COM(2010) 738 final
du 10/12/2010
Examen dans le cadre de l'article 88-4 de la Constitution
Texte déposé au Sénat le 15/12/2010Examen : 14/04/2011 (commission des affaires européennes)
Agriculture
Textes E 5895 et E 5896
Produits
agricoles : le « paquet qualité »
COM
(2010) 733 final et COM (2010) 738 final
(Procédure écrite du 14 avril 2011)
Le « paquet qualité applicable aux produits agricoles », communément appelé le « paquet qualité », est constitué d'un ensemble de quatre propositions de textes destinés à améliorer la législation de l'Union dans ce domaine. Il s'agit :
- d'une proposition de règlement relatif aux systèmes de qualité applicables aux produits agricoles, qui est le coeur du « paquet » (E 5895) ;
- d'une proposition de modification du règlement OCM unique (CE) n° 1234/2007 concernant les normes de commercialisation (E 5896) ;
- d'une communication de la Commission sur les lignes directrices sur l'étiquetage des denrées alimentaires utilisant les appellations AOC et IGP (2010/C 341/03)
- d'une communication de la Commission sur les orientations de l'UE sur les systèmes de certification des produits agricoles (2010/C 341/04)
A. DESCRIPTION SOMMAIRE DES OUTILS DE LA POLITIQUE DE QUALITÉ
La politique de qualité est une composante de la PAC, même si le règlement OCM unique, qui est l'ossature réglementaire de la PAC, n'en fait pratiquement pas mention (ou seulement de façon anecdotique au sujet du houblon). Mais la politique de qualité s'est imposée comme un enjeu majeur pour la PAC. D'une part, à travers ce concept, la politique agricole quittait le champ -en amont - de la production pour s'intéresser à l'aval, l'alimentation. D'autre part, la politique de qualité était un moyen d'affronter la concurrence généralisée, décidée ou subie par l'Union européenne. Comme le reconnaît la Commission, « les producteurs sont soumis à des pressions concurrentielles résultant de la réforme de la PAC, de la mondialisation, des forces des secteurs de la vente et de l'état de l'économie ».
Le but de cette politique est non seulement de pousser à l'amélioration des productions, mais aussi d'offrir une garantie de qualité, qui soit à la fois une sécurité et une reconnaissance. Toutes deux passent essentiellement par un processus d'identification et de mentions valorisantes sous forme de labels. Il existe trois systèmes européens :
- un système qui repose sur les origines ou les lieux de production : les appellations d'origine protégées (AOP) et les indications géographiques protégées (IGP) (règlement (CE) n° 510/2006)1(*) ;
- un système qui évoque un patrimoine ou une tradition : les spécialités traditionnelles garanties (SPG). Le label met en valeur la composition ou un mode de production traditionnel, sans localisation précise (règlement (CE) n° 509/2006) ;
- un système qui identifie les modes de production respectueux de l'environnement : l'agriculture biologique (règlements (CE) n° 834/2007 et n° 889/2008).
Ce système de labels communautaires est conditionné à un processus de certification qui garantit que les propriétés des produits ou de leur mode de production répondent à un cahier des charges. Il existe 440 systèmes de certification en Europe.
En outre, ce système de reconnaissance est complété par un dispositif optionnel, national, communautaire ou privé.
Ainsi, le « label rouge » est la marque de contrôles renforcés et d'une qualité supérieure à un produit non labellisé équivalent. Le label rouge est délivré par l'État par le biais de l'Institut national de l'origine et de la qualité (INAO). Le label rouge a été instauré par une des premières lois d'orientation agricole en 1960, à la demande de professionnels. 450 produits bénéficient du label rouge, le plus familier aux consommateurs. Les notions de « fermier » ou « produits de la ferme », ou « produits de montagne » sont également définies par l'État.
L'écolabel, créé en 1992, est un label communautaire (règlement (CEE) n° 880/92 modifié par le règlement (CE) n° 66/2010). Il repose sur le principe d'une approche globale qui prend en considération l'impact environnemental sur le cycle de vie des produits (production de matières premières, fabrication, distribution, recyclage...). C'est une marque volontaire de certification. Il n'est pas propre aux productions alimentaires.
Enfin, il existe une large panoplie d'outils de communication privés censés donner une valorisation aux productions (saveurs, tradition, terroirs...), qui vient compléter un dispositif déjà passablement complexe.
Cette politique de qualité, garantie par une labellisation réglementée, a un impact économique indéniable. Les 870 noms enregistrés en Europe au nom des AOP/IGP génèrent un chiffre d'affaires situé entre 14 et 15 milliards d'euros. 18 % de la valeur des AOP sont exportés hors de l'État de production. La France et l'Italie sont les deux premiers pays qui bénéficient des AOP/IGP. C'est incontestablement un axe de commercialisation privilégié en France puisque le patrimoine culinaire national repose sur une diversité exceptionnelle des produits et un savoir-faire réputé mondialement.
La labellisation, complétée par des règles de certification et de commercialisation, était destinée à créer de la confiance. Dans les faits, elle a aussi créé de la complexité.
B. LA PROPOSITION DE RÉFORME
1. Les essais de simplification
Dans ce contexte, les initiatives visant à simplifier le système paraissent bienvenues.
Cet objectif est régulièrement évoqué dans la préparation des lois nationales. La loi d'orientation agricole du 5 janvier 2006 vise notamment à « clarifier le système des signes de qualité ». L'ordonnance 2000-1547 du 7 décembre 2006 permet elle aussi de « renforcer la lisibilité des signes de qualité ». L'objectif figure également dans la loi de modernisation de l'agriculture et de la pêche du 27 juillet 2010. Cette seule répétition est le signe que l'effort de simplification reste difficile à faire aboutir.
La Commission européenne s'est également engagée dans cette voie à partir de 2006. En 2008, elle a ainsi présenté un livre vert, assorti d'un questionnaire public, suivi en 2009 d'une communication sur la politique de qualité (COM (2009) 234 du 28 mai 2009) puis, en 2010, de propositions de règlements, objet de la présente note.
Hélas, une fois encore, il faut admettre que, en dépit des objectifs annoncés, le résultat est très loin de l'ambition affichée.
Les réponses au questionnaire associé au livre vert de la Commission avaient bien montré l'attachement des différentes parties au maintien des distinctions AOP/IGP/SGP. Il n'est pas question, pour les bénéficiaires des AOP, de confondre AOP et IGP, et encore moins de se mélanger avec les SGP, d'ailleurs très peu utilisés en France. Les professionnels ont adopté une attitude très conservatrice, demandant une simplification des procédures, mais sans toucher à l'architecture, bien établie.
En conséquence, il faut admettre que le paquet « qualité » qui en résulte n'apporte pas de bouleversement du système et est même, en vérité, plutôt modeste.
Le paquet « qualité » appelle deux types d'observations.
2. Sur le fond
Les mesures d'harmonisation paraissent salutaires, qu'il s'agisse d'harmoniser les définitions (type « produits de montagne »), les logos (le logo communautaire « bio »), les modes de contrôle et de certification. La qualification de produit de montagne n'apparaît cependant pas encore aboutie.
L'indication des lieux de production, souhaitée par la Commission, a pu susciter quelques réserves de la part de professionnels dans la mesure où cette précision, aisée lorsqu'il s'agit de produits agricoles non transformés, devient plus difficile pour les produits transformés, compte tenu de la diversité des ingrédients primaires (condiments...) et, par conséquent, des origines. L'idée mérite d'être expertisée, afin d'éviter les déconvenues. De même, il faut admettre que la seule mention « faibles émissions de CO2 » n'est pas à elle seule représentative de l'impact réel d'une production sur l'environnement, qui devrait tenir compte également de l'impact sur la biodiversité, la vie locale, la ressource en eau, etc.... Sans nier les limites et les insuffisances de ces deux propositions (indications sur les lieux de production et sur les émissions de CO2), leur intérêt serait de contribuer à valoriser les productions de proximité auprès des consommateurs. Les effets positifs l'emportent largement sur les effets négatifs.
En revanche, on pourra douter de l'opportunité de créer un nouveau logo, supposé simplificateur, de type « qualité Union européenne ». Le dispositif, déjà passablement complexe, ne serait pas facilité par cette adjonction.
3. Sur la forme et les procédures envisagées
Ainsi, le « paquet qualité » est sur le fond plutôt modeste. En revanche, les modifications de procédure envisagées par la Commission soulèvent des questions importantes sur la compétence de cette dernière.
L'un des éléments du « paquet qualité » concerne les normes de commercialisation (forme, calibrage, étiquetage...). Aujourd'hui, ces normes sont sectorielles, voire produit par produit, adoptées par règlement (il existe des normes européennes de commercialisation des pommes, des pêches, des asperges...). La Commission propose de regrouper les normes dans un « règlement horizontal ». La difficulté vient du fait qu'elle propose également de pouvoir adopter ces normes par acte délégué, conformément à l'article 290 du TFUE, rappelé ci-après.
Traité sur le fonctionnement de l'Union européenne
Article 209
1. Un acte législatif peut déléguer à la Commission le pouvoir d'adopter des actes non législatifs de portée générale qui complètent ou modifient certains éléments non essentiels de l'acte législatif.
Les actes législatifs délimitent explicitement les objectifs, le contenu, la portée et la durée de la délégation de pouvoir. Les éléments essentiels d'un domaine sont réservés à l'acte législatif et ne peuvent donc pas faire l'objet d'une délégation de pouvoir.
2. Les actes législatifs fixent explicitement les conditions auxquelles la délégation est soumise, qui peuvent être les suivantes :
a) le Parlement européen ou le Conseil peut décider de révoquer la délégation ;
b) l'acte délégué ne peut entrer en vigueur que si, dans le délai fixé par l'acte législatif, le Parlement européen ou le Conseil n'exprime pas d'objections.
Aux fins des points a) et b), le Parlement européen statue à la majorité des membres qui le composent et le Conseil statue à la majorité qualifiée.
A priori, cette délégation paraît de bon sens dans la mesure où il paraît inutile que le calibre des pommes mises en vente soit systématiquement défini par un règlement communautaire, désormais adopté en codécision Parlement européen-Conseil ! Pourtant, certains parlements nationaux se sont émus de cette délégation. La compétence de la Commission est normalement limitée aux « éléments non essentiels ». Mais ces éléments, supposés accessoires, peuvent avoir, en pratique, des conséquences déterminantes pour les producteurs. Ainsi, la compétence déléguée permettrait à la Commission d'introduire des dispositions, des dérogations en fonction des innovations technologiques ou des préférences du moment des consommateurs. Dans le domaine oenologique, cela peut avoir des conséquences tout à fait déterminantes.
C'est pourquoi trois parlements nationaux - Luxembourg, Portugal, Pologne - ont d'ores et déjà estimé que la proposition de la Commission ne respectait pas le principe de subsidiarité.
Compte tenu de l'importance du secteur agricole en France, ces réticences méritent d'être considérées.
Sous le bénéfice de ces observations, la commission a décidé de ne pas intervenir plus avant.
* 1 L'AOP désigne des produits dont la production, la transformation et l'élaboration ont lieu dans une aire géographique déterminée et avec un savoir-faire reconnu. Les fromages et les vins, par exemple, bénéficient de nombreuses AOP.
L'IGP désigne des produits agricoles et des denrées alimentaires dont les caractéristiques sont liées à une aire géographique déterminée et dans laquelle se déroule au moins une des trois étapes définies ci-après : production, transformation, élaboration.