Date d'adoption du texte par les instances européennes : 25/02/2000

Examen dans le cadre de l'article 88-4 de la Constitution

Texte déposé au Sénat le 22/02/2000
Examen : 23/02/2000 (délégation pour l'Union européenne)


Politique de coopération

Communication de M. Hubert Haenel
sur la prorogation du régime d'association
liant la Communauté européenne aux PTOM (E 1411)

La délégation a été saisie en urgence de l'examen de la proposition de décision du Conseil prorogeant pour une année le régime d'association qui lie la Communauté européenne aux Pays et Territoires d'Outre-Mer (PTOM).

Ce régime spécial permet aux PTOM de bénéficier de ressources financières du Fonds européen de développement et de prêts de la Banque européenne d'investissement et d'avoir accès à un régime commercial favorable.

Les relations avec ces vingt PTOM (voir liste en annexe) sont régies par des décisions d'association prises par le Conseil. La dernière date du 25 juillet 1991, a été révisée à la fin de 1997 et arrive à échéance le 29 février prochain.

En prévision de son renouvellement, la Commission a lancé des négociations sur une nouvelle proposition de décision lors de la rencontre partenariale CE/PTOM qui a eu lieu en avril 1999. Elles se sont prolongées par des discussions entre les directions générales concernées (développement, commerce, agriculture) qui sont pour l'instant bloquées en raison de divergences de fond sur le volet commercial du régime d'association (notamment, sur le problème de la compatibilité du régime d'association avec les règles de l'Organisation mondiale du commerce) et sur la question du commerce du sucre.

En effet, en vertu des articles 132 § 1 et 133 § 1 du traité de Rome qui prévoient que les « Etats membres appliquent à leurs échanges commerciaux avec les PTOM le régime qu'ils s'accordent entre eux », les Pays-Bas ont, à la demande des Antilles néerlandaises, obtenu que la décision d'association prévoit le libre accès à la Communauté des produits originaires des PTOM. Mais ces derniers ont néanmoins le droit de maintenir ou d'établir les droits de douane ou les restrictions quantitatives nécessaires à l'accès de produits sur leurs territoires.

Ainsi, les PTOM, qui n'appartiennent pas à la Communauté et ne font pas partie du territoire douanier communautaire, conservent la liberté de déterminer eux-mêmes leurs droits à l'importation et bénéficient d'un libre accès de leurs produits au marché communautaire.

Cette disposition a donné lieu à des abus, qui concernent l'importation, dans la Communauté, de sucre provenant des PTOM néerlandais.

1 - Le sucre ACP/PTOM

Certains Etats ACP ont fait transiter leur sucre par les Antilles néerlandaises afin qu'il acquière l'origine PTOM et qu'il puisse entrer, à ce titre, en exemption de droits de douane sur le territoire communautaire.

Pour lutter contre ce détournement de trafic, le Conseil a décidé, lors de la révision de la décision d'association en 1997, de mettre en place un contingent de 3 000 tonnes pour le sucre bénéficiant du cumul d'origine ACP/PTOM.

Cette décision a fait l'objet d'un recours devant la Cour de justice des Communautés européennes qui a, le 8 février dernier (arrêt Emesa Sugar), confirmé la légalité de l'instauration de ce contingent quantitatif.

2 - Le sucre CE/PTOM

Un second trafic a alors pris le relais : il concerne le sucre bénéficiant du cumul d'origine CE/PTOM.

Ce sucre, qui est produit dans la Communauté, est exporté vers Aruba (PTOM néerlandais) en touchant les restitutions à l'exportation : il a donc pour vocation d'être mis sur le marché mondial. A Aruba, il subit une transformation mineure qui lui permet d'acquérir l'origine PTOM. Il est alors réintroduit sur le marché communautaire en exemption de droits de douane.

Aucun contingent n'est actuellement prévu pour le sucre bénéficiant du cumul d'origine CE/PTOM. Aussi, a-t-on assisté à une explosion des importations de sucre en provenance d'Aruba (plus de 50 000 tonnes en 1999, 100 000 tonnes attendues en 2000 selon la direction générale Agriculture de la Commission européenne). Celles-ci n'ont pas été freinées par une mesure de sauvegarde prise par la Commission en novembre 1999 sur la base de l'article 109 de la décision d'association et fixant un prix minimal à l'importation du sucre.

L'article 109 prévoit en effet que « si l'application de la présente décision [d'association] entraîne des perturbations graves dans un secteur d'activité économique de la Communauté ou d'un ou de plusieurs Etats membres ou compromet leur stabilité financière extérieure, ou si des difficultés surgissent, qui risquent d'entraîner la détérioration d'un secteur d'activité de la Communauté ou d'une région de celle-ci, la Commission peut [...] prendre ou autoriser l'Etat membre intéressé à prendre les mesures de sauvegarde nécessaires ».

La Commission n'a pour l'instant pris aucune autre disposition permettant d'assurer l'équilibre du marché du sucre.

Faute d'accord sur les termes d'une nouvelle décision d'association, les PTOM seraient, à compter du 1er mars 2000, pénalisés par le vide juridique qui régirait la mise en oeuvre de leur régime d'association à la Communauté, ce qui les empêcherait notamment de continuer à bénéficier d'un régime commercial très favorable. C'est pour éviter ce vide juridique néfaste à l'ensemble des PTOM que le collège des commissaires a approuvé le 16 février dernier une proposition de prorogation de la décision de 1991.

Toutefois, ce texte ne mentionne pas la nécessité de trouver des solutions de fond satisfaisantes pour régler le problème du trafic du sucre, telle l'instauration à très court terme de nouvelles mesures de sauvegarde.

La Commission s'est cependant verbalement engagée devant les Etats membres à prendre une nouvelle mesure de sauvegarde sur la base de l'article 109, qui pourrait consister en l'instauration d'un contingent quantitatif pour le sucre bénéficiant du cumul CE/PTOM.

*

En conclusion, la délégation a déploré le retard mis par la Commission pour lancer la procédure de prorogation qui l'a obligée à se prononcer en extrême urgence, et a estimé que la France ne devrait accepter la prorogation de la décision d'association que si la Commission prend publiquement l'engagement de proposer une mesure de sauvegarde pour le sucre dans des délais très brefs.

Par ailleurs, elle a souhaité que le Gouvernement intervienne auprès des instances européennes pour accélérer l'adoption de la nouvelle décision d'association. Celle-ci doit contribuer à améliorer le régime qui lie la Communauté aux PTOM et trouver des solutions, cette fois durables, au problème du cumul d'origine dans le secteur du sucre.

ANNEXE :

LISTE DES PAYS ET TERRITOIRES D'OUTRE-MER

1. Pays ayant des relations particulières avec le Royaume du Danemark :

- Groenland

2. Territoires d'Outre-mer de la République française :

- la Nouvelle-Calédonie et ses dépendances

- la Polynésie française

- les Terres australes et antarctiques françaises

- les îles Wallis-et-Futuna

3. Collectivités territoriales de la République française :

- Mayotte

- Saint-Pierre-et-Miquelon

4. Pays non européens relevant du Royaume des Pays-Bas :

- Aruba

- Antilles néerlandaises : Bonaire, Curaçao, Saba, Saint-Eustache, Saint-Martin

5. Pays et territoires d'Outre-mer relevant du Royaume-Uni de Grande-Bretagne et d'Irlande du Nord :

- Anguilla

- les îles Cayman

- les îles Falkland

- les îles Sandwich du Sud et leurs dépendances

- Montserrat

- Pitcairn

- Saint-Hélène et ses dépendances

- le territoire de l'Antarctique Britannique

- les territoires britanniques de l'océan Indien

- les îles Turks et Caicos

- les îles Vierges britanniques