COM(98) 131 final  du 18/03/1998
Date d'adoption du texte par les instances européennes : 21/06/1999

Examen dans le cadre de l'article 88-4 de la Constitution

Texte déposé au Sénat le 05/05/1998
Examen : 16/06/1998 (délégation pour l'Union européenne)


Politique régionale

Fonds structurels (réforme)


Proposition E 1061 - COM (98) 131 final

(Réunion du 16 juin 1998)

Communication et proposition de résolution de M. Yann Gaillard sur la proposition d'acte communautaire E 1061 relative à la réforme des fonds structurels

En décembre dernier, nous avions étudié ensemble les propositions de réforme de l'action structurelle de l'Union présentées par la Commission dans le cadre de son projet « Agenda 2000 » pour la prochaine période de programmation 2000-2006. On espérait alors du Conseil européen de Luxembourg, qui devait avoir lieu quelques jours plus tard, qu'il puisse fixer certaines orientations de la future politique régionale européenne, ce qui n'a pas été le cas. Les discussions ont peu progressé durant la Présidence britannique : aucune décision n'est d'ailleurs attendue sur ce thème pendant le Conseil européen de Cardiff réuni hier et aujourd'hui, hormis, peut-être, la fixation d'une date butoir, fin mars 1999, pour l'adoption de la présente réforme.

En effet, celle-ci doit être impérativement bouclée au 31 décembre 1999, pour entrer en application au 1er janvier 2000, ce qui signifie, en pratique, qu'elle doit être achevée au plus tard avant la fin du premier trimestre 1999 afin de laisser le temps suffisant aux négociations entre la Commission et les Etats membres sur les programmes envisagés.

Les discussions vont donc s'ouvrir réellement sous Présidence autrichienne en sachant qu'aucune décision effective n'est concevable avant l'achèvement des opérations électorales de septembre en Allemagne. Il faut espérer un aboutissement au Conseil européen de Vienne : si le processus devait déraper jusqu'aux élections européennes, le retard accumulé serait irrattrapable pour une mise en oeuvre en temps utile.

Notre intervention d'aujourd'hui se place donc très en amont d'un processus qui sera long et complexe.

La proposition d'acte communautaire E 1061, que je vous présente aujourd'hui, constitue la traduction dans les textes organisant les fonds structurels, des propositions Agenda 2000. Elle se compose d'une proposition de règlement du Conseil portant dispositions générales sur les fonds structurels, complétée par trois règlements spécifiques pour chacun de ces fonds : Fonds européen de développement régional (FEDER), Fonds social européen (FSE) et Instrument financier d'orientation de la pêche (IFOP).

1) Les modifications déjà présentes dans l'Agenda 2000

a) La concentration des objectifs

Il est proposé de remplacer les sept objectifs actuellement assignés à la politique régionale par les trois objectifs suivants :

Objectif 1 : promouvoir le développement et l'ajustement structurel des régions en retard de développement. Il s'agit de la reconduction exacte de l'actuel objectif 1, avec le même critère de sélection des régions qui pourront en bénéficier : celles disposant d'un PIB par habitant inférieur à 75 % de la moyenne communautaire. Ce critère sera désormais apprécié très strictement, ce qui, ajouté au rattrapage économique déjà effectué dans certaines régions qui en bénéficiaient jusqu'alors, conduira à restreindre massivement la superficie des territoires concernés et à ne plus couvrir que 20 % de la population totale de l'Union.

La France, de ce fait, perdra le bénéfice de l'objectif 1 en Corse et dans la région du Valenciennois. Elle le conservera pour ses départements d'Outre-mer (DOM) au titre de l'ultrapériphéricité pour laquelle un nouvel article et un protocole ont été joints au traité.

En revanche, on comprend moins la procédure d'exception introduite par la Commission en faveur des régions actuellement éligibles à l'objectif 6 (régions nordiques semi-désertiques), pour qu'elles soient assimilées à l'objectif 1. De deux choses l'une : soit ces zones sont effectivement en retard de développement, et elles sont ipso facto, dans le champ de l'objectif 1 ; soit elles ne répondent pas au critère du PIB (75 % de la moyenne communautaire) et l'assimilation ne s'explique pas. Certes, les sommes en cause seront ici marginales, mais le principe même d'introduire des exceptions dans un dispositif volontairement strict ne paraît pas justifiable, car il pourrait ouvrir la porte à des demandes conventionnelles de certains Etats membres.

Objectif 2 : soutenir la reconversion économique et sociale des zones en difficulté structurelle. L'objectif 2 est une sorte de « fourre-tout », qui semble difficilement conciliable avec la volonté, affichée par la Commission, de simplification. On y trouve pêle-mêle les zones affectées par des reconversions industrielles ou dans les services, les zones urbaines en difficulté, les zones rurales et les zones touchées par des restructurations dans le domaine de la pêche.

La Commission précise que l'objectif 2 ne pourra couvrir que 18 % de la population européenne et indique même une répartition optimale de population suivant les actions :

- 10 % pour les restructurations industrielles et dans le secteur des services,

- 5 % pour les zones rurales,

- 2 % pour les quartiers urbains,

- 1 % pour les zones concernées par les difficultés de la pêche.

Le zonage sera délimité par la Commission sur la base d'un plafond de population éligible par Etat membre. L'appréciation des zones industrielles s'établira à partir du taux de chômage, selon des critères confus (taux supérieur à la moyenne et déclin de l'emploi industriel), l'appréciation des zones rurales n'étant pas plus claire (faible densité ou déclin de population, fort pourcentage d'emploi agricole et taux de chômage supérieur à la moyenne communautaire). Les critères de détermination des zones urbaines en difficulté et des zones dépendantes de la pêche sont, pour leur part, approximatifs et d'appréciation plus intuitive que scientifique. Les régions contiguës à ces différentes zones peuvent également faire l'objet d'une intervention communautaire.

On peut craindre que le rapprochement entre la largeur du filtre de sélection et la sévérité des plafonds de population éligible ne donne lieu à de grandes difficultés lors de la négociation ultérieure des zonages.

En outre, deux éléments me paraissent ambigus concernant l'objectif 2 :

- d'abord, la Commission indique que les propositions de zonage des Etats membres doivent concerner les zones sur lesquelles ils mettent en oeuvre des aides nationales autorisées par dérogation à l'article 92 paragraphe 3 c) du traité. On peut comprendre le but recherché : concentrer l'ensemble des actions, nationales et européennes, sur les zones les plus sensibles. Mais, on voit mal le bien-fondé de la référence à cet article qui traite de la politique de concurrence. De surcroît, en vertu de la règle de l'additionnalité, un effort national doit être produit à l'appui de l'aide structurelle, donc la collaboration entre les deux parties est automatiquement assurée ;

- ensuite, afin de souligner que tous les Etats membres doivent contribuer à l'effort global de concentration géographique, la Commission prévoit que la perte maximale de population couverte, entre les actuels objectifs 2 et 5b et le nouvel objectif 2, sera d'un tiers. Il me semble au contraire qu'il aurait été plus logique de prévoir l'effort minimal que chaque Etat devrait fournir.

Enfin, on déduisait des premières orientations de la Commission que la France pourrait émarger largement à l'objectif 2 en raison de son taux élevé de chômage, mais la lecture des critères de sélection et les plafonds fixés par la Commission ne permettent pas, en l'état, d'effectuer une réelle estimation.

Objectif 3 : soutenir l'adaptation et la modernisation des politiques et systèmes d'éducation, de formation et d'emploi. Cet objectif est zoné « par défaut » puisqu'il peut être mis en oeuvre sur l'ensemble du territoire de l'Union qui n'est pas inclus dans un périmètre objectif 1 ou 2. Son champ d'action est relativement large afin de faciliter une articulation efficace entre les interventions et les plans d'action nationaux pour l'emploi résultant des nouvelles dispositions du traité.

A côté des objectifs proprement dits, l'existence des programmes d'initiatives communautaires (PIC) est confirmée, mais leur nombre diminuera également, passant de treize à trois, et ils seront concentrés sur les domaines relevant clairement de l'intérêt communautaire :

- la coopération transfrontalière, transnationale et interrégionale,

- le développement rural,

- les ressources humaines dans un contexte d'égalité des chances.

Globalement, cette concentration géographique et thématique fera passer le pourcentage de population éligible de 51 % aujourd'hui à 35-40 % en 2006.

b) Le maintien de la pluralité des fonds structurels

Comme je vous l'avais déjà indiqué, la véritable réforme de simplification, qui aurait consisté à fusionner les différents fonds structurels, n'a pas été réalisée alors que l'article 130 du traité prévoit cette faculté de regroupement. Vont donc continuer d'intervenir, ensemble ou séparément suivant les objectifs, le FEDER, le FSE, l'IFOP et le Fonds européen d'orientation et de garantie agricole (FEOGA) dans ses deux sections « orientation » et « garantie » sachant que la Commission propose, dans un règlement « développement rural », que les anciens objectifs 5a et une partie du 5b relèvent désormais de la ligne directrice agricole dans le cadre de la réforme de la politique agricole commune (PAC).

c) Les masses financières en jeu

La Commission a maintenu le cadrage financier tel que prévu dans l'Agenda 2000 en retenant l'option de dépenses maximales, c'est-à-dire :

- consacrer à l'objectif de cohésion économique et sociale 0,46 % du PNB de l'Union (approche : objectif de dépenses et non plafond d'engagements),

- maintenir la solidarité financière au niveau atteint en 1999 (et non au niveau moyen de la précédente période de programmation), soit 286,4 milliards d'euros (prix 99) sur la période 2000-2006 (équivalant à 275 milliards d'écus à prix 97), dont 218,4 milliards (prix 99 - 210 milliards d'écus à prix 97) pour les quinze Etats membres actuels.

La répartition par objectif prévoit que l'objectif 1 bénéficiera de la concentration des ressources budgétaires, soit des deux tiers environ du total des crédits, le solde étant réparti entre les objectifs 2 et 3 ; en valeur, il disposera donc de 145,6 milliards d'euros (prix 99) pour une population concernée qui sera réduite de 20 millions d'habitants environ en application des nouveaux critères.

En outre, bien qu'il soit à peine mentionné dans le document E 1061, il faut rappeler ici l'existence du fonds de cohésion qui bénéficie jusqu'à présent à quatre Etats membres en retard de développement, pour l'ensemble de leur territoire (Portugal, Espagne, Irlande et Grèce). La question de savoir si ce fonds continuera à fonctionner n'est pas encore officiellement tranchée, mais la Commission a toujours assuré qu'elle le souhaitait, même pour ceux des destinataires accédant à la troisième phase de l'Union économique et monétaire (UEM) (pour information, le Parlement européen s'est récemment prononcé contre cette disposition). Dans cette hypothèse, le cumul des dotations Fonds de cohésion -estimé à 20 milliards d'écus, prix 97- et objectif 1 risque d'être tel qu'il posera deux problèmes :

- d'abord, celui de la capacité d'absorption des fonds dans les pays concernés : je vous rappelle qu'un plafond de financement communautaire a été fixé dans les Pays d'Europe centrale et orientale (PECO) à 4 % de leur PIB pour tenir compte de ces limites d'absorption ;

- ensuite, celui de la durabilité de la réforme : lorsque de nouveaux adhérents demanderont à bénéficier de dotation d'un niveau équivalent à celui proposé ici, pour les membres actuels, il est fort à craindre que le budget communautaire tout entier n'y suffise pas. Pour mémoire, il est prévu d'accorder aux candidats à l'entrée dans l'Union, au titre de la pré-adhésion, 7 milliards d'euros -soit un milliard par an- alors que leur PIB moyen s'élève à 32 % de la moyenne communautaire.

2) Les précisions complémentaires qui figurent dans la proposition d'acte communautaire E 1061 :

a) Le « phasing out » ou dispositif transitoire de sortie

L'Agenda 2000 précisait déjà qu'un dispositif transitoire serait aménagé pour accompagner la sortie du système d'aides des régions actuellement dotées mais qui n'y seront plus éligibles dans l'avenir.

La proposition, complexe, de la Commission propose des sorties différentes suivant les objectifs :

- les régions sortant de l'objectif 1 continueront d'en bénéficier du 1er janvier 2000 au 31 décembre 2005. Après cette date, l'aide du FEDER sera prolongée jusqu'au 31 décembre 2006 pour les régions devenues éligibles à l'objectif 2. Les autres pourront continuer de percevoir des aides FSE, IFOP et FEOGA -orientation durant l'année 2006 pour achever des opérations en cours ;

- les régions sortant des objectifs 2 et 5b et n'entrant pas dans le nouvel objectif 2, bénéficieront du soutien du FEDER au titre de l'objectif 2 du 1er janvier 2000 au 31 décembre 2003. Du 1er janvier 2000 au 31 décembre 2006, elles sont éligibles au soutien du FSE au titre de l'objectif 3, ainsi que du FEOGA section garantie (soutien au développement rural et actions structurelles dans le secteur de la pêche).

On constatera notamment :

- la non uniformisation des dates de sortie qui ne contribue pas à la clarification du débat, ni à l'objectif de simplification affiché par la Commission ;

- l'absence totale de chiffrage, le « phasing out » s'imputant sur les enveloppes globales affectées aux objectifs ;

- l'absence de définition des opérations qui pourront être financées (ancienne ou nouvelle définition des objectifs) ;

- l'ambiguïté sur la possibilité ou non de cumul des financements objectifs 2 et 3 sur la période 2000-2003.

Tous ces points demandent à être éclaircis, car il s'agit d'un aspect fondamental de la réforme pour notre pays.

b) La définition de nouvelles procédures

· Un partenariat approfondi et élargi

La Commission propose une réforme du partenariat basée sur un partage plus clair des responsabilités entre les Etats membres et la Commission, ainsi qu'au sein même des Etats membres. Elle vise :

- l'association des partenaires tout au long du processus de financement des fonds, de la conception des stratégies jusqu'à l'évaluation finale ; pour l'heure, celle-ci se limite à quelques-unes des étapes du processus ;

- l'instauration d'une concertation pour l'ensemble des partenaires potentiels (autorités locales, partenaires sociaux, associations, organismes non gouvernementaux...), de manière souple suivant leur implication dans le financement des interventions.

Cette suggestion est intéressante à condition qu'elle ne ralentisse pas le déroulement des procédures par un surcroît de formalisme.

· Un partage plus clair des responsabilités

Consciente des reproches de lourdeur et de bureaucratie qui lui sont adressés, la Commission propose une nouvelle répartition des rôles :

- il lui incombera, en amont, la responsabilité politique de la programmation stratégique, dans le respect des priorités communautaires et, en aval, la vérification des résultats par le suivi, l'évaluation et le contrôle des opérations. Dans cette optique, elle prévoit la constitution d'une « réserve » en début de période, équivalant à 10 % de l'ensemble des fonds, et qu'elle distribuera à mi-parcours en fonction de la performance des programmes. Si les lignes générales de cette réforme paraissent intéressantes, cette dernière disposition semble tout à fait contestable compte tenu du risque de libre arbitre de la Commission dans l'application des critères d'attribution ;

- les Etats membres disposeront d'une plus grande liberté de manoeuvre dans la mise en oeuvre détaillée de la programmation et la gestion des interventions. En contrepartie, ils auront une plus grande responsabilité en matière de contrôle, de vérification et d'évaluation des résultats.

A cet effet, chaque Etat membre désignera une autorité de gestion disposant d'une large autonomie qui assumera cette responsabilité ainsi que celle de la régularité de la mise en oeuvre.

Cette autorité de gestion présidera désormais le comité de suivi, qui assure déjà le suivi de la programmation, mais au sein duquel tous les types de partenaires devront être représentés, avec des degrés divers de participation. Pour respecter le principe de décentralisation, le représentant des services de la Commission n'y disposera lui-même que d'une voix consultative. Ce comité de suivi se préoccupera davantage de la qualité de la mise en oeuvre de l'intervention (avis sur les modifications et compléments de programmation, évaluation et adaptation des programmes, approbation du rapport annuel d'exécution avant sa transmission à la Commission).

Diverses rencontres sont prévues : une rencontre annuelle de suivi entre la Commission et l'autorité de gestion, pour examiner les résultats obtenus au cours de l'année et une rencontre annuelle entre la Commission et les responsables des contrôles des Etats membres, afin d'apprécier les résultats des contrôles effectués et les mesures prises ou à prendre pour remédier aux défaillances constatées.

· Une globalisation des documents

- Afin d'améliorer l'efficacité de l'action structurelle et d'éviter un saupoudrage d'interventions, il est prévu que l'action communautaire régionale soit intégrée dans un seul programme par région, au niveau territorial adéquat : celui de la région (dit NUTS II), pour les objectifs 1 et 2.

- Pour les objectifs 2 et 3, la Commission propose qu'ils continuent d'être mis en oeuvre sous forme de DOCUP (documents uniques de programmation intégrant tous les fonds), tandis que l'objectif 1 restera traité dans un cadre communautaire d'appui, en raison de l'importance des crédits concernés et de la diversité des programmes qui peuvent être mis en oeuvre.

· Une gestion financière simplifiée

- Afin de limiter le cas des crédits sous-utilisés, il est prévu que les crédits demandés, mais non utilisés dans les deux ans suivant l'année de l'engagement, soient dégagés d'office, ce qui me semble être de bonne gestion sauf, peut-être, pour les grands projets. Mais la Commission n'est pas allée, toutefois, au bout de cette logique puisqu'elle maintient le statut privilégié de la dépense structurelle qui conduit à rebudgétiser automatiquement les crédits non consommés.

- Par ailleurs, la Commission propose de verser, à titre d'avance sur programme, un forfait de 10 % de la contribution totale prévue, puis d'échelonner régulièrement les remboursements. Ce système d'une seule avance me paraît judicieux, mais il faut souhaiter que la Commission procède bien aux remboursements suivants de manière régulière et sans exigences excessives de formalisme.

Voilà, de manière abrégée, ce que propose la proposition d'acte communautaire E 1061. Globalement, cette réforme prévoit des évolutions intéressantes notamment en matière de procédures, mais d'autres aspects restent perfectibles.

C'est pourquoi je vous propose de déposer, sur ce texte, une proposition de résolution.

Compte rendu sommaire du débat

consécutif à la communication

M. Daniel Hoeffel :

Cette présentation m'amène à vous poser deux questions. J'observe, d'abord, que la programmation annuelle des fonds structurels prévoit, à partir de 2003, une dotation destinée aux nouveaux adhérents et qui va croissant jusqu'à la fin de la période. Comment a été établie cette programmation, connaît-on les pays auxquels elle sera attribuée et a-t-on une certitude que ces pays entreront alors dans l'Union ? Ensuite, concernant la création d'une autorité de gestion chargée de la mise en oeuvre de la programmation, sait-on déjà comment elle pourrait être constituée en France et s'il est envisagé d'y associer les collectivités territoriales ?

M. Yann Gaillard :

Pour ce qui est de la programmation financière destinée aux nouveaux entrants, l'estimation a été établie sur des bases vraisemblables d'adhésion à l'Union ; on ignore bien sûr quel sera le déroulement réel du processus d'élargissement. Concernant la désignation de l'autorité de gestion, la logique m'incline à penser que ce pourrait être le préfet de région et le Secrétariat général à l'action régionale (SGAR), mais cet aspect relève essentiellement du niveau français.

M. Daniel Hoeffel :

Je souhaite que ce ne soit pas seulement le préfet de région et le SGAR, qui ont été un facteur de lenteur et de paralysie dans la mise en oeuvre des programmes, mais que l'on associe l'Etat et les collectivités locales.

M. Jean-Paul Emorine :

Si je suis conscient de la nécessité d'une réforme des fonds structurels européens, je souhaite qu'elle ne sacrifie pas le développement rural au profit de la prise en compte des problèmes urbains. Je souhaite que les financements actuellement disponibles au titre des zones rurales puissent être préservés.

M. Christian de La Malène :

Je considère que le chiffrage de la politique régionale de l'Union est très hypothétique : les financements disponibles seront la conséquence de l'aboutissement des négociations sur les trois volets interdépendants que sont l'élargissement, les perspectives financières et les fonds structurels. Le contenu de la réforme me paraît globalement compréhensible, mais je suis plus réservé sur son cadrage financier fixé à 0,46 % du PNB communautaire ; ce chiffre me paraît d'autant plus aventureux que l'on entend rester dans le cadre d'un plafond global de 1,27 % et qu'il se développe une forte contestation des pays contributeurs nets.

M. Lucien Lanier :

Je serais également partisan d'une programmation financière évolutive, plutôt que figée sur la période 2000-2006 compte tenu des incertitudes qui pèsent sur l'avenir. Par ailleurs, je suis favorable à la prise en compte, au niveau des objectifs, des difficultés spécifiques des villes, mais je souhaite que les programmes qui seront mis en oeuvre soient réellement efficaces et ne se résument pas à des « opérations-gadgets » qui ne constituent en réalité qu'un gaspillage de fonds publics. Enfin, je m'interroge sur la nature des zones de l'objectif 6 pour savoir s'il s'agit des terres arctiques ou antarctiques.

M. Yann Gaillard :

L'objectif 6 ne concerne que les zones nordiques semi-désertiques de la Suède et de la Finlande.

M. Jacques Genton :

La présentation de M. Yann Gaillard souligne qu'il existe désormais un lien direct entre la politique agricole commune et les fonds structurels.

M. Jean-Paul Emorine :

Ainsi que nous l'avons indiqué à la délégation, voici deux semaines, lors de la présentation du rapport consacré à la réforme de la politique agricole commune, une partie du développement rural sera en effet désormais financée par la ligne directrice agricole. Mon souci est d'assurer, dans cette nouvelle répartition des rôles, le maintien du soutien financier actuel pour le développement rural.

M. Michel Barnier :

Il ressort nettement des déclarations de la Commission qu'elle souhaite une augmentation substantielle des crédits consacrés au développement rural dans la politique agricole commune, qui viendrait compenser, au moins en partie, les pertes qui résulteront de la suppression de l'objectif 5b.

A l'issue de ces débats, la délégation s'est prononcée en faveur du dépôt de la proposition de résolution suivante, dans une rédaction modifiée pour tenir compte des préoccupations de ses membres :

Proposition de résolution

Le Sénat,

Vu l'article 88-4 de la Constitution,

Vu la proposition d'acte communautaire n° E 1061,

1- Principes et objectifs de la réforme

Considérant que l'action structurelle de l'Union est un élément essentiel de sa politique de cohésion économique et sociale ; que la perspective de l'élargissement à de nouveaux pays justifie qu'une nouvelle réflexion soit engagée en la matière ; qu'une simplification des procédures et un meilleur partage des responsabilités entre les intervenants permettront une plus grande efficacité dans l'utilisation des fonds disponibles :

- se déclare favorable au principe d'une réforme de la politique structurelle de l'Union, soutient la réduction du nombre de ses objectifs, sous réserve que soit préservé le financement du développement rural, et approuve les nouvelles dispositions destinées à rendre moins complexe sa mise en oeuvre par les Etats membres.

2- Répartition des fonds disponibles

Considérant toutefois qu'il est proposé d'affecter à la réalisation de l'objectif 1 les deux tiers des crédits des Fonds structurels, soit une augmentation en valeur d'environ 20 % par rapport à l'actuelle période de programmation ; que, dans le même temps, la diminution des zonages conduira à réduire d'environ vingt millions le nombre d'habitants couverts par cet objectif ; qu'il convient par ailleurs de tenir compte de la capacité d'absorption de financements extérieurs dans les régions bénéficiaires, notamment au regard du principe d'additionnalité ;

Considérant qu'il est essentiel d'établir une politique durable d'action structurelle dans une Europe destinée à l'élargissement ; que cette politique doit être conduite dans le souci de contenir les dépenses budgétaires ; que les nouveaux adhérents pourraient légitimement prétendre, dans l'avenir, à un niveau d'aide équivalent à celui accordé aux actuels membres de l'Union :

- souhaite qu'un rééquilibrage des dotations entre l'objectif 1 d'une part, et les objectifs 2 et 3, d'autre part, soit effectué au profit de ces derniers.

3- Articulation avec le Fonds de cohésion

Considérant en outre que, dans l'hypothèse d'un maintien du bénéfice du Fonds de cohésion aux pays accédant à la troisième phase de l'Union économique et monétaire, cette dotation se cumulera avec les fonds distribués au titre de l'objectif 1 :

- souhaite que soit d'ores et déjà clarifiée l'articulation envisagée entre ces deux types d'aides structurelles,

- demande que soit étudiée la possibilité de déterminer un plafond global d'aide par habitant ou en pourcentage du PIB afin d'éviter, d'une part, des distorsions de traitement trop importantes entre les Etats membres qui nuiraient à l'impératif de cohésion, d'autre part, une impossibilité pratique d'absorption des fonds disponibles.

4- Définition de l'objectif 1

Considérant qu'il est proposé une stricte application du critère d'éligibilité à l'objectif 1 ; que, s'il semble naturel d'y inclure les régions ultrapériphériques en raison du traitement particulier qui leur est reconnu par le traité d'Amsterdam, il ne répond à aucune logique d'y assimiler l'ensemble des régions de l'actuel objectif 6 :

- demande la suppression de l'assimilation des régions de l'objectif 6 au futur objectif 1, si elles ne répondent pas au critère de PIB inférieur à 75 % de la moyenne communautaire,

- estime que le rééquilibrage des dotations entre les objectifs 1 et 2 permettrait une prise en compte justifiée de ces régions au titre de l'objectif 2.

5- Définition de l'objectif 2

Considérant les conditions dans lesquelles sera appréciée l'éligibilité à l'objectif 2 et notamment la grande hétérogénéité des critères proposés par la Commission, qui résulte du caractère multiple des missions assignées à cet objectif ;

Considérant que, au sein de l'objectif 2, les plafonds de populations européennes éligibles par type d'action, tels que proposés par la Commission, ne sont conformes ni à l'application du principe de subsidiarité, ni au simple bon sens ;

Considérant que, s'il est pertinent de rechercher une cohérence de zonage entre l'action communautaire et l'action nationale, la référence à la politique de concurrence pour apprécier cette dernière semble artificielle et porte atteinte à la compétence des Etats membres dans la définition de leurs priorités, en violation du principe de subsidiarité :

- demande au Gouvernement d'obtenir la définition de critères clairs et cohérents ;

- souhaite la suppression des plafonds indicatifs de population éligible proposés par la Commission ;

- estime plus adéquat d'inciter les Etats membres à coordonner leurs zonages plutôt que de faire référence à l'article 92-3-C du Traité.

6- Définition de l'objectif 3

Considérant que, par l'adoption d'un nouveau titre sur l'emploi dans le Traité d'Amsterdam, le Conseil a reconnu que celui-ci constituait désormais un problème d'intérêt commun ; que le Conseil européen extraordinaire sur l'emploi de Luxembourg a confirmé cette priorité ;

Considérant le caractère résiduel de l'objectif 3, tant en termes d'application géographique qu'en volume financier ;

Considérant que l'application du principe de subsidiarité devrait laisser aux Etats membres une plus grande liberté dans l'utilisation de ces fonds dès lors qu'elle s'inscrit dans le cadre des lignes directrices pour l'emploi :

- se demande si une meilleure efficacité ne résulterait pas, en termes d'emplois, de l'autorisation d'utiliser les fonds disponibles au titre de l'objectif 3 dans les zones classées en objectif 2 afin d'assurer la complémentarité des actions.

7- Dispositif transitoire

Considérant que les mesures prévues au titre du dispositif transitoire ne sont pas suffisamment claires, alors même qu'il s'agit d'un élément essentiel de la réforme envisagée :

- demande au Gouvernement d'obtenir une estimation chiffrée des fonds disponibles au seul titre du dispositif transitoire de sortie,

- souhaite une clarification de la nature des opérations qui seront envisageables en période transitoire,

- demande l'uniformisation des dates d'achèvement des périodes transitoires.

8- Réserve de performance

Considérant que la Commission a maintenu le principe de la constitution d'une réserve de performance, correspondant à 10 % des Fonds structurels disponibles, et attribuée à mi-parcours de la période de programmation en fonction des résultats obtenus par les programmes mis en oeuvre ; que cette mesure n'est pas conforme au principe de subsidiarité ; que l'appréciation, par la Commission, de la performance des programmes ne semble pas répondre à des critères objectifs ; que cette disposition pourrait avoir pour effet, contraire à celui recherché, d'inciter à la dépense par surprogrammation en début de période ;

- demande au Gouvernement d'obtenir la suppression des articles 7-4 et 43 instaurant ce dispositif.

La proposition de résolution de M. Yann Gaillard a été publiée sous le n° 517 (1997-1998).