COM (2010)136 final
du 09/04/2010
Date d'adoption du texte par les instances européennes : 16/09/2011
Examen dans le cadre de l'article 88-4 de la Constitution
Texte déposé au Sénat le 21/04/2010Examen : 16/06/2010 (commission des affaires européennes)
Politique commerciale
Textes E 5260 et
E 5261
Accord de
libre-échange avec la Corée du Sud
COM (2010) 136 final et
COM (2010) 137 final
(Procédure écrite du 16 juin 2010)
Les textes E 5260 et E 5261 ont pour objet la signature et la conclusion d'un accord de libre-échange (ALE) entre l'Union européenne et la Corée du Sud, paraphé par les deux parties le 15 octobre 2009. Ils constituent un paquet avec deux autres textes déjà examinés par la commission des affaires européennes : l'accord-cadre avec la République de Corée qui est en quelque sorte la « base contractuelle » ou le volet politique des relations entre l'Union et la Corée du Sud (voir le texte E 5011) et la proposition de règlement visant à intégrer dans le droit de l'Union européenne la clause de sauvegarde bilatérale contenue dans l'ALE (voir texte E 5104).
La Corée est l'un des plus importants partenaires commerciaux de l'Union. Le commerce de l'Union avec la Corée a atteint les 65 milliards d'euros en 2008 et a cru de 7,5% entre 2004 et 2008. La balance des échanges est toutefois déséquilibrée : l'Union accuse ainsi un déficit commercial de 14 milliards avec la Corée en 2008 (il était de 10 milliards en 2000). Ce déficit est principalement imputable aux importations de voitures et d'appareils électroniques (téléphones mobiles, composants électroniques, etc). L'Union enregistre, en revanche, un excédent commercial dans le secteur des services (services aux entreprises, au transport, droits d'auteurs et de licence). Outre les services, l'Union exporte vers la Corée des machines et équipements, des produits chimiques, des médicaments, de l'uranium, des véhicules, etc.
Ce nouvel accord est présenté par la Commission européenne comme l'accord de libre-échange le plus ambitieux et le plus complet que l'Union ait négocié à ce jour. Il pourrait servir de référence à de futurs traités commerciaux négociés par l'Union.
L'ALE prévoit l'élimination de presque tous les obstacles tarifaires et la suppression de nombreuses barrières non tarifaires.
D'après les calculs de la Commission européenne, l'accord permettra aux exportateurs européens d'économiser chaque année 1,6 milliard d'euros de droits de douane, dont la moitié dès l'entrée en vigueur de l'accord. L'impact devrait être positif pour les industries mécanique, chimique, pharmaceutique, alimentaire et des services. La Commission a veillé tout particulièrement à créer de nouvelles possibilités d'accès au marché coréen pour les fruits et légumes européens.
L'accord supprimera des barrières non tarifaires dans tous les secteurs. Concrètement, cela signifie que la Corée a accepté de prendre en compte de nombreuses normes européennes.
L'ALE comporte également des dispositions relatives au respect des droits de propriété intellectuelle et à la protection de nombreuses appellations d'origine, ainsi que des engagements en matière de concurrence (notamment les aides d'État), de marchés publics, de transparence réglementaire et sur toute une série de normes sociales et environnementales. Il comprend enfin un protocole de coopération culturelle sur la base duquel un dialogue stratégique sur la coopération et la facilitation des échanges en matière d'activités culturelles pourra être entamé, lorsque la Corée aura adhéré à la convention de 2005 de l'Unesco sur la protection et la promotion de la diversité des expressions culturelles.
Naturellement, l'accord ouvre également le marché de l'Union aux produits coréens. En Europe, deux secteurs se sentent menacés par cet accord et ont réagi vigoureusement : le secteur automobile et le secteur textile. Leur préoccupation économique s'accompagne de préoccupations sociales : ils n'ont pas manqué en effet de rappeler que la Corée n'a pas ratifié les conventions fondamentales de l'Organisation internationale du Travail (OIT).
Pour protéger l'industrie européenne contre des hausses d'importations dommageables ou susceptibles de l'être, l'accord contient un mécanisme de sauvegarde. Les constructeurs automobiles et l'industrie textile ont plaidé pour que cette clause de sauvegarde puisse être invoquée dès l'entrée en vigueur de l'accord. Ils sont en effet inquiets qu'aucune précision sur le délai de mise en oeuvre de cette clause ne soit fournie dans l'ALE ou dans la proposition de règlement visant à la mettre en oeuvre dans le droit de l'Union qui se contente de renvoyer à la procédure de comitologie. Toutefois, le commissaire européen en charge du commerce, Karel De Gucht, a apporté récemment des assurances sur ce sujet au cours d'un débat au Parlement européen en annonçant qu'il était prévu que la clause de sauvegarde puisse être invoquée dès l'entrée en vigueur de l'accord. C'est la Commission qui surveillera le marché européen et les importations coréennes pour évaluer la nécessité de d'appliquer la clause de sauvegarde.
La clause de ristourne de droits de douane est un autre motif d'inquiétude. Il s'agit d'un mécanisme fondé sur les « règles d'origine » permettant aux parties contractantes de rembourser les opérateurs économiques nationaux des droits de douane acquittés sur les intrants (par exemple, des pièces détachées) en provenance d'un pays tiers, utilisés dans la fabrication du produit fini exporté. La crainte, en Europe, est de voir arriver sur le marché des produits coréens - des voitures, par exemple - composés de pièces en provenance de Chine, importées à droits nuls. La Chine deviendrait ainsi un bénéficiaire indirect de l'ALE. Précisons que l'introduction d'une telle clause dans un accord de libre-échange est une première, concédée à la Corée suite à son insistance.
La Commission se veut rassurante à ce sujet. Elle rappelle ainsi que les ristournes sont actuellement autorisées et utilisées par les Coréens comme par les exportateurs européens. Dès lors, leur maintien dans l'accord ne modifierait pas la donne. De plus, elle estime que l'impact économique actuel des ristournes de droits est limité : environ un huitième de la valeur des concessions tarifaires coréennes. En ce qui concerne les voitures, les études disponibles indiquent qu'en moyenne, la part de composants étrangers dans les voitures coréennes oscille entre 10 et 15 %.
Toutefois, le danger existe. C'est pourquoi l'accord prévoit une clause de sauvegarde sur les ristournes de droits si l'approvisionnement étranger devait augmenter de manière significative dans la fabrication de certains produits. Cependant, l'utilisation de cet instrument de sauvegarde ne serait autorisée qu'au bout de cinq ans à compter de la date d'entrée en vigueur de l'accord.
L'ALE est actuellement en cours d'examen par le Parlement européen. Rappelons à cet égard qu'avec le traité de Lisbonne, le Parlement européen a désormais un droit de regard direct sur la politique commerciale de l'Union. Conformément à l'article 218 du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne, il devra ainsi donner son « approbation » à l'ALE avec la République de Corée. Il devrait se prononcer en novembre 2010.
Sous le bénéfice de ces observations, la commission a décidé de ne pas intervenir plus avant sur ces textes, tout en marquant son souci de ne pas voir la clause de ristourne de droits de douane inscrite dans l'accord de libre-échange avec la Corée du Sud constituer un précédent pour les prochaines négociations commerciales de l'Union.