Date d'adoption du texte par les instances européennes : 14/12/2000
Examen dans le cadre de l'article 88-4 de la Constitution
Texte déposé au Sénat le 28/06/2000Examen : 27/06/2000 (délégation pour l'Union européenne)
Budget communautaire
Communication de M. Denis Badré sur l'avant-projet de budget des Communautés européennes pour 2001 (E 1464) et la proposition de révision des perspectives financières (E 1466)
L'avant-projet de budget des Communautés européennes pour 2001 présente une double caractéristique : une forte augmentation des crédits de paiement, et une révision des perspectives financières.
Comme chaque année, nous assistons au jeu de rôle habituel entre les institutions européennes, chacune partant de positions très tranchées en vue de l'inévitable compromis final. Ce système est inflationniste par définition. Nous devrons sortir, tôt ou tard, d'une situation où les Parlements nationaux votent les recettes tandis que le Parlement européen vote les dépenses, ce qui pose un problème au regard du principe de responsabilité démocratique.
1 - L'augmentation rapide des crédits
Bien que l'avant-projet de budget ait été qualifié par M. Prodi de « budget de rigueur », avec un montant de 93,9 milliards d'euros, il est présenté en augmentation de 5 % en crédits de paiements par rapport à l'exercice précédent.
Pour ma part, je souhaiterais que le budget européen donne l'exemple, au lieu d'alourdir les contraintes budgétaires des Etats membres.
Or, l'an dernier déjà, afin d'éviter la remise en cause des perspectives financières arrêtées au Conseil européen de Berlin, le Conseil avait dû faire de coûteuses concessions au Parlement européen. Le budget 2000 est en augmentation de 4,5 %, contre 2,5 % seulement l'année précédente, et « l'instrument de flexibilité financière », sorte de chapitre-réservoir doté de 200 millions d'euros, a été mobilisé au profit du Kosovo.
Deux raisons principales expliquent la progression du budget communautaire pour 2001 :
1. D'une part, la volonté de la Commission de résorber les « restes à liquider », qui ont continué de s'accumuler au cours des dernières années. Ils représentaient 52,5 milliards d'euros en 1997, 58,9 milliards d'euros en 1998, et 70,9 milliards d'euros en 1999.
Les politiques structurelles ont aujourd'hui plus d'un an de retard dans la consommation des crédits engagés. Les perspectives financières de la période précédente ont été conçues comme des obligations de dépenses, alors que les Etats membres n'ont pas pu apporter leur part nationale de financement au même rythme. Il faudra bien un jour remettre les compteurs à zéro.
2. D'autre part, la forte hausse des dépenses agricoles, qui augmentent de 7,6 % dans l'avant-projet de budget 2001, pour atteindre un montant de 44,1 milliards d'euros. Elles expliquent à elles seules 70 % de l'augmentation totale des crédits. Leur accroissement résulte de la réforme de la politique agricole commune telle qu'elle a été décidée à Berlin.
En effet, il était prévu que les dépenses agricoles connaissent un « pic » vers 2002-2003, avant de commencer à décroître relativement. Pour l'instant, cette projection reste crédible, la principale incertitude étant relative à la parité de l'euro. Le rythme d'augmentation des dépenses consacrées au développement rural est plus lent que celui des dépenses d'interventions agricoles, car il s'agit d'actions structurelles qui nécessitent la mise en place d'instruments nouveaux.
Les deux événements qui pourraient modifier l'évolution des dépenses agricoles n'interviendront qu'à moyen terme. Il s'agit de la réouverture et de la conclusion éventuelles des négociations au sein de l'OMC, et de l'élargissement à l'Est, pour lequel la marge de sécurité prévue par les perspectives financières pourrait ne pas être suffisante en cas d'adhésion rapide des pays candidats.
Certes, la part du budget européen dans le PNB communautaire devrait quand même diminuer. Alors que les crédits représentent 1,11 % du PNB communautaire en 2000, ils n'en représenteraient plus que 1,07 % en 2001. C'est ce qui autorise la Commission a présenter son avant-projet de budget comme rigoureux.
Mais cette rigueur n'est qu'apparente, puisqu'elle résulte de la forte hausse du PNB des Etats membres pour 2000 et 2001. En réalité, les dépenses communautaires continuent de croître à un rythme sensiblement plus rapide que celui des dépenses publiques des Etats membres, qui restent contraintes par le pacte de stabilité et de croissance et devraient augmenter en moyenne de 3 % seulement.
Encore faut-il noter que l'avant-projet de budget 2001 ne comporte aucune création de poste, à l'exception des 76 emplois supplémentaires dont bénéficie l'OLAF, conformément aux décisions antérieures qui ont prévu de porter ses effectifs à 300.
En effet, dans l'attente de l'aboutissement de sa réflexion sur la réforme de la gestion de son personnel, la Commission a suspendu toute demande de création de poste, en se réservant de le faire par une lettre rectificative qu'elle présentera à l'automne.
On peut toutefois noter que le simple cumul de tous les besoins exprimés à ce jour par les différentes directions générales aboutirait à la création de 800 à 1000 postes supplémentaires. Les deux secteurs prioritaires seraient les directions Elargissement et Justice et Affaires intérieures.
2 - La révision des perspectives financières
A l'appui de l'avant-projet de budget 2001, la Commission a présenté une proposition de révision de perspectives financières (E1466), qui a un double motif.
Le premier motif est technique, et tire les conséquences des dernières admission de candidatures à l'adhésion. Il s'agit du reclassement des aides à Chypre et à Malte de la rubrique 4 « actions extérieures » à la rubrique 7 « préadhésion ».
Le second motif est politique. Il s'agit de transférer un montant annuel de 300 millions d'euros de la rubrique 1 « dépenses agricoles » à la rubrique 4 « actions extérieures », pour financer la reconstruction des Balkans.
La Commission a présenté récemment un projet de refonte de tous les programmes communautaires d'intervention dans cette zone en un programme unique CARDS, qui serait doté de 5,5 milliards d'euros sur la période 2000-2006. La dotation serait de 800 millions d'euros pour 2001, voire d'un milliard d'euros dans l'hypothèse d'une pleine participation de la Serbie.
Deux objections d'ordre pratique peuvent être faites à la proposition de la Commission :
- d'une part, elle n'a produit aucune évaluation concrète des besoins des pays balkaniques pour leur reconstruction alors que, au-delà des premières urgences de l'après-guerre, leur « capacité d'absorption » des crédits communautaires est limitée ;
- d'autre part, elle n'a pas pris en compte les dons bilatéraux provenant des Etats membres et les prêts multilatéraux dont ces pays pourront bénéficier par ailleurs.
Mais la proposition de la Commission pose surtout un problème d'ordre politique. En effet, son évaluation des besoins de la zone balkanique table sur une pleine participation de la Serbie. L'instrument de flexibilité budgétaire de 200 millions d'euros, qui avait été mobilisé l'an dernier pour le Kosovo, pourrait l'être dès 2001 en sa faveur.
Or, il semble pour le moins paradoxal d'anticiper le coût financier d'une réintégration de la Serbie dans le programme européen de reconstruction des Balkans, alors que la Commission elle-même demande le durcissement des sanctions à son égard et que le Conseil s'est prononcé pour la suspension de l'aide communautaire à ce pays jusqu'à ce qu'il ait changé de régime politique.
La Commission l'admet d'ailleurs, puisqu'elle prend la précaution de préciser que les augmentations annuelles du plafond de la rubrique 4 « actions extérieures » en faveur de la Serbie « se trouveront gelées et ne pourront être utilisées à d'autres fins, tant que les conditions politiques mises à l'octroi de ces aides ne seront pas remplies dans ce pays ».
Il me semble inopportun d'anticiper sur des décisions qui pourront être prises en temps utile. La révision des perspectives financières est un acte lourd. Le moment venu, nous aurons à examiner le montant des crédits effectivement nécessaires, et nous verrons alors si les limites des perspectives financières suffisent ou non.
C'est pourquoi la proposition de révision des perspectives financières n'apparaît guère fondée. En fait, elle correspond surtout à une position de principe de la Commission, qui veut confirmer rapidement en affichage le montant de 5,5 milliards d'euros en faveur des Balkans annoncé au mois de décembre dernier par le Président Romano Prodi.
Accessoirement, cette proposition de révision des perspectives financières, à montant global inchangé et « pour une bonne cause », permet fort habilement à la Commission de contester le caractère intangible des perpectives financières. En l'acceptant, le Conseil ouvrirait probablement la voie à des demandes de révisions récurrentes, sur les sujets les plus divers.
Lors du dernier Conseil Ecofin, tous les Etats membres se sont déclarés hostiles à la révision des perspectives financières. L'Allemagne, le Royaume-Uni, les Pays-Bas, la Suède et l'Autriche, en particulier, attendent de la présidence française qu'elle défende très fermement l'intégrité des perspectives financières. L'objectif est que le budget 2001 soit voté avec un taux d'augmentation des crédits inférieur à celui de 2000, et plus compatible avec les contraintes du pacte de solidarité et de croissance.
Si la France est suivie dans cette première demande, la révision des perspectives financières devient inutile.
Le Parlement européen est également hostile à la proposition de révision des perspectives financières présentée par la Commission, mais pour de toutes autres raisons. Il s'oppose au redéploiement des crédits proposé de la rubrique 1 vers la rubrique 2, car il considère que les économies de constatation sur les dépenses d'interventions agricoles ne sont pas consistantes et devraient, en toute hypothèse, être affectées au développement rural. Cette position me paraît assez irresponsable.
Le débat porte aussi sur l'ordre d'examen des textes budgétaires. Selon la Commission et le Parlement européen, la révision des perspectives financières doit intervenir avant l'adoption du projet de budget pour 2001. Le Conseil estime au contraire qu'il faut d'abord se prononcer sur le budget 2001 avant d'engager, éventuellement, une révision des perpectives financières.
Il est clair que le fond conditionne la forme. Selon que l'on est favorable ou hostile à la révision des perspectives financières, on est favorable ou hostile à son examen préalable au vote du budget.
A ce stade du débat, il me paraît suffisant que notre délégation prenne date en adoptant de simples conclusions, qui soutiennent la position très ferme du Gouvernement français.
Compte rendu sommaire du
débat
consécutif à la communication
M. Jean Bizet :
En ce qui concerne les dépenses agricoles, le Commissaire européen chargé de la politique agricole commune avait déjà dénoncé par avance la ponction envisagée de 300 millions d'euros sur ses lignes budgétaires.
M. Robert Del Picchia :
Cela devient une habitude. Année après année, on prévoit dès l'élaboration du budget que l'on ne dépensera pas tous les crédits prévus pour les dépenses agricoles.
Je voudrais apporter une précision intéressante au débat sur le montant des besoins pour les Balkans. Dans son programme d'intervention en Serbie, l'ONU a fait appel à l'Union européenne pour deux projets modestes de construction d'une petite centrale électrique et de relèvement d'un pont détruit. La réponse des instances communautaires a été nette : tant qu'il n'y aura pas d'évolution démocratique en Serbie, elles n'interviendront pas. Seuls les Suisses ont accepté de contribuer au financement de ces projets. Je suis donc tout à fait étonné que la Commission demande des crédits supplémentaires en faveur de la Serbie.
M. Lucien Lanier :
Je me demande si les dépenses agricoles, dont la France est le principal bénéficiaire, continueront encore longtemps de représenter près de la moitié des dépenses du budget européen.
M. Denis Badré :
Schématiquement, le bilan net des retours du budget communautaire au bénéfice la France est le suivant : sur une contribution totale d'environ 90 milliards de francs, les dépenses agricoles représentent 40 milliards de francs pour un retour de 60 milliards de francs, tandis que les dépenses structurelles représentent 30 milliards de francs de contribution et 10 milliards de francs de retours. Globalement, le solde est proche de zéro. Les politiques structurelles de l'Union européenne ne sont donc pas financièrement intéressantes pour la France. En disant cela, je ne juge pas l'opportunité de ces politiques, mais me livre à un constat purement comptable.
A l'issue de cette communication, la délégation a décidé d'adopter les conclusions suivantes :
Conclusions
La délégation du Sénat pour l'Union européenne,
Vu l'article 88-4 de la Constitution,
Vu l'avant-projet de budget des Communautés européennes pour 2001 E 1464 et la proposition de révision des perspectives financières E 1466,
Considérant que l'avant-projet de budget général des Communautés européennes pour l'exercice 2001 s'inscrit dans les perspectives financières fixées pour la période 2000-2006 au Conseil européen extraordinaire de Berlin des 24 et 25 mars 1999 ;
Considérant que la proposition de révision des perpectives financières présentée par la Commission est motivée principalement par l'augmentation de la dotation du programme d'assistance à la reconstruction, au développement et à la stabilisation des Balkans occidentaux (programme « CARDS ») ;
Considérant que l'évaluation des besoins des pays balkaniques concernés repose sur l'hypothèse d'une pleine participation de la Serbie au programme « CARDS », qui n'a pas été politiquement décidée à ce jour ;
Demande au Gouvernement :
- de s'opposer à l'adoption d'un projet de budget des Communautés européennes pour 2001 en accroissement de 5 % en crédits de paiement par rapport à 2000, soit une progression nettement plus rapide que les budgets nationaux des Etats membres ;
- de s'opposer, sur la forme, à ce que la proposition de révision des perspectives financières soit examinée avant le projet de budget des Communautés européennes et, sur le fond, au relèvement du plafond des dépenses d'actions extérieures proposé par la Commission au profit de la Serbie.