COM (2005) 121 final
du 06/04/2005
Date d'adoption du texte par les instances européennes : 24/10/2006
Examen dans le cadre de l'article 88-4 de la Constitution
Texte déposé au Sénat le 17/05/2005Examen : 22/06/2005 (délégation pour l'Union européenne)
Ce texte a fait l'objet de la proposition de résolution : voir le dossier legislatif
Économie, finances et fiscalité
Communication de M. Jean Bizet
sur le programme-cadre
pour l'innovation et la compétitivité
pour 2007-2013
Texte E 2881 - COM (2005) 121 final
(Réunion du 22 juin 2005)
C'est la troisième fois que j'évoque devant la délégation la mise en oeuvre de la stratégie de Lisbonne. Lors de notre réunion du 2 mars, j'avais fait une communication sur sa « révision à mi-parcours », à la suite du rapport pessimiste du groupe présidé par Wim Kok. Le 11 mai, j'avais rendu compte, avec notre collègue Roland Ries, de la conférence interparlementaire organisée par le Parlement européen sur ce même thème. Je reviens à nouveau vers vous, car il me paraît nécessaire que le Sénat se saisisse, plus largement qu'au sein de notre seule délégation, de l'application de la stratégie de Lisbonne.
Une des leçons que nous devons tirer du scrutin du 29 mai, c'est que la construction européenne doit intensifier son action en faveur de la croissance et de l'emploi, qui apparaissent comme les attentes prioritaires des citoyens, alors que ce sont les questions institutionnelles qui ont occupé le devant de la scène européenne au cours des dernières années. Pour retrouver l'adhésion des citoyens, l'Union doit montrer qu'elle est capable de répondre à ces attentes d'ordre économique et social.
Un des aspects de cette réponse est, à mon avis, une mise en oeuvre effective de la stratégie de Lisbonne dont les objectifs sont précisément le retour à la croissance et l'amélioration du taux d'emploi, en s'appuyant notamment, pour cela, sur un accroissement de l'effort de recherche ainsi qu'un développement des nouvelles technologies. Or, nous avons été saisis d'une proposition de décision établissant un « programme-cadre pour l'innovation et la compétitivité » qui s'inscrit pleinement dans l'esprit de la stratégie de Lisbonne.
Notre souci à tous est que les grandes questions européennes ne restent pas, au Sénat, l'apanage des « spécialistes de l'Europe », mais soient débattues le plus largement possible au sein de notre Assemblée. Le texte qui nous est transmis me paraît un bon point de départ pour que le Sénat, et d'abord la commission des Affaires économiques, se saisisse de ce problème essentiel qu'est la mise en oeuvre de la stratégie de Lisbonne. C'est pourquoi je vous proposerai tout à l'heure que nous adoptions une proposition de résolution, que je conçois avant tout comme le point de départ d'une réflexion collective.
Le programme-cadre pour l'innovation et la compétitivité a été adopté par la Commission le 6 avril 2005. Son objectif est de donner une meilleure visibilité aux actions communautaires favorisant la stratégie de Lisbonne tout en renforçant les moyens affectés à ces actions. Le programme-cadre regroupe donc dans un cadre commun de nombreuses actions communautaires préexistantes, qu'il articule autour de trois « programmes spécifiques » : programme pour l'innovation et l'esprit d'entreprise, programme d'appui stratégique en matière de technologies de l'information et de la communication, enfin programme « énergie intelligente - Europe ».
Le volet « innovation et entrepreneuriat » est axé sur la création et le développement des entreprises innovantes, avec une priorité en faveur des écotechnologies, et des échanges de meilleures pratiques dans le domaine de l'entrepreneuriat et de l'innovation ; ce volet vise également à favoriser l'émergence de projets d'innovation européens par la mise en réseau des organismes d'innovation des États membres. Par ailleurs, les moyens accordés au volet « financement des entreprises » en liaison avec le Fonds européen d'investissement sont renforcés pour favoriser la création et le développement d'entreprises innovantes par le renforcement des sociétés de capital risque, le développement des mécanismes de garantie et des actions en faveur du micro-crédit.
Le volet « technologies de l'information et de la communication » est destiné, quant à lui, à soutenir des actions visant à développer l'espace unique européen de l'information et à renforcer le marché intérieur pour les produits et services d'information. Il vise également à stimuler l'innovation par une adoption plus large des TIC et par un investissement plus important dans celles-ci, afin de développer une société de l'information ouverte à tous. Il doit enfin soutenir la production et la distribution du contenu européen en ligne, cela en promouvant les diversités culturelles et linguistiques de l'Europe.
? Quant au volet « énergie intelligente », il porte sur trois domaines :
- l'efficacité énergétique et l'utilisation rationnelle de l'énergie, en particulière dans la construction et dans l'industrie ;
- les sources d'énergie nouvelles et renouvelables pour la production, centralisée ou décentralisée, d'électricité et de chaleur ;
- les aspects énergétiques des transports, la diversification des carburants notamment par le développement de sources d'énergie nouvelles et renouvelables, et l'amélioration de l'efficacité énergétique dans les transports.
Je précise que les actions de recherche et développement technologique proprement dites ne font pas partie du champ du programme pour l'innovation et la compétitivité, car elles relèvent du 7e PCRD. La Commission conçoit précisément le programme pour l'innovation et la compétitivité comme complémentaire du 7e PCRD.
Pour ce qui est des moyens financiers, l'enveloppe prévue est de 4,2 milliards d'euros pour la période 2007-2013, ce qui représente une augmentation d'environ 30 % par rapport aux programmes actuels, au profit essentiellement des volets « énergie intelligente » et « financement des entreprises innovantes ».
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On voit que ce texte n'est pas révolutionnaire. Son objet essentiel est de rationaliser des programmes existants, de les regrouper de manière cohérente et de renforcer leurs moyens. Mais ce programme-cadre, par les sujets abordés, me paraît une base valable pour une réflexion plus large sur la mise en oeuvre de la stratégie de Lisbonne. C'est pourquoi je vous propose le dépôt d'une proposition de résolution que je conçois uniquement comme une base de départ pour les travaux que pourrait mener la commission des Affaires économiques, si elle en décide ainsi.
Compte rendu sommaire du débat
M. Bernard Frimat :
Nous nous trouvons dans une situation quelque peu surréaliste, avec d'un côté des projets entourés d'un grand luxe de détails, et de l'autre une absence de perspectives financières. Les orientations du document présenté par la Commission sont d'une très grande généralité : qui serait contre ? Mais la concrétisation me paraît des plus problématiques, surtout en considération de la stratégie industrielle adoptée par le Gouvernement, qui contredit en réalité la stratégie de Lisbonne. Je ne pourrai donc m'associer à cette proposition de résolution. Toutefois, je comprends le souci de provoquer un débat plus large en saisissant la commission des affaires économiques. Je m'abstiendrai donc.
Mme Marie-Thérèse Hermange :
Je crois important que notre politique industrielle se place davantage dans l'esprit de la stratégie de Lisbonne. Jusqu'à présent, la politique industrielle intervenait surtout en cas de difficulté, pour essayer de limiter les conséquences d'évolutions souvent inéluctables. Dans un contexte de compétition internationale très vive, il faut se préoccuper davantage de rendre plus efficace ce qui l'est déjà, d'encourager des pôles de compétitivité attractifs pour les chercheurs.
M. Robert Bret :
Bien sûr, si l'on s'en tient à certaines généralités, nous serons tous d'accord. Mais, si l'on regarde de plus près, il faut convenir de l'échec de la stratégie de Lisbonne : qui peut croire, par exemple, que nous atteindrons le plein emploi en 2010 ? On ne peut faire comme si rien ne s'était passé le 29 mai : il y a un abîme entre ce qui s'est exprimé lors de ce scrutin et les politiques qui se perpétuent. Je m'opposerai, pour ma part, à la proposition de résolution, car je me place dans une autre logique.
M. Pierre Fauchon :
N'apportons-nous pas, indirectement, de l'eau au moulin de ceux qui contestent la politique agricole commune (PAC) en réclamant davantage de moyens au service de la compétitivité européenne ? Je m'interroge sur l'utilité de cette proposition de résolution.
M. Jean Bizet :
Le débat qu'entend lancer cette proposition de résolution me paraît nécessaire aujourd'hui. Par exemple, à un moment où les cours du pétrole atteignent les sommets que l'on sait, n'est-il pas bon de relancer les actions concernant les énergies nouvelles et renouvelables ? Et l'encouragement aux entreprises innovantes n'est-il pas un élément de la politique de l'emploi ?
Le 29 mai a été évoqué. Mais les aspirations démocratiques à l'égard de la construction européenne doivent d'abord se traduire dans la vie parlementaire. Tous nos collègues doivent s'approprier les questions européennes, au lieu de s'en tenir aux seules questions nationales qu'aborde la commission dont ils sont membres. Il est dans notre rôle d'inciter les commissions à se saisir des grandes questions.
Je reconnais que la stratégie de Lisbonne a été jusqu'à présent un échec, comme l'a souligné le rapport de Wim Kok. En réalité, il n'y a aucun progrès tangible depuis cinq ans. Mais c'est précisément pourquoi nous devons nous saisir de cette question ! On ne peut en rester là.
Par ailleurs, il n'est pas sans signification de soutenir la proposition de la Commission européenne quand elle prévoit une augmentation sensible des dotations allouées aux programmes destinés à favoriser l'innovation et la compétitivité. C'est un signal de notre volonté de doter l'Union d'un budget ambitieux. De même, il n'est pas inutile que nous demandions au Gouvernement des précisions sur le dispositif national de coordination et sur l'articulation entre notre politique industrielle et la stratégie de Lisbonne, comme l'a suggéré Marie-Thérèse Hermange.
Quant à la PAC, je crois précisément qu'il faut refuser le discours qui l'oppose à l'effort pour rendre l'Europe plus compétitive. La politique agricole commune, ce ne sont pas seulement des aides accordées à des agriculteurs : c'est aussi la base des industries agro-alimentaires, la garantie de la sécurité sanitaire, l'aménagement du territoire ; et c'est également un domaine important pour la recherche-développement. Ne nous laissons pas enfermer dans les termes du débat que veulent imposer les anglo-saxons. N'oublions pas le rôle que peut jouer l'agriculture pour fournir des carburants de substitution. Ne pourrait-elle, également, produire des substituts à certains plastiques nocifs pour l'environnement ? Il nous faut refuser une approche réductrice de l'agriculture.
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À l'issue du débat, la délégation a conclu, à la majorité, au dépôt de la proposition de résolution suivante :
Proposition de résolution
Le Sénat,
Vu l'article 88-4 de la Constitution,
Vu la proposition de décision du Parlement européen et du Conseil établissant un programme-cadre pour l'innovation et la compétitivité (texte E 2881),
Estime que l'Union doit mettre au premier plan l'action en faveur de la croissance, de la compétitivité et de l'emploi ;
Estime que la concrétisation de la stratégie de Lisbonne doit être un des aspects essentiels de cette action ;
Invite, dans cet esprit, le Gouvernement :
- à approuver le programme-cadre pour l'innovation et la compétitivité, y compris en ce qui concerne l'augmentation des moyens budgétaires alloués aux actions qu'il regroupe ;
- à préciser le mécanisme retenu en France pour la coordination de la mise en oeuvre de la stratégie de Lisbonne ;
- à veiller en particulier à une bonne articulation entre politique industrielle nationale et stratégie communautaire.