COM (2005) 484 final  du 14/10/2005

Examen dans le cadre de l'article 88-4 de la Constitution

Texte déposé au Sénat le 25/10/2005
Examen : 17/03/2006 (délégation pour l'Union européenne)


Questions sociales et santé

Livre vert sur la santé mentale

Texte E 2980 - COM (2005) 484 final

(Procédure écrite du 17 mars 2006)

En octobre 2005, la Commission européenne a publié un Livre vert « Améliorer la santé mentale de la population - Vers une stratégie sur la santé mentale pour l'Union européenne », pour lequel tous les acteurs intéressés peuvent transmettre un avis jusqu'au 31 mai 2006. Ce Livre vert s'inscrit dans la continuité des travaux organisés depuis 1999 par la Communauté européenne, conjointement avec l'Organisation mondiale de la santé (OMS) et parfois avec le Conseil de l'Europe.

Le Livre vert dresse tout d'abord un constat alarmant : selon l'OMS, la santé mentale devrait devenir d'ici à 2020 la première cause de morbidité dans les pays développés. Actuellement, environ 58 000 personnes se suicident chaque année dans l'Union européenne, ce qui dépasse le nombre annuel des homicides ou des décès consécutifs aux accidents de la route ou au sida. Selon l'Organisation internationale du travail, la mauvaise santé mentale coûte à l'Union européenne de 3 à 4 % du produit intérieur brut, essentiellement par suite d'une perte de productivité.

Face à cette situation, la Commission constate que des initiatives ont été engagées dans le cadre de diverses politiques communautaires (programme d'action dans le domaine de la santé publique, textes visant à lutter contre les discriminations, programme-cadre de recherche, politique de la société de l'information, politique régionale, politique de l'éducation...), sans pour autant adopter une stratégie globale. Pour la Commission, une telle stratégie consoliderait la cohérence et l'efficacité des initiatives communautaires et apporterait une « plus-value » par « la création d'un forum pour les échanges et la coopération entre États membres », par « la contribution au renforcement de la cohérence des actions menées dans divers domaines » et par « l'aménagement d'un espace permettant d'associer les parties prenantes (organisations de patients et société civile comprise) à l'élaboration de solutions ».

Le Livre vert envisage trois séries de mesures :

- mener des actions en faveur de la santé mentale et mettre en place une politique de prévention. Les actions en faveur de la santé mentale de la population sont divisées en actions soit en faveur des enfants en bas âge, des enfants et des adolescents, soit pour la population active, soit chez les personnes âgées, soit en faveur des catégories sociales plus vulnérables. En ce qui concerne la prévention, le Livre vert évoque la prévention de la dépression, la diminution des troubles liés à la toxicomanie et à l'alcoolisme et la prévention du suicide ;

- favoriser l'insertion des malades mentaux et des personnes mentalement diminuées dans la société et défendre leurs droits fondamentaux et leur dignité ;

- améliorer l'information et les connaissances sur la santé mentale dans l'Union européenne.

En vue de l'élaboration d'une stratégie communautaire sur la santé mentale, le Livre vert propose un processus de consultation large : ouverture d'un dialogue avec les États membres, lancement d'une « plate-forme de l'Union européenne sur la santé mentale » devant favoriser une coopération intersectorielle, mise en place d'une interface entre action et recherche autour de la santé mentale.

En fin de Livre vert, la Commission européenne pose la question de l'importance de la santé mentale de la population au regard des objectifs stratégiques de l'Union et de la plus-value que l'élaboration d'une stratégie communautaire globale sur la santé mentale apporterait aux actions communautaires. Pour la Commission, « la santé mentale de la population est l'un des moyens d'atteindre quelques-uns des objectifs stratégiques de l'Union européenne : le retour de l'Europe sur la voie de la prospérité durable, la concrétisation des engagements de l'Union en faveur de la solidarité et de la justice sociale, ou encore l'amélioration tangible et concrète de la qualité de la vie des citoyens européens ».

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Sur le fond, il est évident que ce sujet est important pour l'ensemble de la population européenne et pour les autorités publiques des États membres ; le nombre très élevé des suicides en Europe en est une illustration malheureuse. C'est pourquoi l'on peut comprendre que les techniciens de ces sujets, qu'ils travaillent au sein de la Commission européenne, des ministères compétents des États membres ou d'organisations et associations, ne se posent pas réellement la question de la valeur ajoutée que peut apporter la Communauté européenne en la matière. Pourtant, les questions liées à la santé mentale relèvent pour de nombreux aspects de la proximité avec les personnes.

Si l'Europe peut naturellement être le cadre adapté pour l'échange d'expériences, de « bonnes pratiques » ou d'informations, son action devrait cependant se limiter à cela. La dispersion des actions de l'Union en de multiples matières où elle ne peut évidemment pas assurer un rôle premier contribue à faire naître un sentiment d'inefficacité. Or, l'intrusion de la Communauté européenne dans ces multiples domaines coûte très cher par rapport aux résultats attendus et réels : par exemple, à la simple élaboration du présent Livre vert doivent être ajoutées sa traduction dans les vingt langues officielles et la mobilisation de tous les ministères et parlements nationaux pour y répondre, sans évoquer l'ensemble des acteurs associatifs ou le Parlement européen. Et à ce Livre vert succéderont une phase de consultation, un Livre blanc, des propositions législatives...

En conclusion, le lien entre l'importance de la santé mentale et « les objectifs stratégiques » de l'Union européenne semble plutôt ténu. L'acuité de la question pour les pouvoirs publics ou la société civile ne doit pas entraîner à elle seule une action au niveau communautaire.

Dans le contexte actuel, marqué à la fois par le scepticisme ambiant vis-à-vis de la construction européenne et par des contraintes budgétaires fortes, il semble que l'Union européenne, ne serait-ce que pour restaurer son image auprès de nos concitoyens, devrait concentrer ses actions là où sa valeur ajoutée est forte. En conséquence, la délégation a estimé qu'il convenait d'indiquer au Gouvernement que ce texte risquait d'ouvrir la voie à des actions qui contreviendraient à une application raisonnée du principe de subsidiarité.