COM (2001) 337 final  du 22/06/2001
Date d'adoption du texte par les instances européennes : 01/03/2002

Examen dans le cadre de l'article 88-4 de la Constitution

Texte déposé au Sénat le 06/08/2001
Examen : 13/11/2001 (délégation pour l'Union européenne)


Environnement

Communication de M. Serge Vinçon sur le texte
relatif à la promotion des organisations non gouvernementales ayant pour but la défense de l'environnement

Texte E 1778 - COM (2001) 337 final

(Réunion du 13 novembre 2001)

Les deux premiers textes dont je vais vous entretenir traitent de l'association de la société civile à la politique environnementale de l'Union.

Par le premier, et dans la ligne de sa communication intitulée « Donner forme à la nouvelle Europe », la Commission propose de promouvoir de nouvelles formes de gouvernance, en associant plus largement les citoyens à la conduite des affaires européennes. Elle considère que les organisation non gouvernementales (ONG) pourraient favoriser cette recherche de transparence et de partenariat, notamment dans le domaine de l'environnement où elles auraient déjà démontré, par le passé, leur aptitude à jouer ce rôle. En particulier, elle estime que les ONG européennes de défense de l'environnement permettent de « placer le citoyen au centre des débats », sont des « partenaires de dialogue » représentatifs, dotés d'une capacité d'expertise et garants du respect de l'équilibre entre les différents intérêts en jeu, et qu'elles contribuent à informer le public sur la politique environnementale communautaire, dont elles surveillent la mise en oeuvre avec vigilance. Pour tous ces motifs, un premier programme de soutien financier aux ONG a déjà été mis en oeuvre, depuis le 1er janvier 1998, la période de son application expirant au 31 décembre prochain.

La présente proposition a donc pour objet de poursuivre cette politique sur la période 2002-2006. Elle est assortie d'une enveloppe globale de 32 millions d'euros, soit une somme trois fois plus importante que précédemment, destinée à une « population cible » de cinquante ONG réparties dans les Etats membres, comme dans les pays candidats désormais. Ce texte s'appuie sur un rapport d'évaluation du programme en cours déposé récemment par la Commission et concluant au « soutien massif » que celle-ci et les ONG consultées lui accordent. Toutefois, certaines faiblesses ont également été soulignées et demandent à être corrigées, concernant :

la répartition des aides : elles sont majoritairement versées à des ONG situées en Europe occidentale et, de surcroît, mal réparties entre régions, entre petites et grandes ONG, entre ONG généralistes et spécialistes ; par ailleurs, les bénéficiaires sont les mêmes d'une année sur l'autre, à 80 %, et les critères de sélection seraient insuffisamment objectifs ;

- le processus de contrôle, mis en oeuvre à chaque étape du programme, serait d'une lourdeur excessive, occasionnant des retards de paiement ;

- la gestion financière du programme aurait entraîné des erreurs dans l'établissement ou l'imputation des factures ;

- l'absence d'un système d'audit bien défini, surtout si la gestion financière du programme doit être simplifiée ;

- enfin, la perspective de l'élargissement de l'Union et la nouvelle situation politique dans les Balkans doivent conduire à élargir le champ d'application du dispositif actuel.

*

Le nouveau texte prend en compte ces observations et propose les dispositions suivantes :

1. Bénéficiaires

Sont visées les ONG :

- indépendantes, sans but lucratif et ayant pour objet la défense de l'environnement ;

- qui réalisent leurs activités au niveau européen, dont elles couvrent au moins trois pays ;

- établies dans un Etat membre, un des pays candidats à l'adhésion ou un des pays des Balkans ;

- juridiquement constituées depuis plus de deux ans et dont les comptes ont été certifiés ;

- et dont les activités concernent quatre domaines (atténuation des changements climatiques ; nature et biodiversité ; environnement et santé ; utilisation durable des ressources naturelles et gestion durable des déchets), ainsi que la mise en oeuvre et l'application de la législation communautaire dans le domaine de l'environnement... soit, en réalité, le secteur de l'environnement au sens large.

2. Subventions

Les subventions accordées aux ONG des pays membres ne devront pas excéder 70 % de la moyenne des dépenses annuelles éligibles de l'organisation au cours des deux années écoulées, cette limite étant portée à 80 % pour les ONG des pays candidats et de la zone des Balkans. Ces subventions ne pourront en aucun cas dépasser 80 % des dépenses éligibles de l'organisation pour l'année en cours. Elles seront déterminées chaque année pour les organisations choisies par la Commission parmi les candidats à l'appel de propositions sur procédure de sélection.

3. Usage des fonds et contrôle

Les bénéficiaires sont libres d'utiliser les subventions comme elles le souhaitent, sauf - et c'est encore une chance - pour quelques dépenses non éligibles, comme les « activités criminelles ou illégales, les dépenses d'ordre privé ou les frais de représentation et dépenses inutiles ou inconsidérées ».

La Commission vérifie chaque année l'état certifié des comptes, réduit la dotation ou récupère le trop perçu le cas échéant. Elle effectue des contrôles sur place par sondage et l'Office européen de lutte antifraude (OLAF) diligente les enquêtes nécessaires. L'existence d'irrégularités entraîne l'application de sanctions.

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Que faut-il penser de cette proposition ?

Lorsque nous avions été saisis du premier programme, en mars 1996, notre délégation s'était montrée plus que réservée sur le principe de l'octroi de subventions directes par la Commission à des associations librement choisies par elle. Par ailleurs, elle avait observé que rien ne s'opposait à l'utilisation des subventions versées pour le « financement de la vie politique à l'échelon national ou local ». En conséquence, nous avions invité le Gouvernement à s'opposer à l'adoption de ce texte par la voie d'une proposition de résolution, ce qui n'a nullement empêché ladite adoption d'ailleurs.

C'est pourquoi je m'interroge sur la conduite à tenir, le texte proposé s'apparentant grandement au précédent et s'exposant aux mêmes critiques, assorti qui plus est d'une enveloppe financière considérablement augmentée. Estimez-vous utile que nous présentions à nouveau une proposition de résolution, sachant que la Commission, comme le Parlement européen, ainsi qu'un grand nombre d'Etats membres, le soutiennent avec ardeur ?

Si vous pensez que cette solution est excessive, une autre option concevable pourrait être de faire savoir au Gouvernement que, sans être hostiles à l'action des ONG, nous nous étonnons de l'importance du budget envisagé et de l'absence de réelles limites dans les conditions d'utilisation des fonds. Nous demanderions alors que l'enveloppe financière puisse être ramenée à de plus justes proportions et son usage mieux encadré.

Compte rendu sommaire du débat

M. Hubert Haenel :

Le problème que vous évoquez ici est bien réel. Lors de la mission d'études que j'effectuais l'année dernière à Sarajevo, j'avais plusieurs fois été alerté sur l'existence de multiples ONG actives sur le terrain, sans doute avec des objectifs très louables, mais fonctionnant avec des moyens financiers sur lesquels on n'effectuait pas ou peu de contrôles.

M. Robert Del Picchia :

Je suis pour ma part plus que réservé sur ce dispositif en matière d'environnement. On contrôle en effet très mal l'activité des ONG et il s'est même déjà produit que certaines d'entre elles, opérant dans des pays candidats, mettent en difficulté politique les Etats concernés - je pense notamment à l'exemple d'une centrale nucléaire en République tchèque, qui porte tort à la candidature de ce pays à l'Union européenne. J'avoue admettre assez mal que ces mêmes ONG puissent désormais fonctionner grâce à des crédits européens annuellement servis par les pays mêmes contre lesquels elles pourraient agir.

M. Serge Vinçon :

Ce risque est en effet réel ; je crois toutefois que, à la lumière de l'expérience tirée du premier programme financier, nous ne pouvons pas pour autant écarter l'ensemble du travail effectué par les ONG. Présenter une proposition de résolution hostile à ce dispositif marquerait peut-être une défiance excessive de notre part, sans pour autant emporter la conviction de nos partenaires européens.

M. Hubert Haenel :

Je crois également que cette attitude serait de mauvaise politique. En revanche, ainsi que l'indiquait notre rapporteur, et si vous en êtes d'accord, nous pourrions attirer l'attention du gouvernement sur la nécessité d'entourer le dispositif de toutes les précautions nécessaires pour garantir le bon usage des fonds européens ainsi distribués, en rappelant notre position de 1996.

Il en a été ainsi décidé. En conséquence, M. Hubert Haenel a adressé à M. Pierre Moscovici, ministre délégué chargé des Affaires européennes, la lettre suivante :

 

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

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DÉLÉGATION
POUR
L'UNION EUROPÉENNE

LE PRÉSIDENT

Paris, le 15 novembre 2001

Monsieur le Ministre,

Au cours de sa réunion du 13 novembre dernier, notre délégation a procédé à l'examen du texte E 1778 relatif au programme d'action communautaire pour la promotion des organisations non gouvernementales ayant pour but principal la défense de l'environnement.

Nous avions déjà, en son temps, examiné la précédente phase de ce programme lorsqu'elle nous avait été soumise, en mars 1996, et nous avions déploré, alors, que la Commission puisse verser des subventions à des associations librement choisies par elle, sans fixer de réelles limites dans l'utilisation de ces fonds.

La présente proposition prévoit, il est vrai, une procédure de sélection plus rigoureuse, répondant ainsi à notre première préoccupation. Toutefois, au cours de nos débats, nous avons été plusieurs à souhaiter que toute l'attention nécessaire soit portée à la régularité et au bon usage des dotations européennes dont bénéficieront les ONG sélectionnées.

Cette observation se justifie d'autant plus qu'il nous est apparu que le budget prévisionnel joint à ce programme - 32 millions d'euros - était en très forte progression et mériterait peut-être d'être reconsidéré, compte tenu du faible nombre d'ONG susceptibles d'en bénéficier.

.../

Monsieur Pierre MOSCOVICI
Ministre délégué chargé des Affaires européennes
37 Quai d'Orsay
75007 PARIS

Il va de soi que ces quelques réflexions ne remettent pas en cause l'appréciation que nous pouvons porter sur le travail qu'accomplissent sur le terrain les ONG en matière d'environnement. Nous sommes en effet très conscients de son utilité pour améliorer la participation des citoyens européens à la prise de décision.

En vous remerciant de bien vouloir nous informer de la suite qui sera réservée à ce dossier sensible, je vous prie de croire, Monsieur le Ministre, à l'assurance de mes sentiments les meilleurs.

Hubert HAENEL