COM (2008) 229 final
du 30/04/2008
Examen dans le cadre de l'article 88-4 de la Constitution
Texte déposé au Sénat le 14/05/2008Examen : 15/01/2010 (commission des affaires européennes)
Institutions européennes
Texte E 3861
Modification des règles en
matière d'accès du public
aux documents des institutions de
l'Union européenne
COM (2008) 229
final
(Procédure écrite du 15 janvier 2010)
Depuis le traité d'Amsterdam, les citoyens et résidents de l'Union européennes ainsi que les entreprises ayant leur siège dans l'un des États membres disposent d'un droit d'accès aux documents du Parlement européen, du Conseil et de la Commission. Un règlement, applicable depuis le 3 décembre 2001, est venu préciser les principes et les limites de ce droit d'accès, en particulier les conditions dans lesquelles la divulgation peut être refusée. Dans un rapport de 2004, la Commission européenne a estimé que ce règlement avait, dans l'ensemble, bien fonctionné. Elle a constaté que 60 % des demandes d'informations émanaient des lobbys et spécialistes des questions européennes. Le Parlement européen, en revanche, s'est prononcé en faveur d'une refonte du règlement dans une résolution adoptée le 4 avril 2006, de manière à élargir l'accès du public aux documents des institutions communautaires.
Le texte E 3861 devrait, par conséquent, venir modifier le règlement actuel. Cette refonte répond à plusieurs objectifs. Elle vise, en premier lieu, à adapter ce règlement aux nouvelles règles internationales en matière de transparence et en particulier, aux dispositions de la convention d'Aarhus qui portent sur l'accès aux documents contenant des informations environnementales. Elle devrait, en deuxième lieu, permettre de tirer les conséquences d'arrêts récents de la Cour de justice des Communautés européennes qui ont renforcé la portée du principe de transparence et du droit d'accès aux documents détenus par les institutions communautaires. Elle devrait, en troisième lieu, préciser certaines dispositions juridiques en matière de diffusion des documents, jugées jusqu'ici trop floues.
Les principales modifications apportées au texte en vigueur par cette proposition sont les suivantes :
- l'élargissement du champ des bénéficiaires à toute personne physique ou morale, indépendamment de sa nationalité et de son État de résidence ;
- des clarifications sur la définition donnée au terme de « document » avec, en particulier, des précisions sur les documents qui devraient être exclus du champ d'application de ce règlement.
D'une part, le texte prévoit, à l'article 3, que s'entend comme un document « tout contenu quel que soit son support (écrit sur support papier ou stocké sous forme électronique, enregistrement sonore, visuel ou audiovisuel) établi par une institution et formellement transmis à un ou plusieurs destinataires ou autrement enregistré ou reçu par une institution ». Il ajoute que « des données contenues dans des systèmes de stockage, de traitement et d'extraction électroniques sont des documents dès lors qu'elles peuvent être extraites sous une forme imprimée ou sous la forme d'une copie électronique à l'aide des outils disponibles pour l'exploitation du système ».
D'autre part, le texte introduit un certain nombre de dispositions destinées à assurer un meilleur équilibre entre le droit à l'accès aux documents et la protection des données. A cet égard, le texte précise notamment que les documents présentés devant des tribunaux par des parties autres que les institutions ne devraient pas être considérés comme des « documents » au sens de ce règlement. De même, les documents faisant partie d'une procédure d'enquête (par exemple, les procédures engagées dans les domaines de la concurrence et de la défense commerciale telles que la procédure antidumping) ne devraient pas pouvoir être diffusés tant que l'enquête n'est pas close. Enfin, les documents qui porteraient atteinte aux intérêts commerciaux d'une personne physique ou morale ne devraient plus pouvoir faire l'objet d'une divulgation ;
- l'alignement des dispositions de ce règlement sur les obligations en matière d'accès du public à l'information dans le domaine de l'environnement, telles qu'elles sont prévues par la Convention d'Aarhus, ratifiée par l'Union européenne en février 2005. La proposition interdit notamment la divulgation de certaines informations relatives à l'environnement, comme les sites de reproduction d'espèces rares ;
- la suppression du droit de veto inconditionnel des États membres en matière de transmission de documents dont ils sont à l'origine afin de tenir compte de l'arrêt de la Cour de justice du 18 décembre 2007 (Affaire C-64/05 P, Suède c/ Commission et autres), qui avait annulé l'arrêt du Tribunal de première instance du 30 novembre 2004 dans une affaire concernant le droit des États membres à s'opposer à la divulgation, par les institutions, de documents émanant d'eux.
Depuis sa publication, cette proposition de la Commission a cependant fait l'objet de nombreuses critiques.
Le Médiateur européen et de nombreux représentants d'ONG ont ainsi indiqué que la nouvelle définition donnée au terme de « documents », avec notamment l'obligation que le document ait été transmis, serait susceptible de restreindre le nombre de documents accessibles par rapport au règlement actuellement en vigueur. Le Médiateur craint, en particulier, que les citoyens ne puissent plus avoir accès, dans de nombreux cas, qu'aux documents apparaissant sur un registre. Il souhaiterait, au contraire, que la révision actuelle soit l'occasion d'élargir l'accès aux documents et appelle de ses voeux la diffusion de documents propres au dialogue entre les institutions, à l'image des documents du Parlement et du Conseil faisant partie de la procédure de codécision, qui permettraient aux citoyens de savoir davantage la manière dont les négociations évoluent.
Le Contrôleur européen de la protection des données, Peter Hustinx, s'est dit insatisfait de l'équilibre retenu par la Commission entre les deux principes que sont l'accès du public d'une part et la protection des données d'autre part. Il regrette en particulier que la Commission européenne ait supprimé la référence à « l'atteinte à la confidentialité et à l'intégrité de l'individu » pour justifier le refus de diffuser un document contenant des données à caractère personnel. Il estime que le texte modifie ainsi profondément l'équilibre qui existait dans la situation qui prévalait jusqu'alors, telle qu'elle avait été dégagée par le Tribunal de première instance le 8 novembre 2007 dans l'affaire The Bavarian Lager Co. Ltd. c/ Commission.
Quant au Parlement européen, le rapporteur de la commission des libertés civiles, de la justice et des affaires intérieures, Michael Cashman, a souhaité que de nombreuses modifications soient apportées à la proposition de la Commission. Le Parlement européen, réuni en session plénière le 11 mars 2009, a adopté sa proposition d'amendements par 439 voix pour, 200 contre et 57 abstentions. Parmi ces amendements figurent ainsi la publication des avis des services juridiques des institutions, l'assouplissement de la définition du terme de « document », la suppression d'un certain nombre d'exceptions à l'accès aux documents, la possibilité pour le Médiateur de rendre un avis sur l'existence d'un intérêt public à la divulgation, ou encore la disparition définitive du pouvoir de veto aux États membres. Le Parlement européen suggère, par ailleurs la création d'un site Internet interinstitutionnel regroupant l'ensemble des documents et propose la mise en place d'un « comité de supervision » composé de députés européens, qui auraient accès aux documents dits classifiés.
A l'inverse, le Conseil se montre particulièrement réservé sur la possibilité ouverte par ce texte que soient publiées les positions des États membres. La majorité des États membres plaident pour que toute décision de divulgation soit prise au cas par cas.
Favorable à une mise en oeuvre aussi large que possible du principe de transparence, le Gouvernement français a néanmoins indiqué que la protection de certaines données lui paraissait essentielle. A cet égard, il se montre particulièrement soucieux qu'un certain nombre de documents reste protégé, tels les avis juridiques ou les documents relatifs aux procédures d'enquête. L'approche de notre Gouvernement est aujourd'hui partagée par une majorité d'États membres.
En effet, seuls onze États membres, en particulier les pays nordiques (Danemark, Estonie, Finlande, Slovénie, Suède), seraient jusqu'ici favorables à un élargissement du droit d'accès et, partant, aux propositions défendues par le Parlement européen. Il convient cependant d'observer que le Parlement européen n'a pas jusqu'alors adopté son avis en première lecture sur ce texte. Il a choisi de voter sur les seuls amendements du rapport de Michael Cashman au mois de mars 2009 et a ensuite adopté une résolution sur le sujet le 17 décembre dernier afin de faire connaître son sentiment sur le texte et de favoriser le rapprochement des positions entre les institutions.
Dans cette dernière résolution, le Parlement européen a une nouvelle fois appelé au renforcement de la transparence. Prenant acte de l'entrée en vigueur du traité de Lisbonne et citant l'article 15 du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne, il a demandé l'extension du champ d'application de ce règlement à tous les organes, organismes et agences de l'Union européenne, y compris la Banque centrale européenne, la Cour de justice européenne, Europol et Eurojust. En effet, l'article 15 du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne prévoit un droit d'accès du public « aux documents des institutions, organes et organismes de l'Union » et précise que « la Cour de justice de l'Union européenne, la Banque centrale européenne et la Banque européenne d'investissement » sont également soumises à cette obligation « lorsqu'elles exercent des fonctions administratives ». Le Parlement européen a également réitéré, dans sa résolution, sa demande d'élargir l'accès du public aux avis du service juridique du Conseil, en s'appuyant sur l'arrêt rendu par la Cour de justice le 1er juillet 2008 dans l'affaire Turco. Il a enfin demandé que cet accès élargi soit aussi garanti pour d'autres documents, qu'il s'agisse des positions ou des voix obtenues au Conseil, des textes relatifs aux accords internationaux ou à la protection des données personnelles ou encore du contenu des bases de données des institutions.
Les discussions sur ce texte devraient sans doute reprendre avec l'entrée en fonction de la nouvelle Commission Barroso. En l'état actuel, elles mettent en présence des parties dont les positions paraissent assez contradictoires. Dans ces conditions, la commission se garde la possibilité de revenir sur ce dossier en fonction de son évolution au cours des prochains mois.