COM (2008) 419 final
du 08/07/2008
Date d'adoption du texte par les instances européennes : 06/05/2009
Examen dans le cadre de l'article 88-4 de la Constitution
Texte déposé au Sénat le 11/07/2008Examen : 10/12/2008 (commission des affaires européennes)
Questions sociales et santé
Communication de M. Richard Yung
sur le comité
d'entreprise européen
Texte E 3904 - COM (2008) 419
final
(Réunion du 10 décembre 2008)
Nous sommes saisis, sur le fondement de l'article 88-4 de la Constitution, d'une proposition de directive concernant l'institution d'un comité d'entreprise européen ou d'une procédure dans les entreprises et les groupes d'entreprises de dimension communautaire en vue d'informer et de consulter les travailleurs.
Ce texte, qui a été adopté par la Commission européenne le 2 juillet 2008, dans le cadre du paquet sur l'Agenda social renouvelé, vise à une refonte de la directive 94/45/CE du 22 septembre 1994 qui avait le même objet. L'article 15 de cette directive prévoyait le réexamen de ses modalités d'application au terme de cinq ans. C'est à ce titre qu'intervient la refonte proposée, mais près de dix ans plus tard que prévu.
En effet, les partenaires sociaux européens, en particulier les organisations d'employeurs, consultés par la Commission en 2004, n'avaient pas souhaité négocier sur la révision de la directive de 1994. De ce fait, la Commission n'a présenté son texte qu'à l'été dernier.
Le calendrier s'est soudainement accéléré au cours de la présidence française, qui a fait du texte sur les comités d'entreprise européens une de ses priorités en matière sociale. Celui-ci avait d'ailleurs été évoqué par le Président de la République devant le Parlement européen le 10 juillet 2008.
Lors de la réunion informelle des ministres du travail et des affaires sociales à Chantilly, du 10 au 12 juillet derniers, les partenaires sociaux européens, à l'invitation de la présidence française, se sont réunis et ont exprimé leur point de vue sur la proposition de directive. Ils ont indiqué qu'ils acceptaient cette proposition comme base de travail et que les discussions pouvaient s'engager pour surmonter leurs divergences sur certains points.
Le 29 août dernier, ils ont finalement abouti à un accord, formalisé par une lettre conjointe adressée à la présidence. Dans cette lettre, la Confédération européenne des syndicats, Business Europe, l'UEAPME (1(*)) et le CEEP (2(*)
)
ont souhaité que la révision de la directive puisse intervenir « dès que possible » et ont proposé des amendements au texte de la Commission sur huit points, de manière à : renforcer les définitions de l'information et de la consultation des comités d'entreprise européens ; affirmer le rôle d'expert des organisations syndicales ; disposer de moyens effectifs, en particulier en matière de formation ; mieux articuler les processus national et communautaire d'information et de consultation ; faciliter la possibilité de négocier des accords anticipant la transposition de la directive refondue. L'accord du 29 août a incontestablement changé la donne de ce dossier.
Sur cette base, le ministre français du travail, des relations sociales, de la famille et de la solidarité, Xavier Bertrand, a souhaité, devant le Parlement européen, le 2 septembre dernier, qu'un accord puisse être obtenu en première lecture d'ici la fin de l'année.
Le 17 novembre dernier, la proposition de directive a été adoptée par la commission de l'emploi et des affaires sociales du Parlement européen, sur le rapport de Philip Bushill-Matthews (Royaume-Uni - PPE-DE), après avoir été amendée, notamment sur les huit points soulevés par les partenaires sociaux européens dans leur lettre du 29 août 2008. Elle doit désormais faire l'objet d'un accord politique au Conseil « Emploi, politique sociale, santé et consommateurs » du 17 décembre prochain.
Venons-en maintenant au fond.
La directive en vigueur s'applique aux entreprises de dimension communautaire, c'est-à-dire aux entreprises employant au moins 1 000 travailleurs dans les États membres et, dans au moins deux États membres différents, au moins 150 travailleurs dans chacun d'eux ; elle s'applique également aux groupes d'entreprises de dimension communautaire.
Après quatorze ans d'application, la directive de 1994 a permis la création d'environ 820 comités d'entreprise européens, couvrant 14,5 millions de travailleurs, sur les 2 257 entreprises entrant dans le champ d'application du texte, soit 36,3 %. La France compte environ 80 comités d'entreprise européens.
La proposition de directive, qui doit permettre de renforcer le dialogue social en Europe, poursuit quatre principaux objectifs :
1°) assurer l'effectivité du droit à l'information et à la consultation transnationale, notamment en cas de restructuration ;
2°) renforcer la sécurité juridique en matière de consultation entre les niveaux national et transnational ;
3°) assurer une meilleure articulation entre les différentes directives en matière d'information et de consultation des travailleurs ;
4°) accroître la proportion de comités d'entreprise européens.
Il est en effet nécessaire de mettre à jour la directive de 1994, dont l'application peut poser problème. En outre, son non-respect ne donne pas nécessairement lieu à des sanctions. Au cours des dernières années, certaines entreprises telles Renault ou Nokia ont ainsi pu procéder à des restructurations importantes - à l'époque médiatisées -, sans appliquer la directive, c'est-à-dire sans consulter les travailleurs.
La proposition de directive, amendée par la commission de l'emploi et des affaires sociales du Parlement européen, comporte quatre types de modifications.
En premier lieu, elle introduit des principes généraux et des éléments de définition permettant de rendre effectives l'information et la consultation transnationales des travailleurs. Ainsi est posé le principe général d'effet utile des modalités d'information et de consultation. Une définition de l'information, inexistante jusqu'alors, est également introduite, avec l'objectif de permettre aux représentants des travailleurs de procéder à « une évaluation en profondeur de l'incidence éventuelle » de la question traitée et de « préparer, le cas échéant, des consultations ». Par ailleurs, la définition de la consultation est précisée de façon à ce que l'avis des représentants soit exprimé « dans un délai raisonnable ».
Ensuite, la proposition de directive définit la compétence du comité d'entreprise européen et la portée de la procédure d'information et de consultation aux questions transnationales. Elles concernent « l'ensemble de l'entreprise de dimension communautaire ou du groupe d'entreprises de dimension communautaire ou au moins deux entreprises ou établissements de l'entreprise ou du groupe situés dans deux États membres différents ». La commission du Parlement européen a également précisé que sont considérées comme transnationales les situations où la décision de fermeture ou de restructuration est prise dans un État membre, mais concerne les travailleurs d'un autre État membre. En outre, l'articulation entre les niveaux national et transnational d'information et de consultation est définie prioritairement par accord au sein de l'entreprise, dans le respect du droit national. À défaut d'un tel accord, le processus d'information et de consultation aura lieu à la fois au sein du comité d'entreprise européen et au sein des instances nationales, dans le cas où des décisions susceptibles d'entraîner des modifications importantes dans l'organisation du travail ou dans les contrats de travail sont envisagées.
Troisièmement, la proposition de directive comporte une série de dispositions visant à accroître le nombre de comités d'entreprise européens. La responsabilité de l'obtention et de la transmission des informations indispensables à l'ouverture des négociations pour la mise en place de comités d'entreprise européens incombe à la direction de l'entreprise. Afin de mettre un terme aux incertitudes juridiques liées à l'articulation de conditions de plafond et de représentation proportionnelle des États, la composition du groupe spécial de négociation (GSN), chargé de la mise en place des comités d'entreprise européens, est modifiée au profit du principe de représentation proportionnelle du nombre de travailleurs dans chaque État membre. La commission du Parlement européen a supprimé le seuil de 50 travailleurs retenu pour constituer un GSN, afin de ne pas pénaliser les petits États membres qui pourraient avoir des difficultés à atteindre ce seuil. Le droit pour les partenaires sociaux européens d'être informés du début des négociations engagées en vue d'instituer un comité d'entreprise européen est affirmé. Le GSN obtient le droit de se réunir hors la présence des représentants de la direction centrale. Les représentants des organisations de travailleurs au niveau communautaire obtiennent la possibilité d'être désignés comme experts pouvant assister, à titre consultatif, aux réunions du GSN. Le principe du maintien des accords actuellement en vigueur est affirmé.
Enfin, la proposition de directive tend à renforcer les pouvoirs des comités d'entreprise européens et à clarifier le rôle des différents acteurs. Est ainsi posé le principe selon lequel les membres du comité d'entreprise européen représentent collectivement les intérêts de l'entreprise ou du groupe d'entreprises concernés, ce qui en fait les interlocuteurs officiels de la direction. Ils sont également tenus de rendre compte aux travailleurs de la teneur et des résultats de la procédure d'information et de consultation. Par ailleurs, les membres du GSN et du comité d'entreprise européen peuvent bénéficier de formations sans perte de salaire.
On notera également que la commission du Parlement européen a clairement demandé que la directive fasse l'objet d'une révision complète trois ans après son entrée en vigueur, au lieu de cinq, ce que le Conseil et la Commission contestent.
Le trilogue du 4 décembre dernier, grâce à un accord avec le groupe PSE, a permis d'aboutir à des solutions de compromis sur trois points :
1°) une question qui implique des transferts d'activité entre États membres est considérée comme transnationale ;
2°) les sanctions en cas de non respect des dispositions de la directive doivent être « efficaces, dissuasives et proportionnées » ;
3°) la suppression du seuil de 50 travailleurs requis pour créer un GSN a été confirmée.
En principe, un accord politique devrait être trouvé sur cette base lors du Conseil du 17 décembre.
Il me semble qu'il reste des pistes pour améliorer le fonctionnement des comités d'entreprises européens. On pourrait par exemple baisser le seuil d'application de la directive aux entreprises employant au moins 500 travailleurs, au lieu de 1000 actuellement. Les compétences des comités d'entreprise européens pourraient être élargies, par exemple à la santé au travail. Le nombre de leurs réunions obligatoires pourrait être augmenté. On pourrait également envisager d'obliger les entreprises ne respectant pas cette directive à rembourser les aides publiques européennes qu'elles ont reçues. D'une manière générale, il faudrait également veiller à l'effectivité des sanctions, qui sont actuellement mises en oeuvre au niveau national.
Compte rendu sommaire du débat
M. Hubert Haenel :
Il est important, en effet, d'appliquer le principe juridique de base « pas d'obligation sans sanction ».
Mme Annie David :
Je voudrais savoir comment la procédure d'information et de consultation s'articulera entre le niveau national et communautaire.
M. Richard Yung :
Cette articulation doit être définie par accord au sein de l'entreprise. A défaut d'un tel accord, le processus d'information et de consultation aura lieu à la fois au sein du comité d'entreprise européen et au sein des instances nationales.
* (1) Union européenne de l'artisanat et des petites et moyennes entreprises.
* (2) Centre européen des entreprises à participation publique et des entreprises d'intérêt économique général.