EUROPOL 82/01
du 25/10/2001
Date d'adoption du texte par les instances européennes : 07/12/2001
Examen dans le cadre de l'article 88-4 de la Constitution
Texte déposé au Sénat le 21/11/2001Examen : 28/11/2001 (délégation pour l'Union européenne)
Justice et Affaires intérieures
Communication de M. Hubert Haenel sur le projet
d'accord
entre les Etats-Unis d'Amérique et l'Office européen
de police Europol (E 1869)l
Texte E 1869
(Réunion du 28 novembre 2001)
L'accord entre les Etats-Unis d'Amérique et l'Office européen de police Europol n'est pas un sujet nouveau pour la délégation.
Vous vous rappelez en effet que, le 17 octobre dernier, nous avons examiné les accords conclus entre Europol et la Pologne, l'Estonie, la Hongrie et la Slovénie. Nous avons alors accepté que le Conseil approuve la conclusion de ces accords, mais nous avons demandé au Gouvernement, au fur et à mesure de leur entrée en application, de nous informer sur les mesures prises pour assurer la protection des données personnelles en Estonie, en Slovénie et en Pologne, ainsi que sur les précautions prises par Europol pour assurer l'absolue sécurité des données.
Mais surtout, à l'occasion de cet examen, nous avions entendu notre collègue Alex Türk qui, en sa qualité de président de l'Autorité commune de contrôle d'Europol, avait évoqué devant nous les négociations engagées entre Europol et les Etats-Unis.
Il nous avait alors expliqué que, à la suite des attentats du 11 septembre, les Américains avaient formulé une demande expresse et pressante auprès de l'Union européenne et que le Conseil de l'Union avait décidé, d'une part, de mettre en place une coopération dans l'urgence, de nature informelle, et, d'autre part, de préparer la conclusion d'un accord formel de coopération. Et il nous avait développé les problèmes que posait la préparation de cet accord formel, notamment en matière de protection des données personnelles.
Aussi, lorsque nous avons été saisis du texte E 1869, nous avons pensé qu'il s'agissait soit de cet accord formel de coopération pérenne entre Europol et les Etats-Unis sur l'ensemble des données relatives notamment au terrorisme, soit d'une formalisation de la coopération provisoire mise en place pour répondre à une situation d'urgence.
Or, il ne s'agit exactement ni de l'une ni de l'autre de ces deux hypothèses.
La coopération dans l'urgence continue de se faire de manière informelle. Quant à l'accord formel de coopération pérenne avec les Etats-Unis, il a été décidé de le traiter en deux textes différents :
- d'une part, un texte autorisant la transmission des données non personnelles ;
- d'autre part, un texte régissant la transmission des données liées à un individu identifié ou à des individus identifiables.
Le document E 1869 dont nous sommes saisis aujourd'hui est le premier de ces deux textes.
Or, il va de soi que le texte le plus important, notamment au regard de la protection des libertés individuelles, est le texte qui permettra et régira la transmission des données personnelles dont nous serons saisis plus tard.
Le texte que nous devons examiner aujourd'hui est un texte essentiellement technique qui ne pose pas véritablement de problème politique.
On peut cependant s'interroger sur l'utilité réelle de cet accord. En quoi la coopération entre Europol et les Etats-Unis aidera-t-elle véritablement à prévenir, détecter ou supprimer des formes graves de criminalité internationales dès lors que les données transmises dans ce cadre excluront les données à caractère personnel. Je crois que, sans être un spécialiste des techniques policières, on peut se montrer extrêmement sceptique à cet égard.
On peut aussi se demander pourquoi ce texte nous est soumis dans l'urgence et pourquoi la présidence belge montre un tel attachement à ce qu'il soit adopté par le Conseil « Justice-Affaires intérieures » des 6 et 7 décembre prochains. En effet, déjà aujourd'hui, une coopération étroite s'est instaurée entre Europol et les Etats-Unis et l'adoption de ce texte n'y apportera aucun élément nouveau.
En fait, il apparaît que l'inscription de ce texte en urgence au Conseil du 6 décembre ne répond qu'à un objectif d'affichage. Les Américains se montrant insistants, la présidence belge veut montrer la bonne volonté de l'Union.
Un point doit cependant retenir notre attention. Ce texte n'est-il pas susceptible de créer un précédent influant sur la préparation du second texte qui régira la transmission des données à caractère personnel ?
A cet égard, on doit noter que ce premier texte accuse un certain déséquilibre entre les deux parties, c'est-à-dire Europol d'une part et les Etats-Unis d'autre part.
En effet, l'article 3 de l'accord énumère les activités de criminalité concernées. Il en donne la liste suivante :
« - le trafic illicite de stupéfiants ;
- le trafic de matières nucléaires et radioactives ;
- les filières d'immigration clandestine ;
- la traite des êtres humains ;
- le trafic de véhicules volés ;
- les crimes commis ou susceptibles d'être commis dans le cadre d'activités de terrorisme portant atteinte à la vie, à l'intégrité physique, à la liberté des personnes ou aux biens ;
- le faux-monnayage et la falsification de moyens de paiement. »
Il s'agit là de rubriques générales et non de définitions juridiques précises. C'est pourquoi l'annexe 1, qui est jointe à l'accord, précise les définitions juridiques qu'Europol utilisera pour chacune de ces formes de criminalité.
En revanche, il n'apparaît aucune définition similaire pour les Etats-Unis.
Encore une fois, compte tenu de la portée de cet accord, cela n'emporte pas de caractère de gravité. Mais il ne faudrait pas que cela se renouvelât pour l'accord portant sur la transmission de données à caractère personnel.
C'est pourquoi je vous proposerai que nous acceptions de lever la réserve parlementaire sur ce texte en sorte qu'il puisse être adopté au Conseil « Justice-Affaires intérieures » des 6 et 7 décembre prochains, mais que nous demandions au Gouvernement d'assurer un meilleur équilibre entre les parties prenantes pour l'accord qui va maintenant être élaboré à propos de la transmission des données à caractère personnel. Et je crois qu'il serait bon que nous ajoutions que nous demandons au Gouvernement qu'il nous laisse alors la possibilité d'examiner cet accord à venir dans des conditions de délai normales, c'est-à-dire sans recourir à la procédure d'urgence à laquelle nous avons accepté de nous soumettre aujourd'hui alors qu'aucun élément objectif ne l'imposait.
Mais je voudrais auparavant donner la parole à notre collègue Alex Türk qui, en sa qualité de président de l'Autorité commune de contrôle d'Europol, est en mesure de nous donner les informations les plus récentes et les plus autorisées sur l'état des négociations entre Europol et les Etats-Unis.
M. Pierre Fauchon :
Si vous me le permettez, Monsieur le Président, je voudrais juste dire que, si beaucoup de gens sont réservés sur la construction européenne par souci d'indépendance nationale, d'autres croient que l'indépendance nationale face aux supergrands du monde ne peut être assurée que dans un cadre plus large que la nation, cadre qui ne peut être que l'Europe. La seule façon d'équilibrer la grande super-puissance qui domine le monde est bien de constituer l'Europe comme un ensemble cohérent. Cet accord est un exemple concret, tout à la fois de la façon de faire des Américains, de l'impossibilité pour la présidence belge de résister aux demandes américaines, et de la situation qui en résulte, qui s'apparente à une sorte de protectorat. Je trouve navrante la situation de l'Europe telle qu'elle apparaît à travers cet accord.
Intervention de M. Alex Türk,
Président de
l'Autorité commune de contrôle d'Europol
M. Alex Türk :
Je voudrais d'abord vous rappeler le calendrier. Une semaine après les attentats du 11 septembre, le Conseil des ministres Justice et Affaires Intérieures (JAI) prend la décision de demander à la direction d'Europol de prendre les mesures qui sont prévues dans le cadre d'une procédure définie par un acte du Conseil de mars 1999. Cet acte prévoit que, dans une situation d'urgence ou de péril imminent à l'égard de l'un des Etats membres - ce qui est le cas puisque, dans les tours de New-York, il y avait des ressortissants de l'Union européenne -, la coopération avec des Etats tiers peut s'engager en dehors de la procédure normale.
Le 28 septembre dernier, le directeur d'Europol saisit l'Autorité de contrôle d'un projet de négociation pour la conclusion d'un accord avec les Etats-Unis. Il explique que ce qu'il considère comme le niveau de protection adéquat des données est acquis aux Etats-Unis compte tenu de l'urgence. C'est le problème le plus important que nous ayons à traiter et qui ne concerne pas seulement le domaine de la coopération policière. Comme je l'ai expliqué lors de notre réunion du 17 octobre, cette justification de l'accord, non pas sur la base de l'urgence, mais en fonction des critères de fond de la procédure traditionnelle, ne pouvait rencontrer notre assentiment. J'ai donc répondu, le 12 octobre, au nom de l'Autorité de contrôle, qu'on ne pouvait pas à la fois jouer d'un argument, l'urgence, et de l'autre, le niveau adéquat de protection.
La réponse du directeur, le 6 novembre, c'est-à-dire à une date postérieure à notre précédente réunion sur ce sujet, révèle un changement de stratégie de sa part puisque, tout en maintenant l'application de la procédure d'urgence, il décide de lancer la procédure classique prévue par la Convention, selon laquelle il doit préparer le dossier, le soumettre au conseil d'administration, à l'Autorité de contrôle et enfin au Conseil des ministres. Mais cette procédure comporte deux temps. Il faut d'abord un accord global de toutes ces entités sur le principe même de l'ouverture des négociations, puis, à l'issue des négociations, une nouvelle procédure semblable pour adopter l'accord définitif de coopération entre Europol et l'Etat tiers, en l'occurrence les Etats-Unis. Disposant du pré-rapport établi par le directeur d'Europol, j'ai réuni l'Autorité de contrôle le 26 novembre à Bruxelles et je devais, avant le 6 décembre, donner l'avis de l'Autorité de contrôle au Conseil des ministres sur le principe de l'engagement de ces négociations.
Comme pour les accords passés avec certains des pays candidats, le directeur d'Europol devait donc nous remettre un rapport sur le niveau de protection des données aux Etats-Unis. Les Etats-Unis s'étaient engagés à faire parvenir un rapport apportant les garanties nécessaires pour le 15 novembre. Mais, à cette date, les Américains ont faire savoir à la direction d'Europol qu'ils n'étaient pas en mesure de fournir ces renseignements en raison de problèmes de coordination liés à leur structure fédérale et au nombre très élevé d'autorités américaines concernées par la coordination des informations liées aux attentats du 11 septembre (de l'ordre de 18 000). Le directeur d'Europol n'est donc pas à l'heure actuelle en état de fournir ces informations ; c'est pourquoi il me semble difficile que le Conseil puisse se prononcer début décembre et c'est peut-être aussi pourquoi, comme nous l'avons appris tout à l'heure, la représentation permanente de la France auprès de l'Union européenne n'a toujours pas connaissance, à ce jour, du pré-rapport établi par le directeur d'Europol.
L'Autorité de contrôle a constaté l'impossibilité actuelle des Etats-Unis à fournir les informations nécessaires sur la protection américaine des données ; elle a souligné que nous attendions le rapport du directeur d'Europol, lui-même dépendant de ces informations ; enfin, elle a indiqué les difficultés prévisibles pour ce futur accord.
Le principal problème tient au fait que les Etats-Unis ne peuvent pas juridiquement démontrer un niveau de protection adéquat, dans la mesure où le système américain fonctionne sur des bases radicalement différentes du système européen, par exemple du fait de l'absence de toute autorité de contrôle nationale. Comme j'ai déjà eu l'occasion de le souligner lors de notre réunion précédente, les Etats-Unis sont, d'un point de vue juridique et technique, au regard de l'Europe, dans une situation plus difficile que les pays d'Europe centrale parce que ces pays ont formellement créé des autorités de contrôle, qui ne jouent sans doute pas totalement le rôle qu'on pourrait souhaiter, mais qui existent. Pour autant, on ne peut nier que les Etats-Unis ont atteint un niveau suffisant et incontestable de protection de libertés individuelles.
Sur ce point, la lettre du directeur d'Europol du 6 novembre est très révélatrice ; on y lit que « le niveau de protection adéquat est acquis aux Etats-Unis parce que, s'il y a une grande différence d'approche en matière de protection des données entre les Etats membres de l'Union européenne et les Etats-Unis, il ne peut pas y avoir de discussion sur le fait que les Etats-Unis sont un Etat démocratique où la loi est respectée et où les droits de l'homme sont examinés avec soin et bien protégés ». C'est un constat qui, malheureusement, ne peut pas justifier l'utilisation de l'acte du Conseil de mars 1999, qui exige un niveau de protection adéquat, vérifié par des critères objectifs. Existe-t-il une autorité de contrôle nationale des données ? Est-ce que les Etats-Unis ont signé un texte du type de la Convention 108 du Conseil de l'Europe de 1981 qui régit les Etats européens en la matière ? Il faut donc que les Etats-Unis nous fournissent des détails sur les pratiques et les législations américaines de façon que nous puissions reconnaître que leur niveau de protection est suffisant.
Le second problème touche le nombre des autorités concernées par la création d'un point de contact national, technique bien connue d'Europol et des Etats membres qui consiste à désigner une autorité qui sera chargée de faire l'articulation et le filtrage entre Europol et les Etats-membres de l'Union européenne, d'une part, et le FBI et les autorités fédérales et fédérées américaines, d'autre part. Mais nous attendons des informations sur la nature de ce point de contact, la manière dont il sera organisé, ses pouvoirs, et s'il sera en mesure de faire connaître à Europol la liste complète des autorités qui seront destinataires des informations transmises.
Un troisième problème porte sur l'engagement des Etats-Unis de respecter les règles fixées par la Convention Europol pour la transmission des informations à d'autres Etats tiers. Les Etats-Unis seraient autorisés à recevoir, en tant qu'Etat tiers par rapport à la convention, un certain nombre d'informations et de données ; mais l'accord ne les autoriserait pas à les donner à d'autres Etats tiers, par exemple le Canada. Pour cela, ils devraient, dans le cadre d'une procédure qui est fixée par la Convention, demander à Europol l'autorisation de retransmettre ces information à un ou plusieurs autres Etats tiers.
Notre Autorité de contrôle demande également que les Etats-Unis apportent des garanties selon lesquelles ils utiliseront les données, qui leur seront confiées, en fonction des finalités pour lesquelles Europol leur a transmis ces informations. C'est un principe de base, en effet, en matière de protection des données, que toute autorité qui utilise une donnée personnelle ne peut l'utiliser que pour la finalité pour laquelle elle a été autorisée à le faire. Tout le monde sait que les Etats-Unis ont demandé au premier ministre belge de ratifier au plus vite certaines directives européennes ; qu'ils ont également demandé que l'Union européenne modifie le contenu de certaines directives le plus rapidement possible ; et qu'ils ont fait savoir qu'ils utiliseraient les données personnelles en fonction de leurs besoins ! Ceci n'est pas acceptable car les données ne doivent être utilisées qu'en fonction des finalités qui auront été définies par les autorités d'Europol, selon les règles de communication qui ont été établies pour tous les Etats tiers.
Il y a cependant un point positif qui a été acquis depuis notre dernière réunion : l'Autorité de contrôle a été autorisée à être associée directement à la négociation qui réunit le directeur d'Europol, son conseil d'administration et les Américains, de telle façon qu'elle puisse donner son opinion au fur et à mesure de l'avancement de ces négociations, faute d'avoir pu le faire sur la base d'un rapport préalable d'Europol.
M. Serge Lagauche :
En tant que citoyen, l'impression que je retire de tout cela est que ce que demandent les Etats-Unis est inacceptable. Je ne comprends pas pourquoi il faudrait négocier rapidement ce nouvel accord, alors que, avec la procédure d'urgence, Europol transmet déjà des informations aux Américains en matière de terrorisme ou de blanchiment d'argent, ce qui me semble d'ailleurs une excellente procédure. Pour autant, est-il si évident que les Américains veuillent piller, vendre, exploiter les trésors que nous possédons ? Il est certainement de notre intérêt que les Etats-Unis soient efficaces dans leur domaine et que Européens et Américains travaillent ensemble. Autant je trouve la procédure d'urgence adaptée à la situation, autant il me semble que, avec le second accord, on entre dans une procédure très bureaucratique qui n'exige pas la précipitation actuelle. Je crains enfin que, si les négociations aboutissent, elles ne conduisent à un accord qui sera incompréhensible pour les citoyens européens. N'oublions pas que, dans d'autres cadres de négociations, comme par exemple l'Organisation mondiale du commerce, les citoyens ont voulu savoir de quoi il retournait et ont cherché à influencer les décisions. Pour faire l'Europe, il faut aussi apprendre à travailler avec les Etats-Unis qui sont nos alliés depuis fort longtemps.
M. Jean-Paul Émin :
N'y aurait-il pas également, aux Etats-Unis, des réflexions en cours du même type que celles qu'évoque aujourd'hui notre collègue Alex Türk ? Quels sont également les aspects positifs de cet accord ?
M. Jacques Blanc :
Je suis un peu étonné de la tonalité de ce débat. L'objectif de ces accords n'est-il pas de rendre plus efficace la lutte contre le terrorisme, contre la criminalité et les trafics internationaux ? Il est vrai que les Etats-Unis ont des systèmes d'organisation très différents des nôtres. Mais personne ne conteste que c'est un pays où la défense des droits de l'homme et des libertés individuelles est sans doute plus avancée que dans certains pays d'Europe qui vont pourtant entrer dans l'Union européenne et qui participeront à Europol. Il peut sans doute y avoir des difficultés juridiques à surmonter en raison des différences d'organisation entre les Etats-Unis et nous, mais, sur le fond, nous adhérons tous à cette volonté de participation ; il faut donc surmonter ces difficultés juridiques pour atteindre l'objectif qui est fixé.
M. Hubert Haenel :
Il est bien connu que, parfois, la direction française de la surveillance du territoire hésite à donner des informations à Europol parce qu'elle ne sait pas à qui ces informations risquent d'être transmises. Si la confiance n'existe pas entre les Américains et les Européens, il est clair qu'il y aura des rétentions d'informations entre les polices des Etats membres et celles des Etats-Unis. En France, il existe un système très complet de protection des données. Il me semble que les principes qui sont à la base de ce régime doivent également s'appliquer pour les échanges d'information avec des pays tiers. Enfin, la Convention qui est à l'origine du fonctionnement d'Europol, doit, me semble-t-il, être appliquée de la même manière avec tous les Etats tiers avec lesquels nous signons des accords de coopération policière. Il ne s'agit pas d'avoir une certaine défiance vis-à-vis des Etats-Unis, mais il faut respecter un certain nombre de règles pour que la confiance s'établisse entre les polices concernées.
M. Alex Türk :
L'affaire du 11 septembre a abouti à un renversement complet de tous les concepts. Beaucoup de pans de nos droits, européen ou nationaux, vont en fait être touchés par les conséquences de ces attentats. Par exemple, les Etats-Unis, qui étaient jusqu'à présent très laxistes avec Internet, commencent aujourd'hui à prendre des mesures extrêmement rigoureuses. S'agissant de la coopération avec les Américains, il n'y a pas d'ambiguité possible ; l'opinion de tous les membres de l'Autorité de contrôle d'Europol est qu'il faut faire tout ce que nous pouvons pour aider les Etats-Unis à résoudre leurs problèmes, d'autant qu'il y a au moins un ou deux cas dans lesquels Europol a pu rendre effectivement service aux Américains. Pour autant, les Etats-Unis ne sont pas le seul pays tiers avec lequel Europol a engagé des contacts ; il faut que les règles qui s'appliquent à cette coopération soient identiques pour tous les pays, même si ceux-ci doivent adapter en conséquence leur législation. C'est bien la question qui se pose avec les Etats-Unis, d'autant que la discussion entre les Américains et les Européens sur les échanges de données personnelles, en dehors des données de police, dure depuis des années et qu'on pensait encore récemment aboutir à une solution dite de « safe harbour ». Or les Etats-Unis ont fait savoir récemment qu'ils suspendaient toute discussion en la matière, parce que de tels accords - comme d'ailleurs celui qui est envisagé avec Europol - impliquent une coopération quasi-quotidienne extrêmement large qui leur fait peur. On ne peut pas d'un certain côté ouvrir grandes les portes sans circonspection, et de l'autre constater que les Etats-Unis refusent désormais telle ou telle coopération qui leur pose des problèmes.
Dernière remarque : ce que nous demandons aux Etats-Unis n'est pas insurmontable de leur part ; quelques semaines suffiraient pour nous fournir les informations indispensables. Même sur le sujet de l'autorité de contrôle nationale, il semblerait que les Etats-Unis n'en rejettent plus le principe ; il semble que nous atteignions le moment où ils cessent de nous dire qu'il faut que nous ayions une politique extrêmement libérale en matière de données informatisées ; où ils envisagent sérieusement de légiférer dans le domaine de la protection des données personnelles. Il ne faut sans doute pas nous précipiter dans la direction opposée au moment où les Etats-Unis semblent changer d'orientation, ce qui pourrait nous permettre d'aboutir à une certaine convergence entre Américains et Européens.
A l'issue de ce débat, la délégation a adopté à l'unanimité les conclusions suivantes :
Conclusions de la délégation
La délégation pour l'Union européenne,
Saisie, en application de l'article 88-4 de la Constitution, du projet d'accord entre les Etats-Unis d'Amérique et l'Office européen de police (Europol) (E 1869),
1. Accepte de lever la réserve parlementaire sur le texte E 1869, tout en s'interrogeant sur la portée pratique, pour la lutte contre les formes graves de criminalité internationale, d'un accord de coopération qui exclut la transmission de données à caractère personnel.
2. Demande au Gouvernement de veiller, lors de l'élaboration de l'accord entre les Etats-Unis et Europol qui permettra la transmission de données à caractère personnel :
- à ce que ce nouvel accord précise les définitions qu'utiliseront les Etats-Unis pour les diverses formes de criminalité visées par l'accord ;
- à ce que l'Assemblée nationale et le Sénat disposent, pour l'examen de ce nouvel accord, de l'intégralité des délais utiles prévus par le protocole relatif aux parlements nationaux et par les textes d'application de l'article 88-4 de la Constitution.