COM (2006) 604 final  du 18/10/2006
Date d'adoption du texte par les instances européennes : 11/03/2008

Examen dans le cadre de l'article 88-4 de la Constitution

Texte déposé au Sénat le 08/11/2006
Examen : 04/06/2007 (délégation pour l'Union européenne)


Recherche et propriété intellectuelle

Institut européen de technologie

Texte E 3311 - COM (2006) 604 final

(Procédure écrite du 4 juin 2007)

Le texte E 3311 vise à créer un Institut européen de technologie (IET) sur le modèle du MIT (Massachussets Institute of Technology) américain qui a une triple vocation d'enseignement supérieur, de recherche et d'innovation. L'idée de créer l'IET a été émise pour la première fois par le Président de la Commission européenne, José Manuel Barroso, en mars 2005, au moment de l'examen à mi-parcours de la Stratégie de Lisbonne. Les États membres se sont montrés favorables à cette initiative qui a fait l'objet, en 2006, de deux communications de la part de la Commission soumises au Conseil européen.

L'objectif final de l'IET est d'améliorer la compétitivité européenne en matière d'innovation en rassemblant les acteurs concernés (chercheurs, universités, entreprises) pour atteindre une masse critique. L'Union européenne sera alors en mesure de se positionner en pôle d'excellence dans les domaines de l'innovation, de la recherche et de l'enseignement supérieur. La Commission insiste sur le fait qu'il s'agit de la première initiative européenne qui aborde les trois composantes du « triangle de la connaissance » de manière totalement intégrée et dans une perspective de renforcement mutuel. Il est vrai que les instruments communautaires existants traitent de manière isolée, un seul aspect du « triangle » ou, au mieux, en intègrent deux.

L'organisation proposée pour l'IET s'articule autour d'une structure de gouvernance centrale restreinte, le comité directeur, et d'un réseau de « communautés de la connaissance et de l'innovation » (CCI) :

1. Le comité directeur aura pour tâche de définir les orientations stratégiques de recherche et d'innovation, de sélectionner et d'évaluer les communautés de la connaissance et de l'innovation, et, enfin, de décider du budget et de son allocation. Il sera composé de quinze « personnalités de renom » qui représenteront le monde de l'entreprise et la communauté scientifique, auxquelles s'ajouteront quatre autres personnes représentant le personnel et les étudiants de l'IET et des CCI. Il sera assisté d'un personnel scientifique et administratif limité à une soixantaine de personnes.

2. Les communautés de la connaissance et de l'innovation (CCI) sont des structures fondées sur le principe du travail en réseau. Elles réuniront des universités, des organismes de recherche et des entreprises qui s'associeront pour répondre aux appels à proposition de l'IET. Les CCI seront choisies en fonction du critère de l'« excellence ». Leurs objectifs seront fixés par des conventions de type contractuel qui les lieront à l'IET, mais elles jouiront d'une grande autonomie pour leur organisation interne et quant à la manière d'atteindre les objectifs.

La Commission souhaite que les partenariats qui seront constitués soient plus intégrés que les « réseaux souples » du 7e programme commun de recherche et développement (initiatives technologiques conjointes, plateformes technologiques...)

Le texte E 3311 suggère la création par l'IET d'environ six CCI d'ici 2013.

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La proposition de règlement a recueilli une appréciation globale assez favorable parmi les États membres. Néanmoins, certains points font débat. Parmi ceux-ci, le budget et les sources de financement de l'IET sont le principal sujet de préoccupation.

L'enveloppe budgétaire globale de l'IET pour la période 2007-2013 est évaluée à près de 2,4 milliards d'euros. La Commission indique que le financement proviendra d'une contribution directe du budget communautaire (308 millions d'euros) et d'autres sources publiques (États, collectivités locales...) et privées (les entreprises partenaires). Les CCI devraient également pouvoir solliciter des financements, dans des conditions de mise en concurrence normales, au titre de programmes tels que le 7e programme commun de recherche et développement, les programmes de formation tout au long de la vie, de compétitivité et d'innovation ainsi que les Fonds structurels.

Les États se sont montrés sceptiques sur le montage financier. Deux inquiétudes prédominent :

- le caractère « volatile » de l'enveloppe communautaire : la Commission propose que l'enveloppe de 308 millions d'euros soit prélevée sur les marges budgétaires de fonds non alloués ou non dépensés. Cette ressource est toutefois incertaine car les reports budgétaires d'une année sur l'autre ne sont pas prévisibles. Les difficultés actuelles du projet Galileo font d'ailleurs craindre que ces crédits non utilisés échappent à l'IET pour aller accroître la part de l'investissement public dans le projet européen de radionavigation par satellite.

- l'incertitude liée à l'investissement privé : la Commission souhaite dégager des financements importants en provenance de l'industrie. Or, cette ambition se trouve largement conditionnée par la crédibilité que recouvriront, aux yeux des entreprises, l'IET et les projets portés par les CCI, ce qui implique que celles-ci soient persuadées de la pertinence des projets et de leur valeur ajoutée. Les contacts entre la Commission et le secteur privé semblent être positifs, mais aucune preuve de l'implication future du secteur industriel n'a été apportée. Il est donc à craindre que le monde de l'industrie adopte une position attentiste. Le Parlement européen s'est montré fort préoccupé par ce sujet et considère que faire de l'enseignement la dimension centrale de l'IET serait une erreur vis-à-vis du secteur privé et qu'il conviendrait de mettre l'accent, au contraire, sur le domaine de l'innovation. Le degré d'indépendance du comité directeur de l'IET est un facteur qui pourrait également avoir une influence sur l'attractivité de l'Institut pour les acteurs économiques privés. Dans le but d'établir une relation de confiance avec le secteur privé, la Commission défend l'idée d'une structure de gouvernance pleinement indépendante vis-à-vis des institutions européennes et des États membres. Certains pays, dont la France, estiment cependant que les défis stratégiques auxquels l'Institut sera confronté impliquent un choix politique qui nécessite une part d'influence des États membres, par exemple par leur représentation au sein du comité directeur.

Au-delà des aspects budgétaires et financiers, la proposition de règlement suscite quelques interrogations sur :

- le partage des droits de propriété intellectuelle entre l'IET et les partenaires des CCI : la Commission ne donne pas d'indications précises ; la définition de lignes directrices par l'IET est simplement évoquée dans le texte E 3011 ;

- l'articulation entre l'IET et les programmes existants : là encore, la Commission entretient un « flou artistique » autour de cette question. Il existe déjà de nombreux instruments communautaires et nationaux en matière de recherche, d'innovation ou d'enseignement supérieur. Comment l'IET se positionnera-t-il par rapport à eux ? Un phénomène de chevauchement, de double emploi risque de se faire jour.

Il serait utile que la Commission apporte des clarifications et approfondisse sa proposition concernant ces deux aspects.

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Compte tenu des incertitudes et des lacunes du projet, il s'avère, à l'issue des négociations menées sous présidence allemande, que l'IET devrait être créé selon un processus en deux étapes. Selon le compromis envisagé, l'IET fonctionnera, dans un premier temps, de manière limitée, avec la mise en place du comité directeur de l'IET et la constitution de deux premières CCI. Dans un second temps, l'IET créera de nouvelles CCI, lorsque le Conseil et le Parlement auront adopté un agenda d'innovation stratégique pour l'institut. Ce document émanera du comité directeur de l'IET et sera présenté aux institutions au plus tard en 2012. Prévu pour une période de 7 à 10 ans, l'agenda devra inclure le fonctionnement de l'IET et une estimation de ses besoins financiers.

Eu égard aux remarques formulées et au compromis en cours d'adoption, la délégation a décidé de ne pas intervenir plus avant sur ce texte.