COM (2004) 699 final
Date d'adoption du texte par les instances européennes : 27/06/2005
Examen dans le cadre de l'article 88-4 de la Constitution
Texte déposé au Sénat le 17/11/2004Examen : 08/02/2005 (délégation pour l'Union européenne)
Refonte du système de préférences
généralisées (SPG)
Texte E 2757 - COM (2004)
699 final
(Procédure écrite du 8 février 2005)
I. LE SYSTÈME DE PRÉFÉRENCES GÉNÉRALISÉES (SPG)
Le système de préférences généralisées (SPG) est la faculté offerte par la Communauté européenne aux pays en voie de développement, et plus particulièrement aux pays les moins avancés (PMA), d'exporter dans la Communauté des produits industriels et agricoles en bénéficiant d'une exonération partielle ou totale des droits de douane.
Le SPG est une exception à la clause de la nation la plus favorisée de l'accord général sur les tarifs douaniers et le commerce (GATT), qui impose d'accorder à l'ensemble des pays partenaires l'avantage commercial accordé à l'un d'entre eux. Il doit donc respecter la « clause d'habilitation » de l'Organisation mondiale du commerce (OMC) qui établit qu'un SPG doit être « généralisé, non réciproque et non-discriminatoire ». Les pays développés sont ainsi autorisés à octroyer des tarifs différents aux produits originaires de différents bénéficiaires du SPG, à condition qu'un traitement identique soit appliqué à tous les bénéficiaires placés dans des conditions similaires.
Alors que le règlement n°2501/2001 portant application du schéma de préférences tarifaires généralisées expire au 31 décembre 2005, la Commission a présenté le 7 juillet 2004 une communication intitulée « Pays en développement, commerce international et développement soutenable : le rôle du Système de Préférences Généralisées (SPG) de la Communauté pour la décennie 2006-2015 ».
Cette communication fait le bilan du SPG communautaire sur les dix dernières années. Elle rappelle que si les importations totales de la Communauté sont passées de 424 à 936 milliards d'euros, la valeur des importations bénéficiant du SPG a été seulement portée de 30 à 53 milliards d'euros pendant la même période. Cette différence s'explique par le fait que, suite à des accords tarifaires conclus au sein de l'OMC, certains droits de douane ont disparu pour des secteurs entiers de produits. Par ailleurs, le taux d'utilisation du SPG atteint seulement 52,5 % en 2002, en raison de la complexité du système qui ne permet pas à tous les exportateurs de faire valoir leurs droits.
Tout en notant que de nouvelles réductions tarifaires devraient être décidées dans le cadre de l'agenda de Doha, réduisant d'autant l'avantage comparatif du SPG, la Commission estime que ce mécanisme a encore un rôle à jouer comme instrument en faveur des pays en développement.
En effet le SPG communautaire est, de loin, le plus généreux et le plus important de tous les pays développés. Il couvre 178 pays et 7 000 produits transformés, soit la plupart des produits industriels et de très nombreux produits agricoles et de la pêche. La moitié des produits sont admis à droit zéro, tandis que l'autre moitié des produits, les plus sensibles, bénéficient d'une réduction des droits de douane de 3,5 % (réduction limitée à 2,8 % pour les produits du textile et de l'habillement). Dans un arrangement séparé, le SPG octroie en outre un droit zéro pour tous les produits, sauf les armes, originaires des quarante-neuf pays les moins avancés (PMA) ainsi que de Timor-Est.
En 2002, le commerce relevant du SPG communautaire s'élevait ainsi à 53 milliards d'euros (5,6 % des importations communautaires), contre seulement 16,4 milliards d'euros (1,4 % des importations) pour le second SPG en importance, celui des États-Unis.
Les principaux pays bénéficiaires du SPG communautaire en 2002 étaient la Chine (33,1% du volume total d'importations sous SPG), l'Inde (11,5 %) et l'Indonésie (4,8 %), le premier bénéficiaire de l'initiative « tout sauf les armes », le Bangladesh (3,6 %), se classant à la 8ème position.
II. LE PROJET DE RÈGLEMENT PRÉSENTÉ PAR LA COMMISSION EUROPÉENNE POUR LA PÉRIODE 2006-2008
Le texte E 2757 est un projet de règlement portant application d'un système de préférences généralisées pour la période du 1er janvier 2006 au 31 décembre 2008. Il reprend les principales orientations de la communication de juillet 2004. Ce texte, qui devra être adopté par le Conseil à la majorité qualifiée en application de l'article 133 du traité instituant la Communauté européenne, est soumis à une simple procédure de consultation avec le Parlement européen.
La Commission propose donc d'adopter un règlement couvrant la période 2006-2008 en fixant cinq grands axes destinés à s'appliquer, au-delà de 2008, pour la décennie à venir (le règlement faisant cependant l'objet d'une réévaluation tous les trois ans).
1. Concentrer le SPG sur les pays qui en ont le plus besoin
En raison de sa vaste couverture géographique, le schéma SPG communautaire a un coût budgétaire élevé. En conséquence, la Commission propose que le SPG concentre ses effets sur les pays qui en ont le plus besoin, tels que les PMA et les autres pays en développement les plus vulnérables (économies de petite taille, pays enclavés, îles-État et pays à bas revenus).
Ainsi, les pays bénéficiant d'un accès préférentiel au marché européen dans le cadre d'un accord bilatéral couvrant au moins toutes les préférences prévues par le SPG (par exemple, dans le cadre de zones de libre-échange) seraient retirés de la liste des bénéficiaires du SPG.
Le SPG serait également retiré pour certains groupes de produits dans un ou plusieurs pays, dès lors que ces produits seraient compétitifs sur le marché européen. Ce système dit de « graduation », qui existait déjà dans le règlement précédent, mais selon des modalités complexes, serait désormais basé sur un critère simple : la graduation s'appliquerait à un groupe de produits (dit « section » dans le code des douanes) issus d'un pays bénéficiaire qui excède 15 % du total des importations européennes de ce même produit pendant trois années consécutives. Pour les textiles, le seuil serait ramené à 12,5 %. La Commission souligne que la graduation ne doit pas être vue comme une sanction, mais au contraire comme un signe de succès du SPG, qui a ainsi rempli son rôle en développant les flux d'exportation. Le SPG doit en effet profiter aux pays les plus faibles et les plus vulnérables et exclure les grands pays exportateurs.
En revanche, la Commission propose une plus grande flexibilité sur les règles d'origine afin de permettre à un groupe régional (par exemple, l'ASEAN) de faire une meilleure utilisation des préférences, en promouvant la coopération régionale. Il faut rappeler que les « règles d'origine » fixent les modalités et critères spécifiques permettant d'attribuer une origine nationale à un produit donné pour lui appliquer certaines réglementations commerciales : accords de libre-échange, régimes préférentiels, SPG, Convention de Cotonou, instruments de défense commerciale (mesures antidumping, droits compensateurs, etc.).
2. Simplifier le système SPG dans son ensemble en réduisant le nombre de régimes de cinq à trois
Actuellement, le SPG comprend cinq régimes :
- le régime de base (pour les 7 000 produits sensibles et non sensibles) ;
- le régime « tout sauf les armes » pour les PMA (50 pays bénéficiaires) ;
- le régime spécial « social » ;
- le régime spécial « environnemental » ;
- le régime spécial « drogue » d'encouragement à la lutte contre la production et le trafic de stupéfiants (12 pays bénéficiaires : la Bolivie, la Colombie, le Costa Rica, l'Equateur, le Guatemala, le Honduras, le Nicaragua, Panama, le Pérou, El Salvador, le Venezuela et le Pakistan).
Dans le présent règlement, le SPG serait réduit à trois régimes, c'est-à-dire :
- le régime général ;
- le régime spécial en faveur des PMA ;
- un nouveau régime spécial d'encouragement en faveur du développement durable et de la bonne gouvernance (dit « SGP+ »).
3. Améliorer l'offre aux bénéficiaires en incluant de nouveaux produits dans le régime général
Les droits de douanes réguliers pour les produits sensibles seraient réduits de 3,5 %, et les droits de douanes seraient supprimés pour les produits non sensibles.
Le SPG couvrirait une liste plus large de produits : la nouvelle disposition générale du SPG comprendrait près de 300 produits supplémentaires.
4. Stabiliser le SPG en appliquant le règlement pendant trois années consécutives sans y apporter la moindre modification, telle que l'exclusion de produits/pays qui sont suffisamment compétitifs
Le SPG s'appliquerait pendant trois ans sans changement, y compris en matière de graduation. Sous l'ancien système, des modifications intervenaient chaque année, mettant en difficulté à la fois les pays en développement et les importateurs européens.
5. Améliorer l'aspect de développement durable du SPG au moyen d'un « SPG+ » qui se concentre sur les questions relatives aux aspects sociaux, à l'environnement, à la gouvernance et à la drogue
Le projet de règlement propose de remplacer les anciens régimes spéciaux « drogues », « sociaux » et « environnement » par une catégorie unique - le SPG+ - accordant des bénéfices spécifiques pour les pays vulnérables (représentant moins de 1 % des importations de l'Union sous SPG) qui acceptent les principales conventions internationales sur les droits sociaux, la protection de l'environnement et la gouvernance, y compris la lutte contre la production et le trafic de drogue.
Pour bénéficier du nouveau régime, en application de l'article 9 du projet de règlement, les États devront être considérés comme vulnérables, et avoir ratifié et effectivement mis en oeuvre :
- certaines conventions relatives aux droits de l'homme et à ceux des travailleurs (ex : convention contre la torture, convention relative aux droits de l'enfant, convention pour la prévention et la répression de crime de génocide) ;
- et certaines conventions relatives à l'environnement et aux principes de bonne gouvernance (ex : convention contre la corruption, protocole de Kyoto).
Ces pays devront en outre prendre l'engagement de poursuivre la ratification des conventions et leur mise en oeuvre et, « dans tous les cas », ratifier les 27 conventions énumérées en annexe III du projet de règlement avant le 31 décembre 2008.
ANNEXE III
CONVENTIONS VISEES A L'ARTICLE
9
PARTIE A
Principales conventions de l'ONU/OIT relatives aux droits de l'homme et à ceux des travailleurs
1. Pacte international relatif aux droits civils et politiques
2. Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels
3. Convention internationale sur l'élimination de toutes les formes de discrimination raciale
4. Convention sur l'élimination de toutes les formes de discrimination à l'égard des femmes
5. Convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants
6. Convention relative aux droits de l'enfant
7. Convention pour la prévention et la répression du crime de génocide
8. Convention concernant l'âge minimum d'admission à l'emploi (n° 138)
9. Convention concernant l'interdiction des pires formes de travail des enfants et l'action immédiate en vue de leur élimination (n° 182)
10. Convention sur l'abolition du travail forcé (n° 105)
11. Convention concernant le travail forcé ou obligatoire (n° 29)
12. Convention concernant l'égalité de rémunération entre la main-d'oeuvre masculine et la main-d'oeuvre féminine pour un travail de valeur égale (n° 100)
13. Convention concernant la discrimination en matière d'emploi et de profession (n°111)
14. Convention concernant la liberté syndicale et la protection du droit syndical (n°87)
15. Convention concernant l'application des principes du droit d'organisation et de négociation collective (n°98)
16. Convention internationale sur la suppression et la
répression du crime d'apartheid.
PARTIE B
Conventions relatives à l'environnement et aux principes de bonne gouvernance
17. Protocole de Montréal relatif à des substances qui appauvrissent la couche d'ozone
18. Convention de Bâle sur le contrôle des mouvements transfrontaliers des déchets dangereux et de leur élimination
19. Convention sur le commerce international des espèces de faune et de flore sauvages menacées d'extinction
20. Convention sur la diversité biologique
21. Protocole de Cartagena sur la prévention des risques biotechnologiques
22. Convention de Stockholm sur les polluants organiques persistants
23. Protocole de Kyoto à la convention-cadre des Nations unies sur les changements climatiques
24. Convention unique des Nations unies sur les stupéfiants (1961)
25. Convention des Nations unies sur les substances psychotropes (1971)
26. Convention des Nations unies contre le trafic illicite de stupéfiants et de substances psychotropes (1988)
27. Convention des Nations unies contre la
corruption.
Cette réforme permettrait en outre de mettre le système en conformité avec la décision de l'organe d'appel de l'OMC suite au panel lancé par l'Inde contre le régime spécial « drogues ». L'OMC a en effet demandé à l'Union européenne de mettre son régime spécial « drogues » en conformité avec les règles de l'organisation d'ici au 1er juillet 2005.
Le régime d'encouragement à la
lutte contre la production et le trafic de stupéfiants
contraire aux
règles de l'OMC
L'Inde a saisi l'Organe de règlement des
différends de l'OMC en vue de faire constater l'incompatibilité
du régime spécial « drogues » avec les
règles commerciales. Dans son rapport du 7 avril 2004, l'organe d'appel
de l'OMC a admis que la Communauté pouvait accorder des
préférences additionnelles à certains pays en
développement dans une situation particulière, tout en notant que
le règlement n° 2501/2001 ne contenait pas les critères
d'octroi de ces préférences additionnelles. Au surplus, il
constituait une liste fermée et ne permettait pas d'élargir le
cercle des bénéficiaires. Dans cette mesure, il se
révélait contraire à l'article I du GATT de 1994 et
ne pouvait être justifié par la clause d'habilitation. En
septembre 2004, la Communauté européenne a obtenu un
délai échéant le 1er juillet 2005 pour
mettre son système en conformité avec les règles de
l'OMC.
III. L'ÉVALUATION DU PROJET DE RÈGLEMENT
1. Un meilleur ciblage du SPG et la promotion des valeurs communautaires
Le projet de règlement de la Commission présente un certain nombre d'innovations bienvenues, en particulier :
- la simplification du système de graduation, « pilier » du SPG, qui permet d'exclure certains grands pays émergents au bénéfice des pays les plus vulnérables. La graduation ne s'appliquera en pratique qu'à quelques très gros pays bénéficiaires des SPG qui sont suffisamment compétitifs dans le commerce international (par exemple, la Chine ou l'Inde, actuellement principaux bénéficiaires du SPG communautaire) ;
- le régime « SPG+ », qui favorise le développement durable et la bonne gouvernance sur le fondement de la ratification et de la mise en oeuvre de conventions internationales. Il s'agit de mettre en oeuvre des critères objectifs et transparents qui permettent de répondre aux critiques formulées par l'OMC à l'égard du régime spécial « drogues » et qui ont amené à sa condamnation. Il faut aussi noter qu'il s'agit d'un nouveau moyen de promouvoir les valeurs de l'Union européenne en imposant aux pays partenaires de souscrire aux engagements internationaux que celle-ci juge essentiels. Les exigences du régime SPG+ sont fortes, et notamment l'exigence de ratification de 27 conventions internationales d'ici au 31 décembre 2008.
2. Quelques adaptations souhaitables
Le projet de règlement pourrait être amélioré sur plusieurs points.
D'une manière générale, il serait souhaitable de renforcer les mesures de sauvegarde, qui ne font pas l'objet de nouvelles dispositions dans le projet de règlement. Il s'agirait de présenter des mesures de sauvegarde réellement utilisables en cas de perturbations des échanges, condition d'une plus grande souplesse dans la graduation et d'un élargissement de la couverture sectorielle. Les dispositions ad hoc du règlement n°2501/2001 n'ont, à ce jour, jamais été utilisées.
Quelques points plus sectoriels mériteraient également des adaptations, selon les informations du gouvernement :
- le seuil de déclenchement du mécanisme de graduation et donc d'exclusion du SPG pourrait être encore abaissé pour les textiles (de 12,5 % à 10 % de part de marché par exemple), dans la mesure où la fin de l'accord sur les textiles et les vêtements au 31 décembre 2004 placera les producteurs européens dans une situation difficile ;
- une attention particulière devrait être portée aux produits de la pêche et à l'extension à certains produits agricoles du champ des différents régimes du SPG.
L'extension de la couverture « produits » du SPG, avec en outre une modification de la liste des produits sensibles, pourrait en effet avoir des conséquences dans certains secteurs fragiles, et une étude d'impact devrait pouvoir être réalisée avant toute extension. Des difficultés particulières pourraient également être rencontrées pour les produits agricoles des départements et territoires d'outre-mer.
Par ailleurs, le cumul complet des règles d'origine, qui sont des dispositions définies dans le règlement SPG permettant de s'assurer de l'origine des produits et donc d'éviter toute fraude au système SPG, pourrait avoir des conséquences négatives. Il conviendrait de renvoyer ce point aux discussions sur le livre vert sur les règles d'origine au sein du comité du code des douanes.
Enfin, il faut noter que l'ensemble du règlement entrerait en vigueur au 1er juillet 2005, alors que le règlement SPG actuel couvre l'ensemble de l'année 2005 et que la mise en conformité suite au panel OMC ne concerne que le régime spécial drogue condamné et non le SPG général. Une mise en oeuvre anticipée risquerait de perturber les anticipations des opérateurs économiques.
En conclusion, et sous réserve de ces observations, il n'a pas semblé nécessaire à la délégation d'intervenir davantage sur ce texte, dont les principales orientations ne peuvent être qu'approuvées.