COM (2007) 257 final  du 16/05/2007
Date d'adoption du texte par les instances européennes : 10/07/2007

Examen dans le cadre de l'article 88-4 de la Constitution

Texte déposé au Sénat le 30/05/2007
Examen : 21/06/2007 (délégation pour l'Union européenne)


Économie, finances et fiscalité

Adoption par Chypre et Malte de la monnaie unique

Textes E 3537 à E 3540
COM (2007) 256 final, COM (2007) 257 final,
COM (2007) 259 final, COM (2007) 260 final

(Procédure écrite du 21 juin 2007)

Aux termes de l'article 4 de l'Acte d'adhésion, les États ayant rejoint l'Union européenne le 1er mai 2004 participent à l'Union économique et monétaire sans pour autant adhérer directement à la zone euro. Conformément à l'article 122 du traité établissant la Communauté européenne, ils font en effet l'objet d'une dérogation temporaire destinée à permettre à leurs économies de converger avec celles des pays membres de la zone euro. Tous les deux ans ou à la demande d'un État membre à statut dérogatoire, deux rapports distincts de la Commission et de la Banque centrale européenne (BCE) sont présentés au Conseil afin d'évaluer les progrès réalisés en vue de l'adoption de la monnaie unique. Sur la base de ces documents et après consultation du Parlement européen et discussion au sein du Conseil européen, le Conseil Ecofin statue à la majorité qualifiée. Le 11 juillet 2006, il a ainsi permis à la Slovénie d'adopter l'euro au 1er janvier 2007.

Les rapports de la Commission et de la Banque centrale analysent la convergence des économies des États requérants avec celles de la zone euro à la lumière d'une série d'indicateurs, au nombre desquels les critères dits de Maastricht occupent une place prééminente. Exposés à l'article 121 du traité établissant la Communauté européenne, ces critères sont les suivants :

- Stabilité des prix : le taux d'inflation de l'État membre évalué ne doit pas dépasser de plus de 1,5 % celui des trois États membres présentant les meilleurs résultats en matière de stabilité des prix, qu'ils appartiennent ou non à la zone euro (la Pologne et la Suède font ainsi partie de ce trio) ;

- Discipline budgétaire : deux valeurs de référence sont utilisées afin d'évaluer le caractère soutenable de la situation des finances publiques : l'endettement public doit ainsi être inférieur à 60 % du Produit Intérieur Brut (PIB) et le déficit budgétaire ne peut atteindre plus de 3 % du PIB.

- Stabilité des taux de change : l'État membre doit avoir participé au mécanisme de taux de change du système monétaire européen (MCE II ou « SME bis ») sans discontinuer pendant les deux années précédant l'examen de sa situation, sans connaître de tensions graves. En outre, l'État membre ne doit pas avoir dévalué sa monnaie de sa propre initiative pendant cette même période.

- Niveau des taux d'intérêts à long terme : les taux d'intérêt nominaux à long terme ne doivent pas excéder de plus de 2 % ceux des trois États membres présentant les meilleurs résultats en matière de stabilité des prix.

Au-delà, les États souhaitant adopter la monnaie unique doivent également établir la compatibilité des statuts de leurs banques centrales avec ceux du système européen de banques centrales (SEBC). Par ailleurs, l'attention est également portée sur le degré d'intégration des marchés, l'évolution des balances des paiements courants, des coûts salariaux unitaires et des indices des prix.

La Commission et la BCE ont procédé à leur évaluation bisannuelle des États à statut dérogatoire en 2006. Chypre et Malte ont déposé en février dernier une nouvelle demande d'évaluation de la convergence de leurs économies en vue de pouvoir adhérer à la zone euro au 1er janvier prochain. Les textes E 3537 à E 3540 présentent les conclusions de la Commission et de la Banque Centrale.

1. Chypre : une adhésion logique

En recommandant l'adhésion de Chypre à la zone euro au 1er janvier 2008, la Commission confirme une tendance décelable dans son rapport de décembre 2006. Les seules raisons avancées pour le maintien du statut dérogatoire tenaient alors à une participation par trop récente au MCE II ainsi qu'à l'absence de compatibilité entre les statuts de la Banque centrale chypriote et ceux du SEBC, une loi étant à l'époque en cours d'adoption. Quelques réserves étaient également exprimées au sujet d'un important déficit courant et de la volatilité des entrées d'investissements directs étrangers (IDE).

Adoptée le 15 mars 2007, la nouvelle législation sur la Banque centrale de Chypre permet de gommer les dernières incompatibilités entre celle-ci et le SEBC. Les critères de convergence sont, quant à eux, respectés. L'inflation est, en effet, ramenée à 2 % annuel (1,7 % en octobre dernier), le niveau de déficit public s'établit à 1,4 % du PIB (2,3% en 2005), la dette devant se contracter en 2007 pour atteindre 61,5 % du PIB (69,2 % du PIB en 2005). Le taux d'intérêt à long terme se situe en moyenne à 4,2 %, soit un niveau inférieur à la valeur de référence (6,4 %). La progression du déficit courant ne semble pas, par ailleurs, alerter la Commission (5,9 % du PIB en 2006 contre 3,2% trois ans auparavant).

Ce succès statistique ne saurait pour autant occulter la nécessité de mettre en oeuvre de nouvelles réformes dans le domaine des retraites et des soins de santé en vue d'améliorer la viabilité à long terme des finances publiques chypriotes conformément aux recommandations du Conseil du 27 février dernier.

Au-delà des critères économiques mis en avant par la Commission, il convient de s'interroger sur la diffusion de l'euro sur l'ensemble de l'île, y compris au Nord. Ainsi, certains secteurs de la société civile chypriote mettent en avant la monnaie européenne comme un instrument au service d'une véritable réunification économique de l'île. Aucune condition technique n'est bien évidemment remplie en vue d'une introduction de l'euro au Nord. Il apparaît souhaitable que ce problème, qui n'est pas abordé dans les documents transmis par la Commission, soit mis en avant lors des débats au sein du Conseil européen et du Conseil Ecofin. L'euro ne saurait, en effet, être utilisé à des fins politiques insulaires.

2. Malte : une appréciation souple des critères de convergence

Dans son rapport de décembre 2006, la Commission pointait plusieurs obstacles à une adhésion de Malte à la zone euro, au regard notamment de l'incompatibilité des statuts de sa Banque centrale avec ceux du SEBC, d'une inflation modérément contenue et de l'absence de discipline budgétaire efficiente (l'île faisant même l'objet d'une décision constatant l'existence d'un déficit excessif depuis le 5 juillet 2004). La Commission relevait néanmoins la bonne intégration des marchés financiers et des produits, l'évolution favorable de la balance des paiements, Malte satisfaisant par ailleurs au critère de convergence des taux d'intérêts à long terme. Les réserves exprimées quant à la stabilité des taux de change tenaient plus à une intégration récente au sein du MCE II (19 mois au lieu des 24 requis en décembre dernier).

À l'aune des prévisions effectuées au printemps 2007, la Commission a sensiblement révisé son jugement quant à une adhésion de Malte à la zone euro. Prenant acte d'un déficit public ramené à 2,6 % du PIB fin 2006 et estimé à 2,1 % en 2007, elle recommande au Conseil de mettre fin à la procédure concernant les déficits publics visée plus haut. Bien qu'évaluée à 65,9 % du PIB en 2007, la dette ne semble plus un obstacle pour une intégration tant la Commission insiste sur une tendance favorable à la réduction de celle-ci, au travers notamment de la mise en oeuvre d'une réforme des soins de santé. Les réserves exprimées quelques mois plus tôt quant aux éventuelles pressions inflationnistes entraînées par l'évolution des prix de l'énergie sont également écartées au regard des tendances actuelles du marché de l'emploi local. La compatibilité des statuts de la Banque centrale maltaise avec ceux du SEBC est, quant à elle, établie depuis l'adoption par le Parlement le 28 février dernier d'une nouvelle législation en la matière.

Compte tenu de ces données, la Commission recommande l'intégration de Malte au sein de la zone euro à compter du 1er janvier 2008. Loin de remettre en cause les potentialités de l'économie maltaise, il convient néanmoins de s'interroger sur les doutes qu'induit le rapport de la Commission sur le niveau d'endettement ou les risques de retour de l'inflation. Celui-ci pourrait prendre corps dans le cadre de la libéralisation en cours du secteur de l'énergie ou d'autres réformes structurelles visant le fonctionnement des marchés de produits. Par ailleurs, les difficultés actuelles que peut rencontrer l'île dans les secteurs de l'électronique et du tourisme ne seront pas sans effet à terme sur le déficit des opérations courantes. Enfin, si les entrées nettes d'investissements directs étrangers (IDE) permettent de couvrir les déficits du compte courant, la petite taille et l'étroitesse de la base sectorielle de l'économie n'est pas sans soulever certaines interrogations quant à la poursuite à long terme de ce type d'investissements.

De fait, la lecture du rapport incite à penser que la doctrine de la Commission quant à l'adhésion à la zone euro a été sensiblement modifiée depuis le refus opposé à la Lituanie, il y a un an, parce que le taux d'inflation pourtant modéré était jugé rédhibitoire. Le rigorisme juridique que la délégation avait alors dénoncé semble avoir été depuis sérieusement amendé.

La délégation a décidé de ne pas intervenir plus avant sur ces textes.