
La proposition de loi contre toutes les fraudes aux aides publiques, présentée par Thomas Cazenave, député, adoptée par l'Assemblée nationale en 1re lecture le 20 janvier 2025, a été examinée par la commission des affaires économiques le 19 mars. Elle a été adoptée, avec modifications, en séance publique du Sénat le 2 avril 2025.
Une commission mixte paritaire (CMP) devrait se réunir prochainement pour tenter d'établir un texte de compromis entre l'Assemblée nationale et le Sénat.
Pourquoi ce texte ?
La fraude, sous toutes ses formes, constitue un fléau social, économique et moral. C'est aussi un enjeu de justice et de finances publiques. Ces derniers mois ont été révélés de nouveaux schémas de fraude organisée mis en place par des réseaux structurés pour détourner des aides publiques. C’est pourquoi une nouvelle offensive législative en matière de lutte contre les fraudes s’impose.
A cette fin , le texte propose de :
- lutter contre la fraude à la source en introduisant un pouvoir de suspension temporaire du versement des aides publiques en cas de suspicion de fraude (art. 1) ;
- lever le secret professionnel dans les différents codes afin d’élargir et de systématiser les échanges internes à l’administration, permettre à Tracfin de transmettre des informations à l’agence nationale de l’habitat (ANAH) pour lutter contre les fraudes relatives à la prime "MaprimRénov", permettre des échanges d’informations en matière de fraude à l’identité et documentaire entre services des préfectures et les organismes de protection sociale, afin d'exploiter pleinement le partage d’informations entre services de lutte contre les fraudes et organismes qui versent les aides pour identifier plus rapidement les schémas frauduleux (art. 2) ;
- renforcer la lutte contre la fraude à la rénovation en permettant notamment de (art. 3) :
- rétablir le délit d’absence d’immatriculation au registre national des entreprises (RNE) pour permettre aux agents de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes (CCRF) de constater cette infraction et de sanctionner les professionnels ne disposant pas de la qualification alléguée auprès des consommateurs ;
- interdire le démarchage téléphonique pour les travaux d’adaptation du logement au handicap et à la vieillesse et instituer des sanctions pécuniaires jusqu’à 375 000 euros pour les personnes morales, et 75 000 euros pour les personnes physiques prononcées les services d’enquête CCRF ;
- étendre l’interdiction sectorielle du démarchage téléphonie aux sollicitations par SMS, réseaux sociaux et courriels afin d’éviter la captation des chantiers par des professionnels peu scrupuleux ;
- assurer l’information du consommateur lorsqu’un professionnel recourt à un ou plusieurs sous‑traitants pour réaliser des travaux de rénovation énergétique et éviter que le consommateur perde le bénéfice des soutiens conditionnés à la réalisation des travaux par des professionnels reconnus garant de l’environnement (RGE) ;
- suspendre ou retirer le label RGE, par les enquêteurs de la CCRF, en cas d’anomalies graves constatées lors des contrôles afin de mettre rapidement hors d’état de nuire les grands fraudeurs.
- renforcer les contrôles et les sanctions en cas de fraudes aux certificats d'économies d'énergie (C2E) (art. 4 et 5).
Les apports du Sénat
Le Sénat a renforcé l’efficacité et le champ du dispositif de lutte anti-fraude proposé, en accordant une attention spécifique aux pouvoirs de contrôle et de sanction des acteurs ainsi qu’aux échanges d’informations entre ces derniers.
Le texte ainsi adopté prévoit notamment :
- d’étendre à toutes les entreprises, sauf les agriculteurs, les sanctions en cas de défaut d'immatriculation au registre national des entreprises ;
- de réinjecter la proposition de loi du Sénateur Pierre-Jean Verzelen, adoptée à l’unanimité par le Sénat le 14 novembre 2024, visant à interdire le démarchage téléphonique sans consentement du consommateur ;
- de maintenir les interdictions proposées par le texte de l'Assemblée nationale du démarchage par voie électronique dans les secteurs de la rénovation énergétique et de l'adaptation des logements ;
- d’étendre les cas de suspension par la Direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes (DGCCRF) du label RGE ou de l'agrément Mon Accompagnateur Rénov' et d’introduire une sanction d'interdiction de candidature à tout label ou signe de qualité pour une durée allant jusqu'à cinq ans en cas de fraude ;
- d’introduire une possibilité pour la DGCCRF d’enjoindre les professionnels à suivre une formation relative au droit de la consommation afin de traiter les anomalies ne traduisant pas nécessairement une volonté de frauder, mais aussi une méconnaissance de la règlementation ;
- de consolider les contrôles et les sanctions appliqués aux certificats d'économies d'énergie (C2E), le cas échéant via des contrôles visuels à distance (CVAD) ;
- de faciliter les contrôles à distance des compteurs communicants en cas de fraude par les gestionnaires des réseaux publics de distribution d'électricité et de gaz, Enedis et GrDF ;
- de renforcer les pouvoirs d'enquête de la DGCCRF ainsi que les suites données à ses contrôles, notamment en matière de publicité des sanctions ;
- de renforcer les échanges d'informations entre la DGCCRF, l'Ademe, l'Anah, la CRE, les organismes de qualification ou le ministère de la justice ;
- de renforcer la lutte contre la fraude dans les domaines sociaux, dont la formation professionnelle.