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OFFICE PARLEMENTAIRE D'ÉVALUATION DES CHOIX SCIENTIFIQUES ET TECHNOLOGIQUES (OPECST)

Mercredi 4 décembre 2002

- Présidence de M. Claude Birraux, député, président de l'Office.

Nomination de rapporteurs

L'Office a nommé, à l'unanimité des présents :

- M. Claude Saunier, sénateur, rapporteur sur la saisine émanant du Bureau du Sénat sur l'apport des nouvelles technologies à la sécurité alimentaire ;

- M. Alain Claeys, député, rapporteur sur la saisine émanant du Bureau de l'Assemblée nationale sur les conséquences des modes d'appropriation du vivant ;

- M. Jean-Louis Lorrain, sénateur et M. Daniel Raoul, sénateur, rapporteurs sur la saisine émanant du Bureau du Sénat sur nanosciences et progrès médical.

La durée de vie des centrales nucléaires et les nouveaux types de réacteurs - Examen de l'étude de faisabilité

L'Office parlementaire a ensuite procédé à l'examen de l'étude de faisabilité du rapport de M. Christian Bataille, député, et de M. Claude Birraux, député, sur la durée de vie des centrales nucléaires et les nouveaux types de réacteurs.

M. Christian Bataille, député, rapporteur,
a souligné l'opportunité de la saisine, qui s'inscrit à la fois dans la perspective de la préparation de l'examen en 2003 du projet de loi d'orientation sur l'énergie et dans la continuité des travaux sur la sûreté nucléaire conduits par l'Office depuis 12 ans au travers de 11 rapports, dont les deux tiers des recommandations ont été appliquées.

M. Claude Birraux, député, rapporteur, a souligné l'actualité et l'importance du problème du vieillissement des centrales nucléaires, aussi bien pour le parc mondial, qui compte 52 réacteurs en fonctionnement depuis trente ans au moins, que pour le parc électronucléaire français, dont plusieurs réacteurs vont atteindre leurs trente années de fonctionnement avant la fin de la décennie et subir une troisième visite décennale au terme de laquelle l'autorité de sûreté nucléaire décidera au cas par cas une éventuelle prolongation d'exploitation. L'exploitant EDF considérant pour sa part que la durée de vie de ses réacteurs est d'au moins 40 ans, il conviendra de faire un bilan des connaissances scientifiques et technologiques sur les processus complexes de vieillissement des composants des centrales nucléaires, d'examiner les programmes de recherche et de retour d'expérience au niveau international dans ce domaine et enfin d'évaluer les possibilités techniques et le coût de remplacement des différents composants des centrales nucléaires. L'autorité de sûreté s'attache certes à prévenir le vieillissement des installations en prescrivant un fonctionnement optimal des réacteurs, la surveillance et le remplacement de matériels les plus soumis à un vieillissement rapide. En outre, sa démarche de réévaluation de sûreté permet, dans la mesure de ce qui est possible techniquement, d'aligner la sûreté des réacteurs les plus anciens sur celle des plus récents. Mais s'agissant des méthodes utilisées pour autoriser la prolongation de la durée de vie des réacteurs, il sera utile de comparer les avantages et les inconvénients de l'approche française au cas par cas, liée aux enseignements de la troisième visite décennale, avec les approches en vigueur dans d'autres pays, en particulier aux Etats-Unis, où pour des centrales comparables, l'autorisation de fonctionnement de base est de 40 ans, avec des prolongations possibles pour 20 ans supplémentaires.

En tout état de cause, l'intérêt économique de maximiser la durée de vie des centrales nucléaires est clair, puisqu'une fois l'installation amortie, le coût de production du kWh devient encore plus compétitif. Mais il convient aussi de préparer le renouvellement des centrales arrivées en fin de vie en donnant à l'industrie nationale un volume d'activité suffisant et les moyens de proposer de nouveaux réacteurs compétitifs.

M. Christian Bataille, député, rapporteur, a ensuite souligné que les perspectives de marché pour le nucléaire dans l'Union européenne, apparemment réduites par l'abandon projeté de cette option en Allemagne et en Suède, pourraient, dans le sillage de la Finlande qui a récemment décidé de construire un cinquième réacteur, s'améliorer à terme, du fait des contraintes de la sécurité d'approvisionnement et de la lutte contre l'effet de serre. Par ailleurs, les Etats-Unis s'emploient actuellement à réunir les conditions nécessaires à la construction d'un réacteur opérationnel en 2010, tandis que la Russie et les pays de l'Est devront rapidement renouveler leur parc et en accroître la capacité. Marché déjà le plus dynamique, l'Asie devrait encore accélérer la croissance de son parc électronucléaire, compte tenu de l'augmentation de la demande d'électricité.

Par ailleurs, à l'issue d'un processus de concentration qui ne laisse subsister dans les pays de l'OCDE que trois constructeurs de réacteurs à eau légère, General Electric, Westinghouse-BNFL, Framatome ANP et un constructeur de réacteur à eau lourde, le canadien AECL, la concurrence pour l'offre de réacteurs devrait être considérable, renforcée encore à terme par les nouveaux pays nucléaires comme la Chine ou l'Inde. Le nombre de réacteurs nucléaires proposés étant d'ores et déjà important, il est indispensable d'analyser les évolutions techniques, de dégager les avantages, les inconvénients et les dates de disponibilité de chacun d'entre eux.

Il s'agira en conséquence de faire la différence entre réacteurs évolutionnaires et réacteurs révolutionnaires, et, par référence à une autre terminologie, de dégager l'intérêt respectif des réacteurs des Générations III, III+ et IV. En particulier, il sera particulièrement important de connaître l'état d'avancement de l'EPR (European Pressurised Water Reactor) et sa compétitivité par rapport à ses principaux concurrents à eau pressurisée AP1000 et VVER 1000 ou à eau bouillante ABWR et SW1000. Par ailleurs, alors que des efforts de recherche sont engagés au niveau international pour concevoir de nouveaux types de réacteurs encore plus sûrs, causant moins de déchets, modulaires et flexibles quant aux combustibles utilisés, il conviendra de déterminer si la date de 2030 annoncée pour leur mise en service pourra être respectée et si leurs coûts de production correspondants du kWh seront concurrentiels.

M. Claude Birraux, député, rapporteur, a ensuite donné une réponse positive sur la possibilité de réaliser le rapport demandé par la commission des affaires économiques, de l'environnement et du territoire, et a proposé un calendrier de réalisation permettant de verser les résultats obtenus aux dossiers du débat national et du projet de loi d'orientation sur l'énergie.

Dans le débat qui a suivi, M. Bernard Seillier, sénateur, ayant demandé sur quelles bases sont estimées les durées de vie des centrales nucléaires, M. Claude Birraux, député, rapporteur, a précisé que celles-ci résultent à la fois des caractéristiques de conception, de l'observation et de l'expérience. En tout état de cause, l'application du principe de précaution ne doit pas entraîner la négation de tout progrès technologique et de toute recherche scientifique. M. Christian Bataille, député, rapporteur, a par ailleurs souligné qu'EDF a prévu une durée de vie minimale de 40 ans, espérant toutefois rentabiliser ses réacteurs en les exploitant plus longtemps, compte tenu de l'excellent comportement du parc électronucléaire enregistré à ce jour. Certains exploitants nord-américains prévoyant pour leur part des durées de vie de 60 ans, l'allongement de la durée de vie devrait être possible, sous réserve, d'une part, de vérification des conditions de sûreté et, d'autre part, de la préparation de solutions industrielles pour le remplacement des anciens réacteurs par de nouvelles installations aptes à produire de l'électricité jusqu'à la fin du XXIe siècle.

A l'issue du débat, l'Office a autorisé, à l'unanimité des présents, les rapporteurs à engager leurs travaux sur la durée de vie des centrales nucléaires et les nouveaux types de réacteurs.