COM (97) 478 final
du 01/10/1997
Date d'adoption du texte par les instances européennes : 29/04/1999
Examen dans le cadre de l'article 88-4 de la Constitution
Texte déposé au Sénat le 28/10/1997Examen : 30/01/1998 (délégation pour l'Union européenne)
Responsabilité du fait des produits défectueux
Proposition E 940 - COM (97) 478 final
(Procédure écrite du 30 janvier 1998)
Ce texte constitue un nouvel épisode de la réglementation européenne applicable en matière de responsabilité du fait des produits défectueux et un rebondissement de plus dans les relations entre la Commission et la France sur ce sujet.
Il a pour but d'opérer un rapprochement des dispositions législatives, réglementaires et administratives des Etats membres organisant la réparation des dommages causés aux victimes résultant de produits défectueux.
Il vient compléter un dispositif précédemment arrêté par la directive 85/374/CEE du Conseil adopté le 25 juillet 1985 (1(*)).
1. - L'état actuel de la réglementation
a) La règle
La directive de 1985 a instauré un régime de responsabilité sans faute incombant au producteur lorsqu'un dommage a résulté du défaut de son produit.
Celle-ci s'applique lorsque la victime a prouvé le vice dudit produit, la réalité du dommage et l'existence d'un lien de causalité entre l'un et l'autre. Selon l'article 3 de la directive de 1985, la responsabilité peut être imputée au fabricant d'un produit fini, au producteur d'une matière première, au fabricant d'une partie composante, à la personne qui a apposé sur le produit en cause son nom, sa marque ou un autre signe distinctif, à l'importateur du produit ou au fournisseur en cas d'absence d'identification du producteur. Cette responsabilité peut être solidaire en cas de pluralité de responsables.
b) L'exception
Ce dispositif de responsabilité sans faute n'est toutefois pas opérant pour les matières premières agricoles entendues comme les produits du sol, de l'élevage, de la pêche et de la chasse, sauf si ces produits ont fait l'objet d'une première transformation (conservation, congélation...), distinction dont la mise en oeuvre est d'ailleurs délicate : à partir de quel moment l'application d'une technique quelconque sur un produit agricole de base peut-elle impliquer une « première transformation » ?
c) L'exception à l'exception
A titre dérogatoire, l'article 15 de la directive de 1985 autorise les Etats membres à prévoir la responsabilité du producteur même pour les matières premières défectueuses : différentes législations nationales ont eu recours à cette extension (successivement, le Luxembourg, la Finlande, la Suède et la Grèce), comme, d'ailleurs, d'autres pays hors Union européenne (Etats-Unis, Norvège).
2.- Les modifications proposées
a) Les motifs du changement
Dans son premier rapport sur l'application de la directive de 1985 et ses effets pour le bon fonctionnement du marché intérieur et la protection des consommateurs (2(*)), la Commission a souligné la distorsion résultant de l'exclusion des matières premières agricoles du dispositif de responsabilité sans faute du fait des produits défectueux.
Par ailleurs, les avatars de l'affaire de la « vache folle », étudiés par la commission temporaire d'enquête sur l'encéphalopathie spongiforme bovine, ont conduit le Parlement européen à souhaiter qu'il soit procédé à l'extension systématique du régime de responsabilité sans faute à toutes les matières premières agricoles, au plus tard en septembre 1997. Ce faisant, il est donc revenu sur sa position initiale puisque c'est le Parlement européen lui-même qui avait été à l'origine de l'exclusion des produits agricoles de base en raison, à l'époque, de la forte pression des milieux agricoles.
L'objet de la présente proposition de directive est donc d'inclure les matières premières agricoles dans le champ d'application du texte de 1985 (3(*)).
Comme l'indique la Commission, « la libre circulation des marchandises, objectif fondamental pour que se réalise et fonctionne correctement le marché intérieur, ne doit pas, selon le Traité, se faire au détriment de la protection de la santé des consommateurs ».
b) Les conséquences attendues
La Commission considère que l'extension du système de responsabilité sans faute évitera les distorsions de concurrence en raison des disparités des régimes de responsabilité civile existants dans la Communauté (responsabilité pour faute ou sans faute, limitée ou illimitée...). En conséquence, la possibilité d'exception prévue actuellement à l'article 15 de la directive de 1985 sera éliminée et le régime global de responsabilité unifié.
Cette modification devrait contribuer à la réalisation d'un niveau plus élevé de protection des consommateurs et améliorer les conditions d'échanges des produits agricoles, donc le fonctionnement du marché intérieur.
3.- Les difficultés de transposition en droit français
a) Des retards importants
La proposition d'acte communautaire E 940 se présente, alors même que seule la France n'a pas encore procédé à la transposition en droit interne du précédent texte de 1985. Elle a d'ailleurs fait l'objet d'un arrêt en manquement de la Cour de Justice, le 13 janvier 1993, d'un avis de la Commission du 28 novembre 1995 constatant la non exécution dudit arrêt (procédure dite « en manquement sur manquement ») et d'une évaluation d'astreintes journalières importantes (de 68 000 à 4,1 millions de francs) le 8 janvier 1997.
La menace financière devenant plus précise, le Gouvernement français a transmis à la Commission, en juin 1996, un mémorandum visant à démontrer le caractère inadapté des règles de responsabilité édictées par la directive s'agissant des produits issus du corps humain. L'argument n'a pas été considéré comme probant, mais la Commission a accepté de différer la procédure contentieuse compte tenu de l'engagement solennel de la France d'aboutir à une transposition au cours du premier trimestre 1997.
b) Un parcours législatif chaotique
Pour se conformer à la directive, la France aurait dû adapter sa législation avant le 30 juillet 1988. Or, après une tentative, d'ailleurs vaine, de refonte du dispositif global de la responsabilité civile, un projet de loi de simple transposition du texte européen n'a été déposé à l'Assemblée nationale que le 23 mai 1990.
Celui-ci a été adopté deux ans plus tard par l'une et l'autre chambre (4(*)), puis soumis à une commission mixte paritaire qui parvint à l'élaboration d'un texte commun. Or, le Gouvernement a finalement renoncé à soumettre aux deux assemblées le texte résultant de leurs travaux -ce qui constitue un fait exceptionnel-, en raison de son désaccord avec l'un des articles relatifs aux causes exonératoires de responsabilité (5(*)) et avec le cumul du régime de la responsabilité du fait des produits défectueux avec ceux déjà existants (le projet du Gouvernement l'excluait, alors que celui de la commission mixte l'autorisait).
c) Une nouvelle procédure législative en cours
Depuis lors, une proposition de loi de transposition, présentée en juillet 1993 par Mme Nicole CATALA, relative à la responsabilité du fait des produits défectueux a été adoptée en première lecture par l'Assemblée nationale le 13 mars 1997 et devrait être prochainement soumise à l'examen du Sénat.
Il se trouve que l'article 4 de ce texte (6(*)) prévoit d'ores et déjà l'extension de responsabilité proposée par le texte E 940 : « il convient donc, comme le souligne à l'évidence le sinistre exemple de la « vache folle », d'inclure ce type de produits dans le régime de responsabilité objective résultant de la directive, afin d'offrir la même protection au consommateur quel que soit le produit défectueux » (7(*)).
L'adoption de cette proposition de loi mettrait donc la législation française en conformité immédiate avec la réglementation européenne ainsi complétée puisque la présente proposition de directive donne aux Etats membres jusqu'au 1er janvier 1999 pour accomplir les formalités de transposition.
*
Dans ces conditions, la délégation a décidé de ne pas intervenir sur la proposition E 940.
* (1) Dans le même objectif de garantir la santé des consommateurs au sein du marché intérieur, une seconde directive 92/59/CEE du Conseil, du 29 juin 1992, concerne la sécurité générale des produits.
* (2) COM (95) 617 du 13 décembre 1995
* (3) Sans effet rétroactif
* (4) Assemblée nationale, le 11 juin 1992 - Sénat, le 9 décembre 1992.
* (5) Le Gouvernement souhaitait exclure la responsabilité du producteur s'il prouve « que l'état des connaissances scientifiques et techniques, au moment où il a mis le produit en circulation n'a pas permis de déceler l'existence du défaut ».
* (6) inspiré par la rédaction précédemment issue des travaux de la Commission mixte paritaire, hormis sur le point de la clause exonératoire ci-dessus.
* (7) Cf. Rapport de M. Xavier BECK - AN n° 3411 du 6 mars 1997.