Délégations et Offices
Table des matières
- OFFICE PARLEMENTAIRE D'ÉVALUATION DES CHOIX SCIENTIFIQUES ET TECHNOLOGIQUES (OPECST)
- Mercredi 5 avril 2000
- Recherche - Programmes multilatéraux de soutien à la recherche et à l'innovation : perspectives pour les petites et moyennes entreprises française - Examen du rapport
- Sûreté et sécurité des installations nucléaires - Contrôle de la sûreté et de la sécurité des installations nucléaires civiles (utilisation des aides accordées aux pays d'Europe centrale et orientale ; reconversion des stocks de plutonium militaire) - Examen de la première partie du rapport
- Mercredi 5 avril 2000
OFFICE PARLEMENTAIRE D'ÉVALUATION DES CHOIX SCIENTIFIQUES ET TECHNOLOGIQUES (OPECST)
Mercredi 5 avril 2000
- Présidence de M. Henri Revol, sénateur, président.
Recherche - Programmes multilatéraux de soutien à la recherche et à l'innovation : perspectives pour les petites et moyennes entreprises française - Examen du rapport
L'office a tout d'abord procédé à l'examen des conclusions du rapport deM. Pierre Laffitte, sénateur, sur " les programmes multilatéraux de soutien à la recherche et à l'innovation : perspectives pour les petites et moyennes entreprises françaises ".
M. Pierre Laffitte, sénateur, rapporteur, a noté que les préoccupations de l'étude rejoignaient celles du récent sommet européen de Lisbonne, et insisté sur l'acuité des problèmes posés par les carences de la recherche européenne. Il a fait part de son inquiétude quant à l'exode actuel des chercheurs européens aux Etats-Unis, à l'insuffisance du financement global de la recherche en Europe et, surtout, au manque de liens entre la recherche et son environnement économique.
Par voie de conséquence, le retard de développement des entreprises à croissance rapide se creuse avec les Etats-Unis, notamment dans les secteurs phares des nouvelles technologies de l'information et de la communication et des sciences du vivant.
Ce retard est amplifié par la crise des instruments européens de soutien à la recherche et à l'innovation.
Le programme-cadre de recherche-développement, malgré certaines avancées (tentative de prise en compte des besoins socio-économiques, encouragement à la pluridisciplinarité et à la participation des PME aux projets) ne répond plus à l'urgence de la situation.
D'une part, ce programme est incomplet dans sa conception, car il n'est pas suffisamment fédérateur, puisqu'il ignore aussi bien les autres programmes de la Communauté -pour deux euros dépensés pour la recherche sur le programme-cadre, un euro l'est au titre du Fonds européen de développement régional (Feder)- que les autres programmes multinationaux (initiative Eurêka, programmes de l'Agence spatiale européenne et amorce de programme militaire -Euclid- menée par l'Union de l'Europe occidentale). D'autre part, ses procédures d'exécution sont inadaptées aux besoins des entreprises, car peu lisibles, trop longues, trop coûteuses (jusqu'à 40 % du montant de la subvention, d'après une étude allemande), et pas assez confidentielles.
A l'opposé, l'initiative Eurêka donne satisfaction à ses utilisateurs par sa proximité du marché, sa légèreté, sa rapidité et sa confidentialité. Malheureusement, la diminution des contributions de plusieurs grands pays ont fait que les fonds affectés à ce programme ont baissé de moitié depuis cinq ans, sans que des relais de financement aient été recherchés, notamment auprès des instances régionales et locales.
Puis le rapporteur a présenté plusieurs propositions tendant à remédier à une situation très grave pour l'avenir de l'Europe :
. Augmenter le financement global de la recherche en Europe, à l'échelon des Etats, mais également de l'Union. Sur ce dernier point, il serait nécessaire de mieux utiliser les fonds du Feder, et de consacrer une petite partie des fonds de la politique agricole commune aux recherches sur la sécurité alimentaire. De même, les progrès de l'Europe militaire devront-ils être relayés par une politique de recherche duale, à l'instar de celle menée aux Etats-Unis.
. S'en tenir à des grandes priorités :
- en concentrant l'effort européen sur l'essentiel (programmes à vocation mondiale, renforcement des pôles d'excellence, encouragement des recherches adossées à la création de normes européennes -comme cela a été fait pour la téléphonie mobile) ;
- en accroissant la mobilité des chercheurs de l'espace européen en fonction de trois objectifs : poursuivre, en l'amplifiant, la formation des chercheurs par la mobilité, encourager la mobilité des chercheurs vers l'entreprise, notamment vers les start-up, et promouvoir l'accueil des chercheurs non européens ;
- en soutenant les actions de coordination des politiques nationales par la création d'une structure de coopération dotée de moyens nationaux et européens, en vue d'assurer la coordination de l'implantation et de l'utilisation des grands équipements, ainsi que celle des programmes nationaux ;
- enfin, en favorisant la mise en réseau de la communauté industrielle européenne.
. Hiérarchiser les niveaux d'intervention (européen, national, local). Ceci suppose, en particulier, de concentrer l'aide aux PME sur ces deux derniers niveaux.
. Décloisonner les instruments programmatiques, en créant plusieurs structures de coopération entre les différents programmes et actions européens (Feder, Banque européenne d'investissement, programme-cadre, Euclid), et adosser fortement l'initiative Eurêka au programme-cadre.
. Alléger les procédures d'exécution des programmes-cadres, en particulier en supprimant la procédure actuelle des appels d'offres.
En conclusion, le rapporteur a souhaité que la prochaine présidence française soit l'occasion de donner un nouvel élan à la recherche européenne.
En réponse à M. Henri Revol, sénateur, président, qui s'inquiétait du défaut d'information des petites et moyennes entreprises sur les programmes multilatéraux, M. Pierre Laffitte, sénateur, rapporteur, a noté que l'Agence nationale pour la valorisation de la recherche (ANVAR) relayait l'information sur les programme Eurêka, et a regretté que les chambres de commerce et d'industrie ne répercutent pas suffisamment cette information.
M. Claude Birraux, député, a noté qu'aux Etats-Unis, dans les secteurs d'intérêt stratégique, les entreprises ont directement accès aux recherches des laboratoires publics. Il a rappelé que l'inadéquation des appels d'offres mise en cause par le rapporteur, l'avait également été sur d'autres programmes européens. Il a agréé la proposition du rapporteur visant à faire abonder l'initiative Eurêka par les fonds communautaires, mais a souhaité que les interventions de l'ANVAR soient allégées.
M. Robert Galley, député, a émis le voeu que soient recherchées les voies d'une meilleure association avec les chercheurs des pays de l'Europe orientale, par exemple en développant les collaborations universitaires avec ces pays.
En réponse à une question de M. Serge Poignant, député, M. Pierre Laffitte, sénateur, rapporteur, a noté que la mise en réseau des entreprises européennes à croissance rapide était essentielle.
M. Marcel Deneux, sénateur, a fait état d'une expérience de l'utilisation de l'initiative Eurêka par une entreprise de sa région.
L'office a adopté à l'unanimité le rapport de M. Pierre Laffitte, sénateur.
Sûreté et sécurité des installations nucléaires - Contrôle de la sûreté et de la sécurité des installations nucléaires civiles (utilisation des aides accordées aux pays d'Europe centrale et orientale ; reconversion des stocks de plutonium militaire) - Examen de la première partie du rapport
L'office a ensuite procédé à l'examen des conclusions du Tome I du rapport de M. Claude Birraux, député, sur " le contrôle de la sûreté et de la sécurité des installations nucléaires civiles (utilisation des aides accordées aux pays d'Europe centrale et orientale ; reconversion des stocks de plutonium militaire), tome portant sur " le risque d'inondation des installations nucléaires ".
M. Henri Revol, sénateur, président, s'est félicité de ce que l'organisation rapide d'auditions publiques et contradictoires par l'office, le 3 février dernier, ait abouti à délivrer à l'opinion une information objective, sereine et équilibrée sur les incidents survenus à la centrale du Blayais. Ces auditions ont contribué à dépassionner le débat, ce qui est conforme à la vocation de l'office. Il a fait part à l'office de son souhait de pouvoir rendre plus systématique ce type de réaction à des événements entrant dans ses domaines d'attribution.
M. Claude Birraux, député, rapporteur, a rappelé que, depuis le 2 mai 1990, il était en charge, par le biais d'une saisine de l'office renouvelée chaque année, d'analyser, entre autres, " la fiabilité des dispositifs prévus à l'intérieur et à l'extérieur des installations nucléaires pour les périodes de crise ".
Il a souligné qu'il existait, au-delà des incidents survenus à la centrale du Blayais, une raison forte à la publication rapide de ce rapport : des défaillances insoupçonnées, mais inquiétantes, dans la protection des installations nucléaires civiles contre le risque d'inondation ont été mises en évidence, ce qui a ébranlé quelques certitudes. L'organisation et la conception de la sûreté et de la sécurité des centrales ont été pensées dans un environnement extérieur calme et serein. Or, il est apparu que ces procédures pouvaient être inopérantes dans un environnement hostile, comme celui qui a caractérisé les grandes tempêtes du mois de décembre dernier.
Après avoir précisé la méthodologie suivie, le rapporteur a indiqué que son étude rappelait la chronologie des faits et la chronologie de la communication, avant de faire l'analyse de cet incident :
- la première question est celle de savoir pourquoi l'eau a pu atteindre la plate-forme de la centrale ? Le fait que des vagues en provenance de l'estuaire de la Gironde aient pu passer au-dessus de la protection signifie qu'une erreur a été commise dans la conception de la plate-forme. Ceci est admis sans difficulté par Électricité de France (EDF). Mais les travaux prévus en 2000 ont été repoussés en 2002 par EDF. Si les arguments techniques invoqués par EDF ont quelque pertinence, ils ne doivent, en aucun cas, servir d'alibi pour retarder des travaux de sécurité jugés nécessaires ;
- les agents EDF ont traité la crise avec une grande maîtrise. Il en est de même de la Direction de la sûreté des installations nucléaires (DSIN), de la Direction régionale de l'industrie et de l'environnement (DRIRE), de l'Institut de protection et de sûreté nucléaire (IPSN), et de l'Office de protection contre les rayonnements ionisants (OPRI). Sur le suivi de la crise, et en dépit des difficultés de communications, ces quatre organismes ont été réactifs en temps et en heure, performants et opérationnels tout au long de la crise ;
- enfin, le retour d'expérience a été extrêmement rapide : l'analyse de l'IPSN sur le risque d'inondation de l'ensemble des sites nucléaires a été conduite avec célérité. L'autorité de sûreté a, elle aussi, tiré rapidement les leçons de ce retour d'expérience, et a fixé des objectifs précis et des échéances à l'exploitant.
Mais, a ajouté le rapporteur, par delà le problème de la digue, évoqué dans l'analyse de l'incident, d'autres points faibles demeurent préoccupants.
Il en est ainsi du concept de défense en profondeur avec barrières successives, qui s'est révélé insuffisant -certes dans une partie où l'" électron " n'est pas en jeu-, mais l'eau n'aurait jamais dû entrer dans le bâtiment réacteur. Les dispositifs d'alerte se sont montrés sans efficacité. Dès lors, il convient d'intégrer, dans la réflexion sur le concept de sûreté, des éléments naturels extérieurs perturbateurs, ainsi que la sûreté propre à des installations non nucléaires connexes.
Par ailleurs, a poursuivi M. Claude Birraux, député, rapporteur, il convient de conduire une réflexion sur les conditions pratiques de mise en oeuvre des plans d'urgence et d'intervention pour assurer, en toutes circonstances, même extrêmes, l'accès au site des équipes d'astreinte ou de secours.
De façon tout aussi préoccupante, le rapporteur a souligné les dysfonctionnements de la communication : système trop rigide et validation par l'échelon central des communiqués du site, à l'échelon de l'exploitant ; recours trop lent à la commission locale d'information.
Enfin, M. Claude Birraux, député, rapporteur, a rappelé que, dans un domaine aussi sensible que celui de l'énergie nucléaire, l'emploi des mots justes est important pour éviter toute manipulation ou désinformation dans tout sens.
Mais, a-t-il poursuivi, s'il s'agit de qualifier précisément les dysfonctionnements qui sont intervenus dans la nuit du 27 au 28 décembre 1999, au cours de laquelle l'inondation du bâtiment combustible n'a pas affecté le réacteur, on ne doit pas parler d'accident, mais plutôt d'incident sérieux.
Il est exagéré, a-t-il ajouté, de soutenir que nous avons frôlé la crise grave. Parler, à ce titre, d'accident au sens de Three Milles Island ou de Tchernobyl est, non seulement excessif, mais intellectuellement malhonnête.
La simple honnêteté, a conclu le rapporteur, commande donc de souligner qu'à aucun moment, il n'y a eu de risque d'accident majeur, type fusion du coeur, et qu'aucune mesure de précaution concernant la population n'a dû être envisagée.
Pour M. Christian Bataille, député, le rapport est exemplaire, car il a permis d'empêcher la déformation de la vérité, parfois constatée dans certains médias, et contraste avec les effets désastreux de la " mission granit ", envoyée par le Gouvernement dans certains départements. Sur ce dernier point, il a suggéré que l'office se place en situation de veille afin d'aider à la diffusion d'une information honnête et transparente.
M. Robert Galley, député, s'est félicité de ce que l'office apparaisse bien, à travers ce rapport, comme un organisme indépendant disposant d'une certaine autorité morale. Ceci illustre les vertus d'une réaction rapide, et conduit à se poser la question de la faculté pour l'office de disposer d'une possibilité d'autosaisine, lors d'incidents survenant dans des domaines qu'il aurait déjà traités.
En réponse aux intervenants, M. Claude Birraux, député, rapporteur, a indiqué qu'il partageait le sentiment de M. Christian Bataille, député, et souligné, l'exemple de l'audition organisée le 3 février dernier à l'appui, l'intérêt d'organiser un débat ouvert et contradictoire.
M. Pierre Laffitte, sénateur, s'est demandé si, dans le prolongement de cet exemple, il ne conviendrait pas de mettre au point un mécanisme permettant d'assurer un suivi des saisines, même après le rendu des rapports.
En conclusion, M. Henri Revol, sénateur, président, a noté que la chance de l'office avait été de disposer d'un parlementaire titulaire d'une saisine au moment de cet incident, ce qui n'est pas toujours le cas, mais que la réflexion devait se poursuivre sur l'organisation d'une capacité de réaction rapide de l'office à certains événements.
A l'issue de cet échange de vues, l'office a adopté à l'unanimité le rapport et les recommandations de M. Claude Birraux, député.