" ENTREE DANS LA SOCIETE DE L'INFORMATION "

AUDITIONS DU 16 OCTOBRE 1996

Mercredi 16 octobre 1996 - Présidence de M. Pierre Laffitte, président.

La mission a tout d'abord procédé à l'audition de Mme Anita Rosenholc, chargée de mission à la délégation à l'aménagement du territoire et à l'action régionale (DATAR).

Mme Anita Rosenholc a affirmé que tous les processus de production avaient de plus en plus recours aux nouvelles technologies ce qui induisait de profonds changements notamment dans les domaines de la télé-médecine, du télé-enseignement ainsi que de nombreuses autres activités.

En conséquence, la localisation de l'activité, a souligné Mme Anita Rosenholc, dépendait désormais largement des compétences dont disposaient en la matière les territoires concernés. Une meilleure répartition sur le territoire des activités " d'arrière guichet " était donc rendue possible par l'émergence de nouvelles technologies, les réseaux de communication permettant une gestion à distance de ces activités.

La DATAR, a précisé Mme Anita Rosenholc, était engagée dans une réflexion visant à définir les critères à remplir pour qu'un territoire devienne attractif, critères au premier rang desquels apparaissait la desserte en services de télécommunications.

Les services d'intérêt général devaient être les plus accessibles possible, ce qui impliquait par exemple la mise en réseau des établissements d'enseignement, le raccordement des établissements hospitaliers, la possibilité de " télé-vente ", notamment pour les librairies, ainsi que la diffusion des actes administratifs sur les réseaux en ligne.

Pour les petites et moyennes entreprises, Mme Anita Rosenholc a indiqué qu'une délocalisation dans les zones les moins peuplées du territoire était envisageable et même porteuse d'économies de gestion. La DATAR élaborait d'ailleurs des " plans de villes " et des " plans de départements " en vue de promouvoir des réimplantations d'entreprises.

En réponse à une intervention de M. Franck Sérusclat, Mme Anita Rosenholc a précisé qu'à son sens les entreprises étaient désormais " virtuelles ", c'est-à-dire que les procédés de fabrication des produits et de prestation des services avaient été transformés totalement par rapport à la décennie précédente, le travail étant désormais " éclaté segment par segment ", selon une localisation répondant à de nouveaux critères de choix.

En réponse à une question de M. Alain Joyandet, rapporteur, Mme Anita Rosenholc a ensuite présenté l'exemple de la ville de Besançon qui a souhaité mettre en réseau 12 sites de son territoire en vue d'instaurer un échange de données informatiques. La solution retenue par la ville avait été d'assurer elle-même un câblage en fibres optiques empruntant le réseau d'égouts. D'une façon plus générale, la perspective de la libéralisation des services de télécommunications au 1er janvier 1998 favorisera la réalisation d'un câblage en " boucles locales " dans un certain nombre de collectivités locales.

Mme Anita Rosenholc a souligné le rôle majeur des élus locaux dans la mise en place de ces initiatives auxquelles la DATAR était appelée à apporter son soutien. Elle a pris l'exemple de l'action de la DATAR dans le Cantal pour montrer que l'engagement des chefs d'entreprise était également un facteur déterminant.

En réponse à M. Alain Joyandet, rapporteur, Mme Anita Rosenholc a ensuite indiqué que le facteur le plus essentiel pour le choix des infrastructures était l'interactivité du moyen retenu, ce qui l'a amené à préconiser l'utilisation de la fibre optique, tout en soulignant son coût important. Elle a, en outre, jugé intéressantes les perspectives offertes par les techniques hertziennes, en liaison avec les programmes de lancement de satellites en orbite basse, qui devraient remédier à l'isolement de l'espace rural français. Toutefois, au delà de la technique utilisée, Mme Anita Rosenholc a souligné l'importance de la configuration du réseau en étoile, qui seule permet une véritable interactivité.

En réponse à une intervention de M. Pierre Laffitte, président, Mme Anita Rosenholc a précisé que le coût de réalisation des réseaux était extrêmement variable, en fonction du nombre de fibres optiques, de l'importance des travaux de génie civil et du nombre de terminaux intelligents. Elle a aussi attiré l'attention des membres de la mission sur la nécessité de planifier l'utilisation des sous-sols des collectivités concernées.

Mme Anita Rosenholc a rappelé que les coûts liés à la maintenance et au fonctionnement des réseaux de télécommunications ne devaient toutefois pas être sous estimés.

M. Pierre Laffitte, président, a enfin fait part des expériences étrangères de tarification forfaitaire, dont il a souhaité l'application en France.

La mission a ensuite procédé à l'audition de MM. Georges­Yves Kervern, Jean­Michel Billaut, et de Mme Claudine Schmuck, membres du club de l'Arche.

M. Jean­Michel Billaut a indiqué que le club de l'Arche était une association créée en 1993 afin de promouvoir les nouvelles technologies de l'information et de la communication en France. Il déploie actuellement son activité dans trois directions :

- faire prendre conscience aux professionnels intéressés des progrès du commerce électronique. Il sera bientôt nécessaire d'y recourir pour vendre " en ligne " à l'étranger, compte tenu du développement de cette technique de vente aux Etats­Unis et dans le nord de l'Europe. Le club de l'Arche a suscité, à cette fin, la création de l'association française du commerce et des échanges électroniques ;

- le club prépare la création d'une association des villes numérisées destinée à favoriser l'insertion des collectivités locales dans le courant mondial d'échanges qui se constitue, à partir des Etats­Unis, autour du réseau Internet. Des initiatives ont d'ores et déjà été prises en ce sens à Parthenay et à Charleville­Mézières. L'objectif est de répandre l'information sur les possibilités offertes aux collectivités ;

- le troisième axe est la réflexion sur les moyens d'améliorer les prestations des administrations de l'Etat grâce aux nouvelles techniques, au meilleur coût. Les principaux développements sont attendus spécialement dans les domaines de l'éducation et de la santé.

M. Georges­Yves Kerven a ensuite évoqué le problème de la mise en réseau des collectivités locales. L'idée de mise en réseau s'appuie sur le phénomène des " city­states " en Amérique du Nord. Celui­ci résulte d'initiatives des collectivités locales désireuses de parvenir à une efficacité accrue grâce aux nouvelles technologies de l'information et de la communication. A titre d'exemple, M. Georges­Yves Kerven a cité une bibliothèque de New York permettant l'accès à toutes les publications numérisées et formant sur place les usagers à l'utilisation des postes de travail ; une initiative de volontaires californiens impliqués dans l'équipement des écoles en ordinateurs ; le développement des pratiques de télétravail, pour faire face en particulier aux pics de pollution automobiles (tele commuting).

Des expériences identiques sont en gestation dans le cadre de l'Union européenne avec l'opération " telecities ", financée par l'Union. De son côté, l'association française des villes numérisées, dont la constitution est en cours dans le cadre du club de l'Arche, devrait répandre l'information sur les expériences les plus avancées. Enfin, les " Technopoles de l'arc méditerranéen " devraient apparaître comme un lieu privilégié de diffusion des nouvelles technologies grâce à leurs importantes capacités dans les domaines de la communication et de l'informatique.

La " cindynique ", science des risques (trafic routier, sécurité, pollution ...), est un domaine d'application des nouvelles technologies dans lequel la France dispose d'une certaine avance grâce à son expérience de la gestion des risques dans des domaines comme la production d'électricité nucléaire. Il est possible de mettre des méthodes comparables de gestion des risques au service de la gestion urbaine. En effet, les réseaux à grand débit permettent de recueillir et de diffuser les informations utiles en temps réel, de prévoir le risque grâce à une modélisation et de proposer des modalités de gestion de la crise en cas d'incident. Un système d'aide à la décision, le système " DEDICS ", fondé sur le traitement informatique des précédents et sur l'emploi de tests de similarité, a ainsi été mis au point afin de gérer les feux de forêt. Il est envisagé d'appliquer la même méthode au transport de matières dangereuses.

Dans le même ordre d'idée, la " géo­cindynique " devrait conduire à une géographie numérisée des risques naturels ou sociaux susceptible de servir de base à la prise de décision individuelle ou collective.

M. Georges-Yves Kerven a enfin précisé à Mme Danièle Pourtaud que ce type de techniques permettait de mieux cerner le " fardeau social des traumatismes ", c'est­à­dire d'évaluer la fréquence, la nature et la localisation des risques dans certains domaines (accidents de la route dus aux modes d'aménagement des passages piétonniers), afin de lancer des actions préventives.

M. Jean-Michel Billaut, reprenant la parole, a rappelé que le chiffre d'affaires réalisé en 1995 par le commerce électronique sur Internet avait été évalué à 300 millions de dollars, montant relativement faible, mais que les estimations pour l'année 1996 se situaient dans une fourchette de 5 à 10 milliards de dollars. Il a en outre indiqué que la part prévisionnelle du commerce électronique représenterait, en l'an 2000, 20 % du commerce américain, son développement pouvant conduire en 2010 à la disparition de la moitié des surfaces commerciales des États-Unis.

Il a distingué trois catégories d'intervenants : les commerçants traditionnels soucieux de développer leur clientèle grâce aux possibilités offertes par Internet, les nouveaux intervenants créant des magasins électroniques et les centres de commerce électronique.

Il a précisé qu'il existait deux types de monnaie électronique, l'une réelle, le porte-monnaie électronique matérialisé par une carte ; l'autre, purement virtuelle, constituée de simples flux monétaires susceptibles, dans l'avenir, de ne plus transiter par le système bancaire.

M. Jean-Michel Billaut a ensuite évoqué les incidences du développement du commerce électronique sur la structure du marché qui pourrait à terme se réduire aux distributeurs et aux clients alors que les acteurs étaient aujourd'hui multiples et constituaient une chaîne de commercialisation. Il a indiqué que des services de recherche du meilleur prix pour un produit déterminé existaient d'ores et déjà sur le réseau américain et que ces enquêtes effectuées en temps réel pourraient, si elles se généralisaient, être source de déflation au niveau mondial, ce qui témoignait de la nécessité d'organiser les marchés.

En réponse au président Pierre Laffitte, il a indiqué que le commerce électronique connaissait une forte progression dans les pays du nord de l'Europe, contrairement à ceux du sud de l'Europe encore sous équipés.

Mme Claudine Schmuck a enfin présenté l'apport des nouvelles technologies de l'information pour les administrations. Elle a rappelé que certaines d'entre-elles avaient mis en place des services de courrier électronique mais qu'il s'agissait souvent de systèmes propriétaires, incompatibles entre eux, et que l'installation de réseaux Intranet permettrait de réduire les coûts. Elle a observé que le développement des services administratifs sur Internet devrait améliorer l'information des administrés et faciliter certaines formalités administratives.

Elle a indiqué qu'un recensement des réalisations les plus efficientes en ce domaine, mises en oeuvre aux Etats-Unis, en Scandinavie et à Singapour, était en cours et qu'un groupe de travail avait été chargé de définir les besoins prioritaires des administrés en France.