MISSION COMMUNE D'INFORMATION CHARGEE DE DRESSER LE BILAN DE LA DECENTRALISATION ET DE PROPOSER LES AMELIORATIONS DE NATURE A FACILITER L'EXERCICE DES COMPETENCES LOCALES

Table des matières


Mardi 14 mars 2000

- Présidence de M. Jean-Paul Delevoye, président -

Audition de M. Pierre Steinmetz, directeur général de la gendarmerie nationale

La mission a procédé à l'audition de M. Pierre Steinmetz, directeur général de la gendarmerie nationale.

M. Jean-Paul Delevoye, président,
a souhaité savoir quelle répartition des compétences entre Etat et collectivités locales était la mieux à même d'assurer l'efficience de la politique de sécurité publique. Il a soulevé en particulier la question du financement des casernes de gendarmerie par les collectivités locales.

M. Pierre Steinmetz, directeur général de la gendarmerie nationale, a fait part des conclusions du colloque de Villepinte tendant à placer la sécurité parmi les domaines de responsabilité partagée entre Etat et collectivités territoriales, et à affirmer la nécessité tant de s'attaquer aux causes de la délinquance que de sanctionner les troubles à l'ordre public.

S'agissant des contrats locaux de sécurité, M. Pierre Steinmetz a indiqué qu'ils ne constituaient pas une innovation mais s'inscrivaient dans la continuité des conseils communaux et départementaux de prévention de la délinquance. Il a estimé que ces instances de concertation permettaient une efficacité réelle, à condition d'obtenir l'implication des autorités compétentes et l'établissement de relations de confiance, en particulier entre policiers et travailleurs sociaux, afin de faire circuler l'information et de renforcer l'efficacité de la prévention et de la répression.

Il a indiqué que la gendarmerie prenait part au tiers des contrats locaux de sécurité, pour un tiers dans les zones où la gendarmerie était seule intéressée, et pour les deux tiers dans les zones partagées avec la police nationale, en particulier en milieu suburbain.

Après avoir estimé que les caractéristiques propres de la gendarmerie, interministérielle et horizontale, favorisaient sa participation aux contrats locaux de sécurité, M. Pierre Steinmetz a mis en garde contre le risque de confusion des rôles et des responsabilités.

Concernant l'articulation entre police et gendarmerie sur le territoire, il a indiqué que le rapport de MM. Hyest et Carraz s'était révélé plus difficile à mettre en oeuvre que prévu, seules trois communes ayant donné lieu à un transfert effectif de compétences. Les transferts de personnels à l'intérieur des zones de gendarmerie ont été plus aisés à appliquer en privilégiant l'arrivée de gendarmes adjoints dans les brigades les moins chargées et l'affectation prioritaire de militaires professionnels dans les brigades les plus difficiles.

M. Pierre Steinmetz s'est félicité des résultats du conseil de la fonction militaire de la gendarmerie, tendant à recruter 1500 sous-officiers supplémentaires, en complément du mouvement de recrutement de gendarmes adjoints et de personnels civils. Il a indiqué que ces recrutements, à raison de 500 par an, permettraient de renforcer les centres opérationnels de gendarmerie (COG) et de créer des pelotons spéciaux d'intervention (PSIG).

M. Jean-Paul Delevoye, président, a souhaité savoir si l'Etat devait continuer à utiliser le patrimoine des collectivités locales pour loger les gendarmes.

M. Pierre Steinmetz a noté que trois solutions s'offraient à l'Etat. La première est de loger les gendarmes en utilisant exclusivement le patrimoine de l'Etat, avec pour inconvénients de figer la répartition des effectifs sur le territoire et de nécessiter des investissements très importants à court terme. La deuxième solution consiste à faire financer par les collectivités locales les constructions de casernes, la subvention versée par l'Etat sous forme de loyer variant selon la taille de la commune, ce qui permet un effort de construction important avec un investissement initial minime pour l'Etat, mais présente des inconvénients à long terme : l'Etat doit verser des loyers sur une durée indéterminée et ne se constitue pas de patrimoine. La dernière solution, consistant à loger les gendarmes dans le secteur privé, favorise la mobilité et évite tout investissement, avec cependant le risque de dispersion des gendarmes et des inconvénients majeurs pour le patrimoine de l'Etat.

M. Pierre Steinmetz a noté que le logement en caserne semblait moins bien accepté qu'auparavant par les gendarmes et leurs familles.

M. Jean-Paul Delevoye, président, a regretté que l'Etat demande aux collectivités locales d'importants efforts d'investissement, sans garantir pour autant la pérennité de l'implantation des brigades de gendarmerie. Il s'est demandé si l'efficience des politiques publiques de sécurité, la proximité du service et la rapidité des interventions, passaient par une meilleure coordination des acteurs locaux, ou par une " municipalisation " des services de sécurité.

Il s'est également interrogé sur les liens à établir entre un service de sécurité de proximité et les instances judiciaires, les citoyens ayant trop souvent l'impression que les plaintes déposées auprès des autorités de police n'étaient pas suivies d'une réponse appropriée et rapide de la part de la justice.

M. Hubert Haenel a estimé que la présence des services publics sur le territoire nécessitait une révision de la carte judiciaire, dont devait tenir compte le découpage territorial de la gendarmerie. Il a rappelé que les avantages d'un logement en caserne pour utilité absolue de service étaient liés à la disponibilité exigée des gendarmes.

" L'intermunicipalisation " de la gendarmerie lui a semblé dangereuse, celle-ci devant rester une force d'Etat, interministérielle, afin de remplir ses fonctions de maintien de l'ordre public, de surveillance du territoire et de police judiciaire. Il a estimé que la gendarmerie, bras séculier du préfet mais aussi instrument de la justice, ne pouvait être comparée à la police nationale. Il a ajouté que la gendarmerie était à la fois la seule force en France capable d'être mobilisée sur l'ensemble du territoire, en cas de crise, voire de belligérance, et une force de proximité apportant une réponse rapide aux faits de délinquance. Il a considéré que l'exercice de la fonction de police judiciaire par la gendarmerie contribuait à garantir l'indépendance des magistrats.

M. Hubert Haenel s'est félicité du renforcement des centres opérationnels de la gendarmerie et des pelotons spéciaux d'intervention. Il s'est interrogé sur la répartition entre gendarmerie et police nationale, opposant l'habitude d'obéir propre aux militaires à la syndicalisation de la police nationale. S'agissant du logement des gendarmes, il a estimé que l'Etat n'était pas en mesure de faire face seul à tous les besoins d'investissement.

M. Jean-Paul Delevoye, président, a émis des réserves concernant la présentation comptable des investissements patrimoniaux des collectivités publiques et l'absence d'actif patrimonial de l'Etat.

M. Pierre Steinmetz a fait part des importants mouvements de population prévus à l'échéance 2025, cinq millions d'habitants supplémentaires devant s'installer en zone de gendarmerie. Il a ajouté que la question de la dimension de la gendarmerie devrait être traitée lors de la prochaine loi de programmation militaire.

M. Louis de Broissia s'est interrogé sur les conséquences des récentes lois relatives à l'intercommunalité et à l'aménagement du territoire sur la répartition entre police et gendarmerie. Il a demandé si le regroupement des zones de défense n'allait pas menacer directement l'emploi dans la gendarmerie.

Tout en soulignant qu'aucune décision n'était arrêtée à ce jour, M. Pierre Steinmetz a estimé que la réduction de neuf à sept zones de défense nécessiterait la redéfinition des circonscriptions de gendarmerie.

M. Hubert Haenel a redouté que le développement de l'intercommunalité ne conduise à remplacer les gendarmes par des policiers dans les zones suburbaines, au détriment d'un traitement efficace d'une délinquance de plus en plus liée aux transhumances journalières ou saisonnières.

M. Michel Mercier, rapporteur, a souligné que la gendarmerie devrait être présente non seulement à la périphérie des communautés urbaines, mais aussi en leur centre pour lutter efficacement contre la délinquance.