COM (98) 004 final  du 14/01/1998
Date d'adoption du texte par les instances européennes : 21/07/1998

Examen dans le cadre de l'article 88-4 de la Constitution

Texte déposé au Sénat le 03/02/1998
Examen : 25/02/1998 (délégation pour l'Union européenne)


PROPOSITION DE

RÉSOLUTION

PRÉSENTÉE EN APPLICATION DE L'ARTICLE 73 BIS DU RÈGLEMENT, sur :

- la proposition de règlement (CE) du Conseil modifiant le règlement 404/93 du Conseil portant organisation commune des marchés dans le secteur de la banane.

- la recommandation de décision du Conseil autorisant la Commission à négocier un accord avec les pays ayant un intérêt substantiel à la fourniture de bananes pour la répartition des contingents tarifaires et de la quantité ACP traditionnelle.

PRÉSENTÉE

Par MM. Jacques GENTON et Georges OTHILY

Sénateurs.

(Renvoyée à la commission des Affaires économiques et du Plan sous réserve de la constitution éventuelle d'une commission spéciale dans les conditions prévues par le Règlement)

 

Union européenne -Politique agricole commune - Organisation commune du marché de la banane.

EXPOSE DES MOTIFS

Mesdames, Messieurs,

Depuis l'origine de la Communauté européenne, le marché de la banane a constitué un enjeu important, puisque c'est à la demande de la République fédérale d'Allemagne qu'un protocole a été annexé, en 1957, à la convention d'application relative à l'association des pays et territoires d'outre-mer à la Communauté, protocole qui lui a permis, pendant plus de trente ans, d'échapper au tarif douanier commun sur ses importations de bananes en provenance des pays-tiers.

L'Europe a ainsi connu jusqu'en 1993 trois types de marchés de la banane : le marché allemand, libre d'accès sans droits de douane ; des marchés nationaux protégés (France, Espagne, Portugal, Royaume-Uni et Italie) appliquant, dans le cadre de l'article 115 du traité de Rome, des contingents d'importation assortis de droits de douane de l'ordre de 20% ; enfin des marchés nationaux libres d'accès (Belgique, Danemark, Grèce, Irlande, Luxembourg et Pays-Bas), sans restrictions quantitatives, mais appliquant des droits de douane de 20 %.

Le commerce de la banane est par ailleurs un commerce particulier dans la mesure où un petit nombre de grandes firmes multinationales domine un marché mondial - à l'exception de l'Europe - libre de toutes barrières contingentaires, tarifaires ou douanières ; elles contrôlent les approvisionnements en provenance d'Amérique centrale ou latine (essentiellement du Panama, du Costa-Rica, du Honduras et de l'Equateur), mais aussi en provenance d'Afrique (Cameroun et Côte d'Ivoire).

54 millions de tonnes de bananes sont produites dans le monde. Les plus gros producteurs, le Brésil et l'Inde, consomment la totalité de leur récolte. Le tonnage mondial exporté représente 12 millions de tonnes. L'expansion des exportations mondiales de bananes a été amorcée par la croissance de la demande sur les principaux marchés internationaux comme l'Union européenne et les Etats-Unis, qui représentent respectivement 36 % et 34 % de la demande globale. Le marché européen absorbe chaque année 4,2 millions de tonnes dont près de 20 % sont fournis par la production communautaire, 20 % par les pays d'Afrique, des Caraïbes et du Pacifique (ACP) ayant des liens préférentiels avec la Communauté, et 60 % par les producteurs de la zone dite « dollar » (essentiellement les pays d'Amérique latine). Dans les dernières années, l'augmentation des exportations a été due essentiellement à la croissance de la production de l'Equateur, du Costa-Rica et de la Colombie.

La mise en oeuvre de l'Acte unique au 1er janvier 1993 a rendu nécessaire la mise en place d'une réglementation communautaire du marché de la banane afin d'assurer la libre circulation de ce produit sans pour autant porter atteinte aux productions des régions ultra-périphériques de l'Europe et des pays ACP.

Dès sa mise en place par le règlement 404/93 du 25 février 1993, l'Organisation commune du marché de la banane (OCMB) a pourtant été contestée, d'abord par des compagnies américaines - notamment par la société Chiquita Brands -, puis par l'Allemagne et les Pays-Bas devant la Cour de Justice des Communautés européennes, enfin par certains Etats latino-américains au sein du GATT, auxquels se sont joints en dernier lieu les Etats-Unis dans le cadre de l'Organisation mondiale du commerce (OMC).

Après un verdict rendu en appel par l'OMC le 27 septembre 1997 sur une précédente condamnation d'un panel en avril 1997, la Commission européenne a proposé, le 14 janvier 1998, une réforme de l'OCMB sous la forme d'une proposition de règlement modifiant le précédent règlement de 1993 et une recommandation de décision du Conseil l'autorisant à négocier un accord avec les pays « ayant un intérêt substantiel à la fourniture de bananes pour la répartition des contingents tarifaires et de la quantité ACP traditionnelle », essentiellement certains Etats latino-américains qui étaient à l'origine de la procédure devant l'OMC et qui seront donc, en définitive, les gagnants de cette modification de l'organisation commune du marché de la banane en Europe.

* *

*

LES PRÉOCCUPATIONS EXPRIMÉES EN 1991 PAR LA DÉLÉGATION

Il peut être utile de rappeler que la délégation pour l'Union européenne avait été amenée en 1991 à prendre position sur la future mise en place de l'OCMB. Elle avait entendu MM. Henri BANGOU, sénateur de la Martinique, Rodolphe DÉSIRÉ, sénateur de la Martinique et François LOUISY, sénateur de la Guadeloupe sur les problèmes économiques liés aux relations entre les départements d'Outre-mer et la Communauté européenne, en particulier au regard du marché de la banane. Les exportations de bananes représentent en effet 40 % des exportations de la Martinique, 25 % de celles de la Guadeloupe ; elles assurent, dans ces départements, 25.000 emplois directs et 30.000 emplois indirects. Puis, après avoir entendu le ministre des départements et territoires d'outre-mer, M. Louis LE PENSEC, et le ministre délégué aux affaires européennes, Mme Elisabeth GUIGOU, votre délégation avait adopté des conclusions plaidant pour la mise en place d'un règlement d'organisation commune du marché de la banane :

« Dans l'Europe du grand marché unique, exiger (...) une organisation commune du marché de la banane répond à la fois à des préoccupations économiques et à des principes élémentaires de justice sociale. Cette organisation de marché pourrait s'appuyer sur un mécanisme de régulation des quantités et de protection des prix ; dès lors, un règlement d'organisation commune du marché de la banane pourrait reposer :

« - sur un système de régulation des flux hiérarchisant les entrées selon l'origine des approvisionnements (Europe, ACP, pays-tiers) et intégrant un principe de saisonnalité des apports ainsi qu'un contingentement éventuel ;

« - sur la fixation d'un prix de seuil, variable suivant les mois et les saisons et garantissant une rémunération satisfaisante aux producteurs des régions françaises d'outre-mer ;

« - enfin, sur la perception d'un prélèvement applicable de droit aux bananes des pays-tiers, les bananes ACP étant exonérées de ce prélèvement dans la limite des tonnages habituellement importés, avec toutefois un prélèvement partiel pour les quantités dépassant les tonnages définis.

« Cette exigence est la seule garantie pour des régions où la production bananière constitue la première source d'emploi ; la négliger conduirait à placer les régions françaises d'outre-mer face à de grands risques sociaux qui ne plaideraient pas en faveur de la capacité de l'Europe à faire connaître, dans le monde, la notion de justice et d'égalité de traitement au regard du droit du travail ».

LA MISE EN PLACE DE L'OCMB

Après avoir été saisie notamment par la France, la Commission européenne avait proposé, le 7 août 1992, un règlement du Conseil portant « organisation commune des marchés dans le secteur de la banane ». Le 13 février 1993, après une forte pression diplomatique de la France, le Conseil a adopté à la majorité qualifiée le règlement n° 404/93 portant organisation du marché commun de la banane, l'Allemagne, la Belgique et les Pays-Bas votant contre.

Le règlement comporte :

- un système de normes communes de qualité et de commercialisation des bananes (titre I) ;

- des règles régissant les organisations de producteurs et des mécanismes de concertation (titre II) ;

- un régime d'aides à la production (titre III) qui prévoit une aide compensatoire à la perte de recette, au bénéfice des producteurs communautaires, dans la limite d'un quota global de 854.000 tonnes, réparti par régions productrices et calculé sur la base de la différence entre la « recette forfaitaire de référence » et la « recette à la production moyenne » (c'est-à-dire entre le prix moyen de vente pendant une période de référence antérieure à 1993 et le prix moyen des bananes produites dans la Communauté pendant l'année en cours) ;

- un dispositif réglant les échanges avec les pays tiers (titre IV).

Une annexe au règlement comporte, par types de bananes, les seuils des contingents d'importation fixés à :

- 857.700 tonnes à droit nul par an pour les bananes traditionnelles ACP ;

- 2 millions de tonnes par an pour les bananes non-traditionnelles ACP exportées au-delà du premier contingent et pour les bananes des pays-tiers dites aussi « bananes dollars » (1(*)). A l'intérieur de ce dernier contingent, les importations de « bananes dollars » sont assujetties à un droit de 100 écus par tonne (2(*)) et les importations de bananes « non traditionnelles ACP » à un droit nul dans la limite de 90.000 tonnes. Au-delà de cette quantité, l'accès est libre mais il est perçu un droit de 765 écus par tonne pour les « bananes pays tiers non ACP » et de 665 écus par tonne pour les bananes « non traditionnelles ACP ».

Ce contingent est réparti entre trois catégories d'opérateurs. Les licences d'importation sont délivrées, sur la base des quantités de bananes commercialisées durant trois années de référence, selon une clé de répartition :

- 66,5 % du contingent sont attribués aux opérateurs qui ont commercialisé des « bananes dollars » et/ou « non traditionnelles ACP » (opérateurs dits de catégorie A) ;

- 30 % sont attribués aux opérateurs qui ont commercialisé des bananes communautaires et/ou « traditionnelles ACP » (opérateurs dits de catégorie B) ;

- 3,5 % aux nouveaux opérateurs sur le marché de la banane, autres que communautaires et traditionnels ACP (opérateurs dits de catégorie C).

En plus de cette ventilation par catégories d'opérateurs, ce contingent est réparti selon les sources d'approvisionnement depuis l'accord-cadre sur la banane qui a été annexé aux accords de Marrakech du 15 avril 1994.

LES CONTESTATIONS

L'OCM banane constitue un système efficace de préférence communautaire destiné à protéger les producteurs domiens et ACP. Il n'est pas étonnant, dans ces conditions, que l'OCMB ait fait l'objet, avant même sa mise en place et jusqu'à ce jour, de multiples recours directs et indirects, notamment de l'Allemagne, des pays latino-américains et des Etats-Unis.

Les recours allemands

L'Allemagne est à l'origine de nombreux recours, tant devant la Cour de Justice des Communautés européennes que devant les juridictions allemandes, en particulier la Cour constitutionnelle de Karlsruhe.

A la demande des importateurs allemands de bananes contraints de verser des droits de douane, le gouvernement allemand a en effet engagé le 14 mai 1993 un recours en annulation devant la CJCE aux motifs que l'OCMB violait les règles du GATT.

Dans un arrêt du 5 octobre 1994, la CJCE a rejeté le recours de l'Allemagne, confirmant ainsi la légalité de l'OCMB, la primauté de la PAC sur la politique de la concurrence, la légitimité des objectifs d'intérêt général communautaire et l'inapplication directe des dispositions de l'Accord du GATT. Après cet arrêt, le gouvernement allemand a à nouveau saisi la CJCE - sans succès non plus - sur la compatibilité du droit communautaire avec l'accord-cadre conclu par la Communauté et les quatre pays andins.

A plusieurs reprises (arrêts Atlanta du 9 novembre 1995, T. Port du 26 novembre 1996, Comafrica SpA et Dole Fresh Fruit Ltd du 11 décembre 1996), la Cour de Justice a confirmé la validité des règlements communautaires pris dans le cadre du marché communautaire de la banane. La Cour s'est également prononcée dans le même sens face à un recours du gouvernement des Pays-Bas contre la Commission (7 octobre 1996).

Dans le cadre d'une procédure interne en appel d'une décision de la cour administrative de Francfort, la Cour constitutionnelle de Karlsruhe a, à l'inverse de la CJCE, jugé le 25 janvier 1995 que les tribunaux allemands devaient protéger les droits fondamentaux d'importateurs dont la situation financière serait menacée par la législation communautaire. Dans un second jugement du 26 avril 1996, faisant lui-même suite à un arrêt de la Cour fédérale des finances du 9 janvier 1996 et précédant un autre jugement du tribunal administratif de Francfort du 24 octobre 1996, l'Allemagne s'est en définitive partiellement exonérée elle-même de certaines des obligations de l'OCMB.

Un certain nombre de commentateurs ont souligné que, au-delà de l'organisation du marché de la banane en Europe, ces jugements vont permettre aux juridictions allemandes d'examiner la validité d'actes juridiques communautaires dans des conditions pouvant conduire à atténuer la primauté du droit communautaire. Dans le cas particulier de l'OCMB, cette possibilité a déjà conduit les cours administratives allemandes à prendre des mesures de référé enjoignant aux autorités allemandes de délivrer des certificats d'importation supplémentaires pour préserver les droits des importateurs de bananes.

Les recours américains

Parallèlement aux recours allemands et avant même les accords de Marrakech, les Etats latino-américains (Colombie, Costa-Rica, Guatemala, Nicaragua, Venezuela) ont nourri une vive contestation juridique du régime d'importation de bananes en Europe.

Un premier panel du GATT du 3 juin 1993 a condamné les régimes nationaux italien, français, espagnol, portugais et britannique du fait de leurs restrictions quantitatives à l'importation et de leurs tarifs préférentiels pour les bananes ACP.

Un second panel constitué pour examiner la conformité avec les règles du commerce international de l'OCMB a condamné le 11 février 1994 le règlement de 1993 et considéré comme contraire aux règles du GATT ses dispositions relatives aux droits de douane, au système de préférences pour les pays ACP et aux certificats d'importation.

Le 28 mars 1994 et pour éteindre le contentieux avec les Etats d'Amérique latine, la Commission européenne a proposé un « accord-cadre » par lequel les droits de douane seraient réduits de 100 à 75 écus par tonne et le contingent porté de 2 à 2,2 millions de tonnes pour les bananes des pays tiers. Après l'accord de Marrakech du 15 avril 1994 sur l'Organisation mondiale du commerce, le règlement 3224/94 du 24 décembre 1994 a arrêté des mesures transitoires pour la mise en oeuvre de l'accord-cadre et le règlement 478/95 de la Commission du 1er mars 1995 a fixé à titre définitif les modalités d'application complémentaires du règlement de 1993 concernant le régime de contingents tarifaires à l'importation de bananes dans la Communauté.

Ces nouvelles dispositions ont eu pour effet d'attribuer plus de 50 % du contingent tarifaire aux quatre pays latino-américains signataires de l'accord-cadre sur les bananes, un peu moins de 50 % du contingent aux pays tiers non signataires du compromis et le reste (90.000 tonnes) aux pays ACP, défavorisés par cet arrangement. Accepté par la Colombie, le Costa-Rica, le Nicaragua et le Venezuela, cet accord a été annexé au document final du GATT, mais il a malgré tout été contesté par d'autres Etats latino-américains (Guatemala, Honduras, Panama et Equateur) et surtout par les Etats-Unis, qui jusqu'alors n'étaient pas intervenus directement dans la procédure.

Un nouveau panel a donc été constitué le 8 mai 1996 dans le cadre de l'Organisme de règlement des différends (ORD) de la nouvelle Organisation mondiale du commerce ; le 29 avril 1997, l'OMC a condamné le régime communautaire de la banane pour non conformité aux règles du GATT (accord sur les marchandises) et aux règles du GATS (accord sur les services). L'OMC a rejeté le 5 septembre 1997 le recours en appel de l'Union européenne contre la première décision du panel.

La décision de l'OMC vise essentiellement le système de répartition des licences d'importation aux opérateurs de catégorie B dans la mesure où, de son point de vue, elle créerait une distorsion de concurrence. En revanche, ni le niveau du contingent tarifaire, ni le montant des droits de douane, ni la préférence pour l'importation de bananes « non traditionnelles ACP », ni le régime des aides aux producteurs communautaires n'ont été condamnés. Cette décision de l'OMC crée néanmoins un précédent auquel il convient d'être particulièrement attentif, compte tenu surtout des décisions des premiers panels du GATT qui étaient très négatifs pour l'OCMB.

4. LES NOUVELLES PROPOSITIONS DE LA COMMISSION

Le 25 septembre 1997, l'Union européenne a notifié formellement à l'Organe de règlement des conflits de l'Organisation mondiale du commerce qu'elle décidait de mettre en oeuvre la décision de l'OMC plutôt que d'accorder des compensations aux plaignants. La mise en oeuvre doit s'effectuer dans un délai de 15 mois à compter de son acceptation, c'est-à-dire avant le 25 décembre 1998.

Les deux propositions d'actes communautaires transmises au Sénat le 3 février 1998 sous le numéro E 1004 ont été adoptées par la Commission européenne le 14 janvier 1998. Le Conseil des ministres de l'agriculture procède actuellement à l'examen de ce nouveau règlement qui devrait être adopté sous présidence britannique.

Les modifications proposées par la Commission portent sur le titre IV du règlement de 1993 (régime des échanges avec les pays tiers) ; elles comportent :

- le maintien à 2,2 millions de tonnes du contingent d'importation de bananes moyennant un droit inchangé de 75 écus par tonne pour les livraisons des pays de la zone dollar et un droit nul pour les fournisseurs ACP non traditionnels ;

- un contingent autonome de 353.000 tonnes assorti d'un droit de douane de 300 écus par tonne pour les producteurs de la zone dollar et de 100 écus par tonne pour les fournisseurs ACP non traditionnels pour faire face « à l'accroissement de la consommation qui découle du dernier élargissement de la Communauté » à l'Autriche, à la Suède et à la Finlande ;

- le maintien du traitement privilégié accordé aux importations traditionnelles en provenance des Etats ACP dans la limite d'une quantité maximale de 857.700 tonnes à droit nul ; pour les importations non traditionnelles ACP, la préférence serait portée de 100 à 200 écus par tonne ;

- l'abrogation du régime actuel de catégories de licences d'importation et la mise en place d'un système de licences compatible avec les règles de l'OMC ;

- la répartition des contingents tarifaires entre tous les principaux pays fournisseurs ayant un « intérêt substantiel » dans le marché communautaire ; en plus du Costa-Rica et la Colombie qui ont obtenu une quote-part, l'Equateur et le Panama pourraient bénéficier de cet avantage ; des négociations seraient engagées avec les pays concernés et en cas de désaccord, la Commission procéderait à la répartition de ces contingents en coopération avec un comité composé des représentants des Etats membres ;

- la création d'une base juridique afin de pouvoir adapter éventuellement le volume du contingent tarifaire en cas d'augmentation de la demande communautaire ou de circonstances exceptionnelles, sans exception d'origines.

Le nouveau règlement créerait en outre un « cadre spécial d'assistance technique et financière » afin d'aider les fournisseurs ACP traditionnels à s'adapter aux nouvelles conditions du marché ; une enveloppe financière dégressive dans le temps de 537,9 millions d'écus sur 10 ans est prévue.

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La production bananière constitue un des principaux éléments de l'activité économique des départements d'outre-mer. Elle représente une part souvent importante des recettes d'exportations des pays ACP bénéficiaires d'un accord de commerce préférentiel avec la Communauté pour ce produit.

Un petit nombre de grandes firmes américaines, dont la puissance est fondée sur l'intégration verticale, réalise 70 % du commerce mondial. Le marché européen constitue pour elles un enjeu considérable : elles en souhaitent l'ouverture la plus complète possible. Certains Etats membres de la Communauté, au nom de l'intérêt des consommateurs, ont tendance à accepter cette orientation.

Il ne serait cependant pas acceptable que la Communauté renonce à défendre des intérêts essentiels de certains de ses territoires et abandonne un outil précieux de sa politique de coopération. Ces préoccupations ne peuvent être sacrifiées à l'objectif de défense des consommateurs : celui-ci est un souci légitime, mais ne saurait être un critère exclusif.

La proposition E 1004 ne tend pas à un démantèlement de l'OCMB. Elle présente néanmoins certains dangers :

-- tout d'abord, le contingent supplémentaire de 353 000 tonnes (ajouté au contingent de la « zone dollar » pour tenir compte de l'élargissement de l'Union) ne tient pas compte de la hausse de la production communautaire, qui risque dès lors de connaître des difficultés d'écoulement ;

-- par ailleurs, l'abolition du système d'octroi de licences risque de réduire sensiblement les prix acceptés pour la production des pays ACP par les importations communautaires ; en effet, il ne sera plus possible à ces derniers de compenser la prime imposée pour les productions par la vente de licences d'importation excédentaires aux importateurs spécialisés dans la vente des produits de la « zone dollar » ; certains au moins des producteurs communautaires pourraient également être affectés par ce processus.

Ainsi, l'écoulement des producteurs communautaires et ACP ne paraît pas suffisamment garanti par le dispositif proposé, qui va en outre exercer une pression à la baisse sur les revenus des producteurs.

La vigilance du Sénat paraît d'autant plus nécessaire que la garantie d'accès privilégiée des pays ACP au marché communautaire expirera en 2000, et que l'OCMB viendra à échéance en 2002. Il est à prévoir que les mécanismes préférentiels qui subsistent seront à nouveau contestés à ces occasions. En effet, même si la décision de l'OMC a reconnu - provisoirement - le droit à l'Europe d'appliquer un traitement préférentiel aux bananes traditionnelles, les Etats plaignants - notamment les Etats-Unis, le Mexique, le Guatemala, l'Equateur et le Honduras - continuent à souhaiter à terme le démantèlement complet de l'OCMB.

C'est pourquoi il vous est proposé, Mesdames, Messieurs, de bien vouloir adopter la proposition de résolution suivante :

PROPOSITION DE RESOLUTION

Le Sénat,

Considérant que l'organisation commune du marché de la banane est un élément essentiel de la politique agricole et du développement économique et social dans les régions ultrapériphériques de la Communauté, notamment dans les départements d'outre-mer français, ainsi que de la politique de coopération,

Considérant que la proposition E 1004 n'apporte pas de garantie suffisante d'écoulement de la production communautaire et que sa mise en oeuvre risque de peser sur les revenus des producteurs de la Communauté et des pays d'Afrique, des Caraïbes et du Pacifique (ACP) qui lui sont liés par des accords de coopération ; que, si une compensation financière appropriée est prévue au bénéfice des pays ACP fournisseurs traditionnels de la Communauté, il n'en est pas de même pour les producteurs communautaires ;

Invite le Gouvernement à n'approuver la proposition E 1004 qu'à la condition d'avoir obtenu :

- une réduction du contingent tarifaire autonome lié au dernier élargissement de l'Union, afin de faciliter l'écoulement en priorité de la production communautaire et ACP ;

- une revalorisation de la recette forfaitaire de référence qui sert de base au calcul de l'aide compensatoire versée aux producteurs communautaires, afin de permettre une compensation de la baisse des revenus que risque d'entraîner la nouvelle réglementation.


* (1) le contingent a été augmenté de 200.000 tonnes dans le cadre de l'accord-cadre de Marrakech de 1994 visé plus loin ; un contingent complémentaire de 353.000 tonnes a été en outre ouvert à titre de « mesure de gestion » en 1996 et 1997

* (2) réduit à 75 écus après « l'accord-cadre » de Marrakech