COM (2007) 500 final
du 15/06/2007
Date d'adoption du texte par les instances européennes : 18/12/2007
Examen dans le cadre de l'article 88-4 de la Constitution
Texte déposé au Sénat le 29/06/2007Examen : 11/07/2007 (délégation pour l'Union européenne)
Budget communautaire
Avant-projet de budget pour
2008
Communication de M. Denis Badré
(Texte E 3567)
(réunion du 11 juillet 2007)
La Commission européenne a adopté le 2 mai dernier l'avant-projet de budget (APB) pour l'exercice 2008, qui est le deuxième budget communautaire s'inscrivant dans le cadre financier 2007-2013.
Cet avant-projet de budget doit permettre de financer les priorités de la Commission telles qu'elles ont été présentées, le 21 février dernier, dans sa stratégie politique annuelle pour 2008. Outre trois priorités transversales - la lutte contre le changement climatique, la stratégie de Lisbonne pour la croissance et l'emploi et la gestion des flux migratoires à destination de l'Union européenne -, la Commission affiche quatre priorités principales, auxquelles sont associées pas moins de 74 actions clés prévues pour 2008 : la prospérité ; la solidarité ; la sécurité et la liberté ; l'Europe comme partenaire mondial.
En outre, la stratégie politique annuelle propose une répartition des ressources humaines destinée à permettre à la Commission d'atteindre ses objectifs. Celle-ci demande ainsi le recrutement de 890 personnes supplémentaires pour remplir ses tâches liées à l'élargissement et pour poursuivre ses quatre priorités stratégiques. La Commission, qui se dit « attachée au principe du redéploiement entre les services », entend de surcroît affecter 565 personnes à ses priorités par redéploiement, entre services (287) et à l'intérieur des services (278).
Je vous présenterai les grandes évolutions de l'APB 2008 avant de vous exposer mes principales observations.
L'avant-projet de budget pour 2008 s'établit à 129,167 milliards d'euros en crédits d'engagement, soit 1,03 % du revenu national brut de l'Union européenne, en augmentation limitée de 2,0 % par rapport à 2007 (après + 4,6 % l'année dernière), et à 121,582 milliards d'euros en crédits de paiement, soit une hausse de 5,3 %.
Les crédits d'engagements sont répartis entre les six rubriques définies par le cadre financier 2007-2013 :
- La rubrique 1 « Croissance durable » représente 44,24 % de l'avant-projet de budget, avec 57,148 milliards d'euros, en progression de 4,2 % par rapport à 2007. La sous-rubrique 1a « Compétitivité », qui concerne la mise en oeuvre de la stratégie de Lisbonne (7e PCRD, Éducation et formation tout au long de la vie et Erasmus Mundus, Réseaux transeuropéens de transports, Programme-cadre pour l'innovation et la compétitivité...), est dotée de 10,270 milliards d'euros, soit un montant bien moindre que celui de la sous-rubrique 1b « Cohésion », consacrée aux fonds structurels et au fonds de cohésion, soit 46,878 milliards d'euros, mais connaît une croissance nettement plus rapide, respectivement + 9,6 % et + 3,1 %.
- La rubrique 2 « Conservation et gestion des ressources naturelles » est dotée de 56,276 milliards d'euros, soit un niveau quasiment inchangé par rapport à l'année précédente. Elle représente 43,57 % de l'APB 2008. Cette rubrique couvre essentiellement les dépenses agricoles, pour un montant de près de 42,5 milliards d'euros, en léger recul par rapport à 2007, et les crédits au développement rural, à hauteur de 12,570 milliards d'euros. La Commission insiste sur le fait que, pour la première fois dans l'histoire de la construction européenne, les dépenses en faveur de la croissance et de l'emploi seront supérieures aux dépenses agricoles. Cette évolution, conforme à la tendance dessinée par le cadre financier, me semble pourtant devoir être nuancée, car il pourrait paraître exagéré de prétendre que toutes les dépenses de cohésion sont directement liées à la stratégie de Lisbonne.
- La rubrique 3 « Citoyenneté, liberté, sécurité et justice », qui représente 1,0 % de l'APB 2008, voit ses crédits progresser de 1,3 %, à 1,290 milliard d'euros. Les deux sous-rubriques connaissent une évolution divergente, puisque la dotation de la sous-rubrique 3a, qui concerne la gestion des flux migratoires, les droits fondamentaux et la justice, et la protection des libertés, augmente de 10,8 %, à plus de 691 millions d'euros, tandis que celle de la sous-rubrique 3b, qui couvre les questions de santé publique, de protection des consommateurs, de protection civile, mais aussi des actions en faveur de la culture, de la communication et de la jeunesse, recule de 7,6 %, essentiellement en raison d'une modification du périmètre liée à l'achèvement de mesures de transition en Roumanie et en Bulgarie.
- La rubrique 4 « L'Union européenne en tant que partenaire mondial », avec 6,911 milliards d'euros, en hausse de 1,5 %, représente 5,35 % de l'APB 2008. Ces dépenses concernent essentiellement la coopération au développement, la politique de voisinage, la politique de préadhésion et l'aide humanitaire. On notera que, selon la Commission, « même si l'APB 2008 ne contient pas de crédits supplémentaires pour le règlement du statut du Kosovo ni pour le processus de paix au Moyen-Orient, des montants pourraient devoir être inscrits lorsque l'évolution de ces deux questions nécessitera une intervention plus importante de l'Union. Ces deux événements devraient mobiliser la majeure partie de la marge [de 330 millions d'euros] ».
- La rubrique 5 « Administration », qui concerne les dépenses de l'ensemble des institutions communautaires, connaît une hausse sensible de 5,3 % par rapport à 2007, pour atteindre 7,336 milliards d'euros, soit 5,68 % de l'APB 2008.
- Enfin, la rubrique 6 « Compensations » est dotée de 206,6 millions d'euros, soit une diminution de 53,5 %, et ne représente que 0,16 % de l'ABP. Il s'agit des crédits destinés à contribuer à l'amélioration de la trésorerie de la Roumanie et de la Bulgarie et à financer de façon temporaire des mesures de contrôle aux nouvelles frontières extérieures de l'Union.
L'avant-projet de budget fait également l'objet, depuis le budget 2004, d'une présentation fondée sur les activités, qui permet de visualiser les dotations en crédits et en ressources humaines allouées à chacun des 32 domaines politiques. Ainsi, l'agriculture et le développement rural constituent le premier domaine politique en termes de crédits, avec 54,972 milliards d'euros, soit 42,6 % de l'APB. Viennent ensuite la politique régionale, avec 35,987 milliards d'euros (27,9 %), puis l'emploi et les affaires sociales, soit 11,480 milliards d'euros (8,9 %).
Le 5 juillet dernier, le COREPER a réduit l'avant-projet de budget de 770 millions d'euros en crédits d'engagement et de 2,12 milliards d'euros en crédits de paiement, dont 548 millions d'euros sur la rubrique 1a, 498 millions sur la rubrique 1b, 553 millions sur la rubrique 2, et 125 millions sur la rubrique 4.
J'en viens maintenant à mes cinq principales observations.
Première observation : l'exécution du budget communautaire.
La consommation des crédits inscrits au budget communautaire laisse apparaître un phénomène de sous-exécution important.
Certes, selon les « tableaux de bord » publiés sur le site Internet de la Commission, le taux de consommation des crédits s'établit à 96,17 % pour les crédits de paiement et à 98,65 % pour les crédits d'engagement pour le budget 2006. Celui-ci présente tout de même une sous-exécution supérieure à 6 milliards d'euros. Toutefois, ce taux est moins bon pour certains domaines politiques : 74,52 % pour « développement et relations avec les États ACP », 69,09 % pour « entreprises », 62,78 % pour « recherche directe », 51,60 % pour « santé et protection des consommateurs ».
De surcroît, cette exécution insuffisante des crédits est récurrente pour certains domaines politiques. Ainsi, le domaine « recherche directe » affichait un taux de consommation de 62,78 % en 2006, de 59,55 % en 2005 et de 60,82 % en 2004. Le domaine « santé et protection des consommateurs » permet de dresser le même constat : le taux de consommation des crédits était de 51,60 % en 2006, de 59,55 % en 2005 et de 52,45 % en 2004. Cette sous-consommation persistante sur certaines lignes suscite des interrogations quant aux modalités de budgétisation initiale des crédits. J'y vois, pour ma part, les conséquences d'une surbudgétisation, qui n'est pas sans effets sur la contribution des États membres au budget communautaire. La budgétisation des crédits gagnerait à être plus réaliste.
Par ailleurs, le montant du « reste à liquider » (RAL) s'est établi, au 31 décembre 2006, à 132 milliards d'euros, en hausse de 13 milliards, soit + 11 %, par rapport à l'année précédente, ce qui constitue un record. 70 % du RAL portent sur les fonds structurels. Certes, le RAL est lié au décalage entre le niveau des engagements et celui de la réalisation effective des programmes, mais il me paraît avoir de graves conséquences en matière de politique de compétitivité et sur la rubrique 4. En ce qui concerne d'ailleurs cette rubrique, les relations extérieures, le RAL représente deux ans de fonctionnement, même s'il a pu représenter jusqu'à sept ans de fonctionnement dans les années 1990.
En tout cas, la sous-exécution n'est plus une problématique ne concernant que les seuls fonds structurels, comme l'affirme la Commission.
Deuxième observation : les effectifs des institutions communautaires.
La Commission, on l'a vu, a demandé la création de 890 emplois dans l'APB 2008, dont 30 emplois d'agents externes, afin de couvrir les besoins liés à l'élargissement, soit 610 emplois au titre de l'UE-10 et 250 emplois au titre de l'UE-2.
Au total, la Commission avait estimé que l'augmentation de la charge de travail consécutive aux élargissements nécessiterait le recrutement de 3 960 personnes, dont 560 agents externes, sur la période 2003-2008, au titre de l'élargissement à dix nouveaux Etats membres, et la création de 850 postes liés à l'adhésion de la Roumanie et de la Bulgarie. L'élargissement à ces deux pays devrait encore se traduire par la création de 250 postes en 2009.
La Commission note que « au-delà des tâches liées à l'élargissement, la Commission ne demande pas de ressources humaines supplémentaires et entend soutenir, par ses propres efforts, les initiatives proposées » dans le cadre de ses priorités, c'est-à-dire par redéploiement, pour couvrir des besoins estimés à 1 600 postes sur la période 2009-2013.
A l'occasion de la procédure budgétaire 2007, le Parlement européen avait demandé à la Commission d'établir un rapport sur une évaluation à moyen terme de ses ressources humaines. Elle a publié ce rapport le 24 avril dernier. Ce document montre que l'ensemble des institutions communautaires emploient des effectifs nombreux : 38 637 emplois, permanents et temporaires, en 2007, soit une hausse de 21,4 % depuis 2002, ce qui correspond à 6 821 emplois supplémentaires.
Le nombre d'emplois de la Commission a progressé de 8,1 % entre 2002 et 2007, à 23 198, et de 13,2 % si l'on prend aussi en compte les agences. Les effectifs des seules agences ont crû de près de 146 % sur la même période : les agences comptaient ainsi 820 emplois en 2002 et plus de 2 000 en 2007. Mais les emplois des autres institutions ont progressé bien plus rapidement encore, soit + 40,8 % entre 2002 et 2007, pour atteindre 13 422 emplois. Sur cette période, les autres institutions ont ainsi bénéficié de 57 % du total des créations d'emplois. Les effectifs du Conseil ont augmenté de près de 30 %, ceux du Parlement européen de 36,8 %, ceux de la Cour de justice de 66,7 % et ceux du Comité des régions de plus de 86 % ! Il n'en demeure pas moins vrai que les emplois de la seule Commission représentent en 2007 plus de 60 % de l'ensemble des effectifs des institutions communautaires, les autres institutions en employant 34,7 %.
Enfin, on notera que, dans sa stratégie politique annuelle du 21 février 2007, la Commission indiquait que « certains des postes prévus pour 2008 ne seront affectés aux services qu'à la lumière des résultats de cette évaluation » des ressources humaines. Or, les demandes de postes formulées dans l'APB 2008 n'ont pas évolué par rapport à la stratégie politique annuelle.
Troisième observation : les agences.
Les agences occupent désormais une place considérable dans le paysage institutionnel communautaire.
Il existe deux catégories d'agences :
- les agences de régulation, dites décentralisées, qui sont au nombre de 25 et qui ont leur siège dans les différents États membres : elles exercent les compétences que les États membres ont choisi de mettre en commun ;
- les agences exécutives : au nombre de 4, auxquelles 2 nouvelles agences viendront prochainement s'ajouter, il s'agit de démembrements de la Commission qui gèrent certains de ses programmes ; elles siègent toutes à Bruxelles.
Les 25 agences décentralisées devraient bénéficier de 524 millions d'euros dans l'APB 2008, soit une augmentation de 18,6 % par rapport à 2007. Les crédits des agences créées depuis 2004 devraient progresser de 53,2 % et ceux des agences qui sont en « vitesse de croisière » de 3,5 %. Les crédits affectés aux agences exécutives s'établissent à 72,9 millions d'euros et augmentent de près de 18 %.
Les dotations allouées aux agences couvrent majoritairement des dépenses de personnel et de fonctionnement, de telle sorte qu'il conviendrait d'agréger les dépenses de la rubrique 5 et celles des agences pour obtenir le montant réel des dépenses d'administration.
Or, il n'est pas certain que la tendance de la Commission à l'externalisation s'accompagne d'une réduction des effectifs dans la direction générale de tutelle de l'agence exécutive concernée. La création des agences semble traduire moins un transfert de moyens qu'un accroissement de moyens dans des conditions peu transparentes.
Certes, à la demande de la présidence allemande, la Commission a réalisé un document de synthèse présentant les moyens de chacune des agences décentralisées.
Il n'en demeure pas moins qu'une véritable analyse coûts/efficacité des agences continue de faire défaut.
Quatrième observation : la question du financement de l'Institut européen de technologie (IET) et de Galileo.
Les problèmes liés au financement de l'IET et de Galileo, programme de radionavigation par satellite, illustrent la tentation, de la part du Parlement européen en particulier, de réviser les perspectives financières, ce qui ne me paraît pas acceptable.
Le financement de l'IET est actuellement évalué à 308,7 millions d'euros sur la période 2008-2013, mais n'a pas été prévu dans le cadre financier actuel. Le Parlement européen, refusant que l'IET soit financé au détriment de programmes existants, le 7e PCRD notamment, a rejeté la proposition de la Commission de recourir aux marges sous plafond de la rubrique 1a, et propose une révision des perspectives financières. Un accord pourrait toutefois être trouvé. Il consisterait à financer les 308,7 millions d'euros sur le budget communautaire pour lancer l'IET au cours des années 2008 et 2009, les modalités de son développement ultérieur devant être précisées plus tard. Toutefois, aucune précision n'a été apportée quant à l'origine de ces crédits.
En ce qui concerne Galileo, l'échec du partenariat public/privé initialement envisagé nécessite de trouver des solutions alternatives pour le financement complémentaire du programme. En effet, si 1 milliard d'euros sont prévus à cet effet dans le cadre financier, il convient de trouver 2,4 milliards supplémentaires. La Commission a proposé un financement public, de préférence par le budget communautaire, mais certains États membres sont plutôt favorables à des contributions financières apportées par les budgets nationaux. Le Parlement européen est opposé à un financement mixte, reposant à la fois sur le budget communautaire et sur les budgets nationaux, et souhaite que ce projet soit intégralement financé par le premier. Comme pour l'IET, cette solution nécessiterait une révision des perspectives financières.
Cinquième observation : le réexamen du cadre financier.
Je vous rappelle que l'accord interinstitutionnel du 17 mai 2006 a prévu que la Commission entreprenne un réexamen complet et global, couvrant tous les aspects des dépenses de l'UE, y compris la politique agricole commune, ainsi que des ressources, y compris la compensation en faveur du Royaume-Uni, et présente un rapport en 2008-2009.
Les informations relatives à ce réexamen sont pour l'instant très parcellaires. Si le rapport de la Commission doit être présenté en 2008 ou 2009, on ne sait pas si le réexamen du cadre financier lui-même interviendra avant ou après 2013.
D'après les informations qui m'ont été communiquées, le collège des commissaires devrait adopter un premier document (issues paper) le 12 septembre prochain, qui devrait comporter un certain nombre d'interrogations sur l'efficacité de la dépense communautaire et sur les orientations que devrait prendre le budget à un horizon de 20 ans. Ce premier document, qui ne comporterait aucune donnée chiffrée afin de ne pas engager de débat sur le prochain cadre financier, servirait de base à une large consultation publique engagée sur ce sujet et clôturée par une conférence.
La Commission établirait ensuite deux rapports, l'un sur les ressources, l'autre sur les dépenses, qui seraient rendus publics en mars 2008, et qui permettraient au Conseil d'entamer sa réflexion.
Il me paraît essentiel que les parlements nationaux soient associés à la consultation préalable au réexamen du cadre financier.
Je vous propose de reprendre ces observations dans les conclusions que je soumets à la délégation.
*
Après avoir apporté quelques modifications formelles à la proposition du rapporteur, la délégation a adopté, à l'unanimité les conclusions suivantes :
Conclusions
La délégation pour l'Union européenne du Sénat,
Vu l'avant-projet de budget général des Communautés européennes pour l'exercice 2008 (E 3567),
Souhaite une budgétisation plus rigoureuse des crédits d'engagement de manière à assurer de façon réaliste le financement des priorités de l'Union européenne et à lutter résolument contre l'accumulation d'un « reste à liquider » ayant atteint un niveau sans précédent ;
Appelle de ses voeux une « pause », après la prise en compte des besoins liés à l'élargissement, dans la création d'emplois nouveaux au sein de l'ensemble des institutions communautaires et l'application des pratiques de redéploiement d'effectifs aux autres institutions que la Commission ;
Estime nécessaire la réalisation d'une analyse coût/efficacité, approfondie et indépendante, des agences afin de parvenir à une évolution maîtrisée de leurs moyens de fonctionnement ;
Demande au Gouvernement qu'une solution soit rapidement apportée au financement de l'Institut européen de technologie et de Galileo, dans le respect des perspectives financières 2007-2013 ;
Demande au Gouvernement d'informer dès maintenant
le Parlement de la méthode selon laquelle il entend préparer la
présidence française sur le réexamen du cadre financier
prévu pour 2009 et juge indispensable que le Parlement y soit
associé le plus en amont possible.