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OFFICE PARLEMENTAIRE D'ÉVALUATION DES CHOIX SCIENTIFIQUES ET TECHNOLOGIQUES (OPECST)

Mercredi 9 octobre 2002

- Présidence de M. Claude Birraux, député, président de l'Office.

Commission nationale d'évaluation - Gestion des déchets radioactifs - Présentation du rapport annuel

L'Office parlementaire a procédé à l'audition de la Commission nationale d'évaluation des recherches pour la gestion des déchets radioactifs, qui lui a présenté son rapport annuel.

M. Claude Birraux, député, président, a rappelé le cadre de la mission de la commission nationale d'évaluation (CNE). Selon l'article 4 de la loi du 30 décembre 1991, dite loi Bataille, relative aux recherches sur la gestion des déchets radioactifs, le Gouvernement adresse chaque année au Parlement un rapport faisant état de l'avancement des recherches sur la gestion des déchets radioactifs à haute activité et à vie longue, établi par une commission nationale d'évaluation et ensuite rendu public.

Le rapport global d'évaluation transmis au Parlement au plus tard en 2006 revêtira une importance particulière, car il établira une évaluation globale des recherches accomplies depuis 1991 et sera accompagné d'un projet de loi autorisant, le cas échéant, la création d'un centre de stockage de déchets radioactifs de haute activité à vie longue.

M. Claude Birraux, député, président, a ensuite rappelé l'importance que l'Office attache à la question de la gestion des déchets radioactifs.

Le cadre des travaux actuellement effectués en France sur la gestion des déchets radioactifs a été tracé par le rapport de M. Christian Bataille, député, de décembre 1990 au nom de l'Office parlementaire, dont les propositions ont presque toutes été reprises dans la loi du 30 décembre 1991 relative aux recherches sur la gestion des déchets radioactifs. Ultérieurement, M. Christian Bataille a continué de suivre ces questions, d'une part en tant que médiateur chargé de mener la concertation préalable au choix des sites sur lesquels des travaux préliminaires à la réalisation d'un laboratoire souterrain pourraient être menés, nommé en 1992 par Pierre Bérégovoy, Premier ministre puis confirmé en 1993 par le Premier ministre, M. Édouard Balladur et, d'autre part, par différents rapports réalisés dans le cadre de l'Office sur les déchets civils en 1996, sur les déchets militaires en 1997, sur l'aval du cycle nucléaire avec M. Robert Galley en 1998 et enfin en 2001 sur les possibilités d'entreposage à long terme de combustibles irradiés.

M. Claude Birraux, député, président, a également rappelé ses travaux sur le projet de réacteur sous-critique incinérateur de déchets dit Rubbiatron, publiés dans son rapport de 1997 et ceux de Mme Rivasi, publiés en 2000 sur les conséquences des installations de stockage de déchets nucléaires sur la santé publique et l'environnement.

L'information que le Parlement attend de la CNE porte nécessairement sur les trois axes de recherche que la loi a définis, c'est-à-dire, la séparation et la transmutation des déchets radioactifs à vie longue présents dans ces déchets (axe 1), les possibilités de stockage réversible ouirréversible dans les formations géologiques profondes, notamment grâce à la réalisation de laboratoires souterrains (axe 2) et le conditionnement et l'entreposage de longue durée en surface de ces déchets (axe 3).

M. Claude Birraux, député, président, a enfin souligné qu'il ne restait plus que trois ans opérationnels pour réunir les connaissances requises afin que le Parlement puisse prendre, le cas échéant, une décision sur le stockage en profondeur.

M. Bernard Tissot, président de la CNE, a tout d'abord indiqué que le rapport annuel de la CNE est présenté cette année trois mois plus tard qu'à l'accoutumée pour tenir compte de l'évolution de la situation des travaux de réalisation du laboratoire souterrain de Bure, actuellement interrompus à la suite d'un accident mortel.

Les recherches sur le stockage souterrain des déchets prennent du retard, en France, faute de laboratoire souterrain. Mais les recherches sur le conditionnement et l'entreposage de longue durée sont maintenant en bon chemin. L'inventaire national des déchets est enfin entrepris. Les recherches sur la séparation chimique des déchets n'ont, à aucun moment, été un sujet d'inquiétude. Mais l'avancement des recherches sur la transmutation des déchets pourrait, à terme, être préoccupant. Après cette présentation générale, M. Bernard Tissot a examiné chacun des axes de recherche prévus par la loi de 1991 sur les déchets radioactifs.

La faisabilité scientifique des recherches sur la séparation (axe 1) est établie, et le programme d'étude de leur faisabilité technologique est engagé. Aussi la CNE a-t-elle bon espoir de voir ces travaux aboutir en 2006. Mais, les problèmes que pose la transmutation sont plus complexes que ceux soulevés par la séparation. Or la première difficulté rencontrée par les chercheurs est liée au redémarrage du réacteur Phénix nécessaire aux campagnes d'irradiation. La deuxième difficulté pourrait venir d'une insuffisance des crédits européens affectés à la transmutation par le 5e Programme commun de recherche et de développement. La CNE recommande néanmoins de maintenir le cap de l'approche européenne d'un réacteur dédié à l'élimination des déchets à haute activité et à vie longue.

S'agissant des recherches sur le stockage souterrain des déchets (axe 2), la CNE note que si l'ANDRA (agence nationale pour la gestion des déchets radioactifs) continue d'effectuer diverses études et recherches en laboratoires de surface ou dans des laboratoires étrangers, l'avancement des recherches sur le stockage souterrain est actuellement principalement lié à l'avancement de la réalisation du laboratoire de Bure.

Aussi le président Tissot a-t-il fait part de son inquiétude sur le calendrier des recherches. Pour lui, le programme prévisionnel officiellement affiché est caduc. La durée nécessaire pour atteindre le niveau de la niche d'observation, la réalisation de cette niche, et la reprise du fonçage du puits pour atteindre la cote du laboratoire laissent à penser que le fond du puits principal sera atteint au mieux vers la fin de l'année 2003. Il faudra ensuite creuser en 2004 les premières galeries pour y procéder aux observations géologiques et à l'ensemble des expériences prévues. Il ne restera alors que deux années environ pour effectuer le programme des recherches.

Si, pour lui, les observations géologiques pourront être effectuées dans ce laps de temps pour répondre aux interrogations sur la présence et le rôle éventuel de failles ou de fractures et pour effectuer les principales expériences dans le domaine de la mécanique des roches, d'autres expériences demandent beaucoup plus de temps, en particulier celles qui concernent les transferts de fluides, la géochimie et la thermique, et pour lesquelles nous ne pourrons disposer en 2006 que de résultats préliminaires. Or c'est là un point essentiel sur lequel l'ANDRA n'a pu communiquer à la CNE aucune information avant la clôture de son rapport.

Une autre cause d'inquiétude concernant le second axe de la loi est, pour M. Bernard Tissot, l'absence actuelle d'un second laboratoire.

En outre, il faut impérativement, à ses yeux, accompagner l'effort d'expérimentation d'un effort soutenu de modélisation. Si la Commission n'a pas d'inquiétude particulière sur la mise en équation des phénomènes, la réalisation d'un outil d'intégration des divers logiciels à utiliser se fait attendre. Or cet outil est indispensable à une simulation numérique convenable du fonctionnement d'un dépôt géologique souterrain.

Pour la CNE, à défaut d'un deuxième laboratoire souterrain, le bilan des recherches prévu en 2006 pourra reposer surtout sur ce qui aura pu être fait à Bure dans les domaines de la tectonique, de l'endommagement des roches et de l'ingénierie minière. L'ANDRA devrait pouvoir ainsi répondre aux questions sur la faisabilité de principe du stockage en couche argileuse et sur la faisabilité de la réalisation industrielle des ouvrages.

Pour ce qui n'aura pu être fait complètement à Bure, principalement la migration des radionucléides, l'ANDRA devra prioritairement avoir réalisé des travaux de substitution par forages instrumentés, et tenir compte des mesures sur échantillons carottés. Elle devrait enfin pouvoir présenter tout ce qui aura pu être fait pour la modélisation numérique du stockage.

Les recherches sur le conditionnement des déchets (axe 3) ont toujours fait l'objet d'une grande vigilance de la Commission. Certaines de ces recherches ont été engagées assez tôt : ce sont les recherches sur des matrices de conditionnement spécifique de radionucléides séparés. Le CEA et le CNRS ont bien avancé, et ont conclu à la faisabilité scientifique de plusieurs matrices de conditionnement. Les programmes correspondants se poursuivent pour examiner la faisabilité technique de ces procédés. Le président de la CNE a souligné que les recherches sur l'entreposage de longue durée et sur les conteneurs avaient beaucoup préoccupé la Commission dans le passé. Les conteneurs doivent en effet constituer une barrière de confinement et de protection assurant pendant longtemps la protection de la population et des travailleurs, et cela tant pendant l'entreposage des déchets que pendant l'exploitation d'un dépôt géologique souterrain. Il a noté que des prototypes de conteneurs en vraie grandeur seront réalisés et présentés en 2004. Le CEA s'est engagé sur un programme précis d'étude d'installations d'entreposage de longue durée. Les critères essentiels de conception s'imposent d'eux-mêmes : simplicité, facilité de manutention et de reprise des colis, sûreté, résistance aux agressions de toute nature. Depuis des années, la CNE a manifesté son intérêt pour des ouvrages de sub-surface, à flanc de colline. Elle renouvelle l'expression de son intérêt pour cette option, et pour une co-localisation des ouvrages d'entreposage en sub-surface et des ouvrages de stockage en formation géologique profonde. La Commission propose aussi que des ouvrages de démonstration d'entreposage soient réalisés, avec des prototypes de conteneurs en place pour faire progresser la maîtrise de l'ingénierie, et faciliter la compréhension des termes du problème par la population. Le bilan 2006 des études sur le troisième axe de la loi devrait pouvoir inclure pour la CNE la faisabilité technique de nouvelles matrices de conditionnement, et les résultats des études d'ingénierie sur les conteneurs et les installations d'entreposage.

Pour M. Bernard Tissot, les perspectives d'accomplissement en 2006 d'une majeure partie du programme de recherches voulu par le législateur sont donc bonnes, à la réserve près des résultats qui devraient être acquis en laboratoire souterrain. Cette réserve est malheureusement très importante.

En réponse à une question de M. Claude Birraux, député, président, sur les difficultés rencontrées par l'ANDRA sur le chantier de Bure et sur les dispositions que l'agence prend pour pallier l'arrêt des travaux depuis le 15 mai 2002, M. Bernard Tissot, président de la CNE, a indiqué qu'en tout état de cause, la France ne possède plus l'expérience minière qu'elle avait jusqu'au milieu du XXe siècle. Par ailleurs, l'ANDRA, qui ne semble pas montrer de l'empressement à modifier son programme de travail à Bure, n'a pas encore fait connaître son accord pour pratiquer des forages complémentaires autour du puits central pour réaliser des expériences d'hydrogéologie par exemple.

M. Christian Bataille, député, a jugé exemplaire le dialogue de l'Office avec la CNE, depuis que la loi de 1991 a été adoptée par le Parlement. Mais au bout du compte, le Parlement devant prendre une décision en 2006, la question est finalement de savoir si cette décision aura été suffisamment préparée. Si la France ne peut afficher des réponses à la question des déchets nucléaires, il ne lui sera pas possible d'envisager une deuxième génération de centrales nucléaires, d'où l'enjeu stratégique de la gestion des déchets radioactifs. Les difficultés rencontrées sur ce dossier peuvent être considérées comme des aléas de l'histoire mais aussi comme des chausse-trappes volontairement placées sur le chemin prévu par la loi. L'esprit de la loi est d'aller à la rencontre de l'opinion et de vérifier la faisabilité géologique d'un laboratoire et non pas l'inverse.

S'agissant du laboratoire de Bure, si la gravité de l'accident de mai 2002 est indéniable, il n'est pas acceptable, à la lumière des pratiques du BTP, que les travaux de recherche soient suspendus, l'ANDRA devant faire preuve d'un état d'esprit plus offensif. Il conviendra de préciser le calendrier de la fin des travaux à Bure et celui de la réalisation des recherches, qui sont prioritaires compte tenu des qualités du site, même si des compléments de travaux sont effectués ailleurs.

M. Christian Bataille, député, qui a salué par ailleurs les travaux conduits sur la réduction de toxicité et de volumes des déchets, a toutefois redouté que la recherche sur la transmutation soit dans une impasse, après l'arrêt de Superphénix et la réduction de la durée d'exploitation de Phénix qui ne permettra sans doute pas d'apporter une réponse sur la transmutation, cette solution risquant d'apparaître à l'échéance de 2006 dans un état de non-faisabilité.

M. Bernard Tissot, président de la CNE, a confirmé que la CNE n'entendait pas prescrire les solutions à adopter en 2006 mais seulement préciser l'éventail du possible.

S'agissant du laboratoire de Bure, les travaux ne devraient reprendre au mieux qu'au début janvier 2003. Le fond du puits après le creusement d'une niche cent mètres au dessus, ne devrait pas être atteint avant la fin 2003, l'année 2004 étant utilisée pour creuser les amorces de galeries. Restera donc l'année 2005 pour les expériences, une partie de l'année 2006 étant éventuellement utile si le législateur décide que le rapport pourra être remis en cours d'année. Il faudra donc compenser la réduction du temps d'expérimentation dans les galeries par la réalisation de forages instrumentés selon les techniques pétrolières permettant de réaliser des diagraphies et des mesures de porosité, de densité et de perméabilité.

S'agissant du volet transmutation, Phénix dispose de six coeurs préparés pour des expériences, dont chacune durera environ 6 mois. Trois années, mais plus vraisemblablement quatre du fait d'inévitables retards expérimentaux, seront donc nécessaires, ce qui reporte la fin des expériences à la fin 2006 dans l'hypothèse d'un redémarrage des travaux début 2003.

M. Henri Revol, sénateur, premier vice-président, a souhaité que le rapport de la CNE comprenne les engagements du CEA et les décisions de l'autorité de sûreté concernant la date de redémarrage de Phénix.

En réponse, M. Bernard Tissot, président de la CNE, a indiqué que des travaux supplémentaires après ceux en cours d'achèvement étaient exclus, l'autorité de sûreté devant autoriser le redémarrage ou mettre l'installation à l'arrêt définitif.

M. Jean-Paul Schapira, membre de la CNE, a confirmé que Phénix est un outil indispensable pour étudier avec des neutrons rapides le comportement de combustibles « exotiques » comprenant des déchets radioactifs de haute activité à vie longue. Mais les études sur la transmutation ne se résument pas à Phénix.

Différents scénarios de réacteurs sous-critiques couplés à des réacteurs électrogènes sont également étudiés, dans la mesure où ces réacteurs sous-critiques semblent indispensables pour transmuter les actinides mineurs.

En outre, la question de la transmutation est liée par le CEA, à celle du parc nucléaire du futur, dans la perspective de résoudre le problème prioritaire, qui est celui du plutonium et du multirecyclage du plutonium.

A cet effet, le CEA étudie des assemblages dits CORAIL et APA, plus complexes que les assemblages de MOX, qui devraient permettre le multirecyclage, l'objectif étant de mettre en place ces nouveaux assemblages, à partir de 2005, dans des réacteurs à eau légère.

A l'horizon 2035, le multirecyclage devrait être possible dans des réacteurs à neutrons rapides refroidis au gaz utilisant de l'uranium et du plutonium comme combustibles.

Pour leur part, EDF et le CNRS étudient le potentiel de réacteurs à sels fondus utilisant le thorium comme combustible, dont l'un des avantages serait de produire des actinides mineurs en plus faible quantité que les réacteurs à l'uranium.

En définitive, l'objectif de la transmutation des déchets radioactifs de haute activité à vie longue s'insère dans des stratégies à très long terme.

Dans cette perspective, à la date de 2006, le CEA devrait être en mesure de proposer d'une part des scénarios de parc nucléaire du futur et d'autre part des options pour un projet de démonstrateur d'un réacteur sous-critique de 100 MW avec des études préliminaires pour certains de ses sous-systèmes. Actuellement, comme le montrent les travaux du groupe européen TWG (Technical Working Group), il existe une volonté européenne au niveau des laboratoires pour étudier un réacteur sous-critique ADS (Accelerator Driven System), le 5e PCRD participant au financement des études correspondantes à hauteur de 50 %.

En réponse à une question de M. Jean-Pierre Brard, député, sur les hypothèses trop simplificatrices prises par l'ANDRA sur la durée de vie des conteneurs, M. Bernard Tissot, président de la CNE, a souligné l'importance de cette question.

M. Henri Revol, sénateur, premier vice-président, ayant demandé quel pourrait être le milieu géologique optimal pour un deuxième laboratoire, M. Bernard Tissot, président de la CNE, a indiqué, qu'au delà du granite, certaines roches comme les siltes constituées de fines particules de silice présentent des propriétés intéressantes.

Un échange a ensuite eu lieu sur le sujet d'un éventuel deuxième laboratoire. M. Henri Revol, sénateur, premier vice-président, a remarqué que la CNE déplorerait qu'un deuxième laboratoire ne soit pas construit. M. Christian Bataille, député, a indiqué que selon la loi du 30 décembre 1991, un deuxième laboratoire peut être construit, sans que cela soit une obligation. Si le site de Bure semble assez favorable, le processus de construction d'un deuxième laboratoire serait nécessairement d'une longue durée. En tout état de cause, le Parlement sera saisi en 2006 du rapport de la CNE et déterminera s'il est en mesure de décider.

M. Jean-Yves Le Déaut, député, vice-président, a exposé la démarche finlandaise dont le Parlement a décidé la construction d'un laboratoire souterrain de stockage définitif, d'où il sera possible de reprendre les combustibles irradiés pendant une durée de 80 ans correspondant au remplissage progressif du site.

L'effort de pédagogie auprès de la population est facilité par le fait que sont regroupés sur le même site d'une centrale nucléaire en activité, un dépôt à 100 mètres de profondeur de déchets B et, plus en profondeur, le futur site de stockage des combustibles irradiés.

M. Jean-Yves Le Déaut, député, vice-président, a appelé la CNE à préciser dans ses prochains rapports les quantités actuelles de déchets et les estimations pour l'avenir, l'adéquation du site de Bure pour le stockage de déchets, les options possibles pour les combustibles irradiés non retraités ainsi que les moyens de pallier un non-redémarrage de Phénix. M. Jean-Yves Le Déaut, député, vice-président, s'est en outre interrogé sur l'intérêt qu'il y aurait à reprendre les études sur le site de la « dent de Marcoule » pour la sub-surface.

En réponse à ces observations, M. Bernard Tissot, président de la CNE, a précisé que l'inventaire des déchets est en cours, suivant le protocole élaboré par le président de l'ANDRA et jugé satisfaisant par la CNE dans la mesure où il prend en compte les volumes réels, la limite de l'exercice étant toutefois représentée par le fait que le système repose sur la déclaration.

M. Jean-Paul Schapira, membre de la CNE, a ensuite précisé les modalités de fonctionnement du groupe de travail européen TWG sur les systèmes hybrides, dont les études sont soutenues par le 5e PCRD et continueront de l'être par le 6e PCRD. En tout état de cause, vers 2006, les éléments nécessaires à une prise de décision sur la réalisation d'un démonstrateur devraient être disponibles. Toutefois, l'engagement d'industriels comme Framatome, pourtant indispensable, risquerait de s'affaiblir si des options comme celle du plomb comme caloporteur étaient retenues, au détriment d'une option de gaz caloporteur qui permettrait une synergie avec d'autres filières comme celle des réacteurs à haute température qui intéresse tout particulièrement le constructeur. La priorité donnée actuellement aux réacteurs sous-critiques en raison de leurs caractéristiques de sûreté, de non-prolifération et d'incinérateur de déchets, ne doit pas faire oublier que d'autres options doivent être étudiées pour la transmutation, comme celle des réacteurs à neutrons rapides.

En réponse à une question de M. Claude Birraux, député, président, sur les projets espagnols de réalisation de réacteur sous-critique sur la base des brevets déposés par M. Carlo Rubbia, M. Juan-Manuel Kindelan, membre de la CNE, a précisé que cette tentative a été abandonnée, un tel projet ne pouvant être conduit qu'au niveau européen.

Commentant l'expérience finlandaise, M. Bernard Tissot, président de la CNE, a souligné l'intérêt de la co-localisation d'un site d'entreposage intermédiaire et d'un site de stockage définitif, ce qui permet de diminuer les risques liés au transport.

M. Ghislain de Marsily, membre de la CNE, a regretté que, pour le moment, un site d'entreposage à long terme ne soit pas recherché. Puis il a estimé que si le Parlement n'avait pas en 2006 suffisamment d'éléments pour décider la construction d'un laboratoire souterrain, il pourrait prendre une décision de principe, laissant à l'autorité de sûreté la responsabilité de dire, au final, si le site étudié pourrait convenir.

En réponse, M. Claude Birraux, député, président, a, au contraire, indiqué qu'il revenait au Parlement de donner éventuellement son accord à la construction d'un centre de stockage sur un site particulier, l'autorité de sûreté ayant ensuite la seule responsabilité de s'assurer que les modalités de mise en oeuvre respectent les règles de sûreté.

M. Christian Bataille, député, est ensuite revenu sur l'importance qu'il y a de trouver, à l'horizon 2006, même si ce cas n'appartient pas au domaine de la loi de 1991, une solution pour l'entreposage des combustibles irradiés qui ne font plus l'objet d'un retraitement, soit un tiers du tonnage déchargé des réacteurs chaque année.

En réponse à une question de M. Jean-Yves Le Déaut, député, vice-président sur la réduction de volume de déchets que pourrait apporter la séparation, M. Jean Lefèvre, membre de la CNE, a observé que la séparation des radioéléments dont le dégagement thermique est le plus élevé permettrait de réduire l'emprise du stockage géologique profond, puisqu'il est nécessaire d'espacer les conteneurs contenant les déchets dégageant une forte chaleur. A cet égard, un optimum doit être trouvé entre l'entreposage à long terme qui permet d'attendre un refroidissement et le stockage sans délai en profondeur.

Pour répondre à des questions de M. Claude Birraux, député, président, sur la séparation, M. Robert Guillaumont, membre de la CNE, a indiqué que la faisabilité scientifique des procédés de séparation du neptunium, du technétium, de l'iode et du césium était établie. L'année 2003 sera consacrée à l'étude de la faisabilité technique des procédés. La CNE a recommandé d'aller plus loin, d'étudier la faisabilité industrielle des procédés de séparation ainsi que les moyens de stocker les produits séparés en attente de transmutation. Par ailleurs, les molécules dites molécules cages mises au point pour la séparation des produits de fission, font l'objet d'adaptation pour la séparation des actinides mineurs.

Un débat s'est ensuite engagé sur les avantages et les inconvénients respectifs de la réversibilité et de la non-réversibilité. En réponse à une question de M. Claude Birraux, député, président, sur les éventuels surcoûts de la réversibilité, M. Bernard Tissot, président de la CNE, a estimé qu'une réversibilité accrue fait perdre en sûreté et en sécurité, à l'exception du cas où une reprise d'un colis endommagé ou mal aiguillé est nécessaire. M. Jean-Yves Le Déaut, député, vice-président, a observé, sur la base de l'exemple finlandais, qu'un stockage définitif à terme peut rester réversible pendant un long laps de temps, ce qui en fait la meilleure solution en termes de sûreté.

M. Claude Gatignol, député, vice-président, a estimé indispensable qu'on distingue soigneusement les solutions d'entreposage ou de stockage selon les types de déchets et s'est interrogé sur l'actualité de la sub-surface.

M. Bernard Tissot, président de la CNE, a indiqué qu'en tout état de cause, l'entreposage de longue durée présente l'avantage d'être peu contraignant et de permettre le refroidissement des colis avant le stockage en profondeur, d'où des économies de place considérables. La sub-surface dans des cavernes creusées dans des collines et accessibles par des galeries horizontales présente des garanties de sûreté importantes. Mais, au final, pour les déchets rebelles à toute opération de transmutation, le stockage en profondeur représente sans doute la meilleure solution.

Après avoir remercié la CNE pour sa contribution à l'information du Parlement, M. Claude Birraux, député, président, a levé la séance.