COM (2008)182 final  du 08/04/2008

Examen dans le cadre de l'article 88-4 de la Constitution

Texte déposé au Sénat le 17/04/2008
Examen : 07/05/2008 (délégation pour l'Union européenne)


Politique de coopération

Accord de stabilisation et d'association avec la Bosnie-Herzégovine

Textes E 3838 et E 3839
COM (2008) 182 final et COM (2008) 183 final

(Procédure écrite du 7 mai 2008)

Les accords de stabilisation et d'association ont été créés en 2001 dans le cadre de l'établissement d'un partenariat entre l'Union Européenne et les Balkans Occidentaux. Ils poursuivent deux objectifs prioritaires : la promotion d'une coopération régionale et la stabilisation doublée d'une transition rapide vers l'économie de marché. Ils constituent l'étape préalable à la reconnaissance du statut de candidat à l'adhésion. L'ancienne république yougoslave de Macédoine, la Croatie, l'Albanie et le Monténégro ont déjà signé ce type de convention. La ratification par l'ensemble des États membres est la dernière condition requise pour l'entrée en vigueur de l'accord.

Les négociations en vue de la signature d'un accord de stabilisation et d'association (ASA) avec la Bosnie-Herzégovine ont été entamées par la Commission le 21 novembre 2005. Au terme de celle-ci, une version définitive de l'accord a été présentée au Conseil en mai 2007. La volonté de celui-ci d'obtenir une coopération plus étroite des autorités bosniennes avec le Tribunal pénal international pour l'ex-Yougoslavie (TPIY) mais également de voir aboutir la réforme, maintes fois ajournée, de la police locale, ont conduit la Commission à repousser sa décision de parapher l'accord.

Si, dans son rapport annuel de suivi des pays candidats à l'élargissement publié en novembre 2007, la Commission fait état de réels progrès concernant la collaboration avec le TPIY, elle pointe également l'absence de réformes viables dans les domaines institutionnel et judiciaire. Soulignant la complexité des arrangements constitutionnels qui régissent le pays et la forte prégnance des rhétoriques nationalistes au sein de l'État central, la Commission appelle de ses voeux une modernisation des institutions doublée d'une plus grande coordination entre l'État central et les deux entités, Republika Srpska bosno-serbe et Fédération croato-musulmane. De tels dysfonctionnements ne sont pas sans incidence sur l'application des lois, notamment en matière de lutte contre la corruption. La mise en place d'un véritable État de droit demeure également tributaire d'une véritable fragmentation du système judiciaire. La Commission remarque en outre la persistance d'importantes manifestations d'intolérance religieuse et de discrimination ethnique, peu en accord avec l'objectif assigné par l'Union européenne de renforcer la protection des minorités et assurer un plus grand respect des droits de l'Homme. L'absence de consensus politique en matière économique est également relevée par la Commission, qui s'inquiète, par ailleurs, d'un taux de chômage très élevé.

La décision de la Commission de parapher l'accord de stabilisation et d'association le 4 décembre 2007 peut, en conséquence, apparaître troublante, tant elle semble à rebours des réserves exprimées par cette même institution un mois plus tôt. L'accord est de surcroît paraphé par un Premier ministre bosnien démissionnaire à la suite d'une crise politique induite par l'échec d'une nouvelle tentative de réforme de la police. La Commission justifie néanmoins cette décision par les avancées observées en vue de faire aboutir la réforme de la police et les progrès déjà notés en matière de coopération avec le TPIY.

Le paraphe de la Commission anticipe, pourtant, de plusieurs mois les avancées effectives en matière de réforme de la police, les deux lois constituant celles-ci ayant été adoptées par les deux chambres du parlement bosnien le 16 avril dernier, huit jours après l'adoption à Bruxelles des textes soumis aujourd'hui à notre examen. Il convient également de souligner la relative modestie de la réforme envisagée, qui semble assez loin de l'appel à une plus grande intégration formulé par la Commission dans son rapport de novembre dernier. Si l'État central devrait se doter d'une direction de coordination, les forces de police restent placées sous la responsabilité des deux entités. La mise en oeuvre effective de cette réforme est par ailleurs liée à l'adoption d'une nouvelle constitution, au sujet de laquelle il n'existe pas, à l'heure actuelle, de consensus « national ».

Par ailleurs, le texte E 3838 fait référence à la nécessité pour la Bosnie-Herzégovine de poursuivre la réforme de son administration publique et de moderniser sa législation audiovisuelle avant une éventuelle signature de l'ASA. Aucune avancée notable dans ces domaines n'est pour autant mise en avant par la Commission en vue de légitimer ladite signature.

Une telle démarche semble, de fait, mue par une certaine précipitation, induite notamment par la volonté de la présidence slovène du Conseil de confirmer significativement la vocation européenne des Balkans occidentaux. L'accession à l'indépendance du Kosovo et la tentation irrédentiste qu'elle suscite en Republika Sprska justifient également la volonté d'ancrer la Bosnie-Herzégovine dans ses frontières actuelles dans une perspective d'adhésion à moyen terme. Cet empressement demeure néanmoins une source d'inquiétude au regard des expériences passées : les cas de l'Albanie et de l'ancienne république yougoslave de Macédoine sont, à cet égard, significatifs. Comme l'a souligné la Commission elle-même dans son rapport de suivi de novembre dernier, les accords de stabilisation et d'association signés avec ces pays n'ont pas permis de créer de réelle dynamique réformiste, seule à même d'ouvrir la voie vers l'adhésion à l'Union européenne.

Aucune réserve ne s'oppose à une adoption rapide du texte E 3839. Celui-ci vise, en effet, uniquement la mise en place de dispositions commerciales et de mesures d'accompagnement temporaires dans l'attente d'une ratification par le Conseil de l'ASA. Le texte E 3838, qui présente ledit accord, est, compte tenu du contexte, sujet à plus d'interrogations. Une adoption par le Conseil reviendrait à considérer l'ASA comme un instrument symbolique, destiné à pacifier un pays voire une région, sans réelles garanties quant au respect des valeurs européennes et de l'acquis communautaire. Dans ces conditions, le président de la délégation a été chargé par ses collègues d'adresser au Gouvernement un courrier exprimant l'inquiétude de la délégation sur cette question.