COM (2006)754 final  du 04/12/2006
Date d'adoption du texte par les instances européennes : 24/10/2008

Examen dans le cadre de l'article 88-4 de la Constitution

Texte déposé au Sénat le 17/01/2007
Examen : 16/03/2007 (délégation pour l'Union européenne)


Justice et Affaires Intérieures

Accords avec le Liechtenstein
relatifs aux demandes d'asile et à l'espace Schengen

Textes E 3364, E 3365 et E 3392
COM (2006) 752 final, COM (2006) 753 final et COM (2006) 754 final

(Procédure écrite du 16 mars 2007)

Adhérent à l'Association Européenne de Libre Échange (AELE) depuis 1991, le Liechtenstein est également, à la différence de son voisin suisse, membre de l'Espace Économique Européen depuis 1995. La Principauté n'envisage pas cependant une intégration à moyen terme au sein de l'Union Européenne.

En raison du principe de libre circulation entre la Suisse et le Liechtenstein, ce dernier aurait dû être associé aux négociations menées par l'Union Européenne avec la Suisse. Celles-ci ont abouti en octobre 2004 à l'adhésion de la Confédération Helvétique à l'espace Schengen et à la Convention de Dublin destinée à éviter les demandes d'asile multiples déposées successivement dans plusieurs États.

L'absence d'accord avec l'Union Européenne sur l'application de la directive 2003/48/CE relative à la fiscalisation des revenus de l'épargne a néanmoins conduit la Commission à différer les discussions avec le Liechtenstein. Cette réserve finalement levée, les textes E 3364, E 3365 et E 3392 élargissent à la Principauté les dispositions en vigueur avec son voisin, le Liechtenstein obtenant les mêmes droits et obligations que la Suisse.

Ces accords permettent ainsi au Liechtenstein de bénéficier du mécanisme de la Convention de Dublin et d'accéder à la base de données « Eurodac » recensant les empreintes digitales des demandeurs d'asile. État associé à l'espace Schengen au même titre que l'Islande, la Norvège et la Suisse, la Principauté pourra également participer à l'adoption des décisions, mais sans droit de vote. Par ailleurs, le refus d'appliquer les futurs développements de l'acquis par le Liechtenstein mettrait fin à son adhésion à l'espace Schengen (clause dite « guillotine »).

Les dérogations obtenues à ce sujet par la Confédération Helvétique s'appliquent à la Principauté. Le délai de transposition de tout acte ou mesure développant l'acquis de Schengen est ainsi étendu à 18 mois contre 6 pour ses partenaires islandais et norvégien, afin de tenir compte des spécificités constitutionnelles du Liechtenstein (l'accord avec la Suisse portait ce délai à 2 ans). Le second aménagement vise, quant à lui, l'évolution ultérieure de l'acquis de Schengen si celle-ci avait pour effet de supprimer le principe de double incrimination. Le Liechtenstein ne serait pas alors tenu de prendre en compte un tel développement. Défini par l'article 51 de la Convention d'application Schengen, le principe de double incrimination conduit à ne pas accorder l'entraide judiciaire si les faits à l'origine d'une demande de commission rogatoire d'un État requérant ne sont pas punissables dans l'État requis « d'une peine privative de liberté ou d'une mesure de sûreté restreignant la liberté d'un maximum d'au moins six mois ». L'évasion fiscale ou soustraction d'impôts n'est pas punissable de telles peines ou mesures dans le droit du Liechtenstein. La dérogation obtenue permet donc à la Principauté de garantir à terme le secret bancaire en matière de fiscalité directe.

A l'occasion de l'examen, en janvier 2005, de l'accord conclu avec la Suisse, la délégation s'était émue d'un tel aménagement. Cette exemption contribue en effet à instituer un espace Schengen à géométrie variable et fragilise l'idée d'une reprise intégrale de l'acquis et de son développement par des pays potentiellement intéressés (Royaume-Uni, Irlande). Il convient d'ailleurs de rappeler que l'une des conséquences de l'adhésion de la Suisse à l'espace Schengen fut la dérogation accordée au Luxembourg lui permettant de maintenir le secret bancaire, le Conseil garantissant ainsi l'égalité de traitement entre les États membres de l'Union et les pays tiers dans le cadre d'un développement futur de l'entraide judiciaire en matière de fiscalité directe. Les modalités d'adhésion du Liechtenstein tendent à accréditer cette idée de recul. On notera néanmoins que cette dérogation ne porte pas sur les mécanismes existants, mais seulement sur une évolution ultérieure de l'entraide judiciaire en matière de fiscalité directe, alors même qu'aucune initiative de ce genre n'est prévue à l'heure actuelle.

Le principe de la dérogation accordée à la Suisse était justifié par la garantie d'introduire en échange un système de retenue à la source sur les revenus de l'épargne des ressortissants des États membres de l'Union Européenne, tel que prévu par la directive 2003/48/CE. Destiné à lutter contre l'évasion fiscale, ce dispositif est appliqué au Liechtenstein depuis le 1er juillet 2005. En vertu de celui-ci, le Liechtenstein devra instituer un prélèvement, d'ici juillet 2011, de 35 % de ces revenus (15 % jusqu'en juillet 2008, 20 % les trois années suivantes), les trois quarts de la retenue étant affectés à l'État membre de l'Union européenne dans lequel réside le bénéficiaire.

Si le maintien du secret bancaire peut légitimement apparaître comme un frein à la lutte contre la criminalité organisée et le blanchiment d'argent sale et, par delà, comme un obstacle majeur au projet de réaliser un véritable « espace judiciaire européen », tel qu'annoncé lors du Conseil européen de Tampere en octobre 1999, plusieurs éléments tendent à relativiser cette analyse concernant le Liechtenstein. Le Liechtenstein adhère depuis 1970 à la Convention européenne sur l'entraide judiciaire en matière pénale du 20 avril 1959. Membre de l'Espace Économique Européen, le Liechtenstein a également transposé dans sa législation les dispositions de la directive 91/308 du 10 juin 1991 relative à la prévention de l'utilisation du système financier à des fins de blanchiment de capitaux. La Principauté a, par ailleurs, ratifié en 2000 la Convention du Conseil de l'Europe du 8 novembre 1990, dite Convention de Strasbourg, sur le dépistage du blanchiment, la saisie et la confiscation des produits du crime. Le Groupe d'Action Financière (GAFI) a, pour sa part, retiré le Liechtenstein de la liste des Pays ou Territoires Non Coopératifs (PTNC) en juin 2001. La Principauté a par ailleurs adhéré en décembre 2005 à la position commune de l'Union Européenne instituant une liste noire permettant le gel des fonds et des avoirs financiers de quarante-sept organisations terroristes. Le 8 novembre 2006, la Commission a été, en outre, autorisée à ouvrir des négociations avec le Liechtenstein en vue de trouver un accord sur la lutte anti-fraude, visant à renforcer la coopération judiciaire et administrative en matière de fiscalité indirecte, de corruption passive ou active et de blanchiment.

Sur le plan interne, le Liechtenstein a adopté entre 1995 et 1998 différentes dispositions législatives visant la création d'un véritable TRACFIN local (Office des services financiers - FDL), et définitivement les obligations de diligence des intermédiaires financiers et le blanchiment, dont l'incrimination est désormais proche de celle retenue par le Code pénal français. Ces différentes mesures tendent à relativiser la notion de secret bancaire absolu. On conviendra de fait que la reprise de l'acquis de Schengen par la Principauté est à cet égard une nouvelle avancée de la lutte contre la criminalité et le blanchiment de l'argent sale.

De fait, en dépit des inconvénients qu'elle peut susciter, l'adhésion du Liechtenstein permet de rompre son isolement au coeur de l'espace Schengen pour l'associer à l'objectif d'amélioration de la sécurité intérieure de l'Europe. La délégation a décidé en conséquence de ne pas intervenir plus avant sur ces textes.