COMMISSION MIXTE PARITAIRE CHARGEE DE PROPOSER UN TEXTE SUR LES DISPOSITIONS RESTANT EN DISCUSSION DE LA PROPOSITION DE LOI TENDANT A LIMITER LES LICENCIEMENTS DES SALARIES DE PLUS DE CINQUANTE ANS
Mercredi 12 mai 1999
- Présidence de M. Jean Delaneau, président - La commission mixte paritaire a d'abord procédé à la désignation de son bureau. Elle a nommé :
- M. Jean Delaneau, sénateur, président ;
- M. Jean Le Garrec, député, vice-président ;
- M. Louis Souvet, sénateur, rapporteur pour le Sénat ;
- M. Gaëtan Gorce, député, rapporteur pour l'Assemblée nationale.
La commission mixte paritaire a ensuite procédé à l'examen des dispositions restant en discussion.
M. Louis Souvet, rapporteur pour le Sénat, a rappelé que l'Assemblée nationale ayant rétabli en deuxième lecture le texte qu'elle avait adopté en première lecture, le Sénat venait de rejeter, une nouvelle fois, la proposition de loi tendant à limiter les licenciements des salariés de plus de cinquante ans.
Il a souhaité rappeler brièvement pour quelles raisons le Sénat avait choisi de rejeter ce texte.
Le Sénat avait tout d'abord jugé que cette proposition de loi reposait sur des fondements fragiles et contestables : les prétendus contournements de la " contribution Delalande " par les conventions de conversion ou par les refus de conventions de préretraite FNE n'apparaissaient en effet pas prouvés.
La simple constatation d'une augmentation de la part des salariés de plus de cinquante ans dans les entrées en convention de conversion ne semblait pas suffire à démontrer un contournement massif et un abus généralisé justifiant une intervention du législateur.
Il paraissait en outre contradictoire de faire porter la " contribution Delalande ", qui procédait d'une logique de sanction, sur les conventions de conversion qui avaient précisément pour objectif de faciliter le reclassement du salarié dont le licenciement n'avait pu être évité.
S'agissant des refus de préretraites FNE, les affirmations concernant d'éventuels abus ne reposaient pas davantage sur des éléments précis. Sur une moyenne de 20.000 entrées en préretraite FNE chaque année, le nombre de refus était extrêmement faible et portait sur une soixantaine de salariés par an seulement. Dans ces conditions, le Sénat s'était interrogé sur le bien-fondé d'une intervention du législateur pour réprimer un nombre effectif d'abus probablement infinitésimal.
M. Louis Souvet, rapporteur pour le Sénat, a souligné que le Sénat avait jugé inacceptable le procès d'intention fait aux entreprises, globalement considérées par les initiateurs de cette proposition de loi comme ayant un comportement frauduleux.
Le Sénat avait entendu dénoncer la logique de sanction et d'accroissement des charges des entreprises qui animait cette proposition de loi. Il avait exprimé la crainte que cette proposition de loi, qui entendait préserver l'emploi, ne constituât en définitive un véritable frein à l'emploi, notamment pour les salariés âgés de 45 à 50 ans.
Il s'était enfin interrogé sur la cohérence de la politique que menait le Gouvernement en matière d'emploi des salariés les plus âgés. M. Louis Souvet, rapporteur pour le Sénat, a jugé qu'il était paradoxal d'augmenter la " contribution Delalande ", afin de sanctionner les entreprises qui licencient des salariés âgés de plus de 50 ans, tout en encourageant simultanément certaines entreprises à rajeunir leur pyramide des âges par des départs massifs et anticipés de salariés " âgés ".
M. Louis Souvet, rapporteur pour le Sénat, a constaté les divergences de fond qui séparaient les deux assemblées et qui rendaient difficilement envisageable un accord en commission mixte paritaire.
Après avoir fait valoir les problèmes pratiques et les risques de contentieux que ne manquerait pas de soulever l'entrée en vigueur rétroactive de cette proposition de loi au 1er janvier 1999, alors qu'elle ne serait vraisemblablement promulguée qu'au début du mois de juillet prochain, M. Louis Souvet, rapporteur pour le Sénat, a souligné que si l'Assemblée nationale entendait rétablir son texte en nouvelle lecture, il serait à tout le moins prudent et nécessaire qu'elle supprimât cette rétroactivité.
M. Gaëtan Gorce, rapporteur pour l'Assemblée nationale, a indiqué qu'il partageait l'analyse de M. Louis Souvet quant au caractère fondamental des divergences séparant les deux assemblées. Il a souligné que le désaccord portait également sur la date d'entrée en vigueur de la proposition de loi, l'Assemblée nationale ayant volontairement choisi une mise en oeuvre rétroactive.
M. Gaëtan Gorce, rapporteur pour l'Assemblée nationale, a considéré que cette proposition de loi entendait répondre aux tentations fortes de certaines entreprises de se séparer de leurs salariés les plus âgés, ce qui conduisait à une situation humaine et sociale inacceptable.
Il a rappelé que la " contribution Delalande " avait été instituée en 1987 pour freiner les licenciements des salariés âgés de plus de cinquante ans. Dans un premier temps, cette contribution avait fait la preuve de son efficacité. A partir de 1992, il avait cependant été nécessaire de l'augmenter.
M. Gaëtan Gorce, rapporteur pour l'Assemblée nationale, a constaté que certaines entreprises avaient mis en place des stratégies de contournement de la " contribution Delalande " en recourant aux conventions de conversion et en faisant pression sur leurs salariés pour qu'ils renoncent au bénéfice des préretraites FNE. La proposition de loi avait précisément pour objet de corriger ces deux " failles " du dispositif de la " contribution Delalande ".
Considérant que cette proposition de loi était utile et nécessaire, M. Gaëtan Gorce, rapporteur pour l'Assemblée nationale, a souligné que l'Assemblée nationale était attachée au maintien du dispositif qu'elle avait adopté en première et en deuxième lecture.
Il a enfin observé que le choix d'une date d'entrée en vigueur au 1er janvier 1999 avait pour objet d'éviter que des entreprises ne profitent du délai d'adoption de la proposition de loi pour contourner les nouvelles dispositions avant la promulgation de la loi.
M. Jean Le Garrec, vice-président, a constaté que les positions des deux assemblées étaient totalement opposées et que les marges de négociation apparaissaient dès lors bien étroites.
Il a souligné qu'il n'était personnellement pas favorable à des mesures contraignantes pour les entreprises, sauf lorsque cela s'avérait absolument nécessaire, comme c'était précisément le cas de cette proposition de loi. Il a rappelé que la " contribution Delalande " avait été créée, en 1987, par un Gouvernement issu de l'actuelle opposition.
Evoquant la réflexion en cours sur les retraites, après la publication du rapport de M. Jean-Michel Charpin, M. Jean Le Garrec, vice-président, a observé que la France présentait deux caractéristiques exceptionnelles : d'une part, un taux de chômage des jeunes de moins de 25 ans le plus élevé d'Europe, d'autre part, la durée de la vie active la plus courte d'Europe.
Considérant que cette situation ne pouvait perdurer, M. Jean Le Garrec, vice-président, a souhaité que les négociations contractuelles et l'évolution des comportements amènent les entreprises à renoncer à utiliser les licenciements comme variable d'ajustement.
Il a considéré que, dans l'attente de tels changements, des mesures du type de celles contenues dans la présente proposition de loi s'avéraient nécessaires.
La commission a alors procédé à l'examen des articles.
A l'article premier, la commission s'est prononcée sur le texte de l'Assemblée nationale et l'a rejeté par trois voix contre trois.
M. Jean Delaneau, président, a alors constaté que la commission mixte paritaire n'était pas en mesure d'adopter un texte commun sur les dispositions restant en discussion de la proposition de loi tendant à limiter les licenciements des salariés de plus de cinquante ans.