COM (97) 392 final
du 23/07/1997
Date d'adoption du texte par les instances européennes : 15/12/1997
Examen dans le cadre de l'article 88-4 de la Constitution
Texte déposé au Sénat le 29/08/1997Examen : 24/10/1997 (délégation pour l'Union européenne)
Proposition E 918
Com (97) 392 final
(Procédure écrite du 24 octobre 1997)
Ce texte tend à conférer à l'accord-cadre sur le travail à temps partiel conclu le 6 juin 1997 entre les partenaires sociaux européens, la valeur d'un texte législatif communautaire.
Il s'agit de la deuxième application de la procédure prévue par le protocole social du traité de Maastricht signé par l'ensemble des Etats membres à l'exception du Royaume-Uni. En effet, la Commission n'a, auparavant, eu recours qu'une seule fois à cette procédure à l'occasion de l'accord-cadre sur le congé parental.
La procédure de consultation des partenaires sociaux européens mise en place par le protocole social se déroule en deux phases. Dans un premier temps, la Commission consulte les partenaires sociaux sur l'orientation possible de la politique communautaire sur un point donné. Dans un second temps, elle les consulte sur la base d'une lettre détaillant le contenu de la proposition qu'elle envisage d'élaborer. A ce stade, les partenaires sociaux peuvent soit remettre un avis ou une recommandation à la Commission, soit l'informer de leur volonté d'engager une négociation en vue de parvenir à la conclusion d'un accord. Dans ce dernier cas, les signataires de l'accord peuvent demander à la Commission de soumettre celui-ci au Conseil, afin qu'il rende ses prescriptions contraignantes dans les Etats signataires du protocole social.
La Commission a décidé d'avoir recours à cette procédure après que les propositions qu'elle avait élaborées en 1990 en matière de travail à temps partiel (1(*)) ont été rejetées par le Conseil en raison de l'opposition du Royaume-Uni.
Consultées par la Commission à l'automne 1995 sur ce sujet, les organisations syndicales européennes manifestèrent leur attachement au principe de non-discrimination des travailleurs concernés par le travail à temps partiel.
A l'issue des deux phases de consultation, trois organisations syndicales -l'Union des industries et employeurs d'Europe (UNICE), la Confédération européenne des syndicats (CES) et le Centre européen de l'entreprise publique (CEEP)- annoncèrent, le 19 juin 1996, leur intention d'engager des négociations en vue de parvenir à la conclusion d'un accord.
Cet accord, conclu le 6 juin 1997, comporte sept clauses qui visent à favoriser sur une base volontaire le travail à temps partiel en éliminant les obstacles à son développement. Il tend à éliminer toute discrimination à l'encontre de cette modalité de travail en évitant qu'il soit considéré comme un travail de deuxième catégorie.
Son contenu est le suivant :
· L'accord s'applique aux travailleurs à temps partiel qui « disposent d'un contrat d'emploi tel que défini par la loi, des accords collectifs ou selon les pratiques en vigueur dans chaque Etat membre ».
· Le travailleur à temps partiel est celui qui effectue une prestation dont la durée est inférieure au travail à horaire complet, calculé sur une moyenne hebdomadaire durant une période d'un an.
· Les Etats membres pourront exclure de l'application de l'accord les travailleurs qui effectuent occasionnellement un travail à temps partiel. Une telle exclusion sera revue régulièrement pour déterminer si elle se justifie encore.
· Les travailleurs à temps partiel ne seront pas défavorisés par rapport aux travailleurs à temps complet en ce qui concerne les clauses de travail : c'est le principe de « non discrimination », qui a une valeur contraignante.
· Dans le cadre de cet accord, les partenaires sociaux et les Etats membres identifieront les obstacles au développement du travail à temps partiel. Et si cela s'avère nécessaire, ces obstacles seront éliminés.
· Le refus d'un travailleur de convertir un emploi à plein temps en temps partiel ne pourra pas constituer, en soi, une clause valable pour un licenciement.
· Les employeurs devront, dans la mesure du possible, informer leurs salariés des possibilités de travail à temps partiel dans l'entreprise et permettre le passage de celui-ci vers le temps plein, si l'opportunité se présente, et vice versa.
L'accord couvre exclusivement le travail à temps partiel. Il laisse donc de côté les autres formes de travail atypiques, telles que le travail à durée déterminée ou intérimaire.
Il se contente d'édicter des prescriptions minimales et d'énoncer des principes généraux, les Etats membres conservant toute leur capacité de maintenir ou d'introduire des dispositions plus favorables aux intérêts des travailleurs à temps partiel.
Sa seule disposition contraignante concerne l'interdiction de toute discrimination entre travailleurs à temps partiel et travailleurs à temps plein en matière de « conditions d'emploi ».
L'introduction en droit interne français des dispositions de l'accord-cadre ne devrait entraîner que des modifications minimes, le principe de non-discrimination y étant reconnu. On peut d'ailleurs s'interroger sur la portée réelle des principes édictés par l'accord-cadre dans l'Union, la Commission ne dressant pas, dans les documents qu'elle a élaborés, un bilan des législations en vigueur dans les Etats membres en matière de non-discrimination de travailleurs à temps partiel.
Par ailleurs, l'accord-cadre ne comporte aucune disposition concernant l'égalité de traitement en termes de protection sociale, les questions de régimes de sécurité sociale relevant de la compétence des Etats membres. L'absence de dispositions relatives à la protection sociale de travailleurs à temps partiel laisse penser que ceux-ci continueront à être victimes de discriminations en la matière.
Le contenu de l'accord-cadre paraît donc insuffisant et l'introduction de ses dispositions dans le droit interne des Etats membres ne pourra avoir qu'un effet limité en terme de revalorisation du travail à temps partiel.
Il n'en reste pas moins qu'il contribue à édifier un socle minimal de droits sociaux en Europe et qu'il s'attache à un sujet d'importance compte tenu du développement considérable du travail à temps partiel en Europe ces dernières années.
Vingt quatre millions de personnes sont actuellement employées à temps partiel dans l'Union, le recours à cette formule étant très variable d'un Etat membre à un autre. Ainsi, en 1995, seuls 3,4 % des actifs grecs travaillaient à temps partiel, alors qu'ils étaient 16,2 % en France et 37,4 % aux Pays-Bas à avoir recours à cette formule.
La majorité des emplois supplémentaires nets créés en Europe au début des années 1990 ont été des emplois à temps partiel, tant féminins que masculins. Cette tendance s'est poursuivie en 1995 où près de 71 % des emplois masculins supplémentaires nets et près de 85 % des emplois féminins, étaient à temps partiel. Cette formule de travail reste, cependant, majoritairement subie et non pas choisie par les travailleurs.
La proposition de directive E 918 tend à donner un caractère juridique contraignant aux dispositions de l'accord-cadre et précise les modalités d'introduction de celles-ci en droit interne.
Les Etats membres disposeront d'un délai de transposition de deux ans à compter de l'adoption de la directive. La directive introduit, par ailleurs, une clause de « non-régression » prévoyant que son adoption en droit interne ne pourra servir de justification à une réduction, par un Etat membre, du niveau général de protection des travailleurs à temps partiel.
Rappelons que l'introduction en droit français des dispositions de l'accord-cadre ne nécessitera que des modifications très minimes.
Par ailleurs, le Royaume-Uni ayant annoncé son intention de signer le protocole social annexé au traité de Maastricht, cet Etat devrait -comme les 14 autres Etats membres- introduire dans son droit interne le contenu de l'accord-cadre.
Compte tenu de l'ensemble des éléments ci-dessus, la délégation n'a pas souhaité intervenir sur la proposition E 918.
* (1) Propositions de directives du Conseil relatives, d'une part, à certaines relations de travail en ce qui concerne les conditions de travail et, d'autre part, à certaines relations de travail en ce qui concerne les distorsions de concurrence.