COM (2007) 37 final  du 15/02/2007
Date d'adoption du texte par les instances européennes : 09/07/2008

Examen dans le cadre de l'article 88-4 de la Constitution

Texte déposé au Sénat le 21/02/2007
Examen : 22/02/2008 (délégation pour l'Union européenne)


Économie, finances et fiscalité

Paquet « Libre circulation des marchandises »

Textes E 3453, E 3455 et E 3456
COM (2007) 36 final, COM (2007) 37 final et COM (2007) 53 final

(Procédure écrite du 22 février 2008)

Ces trois textes font partie d'un paquet législatif présenté par Günter Verheugen, commissaire européen chargé des entreprises et de l'industrie, le 14 février 2007, dans le but d'améliorer la libre circulation des marchandises au sein de l'Union européenne.

Avec ces deux règlements et cette décision, la Commission poursuit un triple objectif :

- améliorer les transactions des opérateurs économiques dans le cadre du marché unique grâce à une meilleure application du principe de reconnaissance mutuelle dans les secteurs qui ne font pas l'objet d'une harmonisation communautaire en matière de qualité, de sécurité et d'environnement (25 % des produits échangés dans l'Union européenne) ;

- assurer des conditions de concurrence plus équitables, en révisant la « nouvelle approche » qui définit des « normes harmonisées » pour 75 % des produits échangés dans l'Union européenne ;

- assurer plus de cohérence réglementaire dans l'Union européenne grâce à un cadre technique commun pour la commercialisation des produits.

1) Règlement établissant les procédures relatives à l'application de certaines règles techniques nationales à des produits commercialisés légalement dans un autre État membre (texte E 3453).

Ce règlement établit les règles et procédures que les autorités compétentes d'un État membre devront suivre lorsqu'elles envisagent, dans un domaine non harmonisé, de restreindre, en vertu d'une règle technique, l'accès au marché national d'un produit commercialisé légalement dans un autre État membre.

Les États membres sont en effet fondés à imposer des restrictions techniques à la commercialisation de certains produits sur leur territoire (article 30 du traité établissant la Communauté européenne). Ces restrictions sont applicables lorsque la protection de la santé publique, la protection des animaux et des végétaux, la sécurité publique, la propriété industrielle et commerciale ou la moralité publique sont en jeu.

Toutefois, la Commission constate que les restrictions imposées ne sont pas toujours justifiées et qu'elles déguisent parfois, de la part des États membres, la volonté de rendre l'accès à leur marché plus difficile pour certains produits. La Commission rapporte qu'environ 35 % des entreprises connaissent des problèmes liés aux règles techniques dans d'autres États membres. Les obstacles techniques seraient à l'origine d'une réduction de 10 % du commerce des biens au sein du marché intérieur, soit 150 milliards d'euros par an.

Dans ce contexte, la Commission considère qu'il est nécessaire de renforcer l'application du principe de reconnaissance mutuelle selon lequel un produit, s'il est légalement et loyalement commercialisé dans un État membre, doit être accepté dans tous les États membres (même si le produit répond à des caractéristiques ou des normes techniques différentes de celles requises dans l'État membre d'accueil, dès lors qu'un niveau de sécurité équivalent est garanti).

La proposition de règlement détaille la procédure qu'un État membre devra suivre avant d'appliquer des restrictions techniques. Les autorités nationales devront signifier, par écrit, à l'entreprise désireuse de vendre son produit sur le territoire de l'État membre, leur intention de bloquer ce produit en « spécifiant la règle technique sur laquelle se fonde la décision et en donnant suffisamment de preuves scientifiques ou techniques de la justification de la décision ». La charge de la preuve incombera par conséquent à l'État membre, contrairement à la situation actuelle où c'est le fabricant qui doit prouver qu'un produit donné n'enfreint pas des restrictions nationales. L'entreprise disposera de 20 jours pour soumettre ses commentaires et livrer ses justificatifs ; si les autorités nationales maintiennent leur décision, elles auront pour obligation de motiver le rejet de l'argumentation présentée par l'entreprise. Le règlement dispose que l'État membre doit informer les entreprises sur les voies de recours qui leur sont offertes et veiller à ce que toute décision puisse être contestée devant les tribunaux nationaux.

Par ailleurs, chaque État membre devra instituer des « points contact produits » auprès desquels les opérateurs économiques pourront obtenir en amont des informations utiles sur le principe de reconnaissance mutuelle et sur les règles techniques applicables aux différents produits.

La France a formulé plusieurs réserves sur le texte E 3453 :

- elle a notamment contesté la pertinence des résultats de l'enquête menée par la Commission à partir desquels celle-ci a bâti sa proposition législative. La Commission, pour justifier ses choix, se base en effet sur 135 réponses pour toute l'Union européenne, soit une moyenne de 5 réponses par État membre dont 1/5e seulement émane d'entreprises ;

- le texte est très favorable aux opérateurs économiques puisque l'objectif poursuivi par la Commission est de lever les obstacles aux échanges commerciaux. Afin d'équilibrer le texte, la France a donc insisté pour que les opérateurs économiques soient amenés à prouver, en cas de besoin, la légalité de la commercialisation d'un produit sur un autre marché de l'Europe communautaire. L'introduction de cette disposition, qui ne recueille pas l'approbation de la Commission et de certains États membres, n'est cependant pas acquise. Par ailleurs, la France estime que le texte néglige l'impératif de protection des consommateurs en ne mentionnant pas expressément que le principe de libre circulation des marchandises doit aller de pair avec un haut niveau de protection de la santé et de la sécurité, prôné par ailleurs par le traité CE. Elle est malheureusement apparue isolée sur ce point au cours des discussions, en dépit du fait que le Parlement européen a présenté un amendement identique ;

- le texte va alourdir la charge des autorités nationales de contrôle, qui devront justifier précisément dans chaque cas l'application de la réglementation nationale ;

- enfin, un risque se fait jour : celui de voir les opérateurs économiques privilégier comme point d'entrée du marché européen le ou les États membres qui proposent les contrôles les moins contraignants pour revendiquer plus facilement par la suite le droit à une commercialisation dans tous les États membres sans réaliser d'essais complémentaires.

2) Règlement fixant les prescriptions relatives à l'accréditation et à la surveillance du marché dans le contexte de la commercialisation des produits (texte E 3455).

Cette proposition de règlement concerne les secteurs industriels faisant l'objet d'une harmonisation dans le cadre de la « nouvelle approche ».

La « nouvelle approche » désigne la technique législative communautaire inaugurée en 1985 en matière d'harmonisation technique et de normalisation. Elle consiste à établir des mesures législatives en matière d'harmonisation se limitant à des exigences essentielles en matière de santé, de sécurité et de protection de l'environnement, laissant le choix aux entreprises des moyens techniques pour les appliquer dans la fabrication de leur produit. Parallèlement, trois organismes européens de normalisation - le Comité européen de normalisation (CEN), le Comité européen de normalisation électrotechnique (CENELEC) et l'institut européen des normes de télécommunications (ETSI) - sont chargés de définir les spécifications techniques dont les professionnels ont besoin pour fabriquer leur produit tout en respectant les exigences européennes. Ces spécifications techniques restent des normes volontaires et non obligatoires pour les industriels ; elles permettent néanmoins de faire converger les produits européens vers des « normes harmonisées ». De nombreuses directives ont été adoptées selon cette méthode. Elles concernent, par exemple, les jouets, les produits de construction, les machines, les appareils à gaz ou les équipements terminaux de télécommunications.

Le texte E 3455 ne remet pas en cause cette méthode, mais propose d'en améliorer le fonctionnement. La proposition de règlement a pour but de consolider le système d'accréditation des organismes nationaux chargés d'évaluer la conformité des produits aux normes européennes ainsi que les mécanismes de surveillance du marché qui visent à protéger les consommateurs contre les produits dangereux.

L'accréditation au niveau national des laboratoires ou des organismes de contrôle des produits devra être confiée à un seul organisme par État membre. Cette autorité devra « être organisée et opérer de manière à préserver l'objectivité et l'impartialité de ses activités ». Chaque organisme national d'accréditation sera évalué par ses pairs afin d'assurer une homogénéité des prestations au niveau européen ; leurs résultats seront publiés et les États membres devront prévoir des procédures pour prendre en compte les appels introduits à l'encontre des décisions d'accréditation.

La Commission ne propose pas de mesures nouvelles en matière de surveillance du marché. Elle souhaite simplement que les techniques de surveillance existantes soient mieux coordonnées dans l'Union. Le règlement prévoit ainsi que chaque État membre devra « garantir une coopération efficace et un échange d'information sur toutes les questions relatives aux produits à risque », et que la Commission établira et coordonnera des initiatives de surveillance du marché qui nécessiteront « l'expertise et la coopération d'au moins deux États membres ».

3) Décision relative à un cadre commun pour la commercialisation des produits (texte E 3456).

Le texte E 3456 a pour but de mettre en place un cadre juridique commun afin d'harmoniser la commercialisation des produits industriels. Il fournit en quelque sorte un mode d'emploi pour l'élaboration des futures réglementations sectorielles.

Il établit les obligations des opérateurs économiques (fabricants, mandataires, importateurs, distributeurs), détaille les différentes procédures d'évaluation de la conformité des produits (avec le souci d'éviter la multiplication des contrôles, source de frais juridiques importants pour les opérateurs économiques), fixe les critères de désignation par les États membres des organismes d'évaluation de la conformité et pose les conditions de mise en oeuvre des mécanismes de surveillance du marché en cas de retrait d'un produit jugé dangereux par un État membre.

Enfin, il vise à renforcer la confiance portée aux produits commercialisés dans l'Union en clarifiant la signification du marquage « CE » et en en garantissant la protection.

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De ces trois textes, seul le premier pose quelques difficultés aux autorités françaises. Au-delà des réserves déjà formulées, le Gouvernement estime que, d'une façon générale, le recours à l'harmonisation est préférable à la reconnaissance mutuelle. En effet, en établissant un socle commun de pratiques au niveau européen, l'harmonisation est un procédé plus à même d'assurer un niveau élevé et homogène de protection pour le consommateur. La reconnaissance mutuelle comporte au contraire le risque de conduire à un nivellement par le bas de ce niveau de protection.

Un accord en première lecture entre le Parlement européen et le Conseil sur les trois textes est en bonne voie.

La délégation a décidé de soutenir la position exprimée par le Gouvernement dans la perspective de l'adoption prochaine de ce paquet législatif, sur lequel elle n'a pas jugé utile d'intervenir plus avant.