COM (2007) 549 final/2
du 04/10/2007
Date d'adoption du texte par les instances européennes : 18/12/2007
Examen dans le cadre de l'article 88-4 de la Constitution
Texte déposé au Sénat le 19/10/2007Examens : 05/12/2007 (délégation pour l'Union européenne), 10/12/2007 (délégation pour l'Union européenne)
Budget communautaire
Communication de M. Denis
Badré
Point sur le financement de Galileo
et de l'Institut
européen de technologie
Texte E 3657 - COM (2007) 549
final
(Réunion du 5 décembre 2007)
L'heureuse surprise survenue lors du Conseil Ecofin du 23 novembre dernier, consacré à la deuxième lecture du projet de budget pour 2008, m'a conduit à modifier l'esprit de ma communication. Conçue initialement comme s'inscrivant dans le cadre de la procédure de l'article 88-4 de la Constitution, elle vise finalement à faire le point sur le financement du programme européen de radionavigation par satellite Galileo et de l'Institut européen de technologie (IET), ce sujet étant suffisamment important pour rendre nécessaire une révision du cadre financier 2007-2013.
1. Les problèmes de financement de Galileo et de l'IET
Les modalités de financement de Galileo, dont l'objectif est de concurrencer le GPS américain, ont connu des déboires.
Initialement, il était prévu que le déploiement et l'exploitation de Galileo seraient financés conjointement dans le cadre d'un partenariat public/privé. Le budget communautaire devait par ailleurs être mis à contribution à hauteur de 1 milliard d'euros sur les années 2007-2013, ce montant étant programmé dans la sous-rubrique 1 a « Compétitivité pour la croissance et l'emploi » du cadre financier.
Toutefois, les négociations du contrat de concession avec le seul prestataire (un consortium de huit entreprises baptisé Euro-GNSS) ayant répondu à l'appel d'offres lancé en octobre 2003 ont échoué et ont été interrompues au début de 2007. Le Conseil puis le Parlement européen ont alors demandé à la Commission de proposer des solutions alternatives permettant de mettre en oeuvre le programme Galileo.
La Commission a établi l'hypothèse d'un financement par le seul secteur public de la capacité opérationnelle de Galileo, soit 30 satellites mis en orbite d'ici la fin 2012 - soit avec trois ans de retard sur le calendrier initialement prévu - pour un coût total de 3,4 milliards d'euros sur la période 2007-2013. Le Conseil et le Parlement européen ont pris acte de la nécessité d'un financement public supplémentaire à hauteur de 2,4 milliards d'euros, 1 milliard étant déjà programmés, et ont demandé à la Commission de leur faire des propositions.
En ce qui concerne l'IET, la contribution du budget communautaire à son coût total a été estimée, en octobre 2006, à 308,7 millions d'euros sur les années 2008-2013. Ce montant a été considéré comme programmé dans la sous-rubrique 1 a, la Commission ayant jugé que les marges non allouées sous les plafonds de cette rubrique pourraient suffire à financer le lancement de l'IET. Néanmoins, le Conseil et le Parlement européen n'ont pu se mettre d'accord sur les modalités concrètes du financement de l'IET.
Les besoins de financement s'établissent donc à 2 400 millions d'euros au titre de Galileo et à environ 309 millions pour l'IET, soit un total de 2 709 millions d'euros.
2. Les solutions proposées par la Commission
Le 19 septembre dernier, la Commission européenne, répondant à la demande de l'autorité budgétaire, a présenté une communication et une proposition de décision dans lesquelles elle fait clairement le choix d'un financement exclusif par le budget communautaire.
Ce principe étant posé, elle a proposé que 300 millions d'euros soient rendus disponibles au sein des activités de recherche liées aux transports financées au titre du 7e programme-cadre de recherche, ce qui ramène le besoin de financement à 2 409 millions d'euros.
Pour le couvrir, la Commission a surtout proposé de recourir aux marges des rubriques 2 « Conservation et gestion des ressources naturelles » et 5 « Administration » disponibles en 2007 et 2008, qui, selon elle, sont « appréciables » (2,1 milliards d'euros en 2007 et 2,5 milliards en 2008 pour la rubrique 2), en raison de la situation favorable sur le marché agricole.
La proposition de la Commission consiste donc à relever les plafonds annuels de la sous-rubrique 1 a pour les années 2008 à 2013 d'un montant total de 2 409 millions d'euros et à baisser d'autant les plafonds des rubriques 2 et 5 pour les années 2007 et 2008, afin que l'opération soit neutre en termes budgétaires.
Cette proposition requiert une révision du cadre financier.
3. Les positions en présence
Il paraît évident que, sur Galileo, qui constitue le problème principal, la position adoptée par la Commission est directement liée à celle du Parlement européen, qui est hostile à un financement intergouvernemental et favorable à une révision des perspectives financières. D'ailleurs, la Commission a renoncé à la solution d'un financement intergouvernemental, via le budget de l'Agence spatiale européenne (ESA), certes parce que 10 États membres de l'Union européenne ne sont pas membres de l'ESA, mais aussi parce que le budget de celle-ci se situe en dehors du champ du contrôle du Parlement européen.
Le 25 octobre dernier, lors du vote en première lecture du projet de budget pour 2008, le Parlement européen a ainsi porté le montant des crédits d'engagement prévus pour Galileo de 151 à 890 millions d'euros, dépassant ainsi les marges prévues par le cadre financier. Ce vote cherche à contraindre le Conseil à une révision des perspectives financières. Le Parlement européen a maintenu une forte pression jusqu'au bout. On lui prêtait même l'intention de ne pas approuver le budget pour 2008 en deuxième lecture, en décembre prochain, si le principe du financement communautaire de Galileo n'était pas accepté.
La plupart des États membres étaient d'accord sur au moins un point : la proposition de la Commission n'était pas acceptable en l'état. Sur le reste, ils étaient très divisés.
Certains États membres étaient opposés à la révision des perspectives financières, en raison du précédent qu'une telle solution pourrait constituer en matière de crédibilité budgétaire. C'était le cas, notamment, du Royaume-Uni, des Pays-Bas, de l'Irlande, de la Suède ou encore de la République tchèque.
C'était aussi le cas de l'Allemagne, qui présente la particularité d'être le seul État favorable à un financement mixte par l'Union européenne et l'ESA. La nature intergouvernementale de celle-ci permet en effet d'assurer des retombées pour les entreprises à hauteur de la contribution de l'État membre concerné. S'arc-boutant ainsi sur le principe du « juste retour », qui heurtait de front la position du Parlement européen, l'Allemagne s'est progressivement isolée. Jusqu'au bout, elle a refusé de céder et a été le seul État membre à voter contre le compromis élaboré, l'Espagne s'étant abstenue.
Quelques États membres, comme le Danemark et l'Autriche, n'étaient pas favorables à des redéploiements au sein de la sous-rubrique 1 a, au motif que cette hypothèse serait en contradiction avec la priorité accordée par les chefs d'État et de gouvernement à la recherche.
Quant à la France, elle a toujours cherché à tenir une position équilibrée tendant à faciliter l'émergence d'un compromis. Elle a considéré que la proposition de la Commission constituait une bonne base de travail, qui devait toutefois être améliorée.
Globalement, notre pays partageait l'analyse de l'exécutif européen, selon laquelle le financement de la phase de déploiement de Galileo ne peut provenir de façon réaliste que du budget communautaire, dès lors que ce financement ne se traduirait pas par une augmentation du montant des engagements prévus dans les perspectives financières. Il était en revanche beaucoup plus réservé sur l'utilisation des marges de l'exercice 2008, qui présente l'inconvénient d'obérer l'avenir.
4. L'accord élaboré
Chacun campant sur ses positions, le pessimisme était de mise pour le Conseil Ecofin du 23 novembre dernier, et la perspective de voir le Conseil européen du 14 décembre se saisir du projet de budget pour 2008 se rapprochait.
Les Vingt-sept sont fort heureusement parvenus à un accord sur le financement de Galileo et de l'IET, qui a permis de débloquer le processus budgétaire. La minorité de blocage tant redoutée ne s'est pas formée, et l'isolement de l'Allemagne n'en a paru que plus flagrant. Il convient ici de saluer le rôle de la présidence portugaise, qui s'est d'ailleurs toujours montré relativement confiante, et dont l'investissement impartial a permis d'aboutir. Assurément, cet accord est largement à porter à son crédit.
À l'issue d'un compromis d'ensemble où chacune des parties a accepté de composer, le financement de Galileo et de l'IET sera assuré de la façon suivante :
- la sous-rubrique 1 a est mise à contribution : d'une part, une partie des crédits destinés aux activités de recherche liées aux transports financées au titre du 7e programme-cadre de recherche sera réaffectée, à hauteur de 400 millions d'euros, et, d'autre part, des redéploiements de crédits seront effectués, pour un montant de 200 millions d'euros (1(*)) ; cette solution est conforme aux souhaits de nombreux États membres et à ceux de la Commission, tandis que le Parlement européen y était hostile ;
- 300 millions d'euros seront rendus disponibles au titre de la marge de la sous-rubrique 1 a au cours des années 2008 à 2013 ; sur ce point, c'est la France, notamment, qui a dû faire des concessions, car elle était hostile à la mobilisation des crédits disponibles au-delà de l'exercice en cours ;
- comme le proposait la Commission, 1,6 milliard d'euros permettront de relever les plafonds de la sous-rubrique 1 a pour la période 2008-2013, grâce à une réduction de la marge de la rubrique 2, c'est-à-dire des crédits agricoles non utilisés en 2007 ; de ce point de vue, la France a indéniablement obtenu satisfaction, puisque le recours à la marge de la rubrique 2 au titre de l'exercice 2008, initialement proposé par la Commission, a été abandonné - de même d'ailleurs que la mobilisation des marges de la rubrique 5 ;
- enfin, 200 millions d'euros proviendront de l'instrument de flexibilité, destiné à financer les événements imprévus.
Les trois institutions ont également assorti leur accord de plusieurs déclarations politiques.
Elles ont notamment réaffirmé l'importance de Galileo, qui constitue une priorité pour l'Union européenne. Elles ont également souligné le caractère exceptionnel de la procédure retenue qui ne constitue pas un précédent pour la révision du cadre financier à venir.
De son côté, la Commission a confirmé que le financement complémentaire induit par Galileo ne requiert pas l'utilisation de la marge de la rubrique 2 pour un exercice postérieur à 2007, et que le recours à cette marge ne constitue pas un précédent pour les années à venir.
Compte rendu sommaire du débat
M. Jean Bizet :
Le discours, que l'on a parfois entendu, selon lequel les dépenses agricoles auraient permis de financer Galileo ne me paraît pas fondé. Ce projet est en réalité financé grâce à la mobilisation de crédits non utilisés. Il était temps d'aboutir à un accord sur le financement de Galileo si l'on voulait lancer ce projet, notamment dans la perspective de la stratégie de Lisbonne. De ce point de vue, la décision prise lors du Conseil Ecofin du 23 novembre apparaît comme un « miracle ». Cependant, il faut s'assurer que la révision du cadre financier qui a été nécessaire ne constitue pas un précédent.
M. Jacques Blanc :
L'accord obtenu sur Galileo est une grande victoire pour l'Union européenne. Ce projet constitue le seul moyen de se doter d'un outil dont les retombées seront considérables en matière économique et spatiale, ou encore dans le domaine de la défense.
M. Bernard Frimat :
Le compromis élaboré a été laborieux, mais l'essentiel est qu'il existe. Il est étonnant de constater que les États membres, qui ont toujours fait de Galileo une priorité politique, aient eu tant de difficultés à trouver 3,4 milliards d'euros au cours de la période 2007-2013. Le temps perdu est considérable s'agissant d'un projet lié aux nouvelles technologies. Les réticences allemandes ont illustré les limites du principe du « juste retour ». L'Espagne a assoupli sa position et s'est ralliée à l'accord sur le volet industriel de Galileo après avoir vu certaines de ses revendications satisfaites.
M. Pierre Bernard-Reymond :
Il convient de saluer le rôle de la présidence portugaise qui a permis d'aboutir à un accord sur Galileo.
M. Bernard Frimat :
Force est de constater que les « petits » États membres conduisent leur présidence de l'Union européenne de façon souvent remarquable.
M. Robert del Picchia :
Certaines questions techniques restent encore à régler, en particulier quant à la possibilité qu'auront éventuellement les Américains de brouiller les émissions du système Galileo, comme ils l'avaient fait avec le GPS, pendant quelques heures, à l'époque de la guerre du Golfe.
M. Pierre Bernard-Reymond :
Les États-Unis ont déjà tiré parti du retard pris par Galileo pour réfléchir au lancement du GPS dit de troisième génération. De surcroît, le programme européen sera également confronté à la concurrence chinoise et russe en la matière. L'accord conclu sur le volet industriel de Galileo a permis de s'entendre sur les modalités d'attribution des différents marchés afférents à ce projet.
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Examen en urgence du 10 décembre 2007
La délégation a été saisie d'une demande d'examen en urgence de la proposition modifiée de décision du Parlement européen et du Conseil modifiant l'accord interinstitutionnel du 17 mai 2006 sur la discipline budgétaire et la bonne gestion financière en ce qui concerne le cadre financier pluriannuel (COM (2007) 783 final).
Les modalités de financement initialement envisagées pour le programme européen de radionavigation par satellite Galileo ayant été abandonnées, la Commission européenne a proposé de faire supporter les 2,4 milliards d'euros nécessaires sur la période 2007-2013 par le seul budget communautaire.
Après des négociations difficiles, le Parlement et le Conseil ont finalement abouti à un accord, le 23 novembre dernier, permettant d'assurer le financement de Galileo. Cet accord, outre les réaffectations et redéploiements de crédits au sein de la sous-rubrique 1 a « Compétitivité pour la croissance et l'emploi », pour un total de 600 millions d'euros, et la mobilisation de l'instrument de flexibilité à hauteur de 200 millions, prévoit de réviser le cadre financier pluriannuel 2007-2013 de la manière suivante : le relèvement des plafonds des crédits d'engagement dans la sous-rubrique 1 a pour les années 2008 à 2013 d'un montant de 1,6 milliard d'euros requiert un abaissement, à hauteur du même montant, du plafond des crédits d'engagement dans la rubrique 2 « Conservation et gestion des ressources naturelles ». Il convient dès lors de modifier en conséquence l'accord interinstitutionnel du 17 mai 2006, en application des points 21, 22 et 23 de celui-ci.
La délégation du Sénat a débattu de cette question le 5 décembre 2007 et s'est félicitée de cet accord qui permettra de mettre en oeuvre un projet aussi important pour l'Europe et dont les retombées seront considérables. Le président de la délégation a indiqué au Gouvernement que la réserve parlementaire sur ce texte en ce qui concerne le Sénat pouvait donc être considérée comme levée à compter du mercredi 5 décembre.
* (1) Plusieurs lignes budgétaires voient dès lors leurs dotations diminuées : normalisation et rapprochement des législations (28 millions d'euros), Euratom (50 millions), procédures de passation et de publication des marchés publics de fournitures, de travaux publics et de services (46 millions), services pan-européens de gouvernement électronique aux administrations publiques, aux gouvernements et aux citoyens (15,9 millions), formation et perfectionnement d'interprètes (10,1 millions) et agences décentralisées (50 millions).