COM (2004) 75 final
du 10/02/2004
Date d'adoption du texte par les instances européennes : 02/06/2004
Examen dans le cadre de l'article 88-4 de la Constitution
Texte déposé au Sénat le 04/03/2004Examen : 01/06/2004 (délégation pour l'Union européenne)
Économie, finances et fiscalité
Accord avec la Suisse sur
l'imposition des revenus de l'épargne
Texte E 2527 - COM
(2004) 75 final
(Procédure écrite du 1er juin 2004)
I - LE CONTEXTE
Le Conseil des ministres de l'Union européenne a adopté le 3 juin 2003 une directive en matière de fiscalité des revenus de l'épargne sous forme de paiements d'intérêts, afin de garantir, à l'intérieur de la Communauté, une imposition effective des revenus de l'épargne. Il s'agit en particulier d'assujettir à une imposition minimale les intérêts touchés par un ressortissant communautaire dans un État membre autre que son État de résidence, même si cet État applique le secret bancaire. La délégation avait déposé à ce sujet une proposition de résolution en mars 1999 sur le rapport de M. Bernard Angels (n° 271, 1998-1999) ; cette proposition, instruite par la Commission des finances sur le rapport de M. Philippe Marini (n° 383, 1998-1999), était devenue résolution du Sénat (texte adopté n° 183, 1998-1999). Cette résolution approuvait notamment l'objectif de lutte contre la concurrence fiscale par l'introduction de politiques coopératives en matière d'épargne au sein de l'Union européenne et préconisait la conclusion d'accords avec les pays tiers, sans en faire un préalable à l'adoption de la directive.
En dépit de la règle de l'unanimité et des fortes réticences de certains pays pour une harmonisation en ce domaine, les discussions ont abouti à un compromis qui prévoit un échange automatique d'informations entre les États membres sur l'identité des ressortissants communautaires bénéficiaires de paiements d'intérêt dans un autre État membre que leur État de résidence. Les informations échangées contiennent aussi le montant des intérêts versés. Cet échange d'informations s'applique à l'ensemble des États membres (dont les dix nouveaux adhérents), à l'exception de la Belgique, du Luxembourg et de l'Autriche : durant une période transitoire, ces pays pourront protéger leur secret bancaire en assurant une retenue à la source sur les intérêts payés. Cette mesure doit permettre de garantir, malgré le secret bancaire, un minimum d'imposition effective des revenus de l'épargne des ressortissants communautaires non-résidents. La période de transition doit s'achever un an après l'entrée en vigueur d'accords d'échanges d'informations avec plusieurs pays tiers : la Suisse, le Liechtenstein, Saint-Marin, Monaco, Andorre et les États-Unis. À la fin de cette période de transition, la Belgique, le Luxembourg et l'Autriche seront tenus d'appliquer l'échange automatique d'informations et d'abandonner en conséquence le secret bancaire, au moins pour les ressortissants communautaires non-résidents.
Par ailleurs, l'entrée en vigueur de la directive, prévue au 1er janvier 2005, est conditionnée, d'une part, par l'application par la Suisse, le Liechtenstein, Saint-Marin, Monaco et Andorre de « mesures équivalentes » à celles prévues par la directive, d'autre part, par la mise en place de l'échange automatique d'informations avec les territoires dépendants ou associés à la Communauté européenne (îles anglo-normandes, île de Man et territoires dépendants ou associés des Caraïbes). C'est le Conseil des ministres européens qui doit décider à l'unanimité si ces conditions sont remplies.
II - L'ACCORD AVEC LA SUISSE
Dans ce cadre, la Commission a négocié, sur mandat du Conseil, des accords avec les pays tiers concernés : le texte E 2527 présente le premier de ces accords, conclu avec la Suisse. Cet accord, censé prévoir des mesures équivalentes à celles de la directive sur l'imposition des revenus de l'épargne, retient uniquement la retenue à la source par la Suisse d'une imposition minimale sur les intérêts versés aux ressortissants communautaires non-résidents. Selon le même schéma que la directive, la Suisse devra appliquer un taux d'imposition de 15 % durant les trois premières années à compter de la date d'application de l'accord, de 20 % durant les trois années suivantes et de 35 % par la suite. Comme pour la Belgique, le Luxembourg et l'Autriche, la Suisse conservera 25 % de la recette générée par cette retenue et en reversera 75 % à l'État membre de résidence du bénéficiaire des intérêts payés. L'accord prévoit également un échange de renseignements sur les comportements constitutifs de fraude fiscale « au regard de la législation de l'État requis ». Toutefois, la Suisse utilise une notion plus étroite de la fraude fiscale que les pays membres de l'Union européenne : c'est ainsi que la simple soustraction à l'impôt ne tombe pas sous le coup de l'« escroquerie fiscale », notion qui, en Suisse, est l'équivalent de la fraude fiscale.
Cet accord préserve donc le secret bancaire suisse et a une portée minimale en ce qui concerne l'échange d'informations. Cependant, conjugué à la perspective de la conclusion d'accords avec les autres pays tiers concernés, il semble suffisant pour qu'en juin prochain, le Conseil des ministres européens décide effectivement l'entrée en vigueur de la directive sur la fiscalité des revenus de l'épargne à la date du 1er janvier 2005. À cette date, vingt-deux pays de l'Union appliqueront donc un échange automatique d'informations et la Belgique, le Luxembourg et l'Autriche appliqueront une retenue à la source qui permettra tout de même de lutter contre la concurrence fiscale dommageable et la fraude fiscale.
À l'initiative de la France, un certain nombre de pays devraient d'ailleurs déclarer, à l'occasion de l'adoption de l'accord avec la Suisse, que « l'objectif ultime » de la directive est l'échange automatique d'informations, et non la retenue à la source. Cependant, il ne semble guère envisageable à moyen terme que les États membres qui appliquent la retenue à la source acceptent de passer au système d'échange automatique, si les pays tiers (dont la Suisse) n'acceptent pas également un système d'échange plus ouvert. Dans ces conditions, la période dite de transition, qui ne concerne que trois États sur les vingt-cinq de l'Union européenne, risque de durer de nombreuses années.
Par ailleurs, l'Union européenne et la Suisse négocient parallèlement un certain nombre d'accords, dont l'association de la Suisse à l'espace Schengen. Certaines dispositions envisagées pourraient se révéler dommageables au développement de la coopération judiciaire et administrative en matière de fiscalité directe. Il est donc important que le Gouvernement tienne la délégation informée de l'état des négociations globales avec la Suisse.
En conclusion, la délégation n'a pas estimé nécessaire d'intervenir sur l'accord avec la Suisse relatif à la fiscalité de l'épargne ; sa conclusion permettra en effet la mise en oeuvre effective de la législation européenne assurant un minimum d'imposition sur les revenus de l'épargne touchés par un ressortissant communautaire dans un État membre autre que son État de résidence.