Date d'adoption du texte par les instances européennes : 17/12/1998
Examen dans le cadre de l'article 88-4 de la Constitution
Texte déposé au Sénat le 28/05/1998Examen : 24/06/1998 (délégation pour l'Union européenne)
Avant-projet de budget pour 1999
Propositions E 1062, E 1063, E 1077 à E 1081, E 1083, E 1085 à E 1088, E 1090 à E 1092, E 1108, E 1113
(Réunion du 24 juin 1998)
Communication de M. Denis Badré sur les propositions d'actes communautaires relatives à l'avant-projet de budget pour 1999 (1(*))
Le budget général des Communautés européennes s'élèverait, selon l'avant-projet pour 1999, à 96,9 milliards d'euros en crédits pour engagements et à 86,3 milliards d'euros en crédits pour paiements. Ce sont des sommes considérables, que la France contribue à alimenter à hauteur de 17,5 % (soit 91,5 milliards de francs en 1998).
Ces chiffres, et plus généralement l'importance du budget en tant qu'instrument de financement des politiques des Communautés, suffiraient à justifier un échange de vues sur l'avant-projet de budget (APB) au sein de notre délégation.
Mais l'importance de l'APB pour le prochain exercice est accrue par le fait que 1999 sera une année charnière pour les finances communautaires, marquée par l'entrée dans la troisième phase de l'Union économique et monétaire (UEM), par l'achèvement de la mise en oeuvre des perspectives financières définies à Edimbourg (Paquet Delors II) et par la transition vers la poursuite des objectifs du programme « Agenda 2000 ».
Dans ces conditions, il m'a paru essentiel de vous présenter les principales caractéristiques de l'APB ainsi que certaines observations sur les enseignements que nous pourrions en tirer dans l'optique de l'adoption de nouvelles perspectives financières et d'un nouvel accord interinstitutionnel sur la procédure budgétaire.
1. Les caractéristiques de l'avant-projet de budget
L'avant-projet de budget général des Communautés européennes pour l'exercice 1999 s'efforce, selon son exposé des motifs, de « concilier l'objectif de rigueur budgétaire avec le statut privilégié des actions structurelles résultant des engagements d'Edimbourg ».
La première caractéristique de l'avant-projet de budget pour 1999 est donc d'être placé officiellement sous le signe de la rigueur, comme l'avait été le budget pour 1998.
La Commission européenne souligne ainsi que le montant total des dépenses proposées se situe nettement en deçà du plafond autorisé par les perspectives financières :
- 96,9 milliards d'euros en crédits pour engagements (alors que les perspectives financières autorisent 103,4 milliards), ce qui représente tout de même une augmentation de 6,47 % par rapport au budget 1998 ;
- 86,3 milliards d'euros en crédits pour paiements (alors que les perspectives financières autorisent près de 96,7 milliards), ce qui représente une augmentation de 3,38 % par rapport au budget 1998.
De même, la Commission fait observer que le montant des ressources propres nécessaires pour le financement du budget 1999, qui représenterait 1,11 % du PNB des Etats membres, serait sensiblement inférieur au plafond des ressources propres, fixé par les perspectives financières à 1,27 %.
Toutefois, ce souci affiché d'une maîtrise globale des dépenses communautaires se traduit différemment au niveau de chaque catégorie de dépenses. Il convient notamment de souligner :
Le maintien des crédits agricoles (rubrique 1) à leur niveau de 1998 (40,4 milliards d'euros en crédits pour engagements), que la Commission explique notamment par l'amélioration significative de la situation de certains marchés et par une situation monétaire favorable.
L'effort sensible en faveur des actions structurelles, puisque les dépenses de la rubrique 2 totaliseraient, en 1999, 39 milliards d'euros en crédits pour engagements et 30,9 milliards en crédits pour paiements, soit des augmentations de respectivement 16,6 % et 8,9 % par rapport au budget arrêté pour l'exercice 1998. La Commission fait cependant observer que ces augmentations intègrent 1,5 milliard d'euros de crédits non dépensés en 1997, que l'APB prévoit de « rebudgétiser » au titre de l'exercice 1999. Elle souligne en effet que « pour les fonds structurels, 1999 est la dernière année des perspectives financières décidées en 1992. Ceci implique que le cumul des crédits d'engagements sur la totalité de la période 1994-1999 corresponde exactement à l'enveloppe globale décidée à Edimbourg et dans les traités d'adhésion pour les trois nouveaux Etats membres ». En d'autres termes, la Commission souhaite « solder » Edimbourg, ce qui conduit à accroître de 17,78 % les crédits pour engagements des fonds structurels.
Une croissance raisonnable des crédits consacrés aux politiques internes (5,9 milliards d'euros en crédits pour engagements, soit + 3 %, et 5,1 milliards en crédits pour paiements, soit + 3,95 %) qui permettrait de mettre l'accent sur trois priorités : l'emploi, la recherche et le développement technologique et les réseaux transeuropéens (notamment dans les transports, l'énergie et les télécommunications).
Les autres rubriques du budget ne connaîtraient pas d'évolution notable. Les crédits pour engagements augmenteraient de 2,67 % pour les « actions extérieures » (5,9 milliards d'euros), de 1,88 % pour les dépenses administratives (4,4 milliards) et de 1,36 % pour les réserves (1,2 milliard).
2. Les observations qu'appelle l'avant-projet de budget
Ma première observation porte sur le large consensus qui paraît s'être dégagé en faveur de l'adoption d'un budget de rigueur.
La Commission, comme je vous l'ai dit, a elle-même officiellement placé son avant-projet sous le signe de la rigueur.
L'échange de vues auquel a procédé le Conseil ECOFIN du 19 mai dernier a montré que ce souci était largement partagé par le Conseil, plusieurs délégations (dont la France, l'Allemagne et le Royaume-Uni) appelant même à renforcer l'effort de rigueur budgétaire.
Enfin, et ceci est fort intéressant, le Parlement européen souhaite également que le budget de 1999 soit non seulement le « budget des citoyens », mais aussi le « budget des contribuables ». Sa résolution adoptée le 2 avril dernier insiste sur le fait qu'il devrait connaître un accroissement, je cite, « grosso modo conforme à l'accroissement moyen des Etats membres par rapport aux budgets 1998 ».
Ce consensus s'explique aisément dans le contexte actuel : il paraît en effet difficile d'augmenter sensiblement le budget des Communautés, alors même que l'entrée dans la troisième phase de l'UEM conduit à demander aux Etats un effort de rigueur accru ; en outre, il n'est pas exclu que le budget 1999 serve de référence à l'élaboration des prochaines perspectives financières.
Pourtant, et ceci sera ma deuxième observation, l'avant-projet de budget, tel qu'il nous est présenté, ne correspond pas vraiment à ce souci de rigueur largement partagé. Il propose en effet une augmentation bien supérieure à celle des années précédentes : + 3,38 % pour les crédits pour paiements contre + 0,5 % en 1997 et + 1,4 % en 1998. J'ajoute que le budget communautaire augmenterait plus fortement que le budget français dont la progression en 1999, selon l'objectif que s'est fixé le Gouvernement, ne sera supérieure que d'un point au taux d'inflation.
Ce constat s'explique dans une large mesure par le caractère privilégié des dépenses des fonds structurels et du fonds de cohésion. En effet, vous n'êtes pas sans savoir que les crédits affectés à ces fonds par les perspectives financières constituent des objectifs de dépenses et non des plafonds, à la différence des autres crédits. L'autorité budgétaire doit donc les inscrire d'office dans chaque budget. Elle doit également « rebudgétiser » les crédits qui n'ont pas donné lieu à exécution lors des exercices antérieurs. C'est ce qui explique la forte progression des crédits consacrés à la rubrique 2 car le taux d'exécution des crédits pour engagements est chaque année inférieur à 100 % : 94,8 %, en moyenne, pour la période 1994-1997.
Ainsi, le caractère privilégié des dépenses structurelles grève lourdement le budget 1999. Il impose de faire peser l'effort de rigueur sur les autres rubriques, ce qui conduit à des choix difficiles et à des solutions parfois contestables. A titre d'exemple, je citerai la réduction de près de 15 % des crédits consacrés à la lutte contre la fraude, qui relève de la rubrique 3, malgré la volonté de chacun de la renforcer.
C'est la raison pour laquelle, et ce sera ma troisième observation, nous devrons tirer les leçons de l'élaboration du budget 1999 dans l'optique de l'adoption de nouvelles perspectives financières et d'un nouvel accord interinstitutionnel. Sans vouloir anticiper sur les débats que nous ne manquerons pas d'avoir sur ces sujets, force est de constater que nous devrons alors nous interroger sur le maintien ou non du caractère privilégié des dépenses structurelles. La Commission a proposé une solution intermédiaire, consistant à conserver l'obligation pour l'autorité budgétaire d'inscrire au budget les dépenses prévues par les perspectives financières mais à supprimer l'obligation de rebudgétiser les crédits non consommés. Elle propose cependant une flexibilité d'une année sur l'autre, concernant l'ensemble des rubriques, qui permettrait de dépasser le plafond des perspectives financières d'un maximum de 500 millions d'euros en cas de sous-exécution de l'exercice précédent. Elle propose également, dans certaines limites, de permettre des transferts d'une rubrique à une autre.
En conclusion, je dirai que, entre une obligation juridique, à savoir le respect de l'accord interinstitutionnel de 1993, et une obligation économique, liée à l'entrée dans la troisième phase de l'UEM, la marge de manoeuvre de l'autorité budgétaire sur l'avant-projet pour 1999 est doublement limitée. C'est pour cette raison que je n'ai pas cru utile de vous présenter une proposition de résolution.
En revanche, il nous appartiendra de faire entendre notre voix dans les mois à venir afin que les choix qui seront effectués pour les prochaines années correspondent au mieux à nos préoccupations.
* (1) Il s'agit des propositions E 1062, E 1063, E 1077 à E 1081, E 1083, E 1085 à E 1088, E 1090 à E 1092, E 1108 et E 1113.