COM (2006) 138 final
du 21/03/2006
Date d'adoption du texte par les instances européennes : 26/02/2009
Examen dans le cadre de l'article 88-4 de la Constitution
Texte déposé au Sénat le 06/04/2006Examen : 12/05/2006 (délégation pour l'Union européenne)
Politique de coopération
Accord de
stabilisation et d'association avec l'Albanie
Textes E 3116 et E
3117
COM (2006) 138 final et COM (2006) 139 final
(Procédure écrite du 12 mai 2006)
En juin 2003, le Conseil européen de Thessalonique a confirmé le soutien de l'Union européenne à la perspective européenne des pays des Balkans occidentaux, dont l'Albanie. Deux ans plus tard, en juin 2005, le Conseil européen a rappelé que les progrès de chaque pays sur la voie de l'intégration européenne dépendaient des efforts déployés pour respecter les critères de Copenhague et de la mise en oeuvre du processus de stabilisation et d'association.
La situation des pays des Balkans occidentaux varie, entre l'ouverture des négociations pour le pays le plus avancé, c'est-à-dire la Croatie, l'octroi du statut de candidat pour l'ancienne République Yougoslave de Macédoine et la simple ouverture des négociations d'un accord de stabilisation et d'association (ASA) pour la Bosnie-Herzégovine et la Serbie-Monténégro, qui sont les deux pays les moins avancés sur le chemin de l'Union.
L'Albanie se situe dans une position intermédiaire puisque, suivant les recommandations de la Commission européenne, le Conseil a adopté les directives de négociation de l'accord de stabilisation et d'association dès octobre 2002. Les négociations lancées le 31 janvier 2003 ont trouvé un premier aboutissement avec la signature par la Commission européenne de cet accord le 18 février 2006.
Le texte E 3116 qui nous est soumis contient ainsi :
- une proposition de décision du Conseil concernant la signature au nom de la Communauté européenne, de l'accord de stabilisation et d'association, entre les Communautés européennes et leurs États membres et la République d'Albanie ;
- une proposition de décision du Conseil et de la Commission concernant la conclusion de ce même accord.
La conclusion de l'accord de stabilisation et d'association est l'une des étapes imposées de la « feuille de route » du rapprochement des pays des Balkans avec l'Union européenne.
Comme le souligne la Commission européenne, « la négociation d'un accord de stabilisation et d'association peut être conclue une fois que le pays concerné a réalisé des progrès généraux suffisants dans les domaines de réforme qui sont importants pour la mise en oeuvre de l'accord. Une fois signé, l'accord est soumis à la ratification de l'UE et du futur pays associé. Pendant ce temps, les dispositions de l'accord de stabilisation et d'association relatives au commerce sont mises en application au moyen d'un accord intérimaire. À la suite de sa ratification, l'accord proprement dit entre en vigueur. »
Quelles sont les dispositions du présent accord ?
Le titre I porte sur les principes généraux : respect des principes démocratiques et des droits de l'homme (article 2), paix, stabilité et relations de bon voisinage par le moyen de concessions réciproques dans le domaine des quatre libertés et par l'élaboration de projets communs, notamment pour la lutte contre la criminalité organisée, la corruption, l'immigration clandestine et les trafics (articles 3 et 4), la lutte contre le terrorisme (article 5), et la mise en oeuvre progressive de l'accord sur une durée maximale de dix ans (article 6).
Le titre II porte sur le dialogue politique et vise notamment la lutte contre la prolifération des armes de destruction massive (article 8). Le dialogue politique se déroule au sein du conseil de stabilisation et d'association, mais aussi par le moyen de réunions de hauts fonctionnaires albanais et fonctionnaires du Conseil de l'Union européenne et de la Commission (article 9). Le dialogue politique «au niveau parlementaire » se déroule dans le cadre de la commission parlementaire de stabilisation et d'association composée de membres du Parlement européen et de membres du Parlement albanais (articles 10 et 122).
Le titre III porte sur la coopération régionale : avec la signature de l'accord, l'Albanie entamera des négociations avec les pays ayant déjà signé un accord de stabilisation et d'association en vue de conclure des conventions bilatérales sur la coopération régionale (articles 12, 13 et 14), mais aussi avec les pays candidats à l'adhésion à l'Union européenne, notamment la Turquie, pour instaurer une zone de libre-échange (article 15).
Le titre IV porte sur la libre circulation des marchandises. La Communauté européenne et l'Albanie établissent progressivement une zone de libre-échange dans un délai maximum de dix ans. Un chapitre traite de la réduction progressive des droits de douane applicables aux produits industriels (chapitre I), un autre de l'agriculture et de la pêche (chapitre II).
Le titre V porte sur la circulation des travailleurs (chapitre I), le droit d'établissement (chapitre II), la prestation de services (chapitre III), la circulation des capitaux (chapitre IV) et les dispositions générales (chapitre V).
Sous certaines réserves (situation du marché de l'emploi dans les États membres, législation en vigueur sur la mobilité des travailleurs), le traitement des travailleurs ressortissants albanais dans les États membres ne doit pas faire l'objet de discrimination et les possibilités d'accès à l'emploi doivent être préservées et si possible améliorées (articles 46 et 47) ; des règles sont par ailleurs établies pour la coordination des régimes de sécurité sociale (article 48).
L'Albanie favorise sur son territoire l'installation de sociétés et de ressortissants de la Communauté, et les États membres accordent un traitement aussi favorable aux sociétés, filiales et succursales albanaises pour leur établissement sur leur territoire qu'à leurs propres sociétés. Le conseil de stabilisation et d'association devra par ailleurs examiner dans les cinq ans suivant l'entrée en vigueur de l'accord s'il convient d'étendre ces dispositions à l'établissement de ressortissants exerçant des activités économiques en tant qu'indépendants (article 50). Ces dispositions ne font pas obstacle à l'adoption de règles prudentielles pour les services financiers (article 51) et ne s'appliquent pas aux services de transport aérien, de navigation intérieure et de cabotage maritime pour lesquels le conseil de stabilisation et d'association pourra cependant faire des recommandations (article 52). Ce même conseil examinera les dispositions à prendre pour une reconnaissance mutuelle des qualifications (article 54). Des dispositions relatives à l'emploi sont prévues (article 55), de même que des mesures transitoires pour une période maximale de sept ans après l'entrée en vigueur de l'accord en cas de restructuration, problèmes sociaux ou de réduction draconienne d'une part de marché en Albanie (article 56).
Les parties s'engagent à faciliter la libre prestation de service (article 57) en s'interdisant notamment de prendre des dispositions nettement plus restrictives qu'à la date de l'entrée en vigueur de l'accord (article 58) et des dispositions spécifiques sont prévues en matière de transport pour assurer une liberté de transit au trafic routier avec un alignement progressif de la législation albanaise sur celle de la Communauté, le principe de libre accès au marché du transport maritime international, et l'adaptation de la législation albanaise dans les domaines des transports aériens, maritimes et terrestres, « dans la mesure où cela contribue à la libéralisation et à l'accès réciproque aux marchés des parties et facilite la circulation des voyageurs et des marchandises ».
Des mesures sont prises pour faciliter les paiements courants et mouvements de capitaux et notamment l'acquisition de biens immobiliers en Albanie par des ressortissants communautaires (articles 60, 61 et 62).
Le titre VI porte sur le rapprochement des dispositions législatives, l'application de la législation et les règles de concurrence. Dans un premier temps, le rapprochement se concentrera sur le domaine du marché intérieur et sur d'autres domaines comme la concurrence, les droits de propriété intellectuelle, industrielle et commerciale, les marchés publics, les normes et la certification, les services financiers, les transports terrestres et maritimes (sécurité, environnement, aspects sociaux), le droit des sociétés, la comptabilité, la protection des consommateurs, la protection des données, la santé et la sécurité au travail, ainsi que l'égalité des chances. Les autres aspects seront traités dans un second temps.
Des dispositions sont prises concernant les accords entre entreprises, abus de position dominante, et la transparence des aides publiques, avec l'obligation pour l'Albanie de créer un organisme indépendant dans un délai de 4 ans pour autoriser les régimes d'aides publiques. Le pays devra également transmettre des données statistiques sur son PIB par habitant (article 71). L'Albanie doit aussi prendre les mesures nécessaires pour garantir sous quatre ans la protection des droits de propriété intellectuelle, industrielle et commerciale (article 73) ; les sociétés albanaises auront accès aux procédures de passation des marchés publics dans la Communauté et sous certaines conditions les sociétés établies en Albanie (article 74). Des mesures doivent être prises en matière de réglementation technique (article 75). L'Albanie doit enfin engager une harmonisation de sa législation en matière de protection des consommateurs (article 76), de conditions de travail et d'égalité des chances (article 77).
Le titre VII porte sur la justice, la liberté et la sécurité. Les dispositions visent de manière générale au renforcement des institutions et de l'État de droit (article 78). Par ailleurs, dès l'entrée en vigueur de l'accord, l'Albanie harmonisera sa législation relative à la protection des données personnelles avec la législation communautaire, avec la création d'organes de contrôle indépendants (article 79). Les parties coopèrent en matière de visas, de contrôle des frontières, de droit d'asile et de migration (article 80) et en matière de prévention et de contrôle de l'immigration clandestine (article 81). Des dispositions de réadmission des ressortissants illégalement présents sur le territoire sont prévues. Une coopération dans le domaine de la lutte contre le blanchiment des capitaux et les drogues illicites est mentionnée (articles 82 et 83) de même qu'une coopération dans la lutte contre le terrorisme (article 84), et la lutte contre la criminalité (article 85).
Le titre VIII énumère très succinctement les politiques de coopération dans de très nombreux domaines (politique économique et commerciale, statistiques, services bancaires et financier, audit, protection des investissements, coopération industrielle, petites et moyennes entreprises, tourisme, agriculture, pêche, douane, fiscalité, coopération sociale, éducation et formation, coopération culturelle, audiovisuel, société de l'information, communication électronique, transports, énergie, environnement, technologie, développement régional, administration publique). Le titre IX porte sur la coopération financière.
Enfin, le titre X porte sur les dispositions institutionnelles, générales et finales. Il institue un conseil de stabilisation et d'association, composé de membres du Conseil de l'Union européenne et de la Commission et de membres du gouvernement albanais, et chargé de superviser la mise en oeuvre de l'accord (articles 116 et 117). Les décisions de ce conseil sont obligatoires (article 118) et le conseil est chargé de régler les éventuels différends (article 119). Le Conseil est assisté par un comité composé de représentants des institutions mentionnées (Conseil, Commission, gouvernement albanais), qui peut se voir déléguer des pouvoirs (article 120) et créer lui-même des sous-comités (article 121). Enfin, est instituée une commission parlementaire de stabilisation et d'association, « enceinte de rencontre et de dialogue entre les membres du Parlement albanais et ceux du Parlement européen ».
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En conclusion, cet accord d'association, qui doit encore faire l'objet, après son adoption par le Conseil, d'une procédure de ratification par les États membres et l'Albanie elle-même, sera particulièrement lourd à mettre en oeuvre.
Comme l'a souligné Didier Boulaud dans son rapport au nom de la délégation (1(*)), l'administration albanaise dispose de moyens réduits, et les efforts qui lui sont demandés sont considérables. Si tout chemin vers l'Union européenne passe par ce mécanisme de rapprochement législatif et administratif, de nature autant technique que politique, l'effort de l'Union européenne devra incontestablement porter dans les prochaines années sur l'accompagnement de l'administration et des pouvoirs publics albanais. La bonne mise en oeuvre de l'accord sera la condition essentielle pour savoir si le pays est prêt à passer aux étapes suivantes du statut de candidat et, ensuite, aux négociations d'adhésion.
Enfin, on notera avec un certain étonnement que l'accord définit le dialogue politique «au niveau parlementaire » comme le dialogue se déroulant dans le cadre de la commission parlementaire de stabilisation et d'association composée des seuls membres du Parlement européen et de membres du Parlement albanais. Il va de soi que le Sénat français, comme l'ensemble des parlements nationaux des États membres de l'Union européenne, continuera d'entretenir un dialogue politique de haut niveau avec les parlementaires albanais et avec ceux des autres pays aspirant à rejoindre l'Union européenne. En menant plusieurs missions en Croatie, en Turquie, en Bosnie-Herzégovine, en Macédoine et en Albanie ces derniers mois, la délégation du Sénat pour l'Union européenne a d'ailleurs montré tout son intérêt à l'égard des échanges concrets entre parlementaires nationaux sur le thème de l'intégration européenne.
Le texte E 3117 est un accord intérimaire permettant de mettre en oeuvre, de manière anticipée, le volet commercial de l'ASA, en attendant sa ratification par les parties contractantes.
Compte tenu de ces observations, la délégation a décidé de ne pas intervenir davantage sur ces deux accords.
* (1) « Albanie et Macédoine : deux pays des Balkans à ne pas oublier », rapport n° 287 (2005-2006) du 4 avril 2006.