du 20/01/2009
Date d'adoption du texte par les instances européennes : 30/11/2009
Examen dans le cadre de l'article 88-4 de la Constitution
Texte déposé au Sénat le 23/01/2009Examen : 24/07/2009 (commission des affaires européennes)
Justice et affaires intérieures
Prévention et
règlement des conflits de compétence
dans le cadre des
procédures pénales
Texte E 4229
(Procédure écrite du 24 juillet 2009)
Présentée en janvier 2009 par la République tchèque, la Pologne, la Slovaquie, la Slovénie et la Suède, cette proposition de décision-cadre tend à établir un mécanisme de prévention et de règlement des conflits potentiels de compétence dans les procédures pénales. Il n'est pas rare, en effet, que des procédures pénales soient lancées parallèlement dans plusieurs États membres pour les mêmes faits.
Les échanges entre États membres visant à prévenir les conflits de compétence s'opèrent de manière informelle ou sur le fondement de textes existants, tels que la convention européenne d'entraide judiciaire du 20 avril 1959, la convention d'application de l'Accord de Schengen du 14 juillet 1985 et la convention du 29 mai 2000 relative à l'entraide judiciaire en matière pénale entre les États membres de l'Union européenne. Depuis l'adoption de la décision du Conseil du 28 février 2002 instituant Eurojust, dont la mise en oeuvre en droit interne a fait l'objet de la loi n° 2004-204 du 9 mars 2004, ces échanges peuvent également avoir lieu par l'intermédiaire d'Eurojust.
Selon la règle du non bis in idem, nul ne peut être poursuivi, jugé ou puni deux fois en raison des mêmes faits. En 2003, un projet de décision-cadre sur l'application de ce principe avait été déposé. Dans une proposition de résolution, présentée en novembre 2003 au nom de la délégation pour l'Union européenne, Pierre Fauchon avait fort justement souligné que ce principe du non bis in idem était consubstantiel à l'idée d'un espace judiciaire européen fondé sur le principe de la reconnaissance mutuelle et sur la protection des droits fondamentaux des individus. Toutefois, les discussions entre les États membres sur ce texte n'avaient pu aboutir. Au moment de la suspension des travaux en 2004, la France avait néanmoins soutenu l'engagement d'une réflexion sur l'adoption d'un instrument de règlement des conflits de compétence.
La proposition de décision-cadre prévoit un mécanisme de notification des différentes affaires pendantes présentant un « lien notable » avec un autre État membre. Elle précise qu'un lien serait toujours considéré comme « notable » lorsque les faits ou une partie importante des faits ont eu lieu sur le territoire d'un autre État membre. Dans les autres cas, la détermination de l'existence d'un lien notable serait faite « au cas par cas » à l'aide d'une liste de critères. La mise en place d'un tel mécanisme supposera la désignation, laissée à la libre appréciation des États membres, d'autorités notifiantes et destinataires compétentes. Il sera possible de solliciter Eurojust ou le réseau judiciaire européen afin de faciliter l'identification de ces autorités. Les autorités compétentes de l'État membre destinataire devront faire connaître, dans les quinze jours, si une procédure concernant tout ou partie des faits visés par la notification est pendante, si une décision a été rendue en dernier ressort et, enfin, si elles entendent engager des poursuites pénales à partir des faits portés à leur connaissance par la notification. En l'absence de réponse, Eurojust pourra être informée.
La proposition établit par ailleurs un mécanisme de consultation obligatoire entre États membres sur les procédures en cours pour les mêmes faits. Cette concertation a pour objectif de désigner l'État compétent le mieux placé pour mener la procédure. Elle pourra être engagée soit en cas de réponse positive à une notification soit lorsque deux États membres ont informés, par quelque moyen que ce soit, de l'existence de procédures pénales parallèles relatives aux mêmes faits. Lorsque dans un délai de dix mois (réduit à six mois dans les cas ne relevant pas de la compétence d'Eurojust), aucun accord n'aura pu être trouvé pour déterminer l'État membre compétent le mieux placé, Eurojust pourra en être informée.
Dans sa version initiale, cette proposition a suscité des interrogations de la part des États membres sur la valeur ajoutée qu'elle pouvait avoir. La France a émis des réserves sur l'adoption d'un instrument contraignant spécifique dans ce domaine et sur plusieurs dispositions du texte. En particulier, le Gouvernement considérait que le champ d'application de la nouvelle obligation n'étant pas clairement défini ni circonscrit, elle aurait eu vocation à s'appliquer dans de très nombreuses procédures impliquant leur notification formelle systématique. En outre, dans certaines hypothèses, de nouveaux conflits de compétence auraient pu survenir, l'information relative à une procédure en cours étant susceptible d'être, à elle seule, utilisée comme fondement de l'engagement de poursuites par les autorités compétentes de l'État membre destinataire de l'information. En pratique et en vertu du principe de contact direct entre autorités judiciaires posé par les instruments d'entraide mutuelle existants (mentionnés ci-dessus), les autorités compétentes ont déjà la faculté d'entrer directement en contact. La décision du 16 décembre 2008 renforçant Eurojust prévoit par ailleurs que les informations relatives aux cas de conflits de compétence potentiels ou avérés sont transmises aux membres nationaux et confirme le rôle de médiateur du Collège, qui peut être saisi par les États membres en vue de rendre un avis non contraignant sur l'État le mieux placé pour mener les investigations ou les poursuites, lorsque ceux-ci ne peuvent pas parvenir à un accord.
A la suite des discussions ministérielles qui ont eu lieu en février 2009, le champ d'application de l'instrument a, en définitive, été limité aux situations dans lesquelles la ou les mêmes personnes font l'objet de procédures pénales parallèles dans différents États membres pour les mêmes faits, ce qui pourrait porter atteinte au principe non bis in idem. La France avec un petit nombre d'autres États avaient par ailleurs souhaité, à juste titre, que la saisine d'Eurojust soit obligatoire en cas d'échec des consultations préalables. Malheureusement, une majorité d'États membres a souhaité en rester à une saisine purement facultative. Ces débats mettent une nouvelle fois en évidence les difficultés rencontrées pour progresser sur la voie d'un véritable espace judiciaire européen.
Sous le bénéfice de ces observations, la commission a décidé de ne pas intervenir plus avant sur ce texte.