L’année 2023 et le début d’année 2024 ont été marqués par des inondations aux conséquences humaines et matérielles dramatiques dans plusieurs départements, notamment dans le Pas-de-Calais, le Nord, la Charente-Maritime, la Charente, les Alpes-de-Haute-Provence et les Hautes-Alpes.
En déplacement dans le Pas-de-Calais le 4 décembre 2023, le Président Gérard Larcher a évoqué l’opportunité d’un contrôle sénatorial pour examiner les moyens à déployer pour améliorer la gestion de crise et la prévention des inondations, ainsi que mieux prendre en compte les sinistrés sur le volet de l’indemnisation.
Une mission conjointe de contrôle a ainsi été confiée à la commission des finances et à la commission de l’aménagement du territoire et du développement durable, qui ont respectivement nommé rapporteurs MM. les sénateurs Jean-François Rapin et Jean-Yves Roux. Ces derniers débutent leurs travaux et auditions la semaine du 5 février 2024.
Pourquoi ce contrôle ?
Durant ces 40 dernières années, les inondations ont représenté plus de la moitié des reconnaissances d’état de catastrophe naturelle en France, touchant environ 3 500 communes par an.
18,3 millions de Français résident et travaillent dans des zones exposées aux inondations du fait d’un débordement de cours d’eau (26,8 % de la population française). À l’horizon 2050, la sinistralité moyenne annuelle des inondations pourrait augmenter de 6 % à 19 % et celle des submersions marines de 75 % à 91 %.
La progression de l’aléa climatique et la concentration des logements et des entreprises dans les zones inondables devraient ainsi conduire à une augmentation de près de 85 % du coût des sinistres provoqués par des inondations et la submersion marine, passant ainsi de plus de 56,4 milliards d’euros entre 1989 et 2019 à 104 milliards d’euros entre 2020 et 2050.
Les phénomènes météorologiques extrêmes de l’automne 2023, puis de janvier 2024 sont venus rappeler la réalité de ce risque. Plusieurs centaines de communes du Nord, du Pas-de-Calais, des Alpes-de-Haute-Provence, de l’Ardèche, de l’Aude, de Charente-Maritime, de Corse-du-Sud, du Finistère, de Loire-Atlantique et du Var ont été reconnues en état de catastrophe naturelle. Face à l’ampleur et à l’accélération de ces phénomènes, la question de l’adaptation du financement de la prévention des risques (taxe GEMAPI, fonds Barnier…) et de l’indemnisation des victimes se pose. Les objectifs de cette mission seront triples :
- dresser un état des lieux des inondations survenues en 2023 et en début d’année 2024 sur l’ensemble du territoire, en prenant en compte la diversité des situations, notamment entre plaine et montagne, et examiner quelle a été la gestion par les pouvoirs publics de ces évènements ;
- identifier les facteurs naturels et humains qui favorisent une augmentation des risques et des dommages ;
- enfin, formuler des propositions en faveur d’une meilleure anticipation, prévention, gestion et indemnisation des inondations.
Quels constats et quelles recommandations ?
Alors qu'un Français sur quatre est exposé aux inondations par débordement de cours d'eau et/ou submersion marine, les rapporteurs ont constaté des lacunes dans les politiques de prévention des inondations, de gestion de crise et d'après-crise ainsi que d'indemnisation. Les remontées de terrain (à travers les 37 auditions, les 3 déplacements et la consultation de près de 1 200 élus locaux) font état d'une complexité administrative excessive, notamment dans la mise en œuvre d'actions de prévention des inondations et la gestion des cours d'eau, et d'une inadéquation des moyens dédiés à la prévision des inondations et à la gestion de crise. Surtout, un défaut de solidarité dans le financement de la compétence "Gestion des milieux aquatiques et prévention des inondations" (Gemapi) est identifié : en particulier, les communes rurales qui ont d'importants travaux à réaliser sur leurs ouvrages d'endiguement alors même qu'elles disposent de très peu de ressources pour ce faire, ont le sentiment légitime de subir une double peine.
Face à ces constats, le mercredi 25 septembre 2024, suivant l’avis des rapporteurs, la commission des finances et la commission de l'aménagement du territoire et du développement durable ont adopté à l’unanimité 20 recommandations selon quatre axes :
- simplifier la gestion des cours d’eau et garantir une véritable solidarité amont/aval dans le financement de la compétence Gemapi ;
- renforcer l’efficacité de la prévention des inondations et mieux l’adapter aux besoins des territoires face au changement climatique ;
- mieux gérer les inondations en renforçant les moyens des pouvoirs publics pour faire face à la crise dans les territoires les plus exposés ;
- adapter les procédures d’indemnisation des personnes sinistrées et les méthodes de reconstruction.
Remise du rapport
Les déplacements
Le vendredi 17 mai 2024, la mission conjointe de contrôle des inondations s'est rendue une nouvelle fois dans le Pas-de-Calais (Audomarois et Boulonnais), pour faire un point sur la gestion des inondations qui continuent à frapper ce département depuis l'automne 2023 . Après être allés à la rencontre d'élus locaux et d'habitants de Blendecques, où un quartier pourrait être détruit afin de créer une zone de rétention des crues, ils se sont rendus à Longuenesse dans un village solidaire mis en place pour accueillir de manière temporaire des personnes sinistrées. Ces rencontres ont permis de mettre en avant les conséquences sociales de la catastrophe. Au cours de cette journée, ils ont également échangé avec des représentants du monde agricole et des parties prenantes à la gestion des wateringues. Enfin, ils se sont déplacés dans le pays desvrois qui a été touché par des inondations par ruissellement, un aléa qui soulève des problématiques spécifiques en termes de prévention et de gestion des inondations.
Les lundi et mardi 13 et 14 mai 2024, les rapporteurs se sont rendus dans les Alpes (Alpes-de-Haute-Provence et Hautes-Alpes), pour aborder les enjeux liés aux crues torrentielles en zone de montagne, qui présentent des spécificités fortes par rapport aux inondations de plaine. Ils sont allés à la rencontre d'élus locaux et d'acteurs économiques touchés par les crues de décembre 2023 ainsi que des représentants de l’État en charge de la gestion de crise. Au fil des échanges, parmi les nombreux sujets abordés, plusieurs points ont particulièrement retenu leur attention : le coût des travaux de réparation des infrastructures publiques endommagées (routes, digues, ponts...), dont l'avance est particulièrement lourde à supporter pour les petites collectivités rurales, la complexité administrative à laquelle sont confrontés les maires et intercommunalités dans l'entretien des cours d'eau et le manque d'accompagnement des services de l’État sur ce sujet, ou encore la nécessité d'un retour de solidarité entre l'amont et l'aval des cours d'eau sur le financement de la prévention des inondations.
Le mardi 5 mars 2024, les rapporteurs se sont rendus dans le Boulonnais et le Montreuillois (Pas‑de‑Calais) pour rencontrer les acteurs économiques, les habitants sinistrés, les élus locaux ainsi que les services de secours en première ligne dans la gestion de crise (service départemental d’incendie et de secours et acteurs de la sécurité civile en particulier). Sur ce territoire fortement touché par les inondations depuis octobre 2023, ils ont notamment été à l’écoute des difficultés en matière d’indemnisation des sinistrés, d’accompagnement des collectivités territoriales face à la prévention et à la gestion des inondations, à commencer par les petites communes, ainsi que des problèmes de financement des opérations de pompage et des travaux de réparation.
D’autres déplacements sont prévus dans le Pas‑de‑Calais (Audomarois et Calaisis), mais aussi dans des territoires de montagne particulièrement vulnérables face aux inondations (Alpes‑de‑Haute‑Provence et Hautes‑Alpes) et en région Nouvelle‑Aquitaine (Charente et Charente‑Maritime) dans les prochaines semaines.