
- l'amélioration des conditions de vie des demandeurs en indexant le niveau d'aide fourni par les États sur les référents nationaux (sur le niveau des subventions accordées aux citoyens de l'État destinataire). De plus un critère supplémentaire qui impose la prise en compte des « situations spécifiques » (vulnérabilité physique ou psychologique, enfant) est prévu ;
- l'encadrement plus strict des conditions du placement en rétention (interdiction du placement de mineurs, de personnes vulnérables).
Ces dispositions ont généré un certain nombre de réserves de la part des États membres. Plusieurs limites ont ainsi été soulignées :
- l'impact budgétaire est réel pour les États qui doivent aménager les centres de rétention, créer de nouveaux mécanismes pour identifier les besoins spécifiques et étendre l'assistance et la représentation juridiques gratuites aux recours pour les droits sociaux des demandeurs ;
- le « risque » de renforcer l'attractivité de la démarche d'asile pour des personnes dont la demande n'est pas fondée a aussi été mis avant, les États membres étant maintenant tenus de fournir un accueil selon les critères nationaux et un accès effectif au marché de l'emploi selon à une catégorie étendue de demandeurs, la notion de famille ayant été étendue ;
- le volume du contentieux, l'assistance juridique gratuite et les vérifications nécessaires seraient accrus par l'application de la directive, avec des répercussions négatives en termes de coûts et de délais.
Tous les États membres étant convaincus du bien-fondé de l'initiative, un compromis a pu être trouvé au niveau du Coreper afin d'ouvrir les négociations en trilogue. Après négociation, la refonte de la directive a été approuvée le 19 septembre 2012 par la commission des libertés civiles du Parlement européen.
Le texte adopté a conservé la grande majorité des dispositions prévues par la Commission, en assouplissant souvent leur caractère automatique ou obligatoire. Plusieurs compromis ont ainsi été trouvés à cette occasion. Les conditions et modalités de placement en rétention des demandeurs par les États membres ont été assouplies, laissant une plus grande latitude aux États. Des exceptions ont été prévues pour l'octroi d'un traducteur ou d'un agent de même sexe ainsi que pour l'accès à l'aide juridique gratuite. De même, le délai avant l'accès au marché du travail a été porté à 9 mois.
Le texte de la commission des libertés a fait l'objet d'un accord politique au sein du Conseil le 25 octobre 2012. Il doit désormais être voté en session plénière en novembre 2012.
La commission a décidé de ne pas intervenir plus avant sur ces textes.