COM (2004) 501 final  du 14/07/2004

Examen dans le cadre de l'article 88-4 de la Constitution

Texte déposé au Sénat le 26/08/2004
Examen : 24/11/2004 (délégation pour l'Union européenne)
Texte retiré le 22/03/2007


Budget communautaire

Communication de M. Denis Badré sur la correction et les déséquilibres budgétaires entre les contributions au budget
de l'Union européenne et les recettes provenant de celui-ci

Texte E 2674

(Réunion du 24 novembre 2004)

Dans le cadre de son projet de perspectives financières, la Commission a proposé le 14 juillet dernier un mécanisme de correction généralisée comportant une réduction pour tous les contributeurs nets du budget de l'Union, au-delà d'un certain montant du revenu national brut des pays concernés.

Actuellement, le Royaume-Uni continue de bénéficier de l'accord de Fontainebleau qu'avait obtenu Margaret Thatcher au Conseil européen de juin 1984. Ce compromis avait mis un terme à des années d'impasse budgétaire et de discussions sans fin, en donnant droit au Royaume-Uni à une réduction représentant deux tiers de sa contribution nette au budget de l'Union européenne. Ce mécanisme de correction se fonde sur le principe que « tout État membre supportant une charge budgétaire excessive au regard de sa prospérité est susceptible de bénéficier, le moment venu, d'une correction ». À l'époque, le Royaume-Uni était le contributeur net le moins riche et bénéficiait à peine de la politique agricole commune qui constituait l'essentiel du budget de la Communauté européenne. Aujourd'hui, la Commission considère que la situation a changé au point de ne plus justifier la correction britannique. En effet, en 1984, le Royaume-Uni était le contributeur le moins prospère, avec un indice de revenu national brut par habitant de 90,6 par rapport à une moyenne communautaire de 100. L'indice de l'Allemagne était alors de 109,6. En 2003, l'indice du Royaume-Uni s'est élevé à 111,2 tandis que l'Allemagne a reculé à 98,6. La France est restée stable à 104,2.

Les estimations montrent que, au cours de la période 2008-2013, si rien n'est fait, la correction britannique augmentera de plus de 50 % par rapport à la moyenne des sept dernières années pour atteindre 7,1 milliards d'euros, contre 4,6 milliards d'euros pour la période 1997-2003. Les soldes nets de tous les États membres de l'Union européenne à quinze se détérioreront sous l'effet des dépenses supplémentaires requises pour l'élargissement. Au Conseil européen de Berlin en mars 1999, le Royaume-Uni a obtenu que les dépenses liées à l'élargissement soient prises en compte lors du calcul de la correction britannique, se protégeant ainsi contre la plupart des conséquences financières de l'élargissement. Il s'agit de la principale raison de l'augmentation probable de la correction britannique à l'avenir.

Selon les estimations, le Royaume-Uni deviendra au cours de la période 2008-2013 le plus petit contributeur net au budget de l'Union, avec un solde net moyen de -0,25 % du RNB. En l'absence du mécanisme correcteur, il devrait être au contraire le premier contributeur net, avec un solde net moyen de -0,62 % du RNB. Le mécanisme que propose la Commission vise à corriger les soldes nets négatifs excessifs et à veiller au traitement équitable des États membres qui ont une capacité similaire de contribuer au budget de l'Union européenne. Ce mécanisme se calculerait sur la base du solde budgétaire net de chaque État par rapport au budget de l'Union. Il déclencherait une réduction lorsqu'un contributeur net franchit le seuil de 0,35 % du RNB. Selon les estimations de la Commission, cela donnerait lieu à des corrections d'environ sept milliards d'euros par an pour la période 2008-2013, soit pratiquement le niveau estimé des corrections britanniques au cours de la même période si le système n'était pas modifié. Tous les États membres participeraient au financement de toutes les corrections. Leur part dans le montant global des corrections serait déterminée par leur part dans le RNB.

Il convient de souligner que, en termes absolus, le Royaume-Uni demeurerait de loin le plus grand bénéficiaire du mécanisme de correction généralisée, percevant en moyenne une compensation nette de plus de deux milliards d'euros par an, soit environ deux fois plus que l'Allemagne. Avec le mécanisme proposé, en moyenne, les soldes nets des plus grands contributeurs nets se situeraient à des niveaux comparables, entre - 0,51 % et - 0,45 % pour le Royaume-Uni, l'Allemagne, les Pays-Bas et la Suède. Plusieurs États membres (France, Italie, Chypre et Autriche) afficheraient des soldes nets de - 0,40 % à - 0,30 % en moyenne. Le Danemark et la Finlande resteraient les deux plus petits contributeurs nets avec des soldes nets estimés à - 0,26 % et - 0,20 % respectivement.

La Commission propose d'assortir l'entrée en vigueur du nouveau mécanisme de correction généralisée de mesures transitoires. Le Royaume-Uni bénéficierait de paiements complémentaires sur une période de quatre ans : deux milliards d'euros en 2008, 1,5 milliard d'euros en 2009, un milliard d'euros en 2010 et cinq cents millions d'euros en 2011. Pour compenser ce surcoût, le mécanisme de compensation serait appliqué progressivement sur la même période, avec un taux de remboursement de 33 % en 2008, de 50 % en 2009, de 50 % en 2010 et de 66 % en 2011.

La proposition de la Commission sera soumise à l'aval du Conseil des ministres au début de 2005. Le débat s'annonce particulièrement animé. Des désaccords entre États membres se sont déjà manifestés. Un groupe d'États s'est déclaré favorable à la proposition de la Commission. Un autre groupe d'États plus nombreux, dont fait partie la France, s'est déclaré partisan de la suppression pure et simple du rabais britannique, sans que lui soit substitué aucun mécanisme de correction des soldes. Cette position se fonde sur une critique des notions de juste retour et de solde net. Le Royaume-Uni, seul, s'est déclaré favorable au maintien du dispositif actuel et a jugé totalement inacceptable la proposition de la Commission.

Je rappelle que l'unanimité est nécessaire pour modifier la décision sur les ressources propres de l'Union. Le Royaume-Uni peut donc exercer un droit de veto sur toute remise en cause du rabais dont il bénéficie actuellement. Le risque est donc grand que l'on ait un cumul entre le maintien du rabais britannique et la mise en place d'un mécanisme de correction généralisée. Je crois que nous devons appuyer la position de notre Gouvernement dans cette difficile négociation.

Compte rendu sommaire du débat

M. Roland Ries :

Je voudrais tirer une conclusion générale du cas britannique. Les situations économiques des pays membres évoluent en permanence. Or, le statut britannique est figé depuis vingt ans à un niveau qui correspondait à la situation de 1984. Il nous faut donc des clauses de revoyure régulières pour ne pas graver les choses dans le marbre.

M. Denis Badré :

Il est clair qu'il faut savoir évoluer. Ainsi, l'Espagne, le Portugal, l'Irlande et la Grèce ont su tirer parti des politiques structurelles. Mais ils doivent accepter aujourd'hui de rentrer dans le lot commun.

M. Louis de Broissia :

Vis-à-vis du contribuable français, y aurait-il un moyen de rendre publics ces chiffres ?

M. Denis Badré :

Pour le moment, le contribuable français sait à peine qu'il y a une contribution de la France au budget européen. Je crois qu'on ne pourra pas rester éternellement dans un système où les dépenses sont déterminées par le Parlement européen et où les recettes sont fixées par les parlements nationaux.

Mme Alima Boumediene-Thiery :

J'observe que l'exception britannique se retrouve ici comme dans d'autres domaines, tels que l'euro, ou l'espace Schengen.

M. Denis Badré :

Oui, mais je dirais que l'Europe sans le Royaume-Uni n'est pas l'Europe.

M. Bernard Frimat :

Et moi, je dirais que, avec le Royaume-Uni, l'Europe n'est plus l'Europe. À partir du moment où la seule question est de savoir si l'on retire autant de la construction communautaire qu'on y apporte, la meilleure solution est de rester chacun chez soi. La recherche des avantages collectifs est tuée par cette mécanique. L'idée européenne a été pervertie par la volonté du Royaume-Uni de récupérer son argent. Et je crains qu'on ne soit dans une situation bloquée, alors que la logique serait d'avoir des contributions proportionnées aux capacités des États. Quant à l'impôt européen, cela demeure un sujet tabou.

M. Didier Boulaud :

Je suis d'un avis différent en ce qui concerne l'impôt européen. C'est un peu comme lorsque nous avons doté l'intercommunalité d'une fiscalité propre : aujourd'hui, c'est plus clair pour nos concitoyens. Si l'on avait un impôt européen, les gens sauraient exactement ce qu'ils paient à l'Union européenne. On a toujours intérêt à la transparence.

M. Denis Badré :

La création d'un impôt européen aujourd'hui me paraît délicate. Sauf s'il accompagnait le transfert de compétences à l'Union, par exemple en matière de défense.