COM (97) 266 final
du 04/06/1997
Date d'adoption du texte par les instances européennes : 22/04/1999
Examen dans le cadre de l'article 88-4 de la Constitution
Texte déposé au Sénat le 26/06/1997Propositions E 865, E 870 et E 880
Le Sénat a reçu, dans le cadre de l'article 88-4 de la Constitution, au mois de juin 1997, trois propositions d'actes communautaires concernant l'action de la Communauté européenne dans le domaine de la santé publique. Il s'agit :
- d'une proposition de décision du Parlement européen et du Conseil adoptant un programme d'action communautaire 1999-2003 relatif à la prévention des blessures dans le cadre de l'action dans le domaine de la santé publique (E 865) ;
- d'une proposition de décision du Parlement européen et du Conseil adoptant un programme d'action communautaire 1999-2003 relatif aux maladies rares dans le cadre de l'action dans le domaine de la santé publique ( E 870) ;
- d'une proposition de décision du Parlement européen et du Conseil adoptant un programme d'action communautaire 1999-2003 relatif aux maladies liées à la pollution, dans le cadre de l'action dans le domaine de la santé publique ( E 880).
Ces trois propositions de décision font suite à une communication de la Commission du 24 novembre 1993 relative au cadre de l'action de la Communauté dans le domaine de la santé publique. A cette occasion, la Commission présentait la stratégie qu'elle jugeait nécessaire à mettre en oeuvre, à l'échelle communautaire, en matière de santé publique, et établissait des critères(1(*)) permettant de déterminer les domaines d'actions prioritaires des programmes européens.
La Commission identifiait, au moyen de ces critères, plusieurs domaines prioritaires de l'action communautaire dont, en particulier, ceux qui font aujourd'hui l'objet des propositions E 865, E 870 et E 880, à savoir respectivement : la prévention des blessures, les maladies rares et les maladies liées à la pollution.
Ces trois propositions ont pour base juridique l'article 129 du traité qui prévoit que « la Communauté contribue à assurer un niveau élevé de protection de la santé humaine en encourageant la coopération entre Etats membres et, si nécessaire, en appuyant leurs actions ». L'action de la Communauté porte sur la « prévention des maladies, [...], en favorisant la recherche sur leurs causes et leur transmission ainsi que l'information et l'éducation en matière de santé ».
L'adoption de ces trois textes relèvent de la procédure de codécision.
I. CONTENU DES PROGRAMMES D'ACTION
Ces trois programmes d'action sont destinés à couvrir une période de cinq ans allant du 1er janvier 1999 au 31 décembre 2003. Ils sont conçus de façon comparable et définissent les objectifs poursuivis et les actions envisagées ainsi que les moyens financiers qui leur sont réservés.
A. OBJECTIFS POURSUIVIS PAR LES PROGRAMMES D'ACTION
1. Le programme d'action relatif à la prévention des blessures (E 865)
Ce programme a pour objectif « de contribuer aux activités de santé publique qui visent à réduire l'incidence de blessures, en promouvant une diffusion et une application plus efficaces des techniques de prévention dont la valeur est largement reconnue par les experts et en participant au renforcement de la capacité générale des organismes de santé publique à mettre sur pied des activités de prévention efficaces ».
Les actions envisagées tendent donc à réunir et diffuser toute information concernant les mesures de prévention des blessures mises en oeuvre par chacun des Etats membres. Elles sont énumérées en annexe de la proposition d'acte communautaire et réservent une attention particulière aux accidents survenant aux enfants, aux jeunes adultes et aux personnes âgées, ainsi qu'à la prévention des tentatives de suicide. Elles consistent dans les mesures suivantes :
· Création de réseaux permettant l'échange d'informations relatives, en particulier, aux mesures de prévention et aux expériences nouvelles menées dans ce domaine.
· Soutien apporté aux campagnes de prévention : l'organisation des campagnes de prévention resterait de la compétence des Etats membres, qui bénéficieraient d'un soutien communautaire dans ce domaine grâce, en particulier, à la constitution d'une banque d'information sur les campagnes antérieures.
· Collecte et harmonisation des données disponibles sur les blessures. Ces actions viseraient à améliorer et à harmoniser les mécanismes de collecte de données sur les accidents de façon à ce que les Etats membres disposent de données statistiques probantes et comparables d'un Etat membre à l'autre.
· Collaboration en matière de recherches techniques sur les facteurs de risques de blessures. Cette action encouragerait les échanges d'informations entre les instituts des Etats membres chargés d'étudier les facteurs de risques de blessures.
· Coopération entre Etats membres. Cette coopération serait assurée au moyen de conférences, séminaires et autres groupes de travail.
2. Le programme d'action relatif aux maladies rares (E 870)
Les maladies rares sont celles « dont la prévalence généralement reconnue dans la population communautaire totale est inférieure à 5 pour 10 000 ». Actuellement les maladies rares répertoriées dans le monde sont au nombre de 5 000 et sont essentiellement d'origine génétique. Parmi les plus connues, on peut citer la myopathie et la mucoviscidose.
Touchant, par définition, peu de personnes, on dispose d'informations insuffisantes à leur sujet. La recherche, la prévention, le diagnostic et le traitement de ces maladies sont donc faiblement avancés. Par ailleurs, toute amélioration dans ce domaine nécessite des moyens financiers importants. En particulier, le développement de médicaments adaptés -dits médicaments orphelins- est entravé en raison d'un manque manifeste de rentabilité commerciale pour les laboratoires pharmaceutiques.
Constatant cet état de faits, la Commission a identifié, en 1993, les maladies rares comme étant un des domaines d'action prioritaire des programmes communautaires dans le domaine de la santé publique.
La proposition E 870 a pour objet d'instituer un programme d'action tendant à encourager la coopération entre Etats membres dans le domaine de l'analyse et de la prévention des maladies rares, en développant les échanges d'informations et d'expériences. L'objectif est de créer des synergies entre les acteurs impliqués dans le traitement de ces maladies, synergies essentielles compte tenu du faible nombre de personnes touchées par celles-ci.
Trois types d'actions sont envisagés dans le cadre de ce programme :
· Actions d'information sur les maladies rares.
Il s'agirait, en particulier, de créer une base de données sur les maladies rares, les données épidémiologiques en la matière étant actuellement rares et dispersées. Cette base rassemblerait des données sur les symptômes, les causes, les traitements éventuels et l'état de la recherche.
Des réunions entre professionnels de la santé seraient, par ailleurs, organisées pour faciliter les échanges entre eux.
· Actions de soutien aux groupes d'assistance aux patients et à leur famille.
L'objectif serait de promouvoir la création de groupes d'assistance et d'assurer l'essor de leurs activités, ces groupes disposant d'une expérience précieuse dans les soins à apporter aux malades. Pour ce faire, différents moyens pourraient être employés tels que des incitations financières directes, la participation financière à la formation des membres de ces groupes d'assistance, l'accès à la base de données européenne sur les maladies rares, etc. Par ailleurs, le développement de partenariat entre groupes d'assistance serait privilégié afin de faciliter les échanges d'informations et de créer des synergies.
· Actions relatives au traitement de « clusters » de maladies rares.
Les clusters se définissent comme « une concentration dans le temps et dans l'espace de cas de maladies rares ».
L'action concernant les clusters viserait, en particulier, à favoriser la création d'équipes de spécialistes sur telle ou telle maladie rare. Pour ce faire, la proposition E 870 prévoit notamment de participer financièrement à la formation d'épidémiologistes sur la détection, le traitement et la recherche des clusters. Ces équipes seraient chargées de surveiller l'évolution des maladies rares et d'alerter les autorités compétentes dans le cas où un cluster surviendrait. Il leur reviendrait de rassembler et diffuser toutes les informations disponibles quant au diagnostic et aux traitements envisageables. En fonction de ces éléments, les Etats membres pourraient seuls décider des mesures d'intervention à prendre, la Commission ne disposant d'aucun pouvoir en la matière.
3. Le programme d'action relatif aux maladies liées à la pollution (E 880)
La proposition E 880 concerne les maladies liées à la pollution, à savoir celles « causées, provoquées ou aggravées par la pollution de l'environnement ». Il s'agit, principalement, mais pas exclusivement, de maladies respiratoires et d'allergies.
Le programme communautaire dans ce domaine repose sur trois séries d'actions :
· Actions concernant l'amélioration de l'information sur les maladies liées à la pollution, les données étant, selon la Commission, insuffisantes. Ces actions permettraient, notamment, d'identifier les maladies pour lesquelles des polluants spécifiques jouent un rôle.
· Compréhension et gestion des risques en matière de maladies liées à la pollution. Ces actions seraient destinées à sensibiliser le public sur ce type de maladies et, plus généralement, sur les risques que la pollution présente pour la santé.
· Soutien des activités visant à prévenir et à réduire le nombre des maladies respiratoires et des allergies liées à la pollution. Ces actions s'adressent aux autorités nationales à l'opinion publique et aux groupes chargés de prêter assistance aux personnes souffrant de ces maladies. Les mesures viseraient à faciliter les échanges d'expériences entre Etats membres en matière de prévention et de traitement, ainsi qu'à sensibiliser l'opinion publique sur ces problèmes. Enfin, il est proposé de faciliter les échanges entre groupes d'assistances aux malades.
B. FINANCEMENT ET GESTION DES PROGRAMMES D'ACTION
1. Financement des programmes
Pour chacun de ces trois programmes d'action, les crédits alloués au titre de la première année (1999) s'élèvent à 1,3 million d'Ecus, dans le respect des perspectives financières actuelles de l'Union. Le cadre financier pour les quatre années suivantes des programmes (2000-2003) ne sera arrêté qu'une fois que seront connues les perspectives financières pour les années à venir.
Ces chiffres sont à apprécier à la lumière du montant total dépensé, chaque année, par la Communauté, dans le domaine de la santé. Celui-ci s'élève actuellement à 40 millions d'Ecus, tous programmes et actions communautaires confondus.
2. Gestion des programmes
Chacun de ces trois textes prévoit que la Commission sera assistée, dans le cadre de ces programmes, par un comité consultatif composé des représentants des Etats membres et présidé par le représentant de la Commission.
Il convient de souligner qu'un comité de ce type ne confère pas aux Etats membres un réel pouvoir de décision, seuls les comités de gestion de type III-A assurant aux Etats un pouvoir décisionnel.
II. ELEMENTS D'APPRECIATION
Ces trois textes confirment la tendance, déjà constatée, à un éparpillement des actions entreprises en matière de politique communautaire de la santé.
On peut, par ailleurs, s'interroger sur la compatibilité de ce genre de programme d'action avec le principe de subsidiarité.
A. DISPERSION DES ACTIONS COMMUNAUTAIRES ENTREPRISES EN MATIÈRE DE SANTÉ PUBLIQUE
Ces trois textes s'inscrivent dans la tendance actuelle à la multiplication des programmes de santé publique très ciblés et aux budgets très réduits. Ils viendraient s'ajouter aux nombreux programmes communautaires déjà mis en oeuvre parmi lesquels on peut citer ceux relatifs à la lutte contre le cancer, le SIDA, l'alcoolisme ou la toxicomanie. Adopter simultanément trois nouveaux programmes d'action distincts peu prioritaires au regard, par exemple, de la question des maladies transmissibles et du SIDA, peut ainsi paraître contestable.
Par ailleurs, il convient de se demander s'il est opportun de consacrer 1,3 millions d'Ecus, en 1999, à la prévention des blessures, alors qu'il est manifeste qu'avec une somme aussi modeste il ne sera pas possible de parvenir à des résultats tangibles dans un champ d'action aussi vaste. Allouer des crédits réduits à des actions d'une telle envergure semble ainsi dépourvu de réelle utilité.
Le même constat peut être dressé pour le programme d'action communautaire en matière de maladies liées à la pollution. Il convient d'ailleurs de rappeler qu'il existe d'ores et déjà plusieurs programmes entrepris dans ce domaine dans le cadre tant de la politique communautaire environnementale que dans celui de la politique de recherche et développement de la Communauté. De ce fait, le nouveau programme envisagé par la Commission risque, non seulement, de ne pas parvenir à ses objectifs pour cause de budget trop réduit, mais aussi de faire double-emploi avec les programmes déjà existants dans ce domaine.
B. PROGRAMME DE SANTE PUBLIQUE ET PRINCIPE DE SUBSIDIARITÉ
Il paraît utile de s'interroger sur la compatibilité des programmes d'action envisagés avec le principe de subsidiarité.
Il est vrai que la Communauté n'entend pas se substituer aux Etats membres dans l'élaboration des programmes et se contente de coordonner, voire de soutenir, les politiques et les programmes des Etats membres et de favoriser les échanges entre les divers organismes concernés.
Toutefois, la conformité au principe de subsidiarité doit s'apprécier, dans le domaine de la santé publique, au regard de la plus-value qui peut résulter de la réalisation, au niveau communautaire, des actions envisagées. En d'autres termes, les programmes ne se justifient que si leur conduite, à l'échelle communautaire, permet de « mieux réaliser » l'objectif poursuivi par rapport aux actions menées au niveau national.
L'existence de cette plus-value communautaire ne paraît pas toujours assurée pour les programmes d'action dans le domaine de la santé publique, dans la mesure où la réalisation, à l'échelon européen, de ces programmes, tend à les éloigner du « terrain » et ainsi à porter atteinte à leur efficacité, efficacité déjà limitée en raison des faibles crédits qui leur sont alloués.
Ce point de vue mérite, toutefois, d'être tempéré pour le programme d'action relatif aux maladies rares. En effet, l'intervention communautaire dans ce domaine paraît en mesure de dégager une réelle plus-value puisque les actions menées en la matière, à l'échelon national, se révèlent insuffisantes et les moyens qui leur sont réservés apparaissent trop réduits.
Un programme européen pourrait être de nature à créer des synergies entre tous les acteurs concernés par les maladies rares (autorités nationales, professionnels de la santé, instituts de recherche, laboratoires pharmaceutiques, etc.) et permettrait ainsi de déboucher sur une analyse, un diagnostic et un traitement pertinents de celles-ci.
Le Conseil des ministres avait d'ailleurs, le 20 décembre 1995, sur la base de propositions françaises, souligné dans une résolution les avantages que pouvait offrir une « approche commune à l'échelle européenne à l'égard des maladies rares et des médicaments orphelins » [...] sur « les plans de l'épidémiologie, de la santé publique et sur le plan économique ».
Toutefois, pour que ce programme soit efficace, et donc justifié au regard du principe de subsidiarité, il conviendrait que des moyens financiers adaptés lui soient réservés. Ce point n'est pas assuré puisque les crédits qui lui sont alloués, pour 1999, ne sont que de 1,3 million d'Ecus, comme pour les deux autres programmes envisagés. De surcroît, il conviendrait d'identifier les priorités parmi les différentes maladies rares recensées afin d'éviter un éparpillement du programme qui nuirait à son efficacité.
III. POSITION DU GOUVERNEMENT FRANÇAIS ET CALENDRIER D'ADOPTION
A. POSITION DU GOUVERNEMENT FRANÇAIS
Le Gouvernement accorde, parmi ces trois programmes, une priorité très marquée à celui relatif aux maladies rares au motif qu'une action, menée conjointement par l'ensemble des Etats membres, permettrait de créer des synergies et de dépasser ainsi les effets de seuil et la notion même de « maladie rare » auxquels les mesures strictement nationales se heurtent.
Il estime que pareil programme devrait permettre de mener une action cohérente en matière de prévention et de traitement de ces maladies.
Le Gouvernement rappelle, à cet égard, que la proposition de la Commission relative aux maladies rares répond aux propositions formulées en la matière par la Présidence française, au premier semestre 1995. Il souligne toutefois la nécessité d'adopter en parallèle un programme destiné à favoriser la recherche et la commercialisation de médicaments appropriés pour les personnes atteintes de maladies rares, dits médicaments orphelins.
Sur ce point, la Commission européenne devrait présenter prochainement sa proposition visant à intensifier la recherche sur les traitements des maladies rares. Ce texte tendrait à favoriser la recherche sur ces produits dont le marché est extrêmement restreint grâce à des subventions accordées par l'Union européenne.
Sur les deux autres programmes -prévention des blessures et maladies liées à la pollution- le Gouvernement est extrêmement réservé. Il s'interroge sur leur utilité et constate l'inadéquation entre les objectifs poursuivis par ces programmes et les moyens financiers qui leur sont réservés.
B. CALENDRIER COMMUNAUTAIRE
Ces trois textes ont été présentés par la Commission au Conseil « Affaires sociales » du 5 juin 1997. A l'occasion de cette réunion, aucun débat n'est intervenu entre les ministres concernés.
Depuis, seule la proposition relative aux maladies rares fait l'objet d'un examen technique au sein du groupe « santé » du Conseil.
Les Etats membres n'ont pas encore définitivement arrêté leur position. Ils sont néanmoins nombreux à souligner la multiplication de programmes ponctuels dans le domaine de la santé et à s'inquiéter du manque de cohérence entre eux.
Une position commune sur le texte relatif aux maladies rares pourrait être arrêtée au Conseil « santé » du 4 décembre prochain.
* (1) Ces critères sont les suivants : « l'impact d'une maladie sur la morbidité et la mortalité, son impact socio-économique, la possibilité de mener une action préventive efficace et, surtout, la possibilité de compléter par des actions communautaires, en apportant une valeur ajoutée, l'action de Etats membres ».