OPECST : bulletin
OFFICE PARLEMENTAIRE D'EVALUATION DES CHOIX SCIENTIFIQUES ET TECHNOLOGIQUES (OPECST)
Mercredi 16 novembre 2005
- Présidence de M. Henri Revol, sénateur, président.
Conseil scientifique - Désignation d'un membre
Mme Claudie Haigneré, ancien ministre, conseiller auprès du directeur général de l'Agence spatiale européenne, a été désignée comme membre du Conseil scientifique de l'Office, en remplacement de M. Hubert Curien.
Recherche - Projet de loi de programme pour la recherche - Echange de vues
M. Henri Revol, sénateur, président, a présenté le calendrier fixé pour l'examen parlementaire du projet de loi pour la recherche. Le Sénat devant se trouver saisi en premier lieu, il a d'ores et déjà été procédé à la désignation d'un groupe de travail intercommissions, dont le président et les rapporteurs le seront aussi pour la commission spéciale qui sera constituée pour l'examen de ce texte. M. Henri Revol a annoncé qu'il avait été désigné comme rapporteur au nom de la commission des affaires économiques et qu'à ce titre, il aurait à procéder à de nombreuses auditions et consultations. La discussion d'aujourd'hui ne rentre pas dans ce cadre ; il s'agit pour l'Office de recueillir les points de vue des membres de son Conseil scientifique, chacun pouvant s'exprimer librement en fonction de son expérience et indépendamment des positions qui seraient ensuite définies.
Mme Sylvie Joussaume, directrice des sciences de l'univers au Centre national de la recherche scientifique (CNRS), membre du Conseil scientifique, a estimé que le projet de loi comportait plusieurs points positifs avec toutefois un certain nombre de questions. Parmi les points positifs, elle a noté la création d'un Haut Conseil de la science et de la technologie (HCST) dont le rôle serait important, notamment pour les grands équipements ; elle a noté également l'augmentation du budget de la recherche, ainsi que la prise en compte du bon déroulement des carrières scientifiques avec des décharges d'enseignement pour les jeunes chercheurs, mais avec toutefois la nécessité qui demeure de mieux prendre en compte un certain nombre de problèmes, comme la difficulté pour les directeurs de recherche de 2e classe d'accéder à la 1ère classe.
En revanche, elle s'est interrogée sur un certain nombre de points.
Concernant les Pôles de recherche et d'enseignement supérieur (PRES) et les campus, elle s'est déclarée en accord avec leur création si cela permettait de clarifier le paysage institutionnel, mais elle a noté qu'on ne savait pas exactement où on allait dans ce domaine. Sans être hostile aux nouvelles structures, elle a mis l'accent sur l'importance de constituer des réseaux de recherche, estimant que ce n'est pas nécessairement le cadre des régions qui permettra la meilleure lisibilité au niveau européen. S'agissant de l'Agence nationale de la recherche (ANR), elle s'est dite favorable au financement par projet, mais a insisté sur la nécessité de conduire une réflexion prospective comme aux Etats-Unis ou en Grande-Bretagne ou au Royaume-Uni. Elle s'est demandé comment l'ANR ferait le choix de ses thèmes ; elle a enfin déclaré attendre une programmation plus affirmée et clairement énoncée, estimant qu'il y avait un manque de vision à long terme, ce qui a constitué une déception pour les chercheurs.
M. Jean-François Minster, directeur général scientifique du Centre national de la recherche scientifique (CNRS), membre du Conseil scientifique, après avoir indiqué qu'il s'exprimait à titre personnel, a reconnu qu'il y avait dans ce projet des points importants. Il a regretté toutefois que la loi ne soit pas pensée comme un dispositif d'ensemble. Concernant le Haut Conseil, il a souhaité qu'il puisse disposer des outils et des méthodes de travail nécessaires, ce qui ne lui semble pas évident. L'ANR constitue un outil important, un dispositif efficace et c'est un progrès de la faire fonctionner comme une agence. Il conviendrait cependant de sélectionner les programmes sur des bases claires et ne pas se contenter de distribuer de l'argent, car programmer c'est animer des programmes. M. Jean-François Minster a souhaité qu'on ne retombe pas dans les mécanismes du Fonds national de la science.
S'agissant de l'évaluation, il faut un mécanisme simple, piloté par le ministère. Il a donc souhaité que les organismes assurent l'évaluation de leurs personnels dans la transparence et qu'il existe un lien entre l'évaluation des unités et des personnels. Sous réserve de ce lien, l'indépendance de l'agence est une bonne chose.
Concernant les universités, il a considéré que le projet de loi ouvrait des voies pour renforcer leur autonomie, ce qui est une demande générale en Europe. Il a estimé que les PRES devaient être clairement conçus comme des éléments attractifs et lisibles. Il a jugé que le Centre national de la recherche scientifique (CNRS) pourrait avoir des contrats avec ces PRES. Il a souhaité que les universités soient incitées à utiliser les PRES et à avoir des liens avec ces pôles. En revanche, il a jugé les campus de recherche comme des structures superfétatoires, définies de façon floue, transversalement aux PRES, ce qui ne pourra que compliquer le système.
Abordant la dimension européenne, il a estimé que les attendus du projet de loi étaient faibles, alors que nos partenaires européens avancent très vite. Il a plaidé pour que l'on abandonne le concept de juste retour, qui risque de bloquer les mécanismes européens. Il a noté que cette loi allait certainement obliger le CNRS à modifier son positionnement dans le système français de la recherche.
M. Jean-Pierre Finance, président de l'université Henri Poincaré de Nancy, membre du Conseil scientifique, a d'abord considéré les aspects positifs de ce texte. En premier lieu, il a apprécié la revalorisation des carrières des chercheurs, ce qui pourra peut-être permettre de lutter contre la désaffection à l'égard des études scientifiques. Il a ensuite rappelé l'analyse des présidents d'université qui ont souligné la double dualité du système français de recherche qui comporte les universités et les grandes écoles, d'une part, les universités et les grands organismes de recherche, d'autre part. Il a ainsi noté que des structures nouvelles allaient se rajouter à cette situation : ANR, PRES, Haut Conseil. Il a jugé que cela allait rendre le paysage institutionnel difficile à appréhender aussi bien de l'intérieur que de l'extérieur. Il a donc souhaité que l'on supprime des structures dans le même temps où on en rajoutait. Il a exprimé le souhait que l'on simplifie la gouvernance, mais que la concurrence ne se développe pas entre les organismes et les luttes de territoires. Il a rappelé que la Conférence des présidents d'université s'est déclarée opposée à la forme juridique des campus de recherche, mais pas aux pôles d'excellence. Il s'est déclaré favorable à la distinction des degrés d'évaluation, mais inquiet pour l'évaluation des universités, notamment de leurs laboratoires non liés à un grand organisme. Il s'est ensuite interrogé sur les moyens de la recherche en soulignant la nécessité d'avoir une visibilité à long terme au-delà de 2007.
Dénonçant l'état de sous-financement de l'université française, il a souhaité que l'on augmente fortement ses moyens.
M. Jean-Pierre Finance a conclu en déplorant l'insuffisance de la prise en compte de la dimension européenne, pourtant essentielle pour l'animation et l'émergence de qualités scientifiques.
M. Michel Petit, président de la section scientifique et technique du Conseil général des technologies de l'information, membre du Conseil scientifique, a considéré que le dispositif du projet de loi était insuffisamment étudié en s'interrogeant sur l'articulation entre les fonctions des anciennes instances et celles des nouvelles. Après s'être inquiété des moyens de l'ANR, il s'est demandé comment l'évaluation pourrait fonctionner avec un conseil de seulement 24 membres et comment s'effectuerait l'articulation avec le dispositif existant.
Il a exprimé sa crainte que les nouvelles structures ne viennent s'ajouter les unes aux autres. Il a également déploré que le texte ne traite ni des écoles d'ingénieurs ni de la recherche de défense. En conclusion, il a émis des doutes sur l'apport de ce texte au dispositif français actuel et sur la cohérence d'ensemble.
Mme Claudie Haigneré a estimé que le projet de loi avait comme objectifs de donner confiance et d'accroître l'attractivité de la recherche française. Elle a considéré que la France pourrait ainsi faire des propositions pour participer à la construction de l'Europe de la recherche et s'inscrire dans la stratégie de Lisbonne.
Ce projet de loi donne des orientations et fournit des éléments de programmation. Il offre des outils nombreux qui ne sont pas contradictoires, à charge pour les différents acteurs et intervenants de les utiliser au mieux dans leurs complémentarités et leurs synergies. Elle a noté que l'attractivité des carrières scientifiques était marquée par la revalorisation et une plus grande flexibilité des allocations de recherche. Elle a ensuite résumé les apports de ce texte : reconnaissance des métiers, apparition de l'expertise, engagement d'une démarche de veille et de prospective. Concernant la dimension européenne de la recherche, Mme Claudie Haigneré a estimé que celle-ci sera le fruit de l'émulation plutôt que de la compétition et qu'il faut absolument éviter d'avoir 25 stratégies différentes dans cet espace géographique.
M. Laurent Gouzènes, directeur du plan et des programmes d'études chez ST Microelectronics, membre du Conseil scientifique, a jugé que ce texte était dans l'ensemble globalement satisfaisant, sous réserve de quelques points de complexité : la coexistence du Haut Conseil et du Conseil supérieur de la recherche et de la technologie (CSRT) ; les PRES qui amènent à s'interroger sur la lisibilité du système français ; l'empilement de plusieurs strates d'organismes.
Il a marqué son accord sur la nécessité de regrouper la compétence mais sans créer de structures supplémentaires. Cela implique de s'engager dans une démarche de simplification car les entreprises éprouvent trop de difficultés lorsqu'il s'agit de s'associer à des structures excessivement complexes. Évoquant l'Agence de l'innovation industrielle (AII), il a admis que c'était une bonne idée, mais qu'il manquait une doctrine avec la crainte que les budgets ne soient réservés aux grands projets.
Il s'est aussi inquiété de l'avenir du soutien aux programmes Eurêka. S'agissant de l'ANR, il a noté qu'elle doit dépenser 20 % de son budget pour des programmes à participation européenne, mais qu'aucune instruction n'est donnée pour les dépenses dans l'industrie. Il a demandé qu'un conseil scientifique soit installé pour réfléchir aux programmes à soutenir. En ce qui concerne les thèses de doctorat, il a estimé que l'augmentation des bourses de thèses à 1 500 € était une bonne chose mais qu'il faudrait les porter au niveau des bourses Conventions industrielles de formation par la recherche en entreprise (CIFRE) (2 000 € et avantages divers) ; il conviendrait aussi de réfléchir aux domaines où portent les thèses, dans la mesure où il y a des disparités de débouchés très grandes entre les secteurs d'activité économique.
Il a estimé que le problème du statut des chercheurs n'avait pas encore reçu de solution pour le passage entre les secteurs public et privé. Concluant sur l'Europe, M. Laurent Gouzènes a considéré que la France ne pouvait pas tout faire et qu'il faudrait certainement abandonner des domaines, ce qui doit se faire en concertation avec nos partenaires européens.
M. Jean-Claude Lehmann, ancien président de l'Académie des technologies, membre du Conseil scientifique, a considéré que les entreprises doivent augmenter leur effort de recherche, mais surtout développer des actions à fort contenu technologique. Il a estimé que ce texte était important d'abord parce qu'il va faire parler de la recherche, mais aussi parce qu'il prend en compte la recherche dans son ensemble. Il a souligné que le Haut Conseil était un élément-clé, pour autant qu'il soit composé d'un nombre limité de personnes nommées intuitu personae et que son indépendance soit assurée.
Concernant les personnels de recherche, il a estimé qu'il fallait moduler les carrières afin de favoriser les meilleurs. Il a également déploré le manque de politique de ressources humaines dans la recherche publique et la persistance du blocage culturel pour promouvoir la mobilité. Il a considéré que la prospective manquait beaucoup dans ce projet et qu'il était nécessaire d'avoir des structures de réflexion collective pour faire évoluer le système dans la bonne direction.
M. Pierre Castillon, membre de l'Académie des technologies, membre du Conseil scientifique, s'est déclaré satisfait de trouver dans ce projet de loi des dispositions faisant référence aux technologies, aux entreprises, à l'innovation... Le projet de loi qui permettra des expériences nouvelles, notamment l'Agence nationale d'évaluation, va dans le bon sens. Il en va de même pour le Haut Conseil qui n'est pas de même nature que le CSRT, les deux organismes devant coexister. En revanche, il a souligné qu'il y avait lieu de s'alarmer de la durabilité des moyens qui ne semblent pas programmés au-delà de 2007.
M. Georges Pedro, secrétaire perpétuel de l'Académie d'agriculture de France,membre du Conseil scientifique, a jugé la loi bienvenue et globalement positive.
Selon lui, les points importants sont : le Haut Conseil, qui donnera une impulsion à la recherche en France ; l'Agence nationale d'évaluation, qui doit être indépendante et incontestable ; la nécessité de développer la recherche à l'université, dans la mesure où celle-ci s'y faisait de moins en moins compte tenu des charges d'enseignement ; le renforcement de l'autonomie des universités. Il a cependant noté des points insuffisants tenant à l'absence de programmation à long terme et au problème de la mobilité des chercheurs.
M. Axel Kahn, directeur de l'Institut Cochin, membre du Conseil scientifique, a estimé que la loi était certes bienvenue mais a exprimé sa sévère déception. Il a rappelé le contexte de la crise de 2004 avec la perte de confiance des jeunes chercheurs, la mise en doute de l'efficacité du système, les problèmes budgétaires, la diminution du nombre des ingénieurs de haute technicité dans les laboratoires, la perte de temps pour obtenir des fonds et le manque d'attractivité de la recherche. D'où la grande attente des chercheurs.
Or, selon lui, aucune structure n'a été supprimée, alors que d'autres sont créées, ce qui entraînera une augmentation du temps passé à résoudre des problèmes administratifs, ainsi qu'une opacité et une complexité accrues. Il a rappelé, de ce point de vue, les critiques de la Cour des comptes, qui avait souligné récemment l'inefficacité de la recherche française due au nombre de guichets, en notant que ce texte les multiplie. Il a cependant considéré comme positive la création de l'ANR et la revalorisation des conditions financières des thésards.
M. Axel Kahn a conclu son propos en insistant sur la durabilité incertaine des mesures proposées, ce qui n'est pas de nature à donner confiance au monde de la recherche qui, finalement, ressent une très profonde insatisfaction.
M. Henri Revol, sénateur, président, s'est ensuite tourné vers les membres de l'Office pour recueillir leurs réactions et leurs questions.
M. Daniel Raoul, sénateur, a rappelé le caractère mondial des enjeux de la recherche et la nécessité de définir qui pilotera ces choix, en France, en Europe et au niveau international. Après s'être inquiété du fait que nombre de directeurs de laboratoires consacrent plus de temps à la constitution de dossiers qu'à l'accomplissement de recherches, il s'est demandé si une réforme pertinente de la recherche ne consisterait pas simplement à copier les meilleurs modèles étrangers. S'interrogeant sur l'empilage et la complexité des structures, il a appelé à une gouvernance globale de la recherche.
M. Jean-Yves Le Déaut, député, a relevé que nombre de jeunes chercheurs étaient rémunérés moins de 2 000 € par mois et a jugé cette situation grave. Il a estimé essentiel que l'Agence pour l'innovation industrielle (AII) assure un continuum entre la recherche et les entreprises. Il s'est réjoui du nombre important de pôles d'excellence, ce qui évite l'existence de zones désertées par la recherche, des regroupements devant, par la suite, se faire en réseaux. Il a évoqué certaines compétences régionales évidentes, comme celle de la Champagne Ardenne pour le bioéthanol, ou encore de Nancy pour le génie chimique. Il a relevé que si aucune évaluation sérieuse de ces pôles n'existait encore, cela serait revu dans deux ans grâce à une expertise européenne. Il a ensuite insisté sur la nécessité de ne pas réserver tous les financements de recherche aux très grosses entreprises afin d'éviter les effets d'aubaine à leur profit. Estimant que la recherche nationale devait s'intégrer dans la recherche européenne, il s'est interrogé sur la création d'un impôt européen pour stimuler la recherche. Concernant le projet de loi sur la recherche, il a observé qu'au fil des ans les mesures semblaient plus s'empiler selon des strates législatives que conçues pour former un ensemble efficace.
M. Pierre Laffitte, sénateur, a rappelé que, le 4 novembre 2005, s'était tenue, à Sophia Antipolis, une réunion de tous les pôles de compétitivité français, rassemblant près de 600 personnes. A cette occasion, il a constaté avec satisfaction que les chercheurs avaient déjà beaucoup travaillé ensemble, ce qui augurait bien de la nouvelle dynamique lancée. Se déclarant satisfait du grand nombre de pôles, il a admis que leur évaluation n'était pas encore parfaite. Il a insisté sur l'importance de l'internationalisation des projets à labelliser et sur la nécessité d'accorder les « grands » projets avec les « petits ». Il a souhaité ensuite que les partenariats public/privé soient favorisés par des avantages fiscaux et sociaux afin de dégager des moyens supplémentaires. Il a ensuite jugé qu'une dynamique issue de la base était meilleure que le système des appels d'offres, estimant que les appels d'offres européens finissent probablement par coûter plus cher à la recherche qu'ils ne lui rapportent. Il a estimé qu'Eurêka serait plutôt le modèle à suivre, car lorsque le projet ne marche pas, il s'arrête de lui-même. Il a insisté sur la nécessité de faire prévaloir le dynamisme des équipes sur le centralisme qui ne doit intervenir que pour la définition des grandes orientations.
M. Claude Birraux, député, premier vice-président, a chaleureusement remercié les membres du Conseil scientifique pour la qualité et la liberté du présent dialogue. Il a rappelé sa présence aux deux journées des états généraux de Grenoble en octobre 2004, tout en soulignant son sentiment de malaise à constater que chacun croyait avoir vu dans les propositions énoncées ce qu'il souhaitait y mettre. Il s'est prononcé en faveur de la démarche allant de la base au sommet et a indiqué qu'il se défiait de la croyance selon laquelle les plus grosses structures seraient toujours les plus efficaces. Ayant exprimé des réserves face à l'empilement excessif des structures susceptibles de résulter du projet de loi, il s'est prononcé en faveur d'un système d'évaluation qui permette les comparaisons, ce qui n'est pas évident dans nos structures de recherche, où coexistent des grands organismes comme de petits laboratoires.
En conclusion, il s'est prononcé pour des simplifications administratives radicales et a insisté sur la nécessité d'étendre tout de suite le contrôle a posteriori au plus grand nombre d'opérations de recherche afin que le ministère des finances ne puisse revenir sur cette avancée décisive.
M. Pierre-Louis Fagniez, député, a jugé cet échange très instructif et a rejoint M. Axel Kahn pour estimer que les bons chercheurs n'avaient pas besoin d'une Agence nationale d'évaluation (ANE) pour être repérés. Il a donc exprimé des réserves sur l'existence même d'une telle instance et sur l'enchevêtrement des structures.
M. Axel Kahn a alors précisé qu'à ses yeux l'Agence nationale de la recherche (ANR) était l'organe important du projet de loi. Il a souhaité que cette agence puisse oeuvrer en faveur d'une unification des universités avec les organismes de recherche. Il a estimé qu'un ministre de la recherche devrait avoir trois priorités : cette unification université-organisme de recherche, une évaluation a priori diversifiée pour les projets de recherche et une évaluation a posteriori pour les projets créatifs les plus remarquables.
Mme Claudie Haigneré a noté qu'aucun ministre de la recherche ne souhaite avoir les chercheurs contre lui, mais qu'il n'existait pas de recettes miracles pour satisfaire tout le monde. Elle a souhaité le développement de la culture de projets et le renforcement de toutes les synergies sans bouleverser le paysage de la recherche. Elle a estimé que l'ANR favorisera tant la multidisciplinarité que les nouveaux programmes. Elle a regretté que le Haut Conseil de la Science et de la Technologie (HCST) prévu dans le projet n'ait pas déjà existé lorsqu'elle était ministre. De même, elle avait alors exprimé le besoin d'un conseil interministériel de recherche. En conclusion, elle s'est réjouie de voir bientôt naître l'ANR et le Haut Conseil dont elle avait souhaité la création.
Mme Claudie Haigneré a insisté sur la nécessité de donner aux femmes toute leur place dans les instances scientifiques.
M. Claude Saunier, sénateur, après s'être déclaré satisfait de voir enfin présenter le projet de loi d'orientation de la recherche, a rappelé que l'idée de création d'un Haut Conseil de la recherche issue de l'exemple japonais figurait déjà, en 2003, dans les propositions du rapport sur les micro et nanotechnologies qu'il avait présenté au nom de l'Office. Il a regretté que le projet de loi réponde à des préoccupations peut-être trop hexagonales, face aux enjeux de société majeurs, aux enjeux planétaires que sont par exemple la médecine ou le climat. Il a jugé souhaitable que l'effort à accomplir pour parvenir à la dimension internationale prenne appui sur la dimension européenne. Il s'est réjoui de la création des instituts Carnot et a même souhaité aller plus loin dans cette direction, à l'instar des Allemands avec les établissements Fraunhofer.
M. Jean-Pierre Finance a rappelé que la mobilité des chercheurs était très difficile à mettre en place et qu'il conviendrait peut-être d'envisager une modulation du service des enseignants-chercheurs au cours de leur carrière. Il a fait observer qu'en France l'évaluation concernait les individus, les projets - tous les deux ans - et les laboratoires, ce qui n'était le cas ni en Allemagne, ni au Royaume-Uni, ni aux Etats-Unis, où le rôle du chef de projet est essentiel. Il a relevé que les évaluations des laboratoires mixtes (1 500 sur 3 200) provenaient de partenaires différents, ce qui aboutissait à des évaluations très contrastées. Il a donc souhaité que soit créée une instance d'expertise extérieure pour élaborer une échelle de qualité indépendante et transparente.
M. Jean-François Minster a rappelé que, pour lui, l'ANR serait le gage d'une efficacité plus grande. Il a noté que le Haut Conseil réintroduirait d'autant plus de confiance que sa composition ferait appel aux grands corps de recherche pour la désignation de ses membres. Il a observé que le CNRS était partenaire d'un très grand nombre de pôles de compétitivité dont les projets seront à évaluer dans les deux ans. Il a relevé avec insistance que l'Europe de la recherche, ce n'était pas seulement le Programme cadre de recherche développement (PCRD), mais qu'elle était surtout constituée d'un tissu entre les chercheurs dont il fallait accompagner les progrès. Il a souhaité que les instituts Carnot coopèrent davantage avec les fondations allemandes et que l'évaluation de la recherche se fonde davantage sur la production même des recherches.
M. Laurent Gouzènes a insisté sur l'intérêt de synchroniser les grands équipements allemands et français dans un certain nombre de secteurs et d'éviter, en règle générale, de dupliquer les investissements dans plusieurs pays européens.
M. Axel Kahn a vivement souhaité que soit proposé aux chercheurs un contrat lisible couvrant l'ensemble de leur carrière afin de les attirer dans la recherche. Il a rappelé la lourdeur des évaluations qui mobilisent parfois une grande partie des personnels pendant près d'une année, ce qui n'est pas sans redondance avec l'évaluation des projets. Il a jugé fondamental le soutien aux « projets blancs » afin que la notoriété des chercheurs confirmés porteurs de projets ne l'emporte pas sur l'émergence de plus jeunes talents, ce à quoi l'ANR devra veiller.