SEC (2006) 633 final
du 22/05/2006
Date d'adoption du texte par les instances européennes : 24/10/2006
Examen dans le cadre de l'article 88-4 de la Constitution
Texte déposé au Sénat le 31/05/2006Examen : 26/06/2006 (délégation pour l'Union européenne)
Budget communautaire
Avant-projet de budget
rectificatif n° 3 pour 2006
Texte E 3103-3 - SEC (2006) 633
final
(Procédure écrite du 26 juin 2006)
Ce texte propose d'ajuster, à la hausse, le budget pour 2006 de quatre organismes, agences ou autorités. Si chaque situation présente des spécificités, la plupart de ces organismes ont été créés dans les années récentes, si bien qu'un ajustement peut se comprendre du fait de la difficile évaluation du développement de leurs travaux. Cependant, par principe, ce type de relèvement de crédits en cours d'année pose clairement la question de la sincérité du budget annuel et de celle des fiches financières qui accompagnent les propositions législatives de la Commission.
De plus, la faiblesse relative des crédits demandés met en avant la lourdeur des procédures budgétaires et leur inadéquation : au total, ce texte propose en effet de redéployer 4,9 millions d'euros et d'ouvrir des crédits nouveaux à hauteur de 3,6 millions d'euros. Pour mémoire, le budget communautaire pour 2006 s'élève à 112 milliards d'euros en crédits de paiement et l'avant-projet de budget rectificatif (APBR), qui représente une augmentation de 0,003 % des crédits, doit suivre la même procédure que celle du budget général.
1. Autorité européenne de surveillance relative au système de radionavigation par satellite (GNSS)
La Commission européenne souhaite transférer les activités actuellement exercées par l'entreprise commune Galileo à l'Autorité européenne de surveillance GNSS : supervision de l'exécution de la phase de développement du système européen de radionavigation par satellite, préparation des phases de déploiement et d'exploitation, activités de recherche... L'APBR n° 3 propose en conséquence d'augmenter les crédits de l'Autorité de 3 millions d'euros, correspondant à un recrutement de 19 personnes : effectif dès l'adoption de l'APBR, la procédure de recrutement ne pourrait cependant être réalisée qu'au plus tôt mi-2006, alors que la Commission prévoit un coût de plus de 160.000 euros par personne ! Il est donc indispensable que le Gouvernement demande des éclaircissements quant à la ventilation précise des crédits demandés.
Surtout, la Commission n'a pas encore lancé les procédures de modification des règlements pour permettre le transfert de ces compétences de l'entreprise commune Galileo à l'Autorité de surveillance. Dans ce cadre, il ne saurait être question de prévoir une ouverture de crédits, avant de connaître les modalités d'un tel transfert, qui pourrait d'ailleurs être rejeté par le Conseil.
2. Agence européenne de sécurité aérienne (AESA)
L'Agence européenne de sécurité aérienne, créée en 2002, s'est vu attribuer des tâches de réglementation et d'exécution. D'une part, elle fournit une expertise technique pour la rédaction de règles en matière de sécurité aérienne ; d'autre part, elle peut mettre en oeuvre certaines tâches d'exécution, telles que la certification de produits et organismes aéronautiques, et contribue ainsi au respect des normes en matière de navigabilité et de protection de l'environnement.
Dans le cadre de ces missions, l'agence effectue des inspections de normalisation et des enquêtes techniques pour contrôler l'application du droit communautaire en ce domaine. La Commission ne semble pas avoir prévu le coût de ces inspections pour 2006, si bien que l'APBR propose le recrutement de 8 agents supplémentaires et des frais de mission pour un total de 1,1 million d'euros. Le personnel passerait ainsi de 328 à 336 agents et le budget de l'agence de 52 à 53 millions d'euros ; cependant, la Commission prévoit de financer cet abondement par un redéploiement de crédits à partir du budget général.
3. Agence européenne pour la gestion de la coopération opérationnelle aux frontières extérieures (« Frontex »)
Créée fin 2004, l'agence européenne Frontex a pour mission principale de coordonner la coopération opérationnelle entre les États membres en matière de gestion des frontières extérieures de l'Union européenne, par exemple en ce qui concerne la formation des garde-frontières nationaux.
Arguant d'une sous estimation des besoins en personnel, la Commission propose, dans l'APBR n° 3, le recrutement de 11 agents supplémentaires, ce qui porterait leur nombre total à 28 : l'abondement des dépenses de fonctionnement de l'agence s'effectuerait par redéploiement au sein du budget de l'agence, au détriment des dépenses opérationnelles. Ce transfert de dépenses opérationnelles vers des dépenses de personnel est peu satisfaisant en soi ; il l'est encore moins quand l'agence chiffre ce besoin à 3,8 millions d'euros pour 2006 : le recrutement de ces 11 agents, sur une partie seulement de l'année, équivaut ainsi à un coût de 344 182 euros par agent, ce qui semble démesuré pour des « tâches administratives » et de « support administratif nécessaire pour assurer une gestion correcte des activités ». Là aussi, des explications précises doivent être fournies par l'agence avant toute décision engageant les finances publiques.
4. Contrôleur européen de la protection des données
Le règlement 45/2001, adopté le 18 décembre 2000, est relatif à la protection des personnes physiques à l'égard du traitement des données à caractère personnel par les institutions et organes communautaires et à la libre circulation de ces données ; il crée une autorité de contrôle indépendante, dénommée le contrôleur européen de la protection des données, qui, en raison de dissensions, n'a pu être nommé que fin 2003.
L'APBR n° 3 propose de faire passer la ligne budgétaire du contrôleur relative aux frais de traduction et d'interprétation de 112.491 euros à 667.036 euros pour 2006, soit une multiplication par six ! Considérant la valeur absolue faible des crédits nouveaux demandés, un redéploiement devrait certainement être possible. Considérant l'explosion en pourcentage de cette ligne budgétaire, il est à craindre qu'au moment même de la préparation de l'APBR, le contrôleur avait déjà épuisé tous les crédits prévus sur cette ligne !
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Au total, l'APBR proposé par la Commission européenne relève soit d'un certain amateurisme, soit d'une bravade face à l'autorité budgétaire constituée par le Conseil et le Parlement européen. Utiliser une procédure aussi lourde pour des sommes faibles au regard du budget communautaire dénote un certain dysfonctionnement procédural.
Surtout, ces demandes diverses montrent la difficulté de l'évaluation préalable des coûts de fonctionnement des agences, coûts qui sont naturellement surévalués du fait de la localisation erratique de ces agences : l'Autorité de surveillance GNSS est - provisoirement - installée à Bruxelles, dans l'attente d'une décision sur son siège définitif, l'agence européenne de sécurité aérienne est basée à Cologne (Allemagne), l'agence Frontex est basée à Varsovie (Pologne) et le contrôleur européen de la protection des données est basé à Bruxelles.
Lors de sa présentation au groupe de travail compétent du Conseil, l'APBR n° 3 a été fermement critiqué par l'ensemble des États membres, dont la France, qui ont souligné la faible justification des demandes et se sont interrogés sur la nécessité d'une ouverture de crédits nouveaux pour un montant (3,6 millions d'euros) qui devrait permettre de recourir à un redéploiement interne au budget général.
Dans ces conditions, la délégation a décidé de soutenir le Gouvernement dans son opposition à ce texte, qui requiert au minimum des réponses à des questions de fond sur les modalités de gestion des agences communautaires ; de plus, considérant les sommes en jeu, la délégation soutient le principe d'un redéploiement des crédits, avant qu'il ne soit envisagé d'en ouvrir de nouveaux.